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PHystorique- Les Portes du Temps
26 décembre 2018

Portus Condatensis (Candes Saint-Martin) au fil du temps, au fil de la Loire et de la Vienne.

Portus Condatensis (Candes Saint -Martin) au fil du temps, au fil de la Loire et de la Vienne

Aux confins de l'Anjou, à l'endroit où la Loire entre dans le département; nous trouvons à Candes le confluent de la Loire et de la Vienne.

Ménage pense que ces deux rivières s'unissaient originairement à Candes; mais, dit-il (I), à l'endroit de jonction, la rapidité des eaux souleva, avec le temps, de grandes masses de sable qui séparèrent ces deux -rivières, qui ne s'unirent ensuite qu'au-dessous de Saint-Maur, jusqu'à ce que les masses, étant déplacées, elle  reprissent , comme de nos jours, leur ancienne jonction près de Candes, et coulassent comme aujourd'hui dans un lit commun. C'est ainsi que s'exprime Ménage, et son explication doit paraitre naturelle à quiconque a pu juger par lui-même des changements que la Loire occasionne même annuellement dans son cours.

1) Grégoire de Tours, liv.IV, p. 215. ( Bib. ville); commencement du VIe siècle.

Pour montrer que de grands bouleversements ont dû s'opérer parfois dans le cours-de la Loire, nous croyons opportun de citer ici un texte de Grégoire de Tours qui m'a paru frappant :  Anno  quinto Childeberti regis , Arvernam regionem diluvia magna presserunt ilà ut per dies duodecim non cessaret à pluvia,  quae Inundatione Limane flumina  quoque Liger Flavaris quae Elacrum vocitat vel reliqui torrentes percurrentes in cum ità  intumuerunt ut terminos quos nunquàm excesserat praeterivit. »

 

La Loire avait été assez forte pour déterminer sa séparation d'avec la Vienne en soulevant des masses de sable, lui était-il aussi facile d'enlever les causes de désunion et d'opérer sa jonction ? nous ne le pensons pas, car il nous semble que lorsque la Loire eut coulé pendant quelques centaines d'années dans la vallée où elle s'était creusé un lit, eue eut besoin d'être aidée par la main de l'homme pour revenir sur la Vienne, et sa jonction n'a guère pu s'opérer que par le, moyen des levées.

Je ne puis imaginer comment une grande crue arrivée dans la Loire aurait pu enfler ses eaux de manière à la précipiter, comme par enchantement; dans le lit de la Vienne pour ne plus jamais s'en séparer. La crue passée, qu'aurait- il pu arriver ?

La Loire, lors de sa séparation d'avec la Vienne, trouva une voie toute tracée dans le lit que suivait la petite rivière d'Authion, qui déchargeait presque dès sa source ses eaux dans la Loire ; avant l'établissement des levées, aussi se précipita-t-elle sur la pente de l 'Authion, qu'elle confondit dans son cours.

Or, l'Authion, de Bourgueil près duquel il prend sa source jusqu'à l'endroit où il se jette dans la Loire, coule aujourd'hui en parcourant la vallée, suivant tellement la marche de la Loire qu'il ne s'en écarte jamais guère plus d'une demi-lieue, et comme il touche encore précisément les endroits indiqués par les auteurs comme étant autrefois baignés par la Loire, il s’ensuit donc rigoureusement que la Loire baignait autrefois ces mêmes lieux, coulant avec l'Authion qui, seul aujourd'hui n'est plus suffisant pour combler son lit que la Loire avait creusé et élargi.

La Vienne étant arrêtée dans le même lit où elle coulait autrefois avec la Loire, celle-ci la suivait presque parallèlement depuis la séparation. Le cours de la Loire a donc été le même que celui que nous voyons à l'Authion; mais l'Authion ne passe pas auprès de la ville d'aujourd'hui, il longe au contraire le groupe d'habitations que l'on nomme maintenant Saint-Pierre-du-Lac.

