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PHystorique- Les Portes du Temps
1 août 2019

Viae romanae maiores, La détermination de la mesure longimétrique du Mille Romain et de la Leuca des anciens Gaulois.

Viae romanae maiores, La détermination de la mesure longimétrique du Mille Romain et de la Leuca des anciens Gaulois

La Société archéologique de Touraine avait autrefois manifesté l'intention d'étudier les voies romaines qui ont sillonné le territoire des anciens Turones; une Commission fut même désignée à cet effet et s'était chargée d'accomplir cet intéressant travail. Nous ignorons s'il a été donné suite à ce projet; mais nous pensons que la Société nous saura gré de lui rappeler cette circonstance.

Les itinéraires ne signalent pas de stations en Touraine; suivant eux, la station la plus voisine de Caesarodunum aurait été Fines, sur la route de Tours au Mans ; et la carte Théodosienne la place à XVIII lieues gauloises de Tours ; équivalant à .44 kilomètres 190 mètres, ou 11 lieues environ, suivant nos calculs.

Quoi qu'il en soit, nous avons rassemblé quelques documents qui pourraient être d'une certaine utilité à la Commission si elle entreprenait quelques investigations sur les voies romaines, et nous demandons à la Société la permission de lui donner lecture d'un mémoire relatif à la détermination mathématique de la valeur réelle de la lieue gauloise ; détermination d'une importance incontestable dans toutes les questions qui se rattachent aux itinéraires de la Gaule Celtique en général, et de la Touraine en particulier.

Viae romanae maiores, La détermination de la mesure longimétrique du Mille Romain et de la Leuca des anciens Gaulois

 (Voies Antiques de Mediolanum Santonum (Saintes) à Caesarodunum Via Aquitania)

Les investigations relatives aux voies romaines, ainsi qu'aux stations et aux mansions que les conquérants établirent sur ces mêmes voies, nous semblent offrir un puissant intérêt aux archéologues par suite des découvertes qui peuvent résulter de fouilles habilement dirigées sur des points dont la position a été précédemment déterminée avec exactitude.

Deux causes ont néanmoins opposé jusqu'ici à cette étude des obstacles sérieux : d'une part, l'action destructive du temps, secondée par l'action plus destructive encore de la main de l'homme, a fait disparaître, avec les voies romaines, les colonnes itinéraires placées aux stations ainsi que la plupart de ces stations elles-mêmes; de l'autre, nos meilleurs géographes n'ont jamais pu se mettre d'accord sur la mesure réelle du mille romain, et se sont mépris, jusqu'à présent, sur celle qu'ils ont cru devoir attribuer à l'ancienne lieue gauloise.

Cependant, l'antiquité nous a transmis deux documents précieux sur la direction des voies romaines et sur leurs stations telles qu'elles subsistaient encore aux III et IVe siècles; ce sont la Table Théodosienne, dite Carte de Peutinger, et l'Itinéraire d'Antonin. Mais, si ces tables nous font connaître les noms latins des villes et des stations, ainsi que les chiffres de leurs distances respectives, elles sont impuissantes, malheureusement, à nous renseigner sur la valeur exacte des diverses mesures itinéraires dont chacune d'elles a fait usage, de même que sur leur corrélation avec nos distances métriques modernes. Il ne suffit pas, en effet, de lire sur un itinéraire ancien : « de Caesarodunum a Robrica XXIX, » pour qu'il devienne possible de retrouver sur une carte géographique ou sur le terrain la station Robrica ; surtout si depuis plusieurs siècles déjà elle est enfouie sous des terres cultivées ou sous des marécages.

Nos plus savants géographes, d'Anville, Gosselin, etc., et, en dernier lieu, Walckenaer, ont donné au mille romain une longueur qu'ils ont fait flotter entre 1472 et 1483 mètres : quant à l'ancienne lieue gauloise, se fondant sur le passage suivant de Jornandès, écrivain du vie siècle, « Leuga autem Gallica mille et quingentorum passuum quantitate metitur (1) », ils eu ont fixé la longueur à un mille et demi romain, sans remarquer combien il était inadmissible d'établir entre les mesures itinéraires de deux peuples si étrangers l'un à l'autre avant la conquête, cette proportion mathématique beaucoup trop précise pour être exacte. « Le mille romain était à l'ancienne lieue gauloise comme 1 est à 1 1/2. »

Aussi, lorsque le compas à la main ils ont voulu faire sur les cartes l'application des chiffres indiqués par les itinéraires, ont-ils reconnu l'insuffisance de leurs échelles constamment trop faibles pour les lieues gauloises, et sans soupçonner que leurs prémisses pouvaient être erronées, ils ont accusé d'inexactitude , et quelquefois même altéré, les chiffres marqués sur - les itinéraires anciens.

