Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PHystorique- Les Portes du Temps
23 août 2018

6 février 1626 - Règne de Louis XIII 17e siècle - Jour de la promulgation du décret de Richelieu contre le duel

6 février 1626 Règne de Louis XIII 17e siècle Jour de la promulgation du décret de Richelieu contre le duel

Les duels avaient coûté à la noblesse en vingt ans plus de 6.000 de ses membres les plus courageux. C'était devenu une sorte de folie épidémique. On se battait, non plus seulement pour une insulte, un fait outrageant l 'honneur, mais aussi pour un ruban posé de travers ou moins encore.

— Monsieur, avait dit Boutteville à un jeune gentilhomme récemment arrivé de sa province, j'ai appris que vous étiez un brave. Il faut donc que nous nous battions ensemble.

Et il l'avait tué, ajoutant un vingt-quatrième cadavre à sa « liste glorieuse ».

— Qui s'est battu hier? se demandait-on le matin. Qui s est battu ce matin? se demandait-on le soir.

Richelieu venait justement d'avoir le grand chagrin de perdre dans un duel son frère aîné, le marquis du Plessis. Cette mort fut pour lui comme un coup d 'éperon. Toujours il avait haï cette mode barbare des gens de Cour de terminer leurs plus futiles différends par la mort certaine de l'un des disputeurs. Son deuil lui fit se jurer d'être sans pitié pour ceux qui rougiraient inutilement l'herbe des prés et la fange des rues du plus noble sang de France.

Il demanda au roi de nouveaux et sévères édits condamnant à la peine de mort quiconque se battrait en duel. Les édits furent criés et placardés, et le peuple qui avait horreur de ces tueries approuva la décision royale.

Quelques jours après la parution de ces édits, le Roi vit entrer chez lui le Cardinal. Ses yeux sévères étaient pleins d'indignation.

— Sire, s'écria-t-il, savez-vous ce qui s'est passé en pleine place Royale sous les fenêtres du marquis de Chantal, à deux heures après midi.

— Non, fit le roi.

— Le comte de Boutteville s'est battu avec le marquis de Beuvron et le comte des Chapelles avec le comte de Bussy d'Amboise. A deux heures.

— Mais Boutteville n'était-il pas en exil?

— Oui, Sire. Mais il a su vos édits et, par bravade, il a parié qu'il viendrait se battre sous nos yeux, sous mes fenêtres!

— Et quel a été le résultat de la rencontre?

— Des Chapelles a tué son adversaire. Sur le point de s'entretuer, Boutteville et Beuvron ont eu un éclair de raison et se sont réconciliés. Tous trois se sont enfuis.

— Qu'allez-vous faire, Monsieur le Cardinal?

— Sire, les édits sont formels. La mort stupide sans utilité et sans gloire ne doit pas vous priver de vos meilleurs serviteurs.

 

Voici quelques passages caractéristiques à cet égard de l' exposé des motifs : «... Aussi , nous avons ( c' est le roi qui parle ) jusques icy recherché tous les moyens à nous possibles pour en arrêter le cours ( des duels ) par la terreur des peines

et châtiments exemplaires imposez à ce crime par nos precedens Edits . Mais , d' autant que la qualité desdites peines est telle qu' aucuns de ceux qui ont l' honneur d' approcher plus près de notre personne ont pris souvent la liberté de nous importuner

pour en modérer la rigueur en diverses occasions .....

