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PHystorique- Les Portes du Temps
22 mars 2020

HISTOIRE GÉNÉRALE de l'Aunis et de la Saintonge (Time Travel)

HISTOIRE GÉNÉRALE de l'Aunis et de la Saintonge

Lorsqu'on veut se faire une idée précise du rôle qu'a joué dans l'Histoire, le Pays qui s'appelle aujourd'hui le département de la Charente-Inférieure (Charente-Maritime), la première difficulté qu'on éprouve c'est de le rattacher à un centre qui lui donne quelque unité.


Ce n'est pas, en effet, seulement dans leurs intérêts actuels que les villes qui le composent sont rivales.
Ce n'est pourtant pas dans les premiers temps que se retrouve cette diversité, et il est à peu près hors de doute qu'il faut rapporter à la Tribu des Santoni ou Santones la partie du pays d'Aunis (1) qui était alors habitée. Ces Santones formaient une tribu puissante au temps de César.

(Saintes : de la ville gallo-romaine au château médiéval Inrap)

Leur histoire antérieure est difficile à esquisser.

Comme l'Auvergne, comme Limoges, comme Agen, comme Tours, comme Toulouse, Saintes, que le Moyen-Age écrivait Xaintes, fait venir son origine des Troyens et des bords du Xante. Cette tradition si ancienne, puisqu'elle existait déjà à cet état du temps d'Ammien Marcellin, si générale puisqu'elle a été exploitée par les prétentions de tant de villes, a peut-être été trop dédaignée par les Historiens, qui semblent n'en avoir pas assez expliqué les sources.

Quoi qu'il en soit, les Santones, que les Romains comprirent dans la confédération des Celtes, paraissent avoir fait partie des Armorikes, dont le nom, dans les temps les plus reculés, ne doit pas s'appliquer seulement à ce qui fut depuis la Bretagne, mais à tous les peuples qui habitaient les côtes de l'Océan, depuis l'embouchure de la Seine jusqu'à celle de la Garonne.

Cette tribu fut d'abord composée des Galls purs ; mais lorsqu'une autre branche de la même famille, les Kimris, eut fait sa première invasion, lorsque ces nouveaux peuples se furent établis surtout dans la partie ouest de la Gaule, le pays des Santones se trouva habité par une population mélangée que paraît n'avoir pas modifiée la seconde invasion Kimrique.

Telles sont les seules notions exactes que nous puissions offrir sur l'état de la Saintonge avant l'arrivée, de Jules César en Gaule : cette Tribu prit sa part de toutes les expéditions, de tous les exploits-des Galls, et, s'appuyant sur quelques textes, les auteurs qui ont raconté son histoire spéciale, se sont fondés sur la communauté du nom de Mediolanum, pour lui attribuer la plus grande part à la fondation de Milan en Lombardie 613 av. J.-C.

Le texte de César sur les Santones a fait naître d'assez grandes difficultés et l'on sait qu'elles sont telles que Bonaparte ne pouvait rien concevoir sur la marche des Helvètes, et se demandait comment ils allaient passer par la Saintonge pour se rendre à Toulouse.

Ces difficultés semblent ne pouvoir se résoudre que par l'opinion qui place d'autres Santones auprès de Rieux.

Quant à la Saintonge, dont César parle bien certainement, quand il la place auprès des Pictones, il la comprend dans la Gaule chevelue, parmi les Celtes, nom d'une confédération, qu'il prenait pour un synonyme de Galls, nom de la race. On a donné pour étymologie au mot Santones, les noms gaéliques an adouci en san, Cercle, et on Eaux, mot à mot, Peuples entourés d'eau, nom assez convenable à leur situation.

Qu'était-ce aussi que le Portus santonum, que le Promontorium santonum de Ptolémée ?

Les savants n'ont pu fixer ces lieux, et, bien que ce soit l'opinion qui compte le plus d'autorité en sa faveur, la moins probable est celle qui place le Portus à La Rochelle. On paraît mieux autorise à le mettre à, l'embouchure de la Seudre.