En 1839, le baron Walckenaer déplorait encore un tel état de choses, cependant il lui fut impossible d'y remédier, puisqu'en adoptant une mesure longimétrique, fort exacte au reste, de 1481 mètres pour le mille romain, il persista à conserver à la lieue gauloise la valeur d'un mille et demi, mesure évidemment défectueuse et inapplicable sur le terrain comme sur les cartes.

Enfin, en 1852, M. Pistollet de Saint-Ferjeux, membre de plusieurs sociétés savantes, annonça dans une brochure intitulée : « Mémoire sur l'ancienne lieue gauloise », qu'il avait enfin découvert la véritable mesure longimétrique de la lieue en usage dans les Gaules avant l'ère chrétienne, et que cette mesure était d'environ 2415 mètres. Il ajoutait (et cette circonstance lui fait le plus grand honneur), qu'il avait reconnu, dans les anciens itinéraires, l'existence d'une lieue romaine composée d'un mille et demi romain, et d'un mille gaulois égal aux deux tiers de la lieue gauloise.

Ces mesures itinéraires n'avaient pas été signalées jusqu'alors, et, ainsi que M. de Saint-Ferjeux le fait judicieusement remarquer (2), elles furent probablement établies jadis, pour faciliter aux deux populations romaine et gauloise l'usage de leurs mesures itinéraires réciproques en les basant sur leurs mesures respectives. Cette lieue d'un mille et demi romain était, on le voit, celle dont Jornandès et Ammien Marcellin ont fait mention en la nommant Leuca Gallica, parce que, peut-être, elle était devenue la seule en usage à leur époque.

Après avoir rendu cet hommage à l'intéressante découverte de M. de Saint-Ferjeux, qu'il nous soit permis de discuter l'exactitude des chiffres proposés par cet archéologue pour remplacer ceux dont les géographes s'étaient servis jusqu'alors.

Voici ces chiffres tels qu'ils résultent de son mémoire (3):

1° Mesure de la lieue gauloise avant la conquête. . 2,415 mèt.

2° — d'un mille gaulois, composé des 2/3 de la lieue 1,610 mèt.

3° — du mille romain (as des mesures de longueur) 1,483 mèt.

4° — de la lieue romaine formée d'un mille et demi 2,224 mèt.

Le mille gaulois procédant de la lieue gauloise, et la lieue romaine étant formée du mille romain, nous n'avons pas à nous en occuper ici ; mais, vu leur importance même, nous n'avons pas cru devoir accepter aveuglément et sans contrôle les mesures du mille romain et de l'antique lieue des Gaules, présentées par M. de Saint-Ferjeux comme ayant été les types fondamentaux des mesures itinéraires de Rome et de la Celtique. Notre examen ne leur a malheureusement pas été favorable, et le calcul, cet inflexible et brutal logicien, nous a démontré qu'elles n'avaient pas toute l'exactitude désirable.

En effet, si nous admettons avec Gosselin et M. de Saint-Ferjeux, que la longueur du mille romain était de 1,483 mètres; la mesure de la lieue gauloise serait de 2,471 mètres 66 centimètres et non pas de 2,415 mètres environ, ce qui est fort différent; et si, au contraire, cette dernière mesure était exacte le mille romain n'aurait plus dû avoir que 1,449 mètres de longueur, ce qui est inadmissible en métrologie.

Pour le démontrer, il nous suffira d'invoquer le témoignage d'un monument contemporain de l'époque gallo-romaine, bien connu de M. de Saint-Ferjeux lui-même. On comprend qu'il est ici question de la célèbre inscription itinéraire du Musée d'Autun (4), inscription qui, par une exception aussi rare qu'elle est précieuse, établit positivement le rapport mathématique qui existait jadis entre la lieue gauloise et le mille romain. Voir à la fin cette inscription intéressante (PI. I.)

Nous voyons par les deux premières lignes de l'inscription, qu'entre Autessioduro (Auxerre), et la station Siduo (Seignelay)? on comptait, à l'époque gallo-romaine, six lieues gauloises égales à dix milles romains. Le rapport mathématique entre la lieue gauloise et le mille romain était donc comme 6 est à 10 ; en d'autres termes comme 3 est à 5.

