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PHystorique- Les Portes du Temps
9 mai 2019

An Mil Talmont Saint Hilaire - Les premiers Seigneurs du Poitou contre L’INVASION DES NORMANDS (Les Forteresses de la Mer)

LE TALMONDAIS AU XIe SIÈCLE INVASION DES NORMANDS

Le Camp antique, carolingien, est cité vers 1020 sous le nom de Talamondum Castrum. Le nom de Talamontus (Charte de 1035), est fourni par le Prieuré de La Roche-sur-Yon.

On a beaucoup discuté jusqu'à ce jour, pour savoir si ie nom de Talmond venait de Talus montis, Talus mumli, des deux mots celtiques Tal, qui veut dire élevé, et Mon, courbure de rivière ; du mot grec Tala, qui se traduit par grand, ou enfin de la forme étalée du mont sur lequel a été élevé le premier castrum. Nous n'avons nullement l'intention de descendre dans la lice à ce propos,

Non licet inter nos tantas componere lites !

et de rompre une ou plusieurs lances avec des savants beaucoup plus érudits et plus experts que nous en la matière : nous tenons ces diverses étymologies comme également admissibles, et nous espérons ainsi conserver .les bonnes grâces de tout le monde (2). Passons au fait !

La contrée qui nous occupe, portait au XIe siècle la désignation générale de Talmondais, du nom d'une petite ville bâtie sur les confins d'un marais accessible aux bateaux. Ce lieu était d'origine ancienne, car ce n'est pas dès les premiers jours de sa fondation qu'une localité peut donner son nom à tout le pays qui l'environne, et partageait avec Brem, également non loin de la mer, le siège d'une viguerie.

Maintenant, pourquoi écrivons-nous le nom de Talmond avec un d, plutôt qu'avec un t. D'abord parce que les anciens le faisaient généralement ainsi, et ce serait, il nous semble, une raison suffisante : ensuite parce que l'on dit le Talmondais et non le Talmontais; enfin, parce qu'il ne nous a pas paru désagréable, en vrai Français que nous sommes, sans être de Paris, de ne pas faire comme l'Administration qui a adopté, sans la contrôler, une orthographe vicieuse.

Les Normands et les Danois, trouvant dans les rivières qui se déversent de ce pays dans l'Océan des voies libres et relativement propices à une invasion, ne purent résister à une aussi agréable tentation (3). Aussi s'en offrirent-ils le bénéfice, beaucoup trop souvent malheureusement pour les habitants voisins de nos côtes ; le coup fait, ils se retiraient dans leurs repaires, aux embouchures du Lay ou de la Sèvre-Niortaise.

An Mil- Les premiers Seigneurs du Poitou contre L’INVASION DES NORMANDS 2

En effet, à cette époque, il existait en France peu ou point de places fortifiées. Pour se garantir de ces terribles bandits, on creusait des camps retranchés, à l'instar de ceux des Romains, qu'on entourait de larges fossés et d'un rempart en terre, couronné de palissades ; et, c'est en se groupant, au moment du péril, à l'intérieur de ces faibles ouvrages qu'on pouvait parvenir à résister, tant bien que mal, au premier choc des envahisseurs. (Motte Castral)

A l'une des extrémités de ces espaces clos, qu'on appelait basse-cour, quelquefois même au centre était disposée une motte naturelle ou artificielle, sur laquelle s'élevait une tour carrée ou ronde, en pierres ou en bois, servant de dernier refuge aux combattants, et prenant déjà le nom de donjon.

Nous avons été entièrement fortifié dans cette première et d'abord fugitive impression, par un texte trouvé beaucoup plus tard, dans le cours de nos études.

On lit, en effet, dans les comptes de la principauté (1417-1418), rendus au seigneur d'Amboise, prince de Talmond : « De XXVe s. de servinge que avait acoustume paier Gilet Simes à cause de Jehanne Martelle sa femme, héritière des Coiaux, à  la ditte feste de Noel, sur la mothe auprès de la cohue et les dohes appartenant à la ditte mothe.... (4) »

Or, on sait qu'à cette époque les halles ou cohues, se trouvaient construites en face de cet ouvrage et à cheval sur la route qui conduisait de l'église Saint-Pierre à celle de l'abbaye ; la motte et les douves dont il est ici question sont bien celles que nous supposions avoir existé en visitant le terrain pour la première fois.