Dans la guerre des Gaules contre César, la Saintonge suivit la destinée commune, et, par sa position, elle fut un des pays qui eurent le moins à souffrir. Lorsque les Venètes essayèrent de reconquérir leur liberté, les douze cohortes et la cavalerie de Crassus suffirent pour maintenir le pays d'Armorike, de la Loire à la Garonne, et les Santons, comme les Pictons, ne purent résister à l'ordre de livrer leurs vaisseaux à Brutus : toutefois ils prirent une part énergique à ce noble et dernier effort par lequel la plus, grande partie de la Gaule tenta de délivrer son héros, ce Vercingétorix, enfermé dans Alésia.

Lors de cette levée, le contingent des Santons fut fixé à douze mille hommes, c'est-à-dire égal à celui des Séquanien et des Bituriges (Franche-Comté et Berry) supérieurs à celui des Pictons et des Titrons (Poitou et Touraine). 

Lorsque la politique d'Auguste, rompant toutes les vieilles associations gauloises, divisa la Gaule nouvellement romaine (27 av. J.-C.) en trois provinces, les Santons furent compris dans l'Aquitaine, et lorsqu'un décret de Valentinien divisa cette province en trois parties, ils firent partie de la seconde Aquitaine (362 à 375 ap. J.-C.)

La Saintonge partagea la tranquillité et les progrès de la civilisation des Gaules sous la domination romaine, et c'est à cette époque de plus de quatre siècles et demi, que se rapportent les monuments dont les restes attestent l'antique splendeur de Saintes, l'ancien Médiolanum Santonum, malgré un léger changement de situation.

 Le Christianisme pénétra aussi de bonne heure en Saintonge, s'il faut croire que son premier évêque, saint Eutrope ait reçu cette dignité vers 95 ap. J.-C.

L'invasion des Barbares ne fit pas d'abord cesser entièrement la prospérité des Santons.

Ils passèrent en effet, sous la domination des Wisigoths (412) à moitié conquis à la civilisation romaine, admirateurs des vaincus qu'ils s'efforçaient d'imiter et qui n'ajoutèrent guère aux maux lentement destructeurs, mais peu sentis par l'habitude, de l'administration romaine. Ces barbares semi-Romains ne détruisaient guère, mais ils semblent aussi avoir été incapables de régénérer. En outre, ils étaient Ariens, et les évêques catholiques de la Gaule espéraient bien plus de ces Païens, dont la terrible confédération, connue sous le nom de Francs, se répandait alors au midi de la Somme.

 On sait comment la bataille de Vouillé et la mort d'Alaric II (507), tué dans l'action, ouvrit l'Aquitaine à Clovis ; on sait quels maux elle eut à supporter de ces barbares, tous autres que les Wisigoths, dont l'ardent et féroce courage était rendu plus féroce encore par les dogmes Scandinaves

Depuis l'arrivée de Wallia et de ses Wisigoths, la Saintonge se confondait dans l'Aquitaine, sans avoir d'importance ou d'histoire spéciale, et cela ne changea pas sous la domination Franke ; c'est une raison pour nous de passer rapidement.

Avec le reste de l'Aquitaine, la Saintonge partagea les maux de cette dépendance : mal affermie comme gouvernement, la domination des Francs n'en pesait que plus sur les individus, et chacun de ses actes semblait une des violences d'une conquête nouvelle.

Quelques chroniqueurs, autorisés en cela par Grégoire de Tours, ont nommé comte de Saintonge ce Guaddo, né d'une illustre famille Gallo-Romaine, parvenu par cette souplesse avilissante des opprimés au titre de Major-domûs et qui fut, ainsi que Bobon, fils de Mummole, chargé de conduire en Espagne Rigonthe, fille de Chilpéric, avec ce déplorable cortège de gens des familles qui appartenaient au fisc, arrachés par les ordres du Roi aux pleurs de leurs parents, jetés dans des chariots et qui s'enfuyaient quand ils pouvaient, ou même se donnaient la mort au moyen d'un lacet, la trouvant moins dure que l'obéissance à de tels ordres (584).

Guaddo n'est pas le seul exemple que fournisse la Saintonge de ces hommes qui, dans cette souplesse lettrée, fruit de la civilisation romaine dégradée et si agréable aux Maîtres, trouvèrent le moyen d'acquérir des richesses et des dignités dans le service domestique des Rois ;

c'est à l'île de Ré que naquit ce Leudaste, d'abord employé dans les cuisines et à la boulangerie du Roi, et ensuite comte de Tours, ennemi de l'évêque notre premier historien, mort enfin sous les coups des gens de Frédégonde, qu'il avait voulu se rendre favorable par tant de flatteries.

