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PHystorique- Les Portes du Temps
21 mars 2018

Poème Pos vezem de novel florir de Guillaume IX d’Aquitaine (L’idéal courtois des troubadours : la fin’amor)

Guillaume de Poitiers (Guilhèm de Peitieus, Guilhem de Poitou, Guillaume de Poitiers, Guillems de Peitieus, (Guillaume IX d'Aquitaine), William IX of aquitaine)

Guillaume IX d'Aquitaine et l'idéologie troubadouresque. Remarques sur l'emploi des noms propres chez le « premier » troubadour

            https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1980_num_101_404_2036

Pos vezem de novel florir

Pos vezem de novel florir

Pratz, e vergiers reverdezir,

Rius e fontanas esclarzir,

Auras e vens,

Ben deu chascus lo joi jauzir

Don es jauzens.

 

Puisqu’on voit de nouveau fleurir

Les prés, et les vergers verdir,

S’égayer ruisseaux et fontaines,

Brises et vents;

Chacun doit donc goûter la joie

Dont il jouit.

 

 

D'amor non dei dire mas be.

Quar no-n ai ni petit ni re?

Quar ben leu plus no m'en cove!

Pero leumens

Dona gran joi qui be-n mante

Los aizimens.

 

D’amour je n’en dis que du bien:

N’en aurai-je ni peu ni prou?

Peut-être n’y ai-je pas droit.

Or aisément

Il donne grand joie à qui sert

Toutes ses lois.

 

 

A totz jorns m'es pres enaisi

C'anc d'aquo c'amei no-m jauzi;

Ni o farai, ni anc non ho fi;

C'az essiens

Fauc maintas ves que-l cor me di:

Tot es niens.

 

 

Toujours pour moi ce fut ainsi:

Quand j’aime, jamais n’en jouis,

Ni ne le pourrai, ni le puis;

Et bien conscient

J’y œuvre encor quand mon cœur dit:

«Tout est néant.»

 

 

Per tal n'ai meins de bon saber

Quar vueill so que non puesc aver;

E si-l reprovers me ditz ver,

Sertanamens

A bon coratge bon poder,

Qui-s ben sufrens.

 

Mais je n’en ai pas moins d’espoir

À vouloir ce qu’avoir ne peux.

Et le proverbe dit bien vrai:

«En vérité

À cœur vaillant rien d’impossible;

S’il sait attendre.»

 

 

Ja no sera nuils hom ben fis

Contr'amor, si non l'es aclis,

Et als estranhs et als vezis

Non es consens,

Et a totz sels d'aicels aizis

Obediens.

 

 

Nul ne sera bien accompli

En amour sans lui rendre hommage,

Sans être envers lointains et proches

Compatissant,

Sans porter à ceux de sa cour

Obédience.

 

Obediensa deu portar

A motas gens qui vol amar,

E cove li que sapcha far

Faitz avinens

E que-s gart en cort de parlar

Vilanamens.

 

Obédience à maintes gens

Il doit porter, qui veut aimer;

Il faut aussi qu’il sache faire

De belles choses

Et à la cour ne pas parler

Comme un vilain.

 

 

Del vers vos dic que mais ne vau

Qui be l'enten, e n'a plus lau:

Que-ls motz son faitz tug per egau

Comunalmens,

E-l sonetz, ieu meteus m'en lau,

Bos e valens.

 

 

Du chant, je dis qu’il gagne en prix,

Si on l’entend bien, et en gloire,

Car les mots sont tous à leur place

En harmonie

Et les sons, moi-même m’en loue,

Sont bons et riches.

 

A Narbona, mas ieu no-i vau,

Sia-l prezens

Mos vers, e vueill que d'aquest lau

Sia guirens.

 

 

A Narbonne, je ne vais pas

Mais que s’y rende

Mon chant, et je veux que son prix

Soit mon garant.

 

Mon Esteve, mas ieu no-i vau,

Sia-l prezens

Mos vers, e vueill que d'aquest lau

 

Mon Esteve, je n’y vais pas

Mais que s’y rendre

Mon chant, et je veux que son prix

Soit mon garant.

 

 

Guillaume IX, édition et traduction de Katy Bernard

 

Croisade de Guillaume IX le troubadour, grand-père d’Aliénor d’Aquitaine et premier poète connu en langue occitane.  <==

 

 


 

RETO R BEZZOLA, Guillaume IX et les origines de l'Amour courtois, dans Romania, t. LXVI, 1940, p. 145 à 237.

Cet article important est une étude très vivante de la vie et de l'oeuvre du troubadour, comte de Poitou, et du mouvement des idées qui ont, vers le début du Xlle siècle, pu donner naissance à ce que l'on appelle « l'amour courtois ». ,

L'auteur rappelle l'immense influence de Robert d'Arbrissel et l'importance que prit l'ordre de Fontevrault dans les régions de l'Ouest, cet ordre commun aux hommes et aux femmes, mais dont la clef de voûte était l'abbesse.

Société très aristocratique, Fontevrault devait voir entrer dans ses cloîtres un grand nombre de princesses et de nobles dames, célèbres par leur haute naissance autant que par leur beauté et dont beaucoup étaient les proches du poète : ses deux femmes successives et sa fille, sans compter la trop célèbre Bertrade de Montfort, femme du comte d'Anjou, Foulques le Réchin, pour laquelle le roi Philippe Ier avait bravé les foudres de l'Eglise.

Si licencieux et peu dévot que fût l'amant de Maubergeonne, il ne put s'empêcher d'être frappé de tels exemples ; l'importance donnée à la femme et l'éminente dignité à elle conférée dans la fondation du grand mystique s'imposait à la société entière au milieu de laquelle un idéal nouveau s'infiltre. A la brutalité va succéder une recherche de politesse ; les mœurs s'affinent et cet amour courtois dont Guillaume IX sera le premier chantre, tout en ayant subi l'influence du mysticisme religieux, cherche à se dégager de celui-ci par une recherche toute mondaine.

Cette thèse séduisante s'appuie sur une étude très attentive et un intéressant commentaire des œuvres de Guillaume le Troubadour qui peuvent l'éclairer. Elle complète et précise les travaux antérieurs de Richard et Jeanroy et ouvre des horizons très suggestifs.

Quelques lapsus, dus à ce que l'auteur n'est pas de la région, lui font confondre Saint-Hilaire-le-Grand avec la Cathédrale. C'est ainsi que Guillaume le Grand, qui, comme comte de Poitou, était de fondation Abbé du Chapitre Saint-Hilaire, put bien nommer Fulbert de Chartres trésorier de Saint-Hilaire, ce titre étant en réalité le plus élevé de ce chapitre, mais non trésorier de la cathédrale Saint-Pierre (p. 162 et 163).

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