Il y a donc lieu de considérer cet amas de terre comme la première forteresse de Talmond, et même de faire remonter son origine jusqu'à l'époque de l'occupation romaine, car des monnaies impériales ont été retrouvées à quelques pas de là, dans l'ancien cimetière de l'abbaye de Sainte-Croix, et sur plusieurs autres points voisins, dans la haute ville (5).

Ce refuge n'était pas seul, du reste, dans la contrée; ainsi, avant la fondation de l'abbaye de Maillezais, on voyait dans les environs de celle-ci, à la fin du Xe siècle, une enceinte élevée par les soins des comtes de Poitou et destinée à arrêter les Normands ;

tout porte à croire également que la motte de Talmond fut aménagée à nouveau sous leurs ordres. Le tertre naturel, sur lequel a été bâti le petit château-fort de Brem, qualifié de oppidum dans les vieilles chartes, possède la même origine, et a été primitivement disposé pour lutter contre les pirates du Nord. Il en fut de même du château de Curzon.

Charlemagne, ayant partagé son empire en grandes provinces, les confia à ses lieutenants ou à ses fils. Celles-là possédaient une vie indépendante et ne faisaient partie de la France que par leur position géographique en Europe.

Le Poitou, une de ces divisions, qui embrassait le territoire de trois de nos départements, était déjà beaucoup trop vaste pour être administré et surtout défendu par un seul maître, fragile successeur du grand empereur, et résidant à Poitiers.

Autour de la capitale, le pays pouvait bien vivre et lutter avec quelques succès, mais aux extrémités, aux confins de l'Océan, tout était inculte et abandonné au pillage du premier ennemi assez audacieux pour y débarquer.

Aussi vit-on se fixer de tous côtés, nombre de petits seigneurs, qui, installés par les comtes, dont ils étaient en général les compagnons d'armes, eurent la faculté et même le devoir de se créer des ressources sur les domaines à eux confiés sous certaines conditions. Leur préoccupation naturelle, pour s'y maintenir et s'y défendre, fut, en conséquence, d'élever quelque tour sur le roc le plus escarpé qu'ils trouvèrent dans les limites de leur domaine ; les petites gens accoururent ensuite d'eux-mêmes pour leur demander protection.

Telle fut partout l'origine de la féodalité.

 

Guillaume IV, dit Fier-à-Bras, alors comte de Poitou et duc d'Aquitaine, avait failli, en 1018 ou 1019, être victime d'une embûche qu'avaient dressée contre son armée les Normands débarqués depuis peu à l'embouchure du Lay, près de Saint-Michel-en-l'Herm.

An Mil- Les premiers Seigneurs du Poitou contre L’INVASION DES NORMANDS

Voici comment Besly raconte cette aventure (6) :

« Une grosse flotte de Normans ou payens de Dannemarc descendit en Guyenne,  pensans destruire le pays à l'exemple de leurs prédécesseurs. Le duc sur l'advis qu'il en eut, despécha promptement çà et là, ès terres de son obéissance, pour faire assembler les évesques, le clergé et le peuple afin de vacquer à jeusnes et oraisons. Lui cependant mit la main à l'œuvre, et avec une gaillarde armée, un soir du mois d'aoust, entre chien et loup, s'en alla loger près du camp des infidèles, non loing du rivage de la mer.

An Mil Talmont Saint Hilaire - Les premiers Seigneurs du Poitou contre L’INVASION DES NORMANDS (Les Forteresses de la Mer)

« Eux espouvantez d'une si brave résolution jugèrent avoir plus besoin d'artifices que de forces pour se dégager d'un pas si dangereux ; tellement que toute la nuit à leur mode accoustumée, ils creusèrent des fossés et tranchées qu'ils couvrirent dextrement avec des brossailles et gazons par dessus. Le duc, monté à cheval de bon matin, comme lui et les siens, à la teste desquels il marchait, eussent donné des espérons droit vers les ennemis, il ne faillirent de tomber dans les embuches : les premiers renversés par terre furent faits prisonniers : les derniers s'apercevans de la ruse abandonnèrent les destriers, mais un peu bien tard. Le duc même, rencontrant un fossé, tomba dedans, tout aussi pesamment arme comme il estoit, et sans une grâce spéciale de Dieu qui le tenoit ordinairement en sa garde, et alors lui donna l'entendement et la force de remonter vigoureusement en haut et se rallier à sa troupe, sans doute il tomboit en la puissance des barbares, qui tendoient déjà les mains sur sa personne. L'on trouva bon de cesser la meslée pour ce jour, de crainte que les prisonniers, qui estoient les principaux de la noblesse, ne fussent impiteusement massacrés à la chaude, entre la peur et le désespoir des ennemis. La nuit venue, avec le reflus de la marée, incontinent que les vaisseaux se trouvèrent à flots, les payens levèrent l'ancre, et gagnant le haut, se garantirent pour cette fois et désormais donnèrent patience à la Guyenne, où depuis ils n'osèrent plus retourner. Le duc employa libéralement ses trésors pour racheter les captifs et les mettre en liberté (7). »