Et cependant, malgré cette servilité, cette immoralité qui semble tenir du désespoir, la Saintonge, comme toute l'Aquitaine, ne perdait ni la volonté, ni l'espérance d'échapper au joug de ces Francs si odieux.

Lorsqu'à la mort de Chilpéric (584) toute la Gaule du nord de la Loire se divisait entre le roi de Bourgogne, protecteur du jeune Clotaire, et le roi d'Austrasie, lorsque même Poitiers se contentait de se déclarer pour l'Austrasien qui, plus éloigné, lui semblait un dominateur moins réel, l'Aquitaine et le Midi cherchent à se faire un roi de leur création, et Gondowald trouve dans eux, et, parmi eux, dans le Saintongeais Guaddo, des appuis qui l'approchent du trône, puis le brisent lorsqu'ils ont peur et qu'ils sentent qu'ils n'ont saisi qu'un instrument impuissant pour leur indépendance, riant peut-être d'un rire convulsif dans leur perfidie, de ce que c'est la mort d'un Franc de sang royal qui achète leur retour en grâce auprès des Francs.

Plus tard en 631 ils obtinrent du moins un roi pour eux seuls. Le frère de Dagobert, Caribert, se fit accepter pour roi d'Aquitaine et régna trois ans ; mais les Aquitains s'attachant à sa race pour échapper plus facilement au joug franc, parvinrent à former un état à. peu près indépendant, d'abord sous le titre de royaume, puis sous celui de duché, jusqu'à ce qu'enfin l'affaiblissement de la race de Clovis permit à un gascon Eudes de ressaisir réellement son Aquitaine toute séparée de la France.

Cette nouvelle domination était une réaction de la puissance des Vasques, acculés d'abord aux pieds des Pyrénées, contre celle des Francs ; aussi l'Aquitaine fut-elle la plus rude ennemie que trouvèrent les rois de la seconde race.

 Eudes, qui porta d'abord des armes victorieuses jusqu'au nord de la Loire, céda bientôt à la fortune de Charles Martel ; forcé de lui livrer Chilpéric qu'il tenait comme en tutelle et sous le nom duquel il espérait dominer en Neustrie, forcé de se retirerait sud de la Vienne, il invoqua les Sarrasins ; allié de l'émir Munuza, il lui donna sa fille ; mais cette alliance, d'une impiété alors inouïe, ne fit qu'attirer contre Eudes et contre son gendre, qui voulut se rendre indépendant, les armes d'Abdérame, au nom des califes Munuza ayant été vaincu et sa femme, la fille d'Eudes, envoyée au sérail du calife de Damas, l'Aquitain lui-même se sentit impuissant à résister.

 Déjà les Sarrasins avaient, par une trouée impétueuse, pénétré son empire du sud au nord, et leurs ravages s'étendaient jusque sur la Saintonge ; opposant un ennemi à un autre, Eudes se joignit à Charles Martel qui accourait arrêter le torrent, et combattit avec les Français, dans ce terrible choc du Nord contre le Midi (723).

Mais, délivré des Sarrasins, il n'avait fait que changer d’ennemis ; Charles Martel ravagea toute la partie méridionale de la Gaule dont il chassait les barbares moins redoutables que lui pour le présent ; Eudes, humilié par le besoin même qu'il avait eu de secours, se trouva abaissé devant le chef franc.

En 741, son fils Hunald toutefois essaya de donner la revanche à sou pays ; mais mal appuyé par son frère Haiton, qui commandait pour lui à Poitiers, il céda encore aux Austrasiens de Charles Martel, se vengea de son frère en lui faisant crever les yeux, et alla cacher les regrets de sa défaite ou les remords de sa violence, dans un monastère de l'île de Ré que son père avait fondé (745).

Pépin, le fils de Charles Martel, avait trouvé un appui contre Hunald dans son frère Hatton : Griffon frère de Pépin, devint contre celui-ci un appui pour Gaifer, fils d'Hunald ; mais le succès ne fut pas-le même.

Vaincu en 759, Gaifer se vit forcé de ruiner ses propres villes pour qu'elles ne devinssent pas des boulevards pour son ennemi, et Saintes fut au nombre des villes démantelées.

Sa situation près de la limite septentrionale de l'Aquitaine, la rendait nécessairement victime de tous les revers de ses princes.