Si les mesures itinéraires proposées par M. de St-Ferjeux sont exactes, nous trouverons 1,483 multiplié par 10, égal à 2,415 multiplié par 6. il n'en est rien.

1,483 X 10. =14,830.

2,415 X 6. = 14,490.

Différence en moins 340.

Les chiffres proposés par cet archéologue ne sont donc pas admissibles, « quod erat demonstrandum. »

Cet examen critique du mémoire de M. de St-Ferjeux semble nous imposer l'obligation de présenter, à notre tour, des chiffres plus exacts que les siens pour déterminer la mesure longimétrique véritable de la Leuca des anciens Gaulois ; or, dans notre opinion, le rapport mathématique de la lieue gauloise au mille romain nous étant actuellement révélé par l'inscription itinéraire du Musée d'Autun, la solution du pro-, blême réside uniquement dans une réponse satisfaisante à cette question :

« Quelle était la mesure longimétrique rigoureusement exacte du mille romain? »

Pour satisfaire aux exigences de la proposition formulée en ces termes, il nous semble indispensable, après avoir décomposé le mille romain et l'avoir ramené à ses éléments constitutifs , d'établir, avec une exactitude inattaquable, la mesure de sou as, ou élément générateur.

Or, le mille romain était composé de mille pas, et chacun de ces pas était formé de cinq pieds romains : c'est donc du pied romain (as et prototype des mesures de longueur à Rome qu'il importe de déterminer la valeur exacte, sans omettre les décimales, même les plus minimes, puisque de l'omission d'un seul millimètre pourrait résulter, on le conçoit sans peine, de fâcheuses conséquences pour la détermination parfaite du mille romain.

Nous avons consulté les ouvrages des meilleurs géographes et des métrologues les plus estimés : nous avons également enregistré avec soin les mesures relevées par ces derniers sur les étalons des divers pieds romains conservés dans plusieurs villes de l'Europe, et nous avons obtenu les résultats suivants :

1° Gosselin estimant le pas romain à 1 met. 483 millini., suivant lui le pied romain avait 0m296mm 60.

2° Il y a, au Louvre, un pied romain mesuré par M. Jomard, de l'Institut (5) 0. 296. 30.

3° Walckenaër, donnant au pas romain 1 mèt. 481 millim., le pied doit avoir (6) 0. 296. 20.

4° On voit à Vichy un fragment de pied en fer ; M. Jomard l'estime à 0. 296. 10.

5° Au Louvre est un autre pied romain mesuré par M. Jomard ; ci. . 0. 295. 90.

6° Ideler, de l'Académie de Berlin, attribue au pied romain, ci 0. 295. 50.

7° M. Saigey (7) fait mention de sept pieds romains, dont sis à Rome ; le septième a été trouvé dans les ruines de Montchàtelet, en Champagne, entre Joinville et St-Dizier ; suivant ce métrologue, la mesure de chacun de ces pieds est exactement de 0. 294. 61.

8° D'Anviile, donnant au pas romain une mesure de 1 mèt. 473 millim., le pied serait de. 0, 294. 60.

9° Un pied romain gravé au Capitole, à Rome, par Lucas Pactus, porte (8) 0. 294. 40.

On voit qu'entre la mesure la plus grande (celle du n'' 1), qui est de 0m296n,n,60.

et la plus petite (celle du n° 9), qui est de. 0. 294. 40.

La différence n'est que de 2 millim. 1/5. . ou 2mm20.

Mais nous ne pensons pas que pour déterminer la mesure, aussi exacte que possible, du pied romain, il convienne de prendre ici le terme moyen, ainsi que l'ont fait quelques métrologues : nous estimons qu'il est plus rationnel et plus

 

logique de nous attacher de préférence aux mesures fournies par les étalons qui paraissent avoir le moins souffert des détériorations que le temps et l'oxydation ont dû leur faire inévitablement éprouver.

Or, le n° 2, conservé au Louvre, est dans ce cas, et mesure 0m296mm3.

Le n° 4, celui de Vichy, a été mesuré à 0. 296. I.

Nous croyons donc ne pas nous écarter de la réalité en déterminant, avec Walckenaer, la mesure longimétrique la plus exacte du pied romain à 0 met. 2962 dix millim.

Multipliant ce nombre par 5, nous obtenons la valeur du pas romain égale à 1 mèt. 481 millim.; et ce dernier nombre, multiplié par 1,000, représente la mesure du mille romain égale à 1481 mèt.

Il est bien facile maintenant d'établir la valeur longimétrique, mathématiquement exacte, de la Leuca des anciens Gaulois.