Tout porte à croire que le futur seigneur de Talmond faisait partie de cette gaillarde armée, dont parle J. Besly, qui eut à repousser les Normands pour la dernière fois du territoire poitevin.

Guillaume peu rassuré toutefois pour l'avenir pouvait craindre leur retour offensif, et il est à peu près certain que la création du fief de Talmond fut une des conséquences de cette équipée (8).

Le premier sire du lieu fut donc le chef d'une bande armée qui rendit des services au comte et reçut en récompense une notable partie du pays situé sur le littoral de l'Océan. Malheureusement les documents écrits ne nous apprennent pas très exactement comment et à quelle date, le nouveau titulaire prit possession de son territoire; on sait seulement, que ce fut dans les environs de 1020, car on trouve son nom, pour la première fois, dans un document de l'abbaye de Saint-Cyprien, rédigé à cette époque, et une deuxième fois, dans une charte de Saint-Jean-d'Angély, peut-être un peu antérieure (9).

On est, au commencement de ce récit, à une époque où, malgré les prédictions pessimistes, l'univers vient d'échapper au cataclysme qui devait l'engloutir ; le soleil s'est encore montré au-dessus de l'horizon, le premier

jour de l'année1001; le courage renaît avec impétuosité dans les cœurs de ceux qui, se croyant à la dernière heure, et dédaignant les biens de la terre, les avaient distribués à l'Église, pour en acquérir de meilleurs et de plus sûrs dans un autre monde.

 

Les populations du Bas-Poitou, toujours très croyantes, tiendront donc à remercier le Dieu qui les a laissées vivre, et, quoique l'excessive ferveur religieuse des derniers temps fût un peu apaisée, leur dévotion se tournera encore vers le monastère.

Elles chercheront la protection et la force là où elles résident, et elles iront se grouper autour de l'abbaye et de la forteresse, aux pieds de la Religion et de la Féodalité.

On vit alors de tous côtés s'élever des couvents et des manoirs fortifiés, partout régner, et quelquefois sans parfaitement s'entendre, deux pouvoirs rivaux, le seigneur féodal et l'abbé.

Au nombre des fondations pieuses des siècles précédents telles que Noirmoutier, Maillezais, Saint-Michel-en-l'Herm, Luçon et bien d'autres, vinrent s'ajouter: Sainte-Croix-de-Talmond, Moreilles, Orbestier, Jard, Bois-Grolland, les Fontenelles, Fontaines, Angles, etc...

 

 

 

 

....==> Les premiers seigneurs de Talmont Saint Hilaire

....==> Voyage dans le Temps des Chevaliers du Poitou ; DESCRIPTION DE LA VILLE DE TALMONT SES CHATEAUX

....==> An 1098, le seigneur de Talmont Vassal de Guillaume IX, duc d’Aquitaine tranche un litige religieux dans le marais d'Angles

 

 

 


 

voir aussi ==> les Northmans (Vikings) sur l’île d’Her (Noirmoutier) Abbatiale bénédictine d' Hilbodus, abbé de Saint-Philibert

==> Saint Philibert de Jumièges, de Tournus, de Noirmoutier (de-Grand-Lieu ) Vikings et Puy du Fou

==> L'abbaye de Saint Michel en l'Herm

Emma de BLOIS (D’Aquitaine) est enlevée par des Normands lors d'un voyage vers l'abbaye de Saint-Michel en L'Herm<==

==> Ducs d' Aquitaine et Comtes de Poitou et plus

==> Maillezais - Guillaume III Tête d'Etoupe, duc d'Aquitaine et comte de Poitiers

==> Les Forteresses de la Mer

==> 1020 -2020, le Millénaire du Talamondum Castrum (château de Richard Cœur de Lion) - Talmont Saint Hilaire

==> Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou


 

 

(1) Le premier chapitre de cet ouvrage a été publié dans la Revue du Bas-Poitou et le deuxième dans l’Annuaire de la Société d'Émulation de la Vendée, année 1895.