C'est à Saintes que Pépin victorieux arriva à temps en 768 pour s'emparer de la mère, des soeurs et des nièces du malheureux Gaifer ; à Saintes qu'il ressentit les premières atteintes de la maladie dont il mourut bientôt après ; il avait enfin dompté l'Aquitaine après neuf ans d'une guerre qui avait débuté par des succès qui avaient fait renoncer Gaifer à la défense de ses propres villes.

En vain après la mort de Gaifer, Hunald sortit-il de son monastère pour venger son fils et son pays ; son neveu Lope, vengeant sur lui son père Hatton, livre l'opiniâtre guerrier à Charlemagne, qui étouffa ainsi cette guerre renaissante, accrut les pouvoirs de Lope, créa en Aquitaine douze ducs ou comtes qui affaiblirent, en se la partageant, cette conquête si difficile à garder, et bientôt lui donna un roi dans son fils Louis le Pieux, encore enfant (781).

Le caractère droit et scrupuleux de Charlemagne procura du soulagement aux Aquitains ; sous lui, ils prirent part à l'expédition contre les Sarrasins d'Espagne, ils furent momentanément Français.

Quand Louis fut devenu empereur, il pensa comme son père qu'il fallait un roi aux Aquitains, et leur donna son fils Pépin (816), qui, ayant d'après le récit embarrassé des vieux chroniqueurs, reçu en présent, de l'empereur de Constantinople, la tête de saint Jean-Baptiste, en confia la garde aux moines de l'Abbaye qu'il fonda auprès de l'ancien château d'Angeriacum, et qui est l'origine de la ville de Saint-Jean-d'Angély qui, dans la suite, put quelque temps se regarder comme la première de la Saintonge (840).

On sait trop quelle part sous ces chefs, prit l'Aquitaine aux malheureuses luttes qui déchirèrent le règne de Louis le Débonnaire ; mais du moins, elle n'en fut pas le théâtre.

 

Un autre fléau l'affligea plus directement et désola en particulier la Saintonge.

 

Une bande de Normands, désignée par les vieux auteurs sous le nom de Danois ou de Daciens, pilla d'abord d’Her, où les moines sauvèrent de leur profanation le corps de saint Philibert, puis descendit aux Sables-d'Olonne, pour se répandre de là dans les pays environnants ; non seulement ils pillèrent, mais ils brûlèrent Saintes, à tel point qu'il fallut la rebâtir.

 

Alors cette ville abandonna la place de l'antique Mediolanum Santonum, et, descendant dans le vallon, fut reconstruite sur les bords de la Charente (847).

Dans ces dissensions qui épuisaient dès sa source le sang des fils impuissants de Charlemagne, l'Aquitaine chercha, comme autrefois, son indépendance, Rainulfe, en livrant à Charles le Chauve les descendants de Pépin ne prétendait point lui livrer l'Aquitaine ; la féodalité naissait, ou plutôt manifestait de toute part sa puissante jeunesse (858).

Ce changement pourtant n'en entraînait point dans l'état de ses habitants. Des bandes de Normands renouvelaient les ravages des premières.

C'est sur la frontière de Saintonge en 863, qu'un comte d'Angoulême Turpion, est tué eu les combattant.

 Les luttes féodales y joignirent leurs maux ; au lieu de panser ces plaies toutes saignantes, les seigneurs se disputent des terres ou des châteaux, et la possession de celui de Taillebourg coûte la vie à Landry, comte et gouverneur de Saintes, tué par Emenon, comte d'Angoulême, blessé lui-même mortellement de la main de son rival (866).

Cependant la Féodalité devenait décidément l'état normal de la Société, lasse de la faiblesse des rois. Charles le Chauve avait cimenté par son seing l'hérédité des fiefs et des comtés (877).

La Saintonge fit alors partie du duché de Guienne, distingué de celui de Gascogne, et, se séparant des vrais sujets d'Hunald et de Gaifer, reconnut l'autorité des comtes de Poitiers, ducs d'Aquitaine ou Guyenne.

La plupart des anciens auteurs ont prétendu que l'Aquitaine avait tiré son nom de l'abondance de ses eaux, ou des eaux médicinales qui se trouvent à Dax, qu'on appelait Aqua Tarbellorum. Quelques-uns cependant qui fondent leur opinion sur des capitulaires de Charles le Chauve, des médailles de Charles le Simple et autres titres, l'ont appelée Equitania, ab equis quibus abundaut et potentuis invehuntur, mais comme le temps qui altère toutes choses, corrompt souvent même les noms les plus étymologiques, on en vint à prononcer au lieu de l'Aquitaine, la Guieine eu otant le T, et enfin la Guyaine ou Guyenne par une abscission familière.