En effet, d'Autessioduro à Siduo, suivant l'inscription itinéraire du musée d'Autun, on comptait six lieues gauloises, égales à dix milles romains : on a donc cette proportion :

Capture

Donc, la lieue en usage dans la Gaule celtique était composée de 2,468 met. 33 centim. ; et son rapport mathématique avec le mille romain était de 1 à 1, 666 millièmes, ou de 1 à I 2/3 environ.

D'après ces éléments, voici le tableau indicatif du rapport exact des mesures itinéraires romaines, gallo-romaines et gauloises avec nos mesures métriques modernes, en négligeant les décimales trop minimes.

LEUCA des Gaulois de la Celtique avant l'invasion romaine 2,468 mèt. 33.

MILLE gaulois formé des deux tiers de la leuca (mesure de convention) 1,645 mèt. 33.

MILLE romain 1,481 mèt.

 

LEUCA romaine (mesure de convention), composée d'un mille et demi environ 2,221 mèt. 50.

Faisant maintenant l'application de ces mesures itinéraires, lieues gauloises, milles romains et kilomètres, aux stations gallo-romaines que les tables mentionnent comme ayant été placées sur les principales voies de communication du territoire des Turones, nous obtenons les résultats suivants (9).

Mémoires de_la_Société_archéologique_[

Loin de nous, cependant, la pensée d'avoir déterminé ici les mesures longimétriques du mille romain et de la lieue gauloise, d'après des bases inattaquables et d'une manière absolue. En effet, si, d'une part, des découvertes ultérieures établissaient que la longueur du pied romain n'était pas précisément de 2,962 dix millimètres; mais qu'il avait quelques millimètres de plus ou de moins, ce qui influerait notablement sur la mesure exacte du mille romain; d'autre part, si dans l'inscription du Musée d'Autun les chiffres VI et X n'indiquaient pas le rapport mathématique des lieues gauloises au mille romain ; ou , enfin, si ce monument était reconnu incontestablement apocryphe ; on comprend que, dès lors, tout notre système croulerait par la base.

Mais jusqu'à ce qu'il en soit ainsi, nous pensons avoir adopté des chiffres aussi exacts qu'il nous était donné de les établir d'après l'état des connaissances métrologiques modernes.

Quant à l'application de nos mesures sur le terrain, le résultat des opérations sera toujours subordonné, on le conçoit , à la connaissance des points de départ et d'arrivée dont les géomètres gallo-romains auront fait usage, ainsi qu'à la véritable direction des voies romaines dont nous ne retrouvons plus malheureusement que de trop rares vestiges.

 

 Mémoires de la Société archéologique de Touraine

 

 Voies Antiques de LIMONUM (Poitiers) à Mediolanum Santonum (Saintes) <==.... ....==>

 


 

Gaule - Cartes Voies Romaines

A mesure que le commerce et l'industrie prenaient du développement, l'insuffisance des voies de communication par eau se manifestait de plus en plus. Il ne suffisait plus de remonter ou de descendre les fleuves ou les rivières et d'aborder ainsi aux villes en faisant souvent de longs détours...

 

1)  Jornandès , « De rébus getic., 36; et Amrn. Marcell., cap. XVI. » « Convenilur itaque in campos cathalaunicos, qui et Mauritii nominantur; C leugas, ut Galli vocant, in longum tenentes, et LXX in latum. Leuca autem Gallica, etc.

« Et quoniam a loco unde Romana promota sunt signa quarta leuca signabatur et décima, id est, unum et viginti millia passuum. »  

(2) Mémoire sur l'ancienne lieue gauloise, pages 15 et 1C.

(3) Idem, pages 10, 24, 26, 27.

(4) Cf. Autun archéol., p. 82. — Annuaire de la Société des Antiquaires de France, année 1850, p. 232, — Mémoire précité, p. 18.  

(5) Nous possédons ces documents (des numéros 2, 4 et 5), écrits de la main de M. Jomard, et nous en sommes redevable à l'obligeance de M. André Salmon.

(6) Géographie ancienne des Gaules, introduction à l'analyse Géog., t. III,p. XL1V.

(7) Traité de métrologie, 1835, p. 66.

(8) Idem, p, 66.

(9) On sait que depuis la Seine et la Marne, au nord, jusqu'à la Garonne et à Lyon, au sud, la Table Théodosienne indique les distances intermédiaires en lieues gauloises, surtout dans la partie occidentale de la Celtique. Cette circonstance ajoute un nouvel intérêt à nos documents.

 

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