(2) Il y a des noms de lieux auxquels on ne peut pas assigner une étymologie, parce que l'éloignement des temps ne permet pas toujours de connaître les circonstances qui se sont rattachées à leur édification. C'était une manie très répandue, il y a quelques siècles, de vouloir qu'une localité bâtie eut toujours un nom dérivé, soit d'un fondateur, soit de l'aspect du terrain. Souvent, cependant, il n'en est rien, et bien des noms sont dûs il des raisons bien plus futiles. Ad. de Valois (notitia Galliarum, p. 577) voit dans Talmond le nom de son possesseur. Nomen viri proprium Talemundus.

(3) Eo tempore infinita multitudo Normaonorum ex Danamarcha et Iresca regione cum classe innumera appulerunt portum Aquitanicum.

Et sicut parentes egerant, conati aunt omnem Aquitaniam desertare et captivare.

 Itaque dux fortissimus Willelmus mandat ubique per episcopos, ut suaderent plebem Domini auxilium cum jejuniis et letaniis implorare. Ipse vero, congregata manu valida electorum, mense auguste, imminente jam nocto, circa litus maris secus eoa castra disposuit.

 Pagnni videntes tantam multitudinem, terrore compulsi, tota nocte minutas serobes per circuitum feodorunt et cespitibus operuerunt, ut ignorantes equites ibi ruerent.

Itaquo mano primo incautus exercitus, cum duce prima frontis acie praecurrente, equo super paganos frcna laxans, mox per scrobes dilabitur. Et ruentibus equis cum sossoribus armorum pondere gravatis, pagnni multos capiunt, et novissimi exercitus, tarde eaventes dolum, equis dissiliunt.

Ipse dux, equo screbem offendens, in praeceps venit, et armis oneratus jamjam deciderat in manum adversariorum, nisi Deo, qui eum semper custodit, robur et montem ci ministrante, magno impetu saltum daret et velocissimo cursus sese redderet suis. Mox intermisaum est bellum causa captorum, ne interimerentur ; erant enim ex nobilioribus.

Cum co die ab utrisque nutaretur, sequenti nocte, plenitudine maria invitante, cum captis concite pagani navibus insiliunt, et auxilio pelagi liberantur, nec amplius fines illos inquietarunt.

 Dux autom pro captis infinita pondera argenti misit, et unumquemque pensans argento redemit hominem. (Chronique de Maillezais).

(4) Des renseignements semblables sont donnés dans les comptes de 1414-1415.

(5) Cette motte changea plus tard de destination : elle servit de cerne à un moulin à vent, et les actes des xve et xvie siècles nous l'indiquent sous le nom de la Motte de la Requinerie, du nom de Jean Requiem, son propriétaire. Le moulin avait déjà disparu à cette époque.

(6) Histoire des Comtes de Poitou, de J. Besly, p. 65.

(7) « Il se présenta aussi à nostre evesque (Arnaud, ev. de Périgueux), une belle occasion, en laquelle il fit paroistre son courage et sa vaillance au faict des armes contre les Normans, qui environ ce temps, voulurent prendre terre à Sainct-Michel-en- l'Herm, in sancto Michaële de Eremo, qui est au bas Poitou contre la mer, avec leur fière et cruelle résolution de venir encore un coup saccager toute l'Aquitaine. Cet evesque fait levée de gens d'armes, lesquels comme capitaine il conduit au danger, et ayant joint ses forces avec Guillaume, comte de Poitou, homme très vaillant, on livre la bataille contre l'ennemy, où les Normans furent presque tous taillez en pièces. »  Extrait de l'Etat de l'Eglise du Périgord, par Jean du Puy.

(8) Il arrivait, en effet, fréquemment que ces populations errantes de la Scandinavie après une descente sur les côtes, retournaient promptement dans leur patrie, chargées des dépouilles des vaincus, puis revenaient quelques années plus tard, alors qu'on avait réparé leurs désordres, croyant à leur disparition définitive.

(9) Preuves de l'Histoire des Comtes de Poitou, de J. Besly, p. 358.

 

 

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