 

Portus Condatensis (Candes Saint -Martin) au fil du temps, au fil de la Loire et de la Vienne (5)

Or, au VIe siècle, la ville dont parle Grégoire de Tours se trouvait sur la Loire, tandis que Beaufort est distant, comme nous l'avons dit, d'une demi-lieue de l'Authion qui se confondait, à cette époque, avec la Loire; il faut donc nécessairement entendre ce que dit l'historien de la ville où il a navigué, de Saint-Pierre-du-Lac, et c'est une raison de plus pour croire que la ville actuelle descend de celle des premiers siècles et n'existait pas encore au VIe; surtout si l'on considère qu'il est fort possible que dans les temps postérieurs à l'évêque de Tours les traducteurs aient attribué à la ville nouvelle , l'ancienne n'existant plus, ce que dit Grégoire: qu'il a été sous les murs de Beaufort, naviguant sur la Loire.

Avançons …. Au Vie siècle la Loire coule avec l'Authion en traversant la vallée qu'elle inonde au temps mauvais, malgré les travaux que l'on a faits sans doute pour éloigner l'Authion et prévenir les débordéments. Les choses restèrent longtemps peut-être dans cet état. Tout le terrain situé entre la Vienne et la Loire, depuis le pays d'au-dessus de Saumur jusqu'à deux ou trois lieues au-dessous de Saint-Maur, et dont sans doute la plus grande partie était encore inculte, se trouvait souvent submergé lors du débordement des eaux,

Dès le commencement du IXe siècle, Louis le débonnaire, jaloux de mettre à profit un plan conçu par Charlemagne, et à l'exécution duquel s'attachaient de très - grands intérêts, entreprit de préserver la vallée , par des digues, des ravages accoutumés, Il poussa les travaux avec activité et bientôt des turcies, construites sur les parties basses du lit de la Vienne, empêchèrent que, dans l'hiver, les eaux de cette rivière débordée se réunissant à la Loire ne la gonflassent et ne produisissent des inondations.

Les travaux que nécessitait cette grande entreprise et auxquels s'employaient les soldate; du roi et les seigneurs avec leurs vassaux, les laboureurs eux-mêmes, qui recevaient en récompense les terres qu'ils pouvaient sauver des eaux dans  le voisinage des parties de la levée qu'ils gardaient et fortifiaient; ces travaux, dis-je, durent se prolonger pendant bien des années, et la Loire, conservant son cours, Saint-Pierre-du-Lac devait continuer à jouir des avantages de sa position, de son port, de son commerce; mais, au XIe siècle, une partie de la population de Saint-Pierre alla se mettre sous la protection du château que Foulques-Nerra bâtissait au lieu où se trouve Beaufort , et chercher auprès de la ville que le comte élevait, des terres dont la culture la dédommagerait de la perte de son port, la digue qui devait couper la Loire pour la rejeter sur la Vienne au point où elle la quittait, étant près d'être terminée, quoi que la levée dût , pendant longtemps encore, exiger des travaux presque continuels.

A cette époque, un grand nombre de populations du littoral éprouvant également les inconvénients de l'éloignement du fleuve, il dut y avoir de grands déplacements , et Foulques ne dut peut-être le surnom de grand bâtisseur qu'au besoin qu'il sentit alors de bâtir des villes pour servir d'asile à tous ceux dont l'existence était forcément  modifiée.

Il est dit que Foulques-Nerra passa la Loire et la Vienne pour aller assiéger Saumur, que le départ de Gelduin, qui était allé secourir le comte Eudes, avait dégarni d'hommes et mis hors d'état d'opposer une résistance efficace. Il est sûr aussi que Foulques-Nerra conduisit sur la Loire jusqu'auprès de Beaufort, les matériaux nécessaires pour les constructions qu'il y entreprenait.

