les Amis de Rabelais et de la Devinière (Tours) L'excursion de Maillezais et le déjeuner de Coulonges-sur-l'Autize 4 Mai 1958

L'excursion de Maillezais  et le déjeuner de Coulonges-sur-l'Autize  4 Mai 1958

Notre Association a dignement célébré le dixième anniversaire de sa fondation. Pour ce premier dimanche de mai, jour maintenant traditionnel de leur réunion annuelle, les Amis de Rabelais, délaissant « la benoîte Touraine », s'étaient donné rendez-vous au fond de l'ancien golfe des Pictons, sur ce tertre qui fut jusqu'au xve siècle l'Ile de Maillezais.

Un soleil radieux faisait briller les canaux de cette « Venise verte ».

A 11 heures, les gais compagnons affluent : caravane tourangelle conduite par le président Vivier, imposante troupe saumuroise animée par

Mme et M. Ca-couault, représentatif groupe chinonais avec MM. Correch,Pépin et Boucher. Ils sont accueillis par Me Hipault, l'érudit notaire

de Saint-Hilaire-la-Pallud, qui fera la présentation de ce haut-lieu où plane le souvenir de Rabelais.

Les Amis de Rabelais au bord du golfe de Maillezais  Le rempart de l'abbaye avec le brise-lame surmonté d'une échauguette Bâtiments claustraux du XIIIe siècle (réfectoire et dortoir des moines).

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Du célèbre monastère qui remonte à l'an 1000, érigé en évêché en 1317, il ne subsiste que des ruines : vestiges de l'église cathédrale aux cinq flèches de pierre représentative de quatre siècles d'art chrétien, mais notre cicérone reconstitue le plan de cet édifice qui nous apparaît dans toute sa magnificence.

Dans les bâtiments claustraux, nous pénétrons dans la plus belle cuisine monacale, octogonale à foyer central, où nous imaginons avec frère Jean « le bran-lement des broches, l'harmonie des contrehastiers, la position des lardons... Beati immaculati in via... ». Un escalier abrupt nous conduit à une cave voûtée, sanctuaire dont une légende a fait « le cachot de Rabelais » : cette histoire égrillarde, contée avec humour par l'ami Coutin, garde fort heureusement en ce lieu le souvenir de Maître François.

En 1523, la Sorbonne ayant interdit l'étude du grec, les zélés supérieurs cor-deliers de Fontenay-le-Comte fouillent les cellules des moines Pierre Amy et François Rabelais qui s'enfuient pour échapper «sains et saufs à l'embûche des far-fadetz ». Rabelais trouve asile chez les Bénédictins de Maillezais, accueilli par Geoffroy d'Estissac,abbé-évêque dudit lieu. Cet humaniste prend à son service ce Chinonais plein de verve et de vie.

Rabelais vit donc à Maillezais quelque temps. Il y voit le tombeau de «Geoffroy à la grant dent » (Geoffroy de Lusignan) « qui y est en image comme un homme furieux » et dont il fera un des ancêtres de Pantagruel.

Rabelais attaché à la personne de l'évêque de Maillezais entiché de bâtisse, suit son protecteur dans ses belles demeures et notamment à Coulonges-les-Royaux.

C'est là, sur les pas de leur Maître, qu'atterrissent les Amis de Rabelais, guidés par le renom d'une hostellerie justement réputée. Alors que des  archéologues impénitents allongent leurs pérégrinations culturelles vers Nieul, la plupart « brament de male rage de faim, ayant nécessité bien urgente de repaître, dents aiguës, ventre vide, gorge sèche, appétit strident » !

Quand tout le monde est à table, le Maistre des cérémonies Arsicaud, fort en verve, commente « la longue charte du. repatz ». « C'est matièrede bréviaire ». Avec les multiples « ramonerées de gouziers », les douleurs stomachales se calment et les convives peuvent aborder dignement les divers services d'un repatz pantagruélique. Chaque plat est salué de quelque extrait approprié de l'œuvre rabelaisienne si bien que la présence de Maître François est constante et vivante parmi ses disciples.

Le tout est « bien arrousé de breuvaige sempiternel ». Après avoir usé du vin gris du pays, vin de Pissotte, « nom digne du grand amuseur », les gais compagnons reviennent à leur terroir par cheminement naturel.

Certains d'entre eux, loués comme il convient par le meneur de jeu, ont fait « bonne munition de flaccons » de vin pineau, vin de taffetas de Rochecorbon, — de vin breton, vin vermeil de Chinon, Beaumont-en-Véron et Bourgueil. Avec « l'eau bénite de cave », issue du pays charentois, les harangues commencent.

MM. Vivier, Correch et Boucher font assaut de « propos de haulte gresse », lesquels sont fort applaudis et suivis de joyeux dires. Le folklore poitevin et berrichon est dignement mis à contribution par Mfl Hipault, excellent brioleux, et par le bon poète Jules Gilbert.

 Jamais réunion annuelle n'avait connu pareille ambiance. On fait venir céans l'Officier de bouche Maxime, « premier maistre ès ars du monde ».

Dans l'enthousiasme général, le président Vivier lui remet la distinction non pareille, voire exceptionnelle, de Compagnon de Rabelais.

 Les 70 convives « bien affenés et agrenés » se dirigent vers le château des Estissac dont le Coulongeois André Coutin fait la présentation. Puis les Amis de Rabelais se quittent après s'être donné rendez-vous à l'an prochain, en Saumu-rois, pour même fête et mêmes agapes.

Comme l'a dit le président Vivier : « Cette journée fut un pèlerinage de bonne humeur » vers celui que M. Correch a qualifié « du dernier desGaulois et premier des Français »,.

 ==> Visite du Musée Rabelais, Maison La Devinière

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