« Nous , sans révoquer nos precedens Edits pour l' avenir , avons avisé et résolu d' établir et imposer nouvelles peines d' autant plus convenables aux fins que nous nous proposons , qu' estans moins rigoureuses , il sera moins loisible de nous requérir et importuner pour en décharger les coupables , qui n' en pourront jamais estre dispensez , pour quelque cause et par quelque voye que ce puisse estre . A ces causes ... nous avons ... remis , quitté , pardonné et aboli , remettons , quittons , pardonnons et abolissons les cas et crimes commis par cy devant contre nos dits Edits des duels et rencontres , remettons les coupables en leur bonne fame et renommée et en leurs biens , même ceux ou héritiers d' iceux contre lesquels seroient intervenus arrests de condamnation en nos Cours souveraines par défauts et contumaces , et imposons sur ce , silence perpétuel à nos procureurs generaux , leurs substituts et tous autres , sans préjudice toutefois des dons par nous faits , des confiscations à nous acquises et à la charge que ceux qui s' estant battus auront tué et sont encore à présent vivans , seront tenus de prendre lettres particulières d' abolition de nous , les faire enregistrer aux Parlemens et de satisfaire aux parties civiles , s' il y échet .... ».

 

La suite de l' édit atteste mieux encore des dispositions à la douceur ; c' est ainsi que la peine de mort ne sera prononcée que contre ceux qui auront transgressé la volonté royale à deux reprises , que le tiers seulement des biens des duellistes sera confisqué , que , d' une façon générale , une plus grande initiative est laissée aux juges pour les sentences à rendre , suivant « l' atrocité des crimes et circonstances d' iceux . » C' est Richelieu , le maître absolu , qui avait imposé cette manière de voir . Rien n' est plus curieux que de lire dans ses Mémoires les arguments par lesquels il justifie ce retour ( qui , de sa part , ne fut que momentané ) à l' indulgence : « La vraie , primitive et fondamentale raison est parce que les rois ne sont point maîtres absolus de la vie des hommes , et par conséquent , ne peuvent les condamner à la mort sans crime ; ce qui fait que la plupart des sujets des querelles n' étant pas dignes de mort , ils ne peuvent en ce cas permettre le duel qui expose à ce genre de peine . Qui plus est , quand même une offense seroit telle que l' offensant meriteroit la mort , le prince ne peut pour cela permettre le combat , puisque le sort des armes étant douteux , il expose par ce moyen l' innocent à la peine qui n' est méritée que du coupable ; ce qui est , de toutes les injustices , la plus grande qui puisse être faite . Les rois doivent la justice déterminément, e , par conséquent , ils sont obligés de punir les coupables , sans péril et hasard pour l' innocent . Si Dieu s' étoit obligé de faire que le sort des armes tombât toujours sur le coupable , on pourrait pratiquer cette voie , mais puisqu' il n' est pas ainsi , elle est plus que brutale

pour la raison susdite .....

« Il ( c' est Richelieu qui parle ainsi de lui-même ) conseilla donc au Roi de ne permettre jamais les duels pour quelque cause que ce soit , de ne les laisser pas impunis , mais de les punir d' une autre façon que l' on avait fait par le passé , savoir est d' une peine plus douce , puisque la rigueur des peines des autres édits les avoit rendus inobservables . Suivant ce conseil , l' édit fut dressé qui portât que pardonnant , en considération du mariage de la reine de la Grande-Bretagne , à tous ceux qui avoient appelé , ou s' étoient battus jusqu' alors , ayant au préalable satisfait à la partie civile , le Roi ordonnoit qu' à l' avenir ceux qui appelleroient ou se battroient demeureroient dès lors privés de toutes leurs charges s' ils en avoient , auxquelles il seroit pourvu et pareillement déchus de toutes les pensions et autres grâces qu' ils tiendroient de Sa

Majesté , sans espérance de les recouvrer jamais .....

« L' effet a montré combien , d' une part , la modération de la peine , et de l' autre l' inflexible fermeté à n' en exempter aucun ont été profitables , vu que depuis ce temps cette fureur qui étoit si ardente s' est ralentie , et il ne s' est quasi plus entendu parler de duels ».

Ceci est écrit à la date de 1 6 2 6

 

Richelieu / par Gisèle Vallerey ;

17e siècle. Règne de Louis XIII - Jour de la promulgation du décret de Richelieu contre le duel :  G. Doré

 

Histoire du droit en France - Conflits et justice  <==

 

Publicité
Commentaires
PHystorique- Les Portes du Temps
Publicité
Publicité