En 1040, au temps de Geoffroy-Martel qui mourut en 1060, et en 1090 sous Foulques Rèchin , comme on le voit d'après un cartulaire de l'abbaye de Saint-Maur-des-Fossés, la Vienne et la Loire n'étaient pas encore réunies; car ce cartulaire nous parle de l'ile Saint-Jean, île qui se trouve devant le monastère, comme étant entre la Vienne et la Loire, ce qui n'aurait pu se dire si les deux rivières avaient été réunies.

Un titre du prieuré de l'Esvières d'Angers écrit sous Geoffroy-Marlel, parle de l'église de Mazé comme étant sur la rive de la Loire: ex alterâ parte ejusdem fluminis (Ligeris) œdifiecârunt ecclesiam Maziaci in honorera sancti Petri, Ces citations nous prouvent qu'au XI° siècle la Loire suivait encore l'Authion; mais des litres aussi authentiques que ceux que nous venons de citer, nous montrent que ce fut du  XIe  au XIVe siècle que la Loire envahit le lit de la Vienne d'une manière définitive.

L'auteur de la vie de saint Florent, qui écrivait dans la seconde moitié du XIe siècle, dit aussi, d'accord avec les titres dont nous avons parlé, que Saumur se trouvait sur la Loire; mais si nous n'avions d'autres témoignages contemporains plus précis, nous ne pourrions conclure de l'assertion de cet auteur que Saumur ne fût pas aussi sur la Vienne, et que la jonction des deux rivières ne s'opérât alors qu'au-dessous de Saumur: car il suffirai  après sa jonction de parler de la rivière principale, et même assez loin de Candes, on nomme encore Vienne le côté gauche de la Loire où les eaux de la Vienne, entraînées par leur poids et le mouvement acquis, semblent longtemps refuser de se fondre avec celles du fleuve qu'on a contraintes, par des levées; de couler avec elle; et cela est si vrai qu'à Saint-Maur même les gens les moins exercés peuvent encore reconnaitre aux eaux de la rive gauche une couleur et une saveur différentes , quoique le sol soit le même presque partout dans toute la largeur.

 

 Pour le XIIe siècle, je crois, avec un auteur estimable, que Henri Il, roi d'Angleterre et duc d'Anjou, a presque termine la digue, desséché la vallée, abattu les forêts, et que c'est à cette époque qu'il faut faire remonter du moins dans leurs parties les plus anciennes, plusieurs les églises de la rive droite de la Loire.

On possède même une charte où Henri Il accorde des privilèges à ceux qui habitent auprès des turcies, qui les gardent et les réparent.

Celle charte (1), adressée omnibus hominibus et fidelibus, semble indiquer qu'il n'y avait plus qu'un grand fleuve et, de plus, que la route romaine qui allait d'Angers à Tours existait encore. Nous sommes heureux de pouvoir faire celte observation, car on ne peut pas prendre la roule dont parle Henri Il pour la levée même, qui n'était pas praticable, puisque le comte demandait des secours pour la garder et la fortifier.

 

(1)    charte de Henri II. «Qui de Valaeâ  bona accipiebant, ipsi vero in praesentiâ meâ concesserunt quod omnes homines sui qui  manere solebant inter viam Andegavos etl Ligerim ad turcias venirent, exceptis millLibus et servientibus feodalibus. » u Ceux qui ont reçu des biens de la Vallée ont consenti en ma présence à ce que tous leurs hommes, qui demeuraient entre la route d'Angers et la Loire, les soldats et les serviteurs féodaux exceptés, vinssent aux turcies. Ceux qui avaient reçu des terres étaient des grands; ils avaient leurs hommes, qui étaient leur propriété, leur chose. Leurs valets étaient privilégiés.

 

 

Candes-Saint-Martin - Le village préféré des Français 2016

Dès 1232, Guillaume le Breton écrivait que la levée était tellement achevée que la Vienne  confondue avec la Loire, perdait déjà, à Saumur, son nom et son cours : jam demonstratum est Vignenam non prius nominis sub cursêsque proprietatem amittere quam sub pontibus ipsis Salamuriensibus ipsis ; (cent ans plus, tard, en 1317, Brain était dit être sur l'Authion); témoignage qui a avec celui de l'auteur de la vie de saint Florent une parfaite conformité; aussi nous ne pouvons -nous empêcher de regarder comme démontré que la levée qui fut commencée au IXe  siècle et qui eut, sous Philippe-Auguste, une grande extension, fut terminée dans la première moitié du XIVe  siècle.

Sur l'époque où la Loire s'est séparée de la Vienne, sur le temps qu'elle a marché seule, l'histoire n'a rien affirmé; seulement, ce qui est certain, c'est qu'au VIe siècle, au temps de Grégoire de tours, la Loire coulait dans le lit actuel de l'Authion, la séparation étant déjà faite peut-être même bien avant l'occupation romaine; et pour revenir, la proximité du fleuve aura sans doute été une raison puissante  pour déterminer les Romains à choisir Saint-Pierre, pour y asseoir leur camp, car ils tenaient à s'appuyer sur une rivière et, de plus, la position était commode, se liant facilement avec les stations qu'ils avaient formées à Gennes et aux Ponts de Cé.

Portus Condatensis (Candes Saint -Martin) au fil du temps, au fil de la Loire et de la Vienne (13)

Condatensis vicus diœcesis (encore employé avec le sens de paroisse). Il y a une quantité considérable de localités au confluent des moindres cours d'eau qui portent le radical Conde changé aujourd'hui en Cande, Candes ou Condé et qui, dans la langue celtique, répondait aux Confluentes Conflans, Coblente, des Latins. Ici ce mot a pris la forme Candes.

C'est le fameux bourg, au confluent de la Vienne et de la Loire, où mourut saint-Martin.

 Au IVe siècle, le confluent de la Vienne et de la Loire était à Sorgues : un texte de Grégoire de Tous ne laisse pas de doute à ce sujet en disant que les disciples de Saint-Martin, après sa mort, placèrent son corps dans un bateau, descendirent la Vienne, entrèrent dans le lit de la Loire et se dirigèrent vers Tours.

 

 

Une ville d'Anjou par l'abbé Pau

La Loire et les fleuves de la Gaule romaine et des régions voisines <==

De virtutibus sancti Martini, Vie de Saint Martin de Tours <==

 8 Novembre 397: Mort de Saint Martin de Tours à Candes, les Tourangeaux dérobent le corps aux Poitevins<==


 

 

Charte d'Henri II Plantagenêt pour les levées de la Loire et des Turcies

Le douzième siècle doit être considéré comme une époque mémorable pour Saumur et la Vallée d'Anjou. C'est vers le milieu de ce siècle [1150] qu'une grande crue de la Loire, secondée peut-être par la résistance de petites digues déjà élevées sur la rive droite, vint en changer le cours et le fixer pour longtemps.

Le comte d'Anjou, Henri II, roi d'Angleterre (36), vint à Saumur dix à douze ans après ce grand évènement (1161]. Il avait été plusieurs fois témoin des malheurs causés par les inondations fréquentes de la Loire et des autres rivières; il prit la résolution d'y remédier.

Ce prince crut avec raison que l'un des meilleurs moyens était d'achever promptement la Levée, et que pour y parvenir il fallait la peupler ainsi que la Vallée. Il fit venir des troupes qu'il obligea à travailler avec les habitants, et , pour les attacher au pays , il leur accorda plusieurs privilèges , et les dispensa du service militaire lorsque leurs bras seraient indispensables aux travaux des Levées.

L'ordonnance qu'il rendit à cet effet dans la prairie de Saint-Florent mérite d'être connue ; l'original, écrit en latin, était autrefois dans les archives de l'abbaye de Saint - Florent (37), en voici la traduction :

 

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