Néanmoins, on ne voit pas que ce nom de Guienne ait été beaucoup en usage avant le règne de saint Louis.

Après avoir reconnu l'autorité des ducs de Guyenne, la Saintonge eut encore à souffrir, mais plus faiblement; des ravages des Normands, qui furent vaincus à Paris par Raoul (930) ; et qui malgré cela, furent encore assez forts pour ruiner ce qui restait de splendeur à l'abbaye de Saint-Jean-d'Angély, que Guillaume II surnommé Tête d'Etoupe, à cause de ses cheveux blonds fit rebâtir en 963.

Bientôt après les descendants de Charlemagne s'effaçaient entièrement, et l'habile duc de France prenait presque sans opposition le titre alors si peu prisé de roi (987).

Quelques années auparavant, son père avait en vain essayé de soumettre par les armes le comte de Poitiers et d'Aquitaine, Hugues Capet ne fut pas plus heureux ; repoussé dans son incursion par Guillaume III, Fier à bras, il fut poursuivi jusque sur les bords de la Loire, limite de la France et de l'Aquitaine, et là un dernier combat ne servit qu'à faire éclater la haine des deux peuples :

 c'est cependant à cette époque qu'on fait remonter la suzeraineté nominale de la maison de France sur les pays du sud de la Loire (988).

Il n'est pas plus de notre sujet de raconter l'Histoire du comté de Poitou que celle des Wisigoths ou des Français : cherchons seulement quelle fut la part spéciale de la Saintonge dans les événements de cette époque.

Partie intégrante du duché d'Aquitaine, Saintes en était cependant parfois détachée, et, dans les relations compliquées des Princes de ce temps, l'historien ne peut pas toujours tenir, sans le perdre, le fil qui le guide.

 Donné comme apanage, comme don, comme récompense, à un seigneur peu redoutable, un fief arrivait souvent par alliance ou par héritage à quelque maître puissant, et la force, égale alors entre le vassal et le suzerain, modifiait singulièrement les droits du donataire, les devoirs de l'homme-lige.

C'est par des causes de ce genre que la Saintonge devint un objet de discorde entre les comtes d'Anjou et ceux de Poitiers.

Au commencement du onzième siècle, Saintes appartenait à la maison d'Anjou: selon les chroniqueurs angevins, le mariage de Maurice, comte d'Anjou, avec la fille d'un Raymond, frère du comte de Poitiers, avait amené cette ville et la province par héritage sous ces nouveaux maîtres : selon les auteurs poitevins, c'est un don purement viager de Guillaume IV, de Poitiers, à Foulque Nerra, d'Anjou : à ces difficultés, ajoutez que, si le couvent de la Trinité de Saintes fut certainement fondé par Agnès de Bourgogne, antérieurement au règne de Guillaume IV, cette princesse ayant été tour à tour femme d'un comte de Poitiers et d'un comte d'Anjou, cette fondation ne jette aucun jour sur la question.

A coup sûr Foulque Nerra, d'Anjou, possédait Saintes, puisque, en 1032, enviant, sans oser les attaquer, les domaines d'Herbert, comte du Maine, il l'attira dans la capitale de cette ville, sous prétexte de la lui inféoder, et, avec cette loyauté chevaleresque si vantée, il se saisit de sa personne et le garda captif pour mieux lui ravir son comté.

Après la mort de Foulque, en 1035, Geoffroy-Martel, son fils, voulut garder Saintes, que réclamait Guillaume V, le Gros.

 

 On eut recours aux seuls arguments décisifs : Geoffroy prouva son droit à Jouin, de Marne, en Poitou, où il battit et fit prisonnier Guillaume V ; en sorte qu'il posséda et transmit à Foulque-Réchin, son neveu et son successeur, la Saintonge et l'Aunis que rien n'en distinguait encore.

Ce ne fut pas le seul succès de Geoffroy Martel contre les Poitevins, puisque plus tard Eudes, comte de Poitiers, duc de Gascogne, déjà battu par les Angevins, vint se faire tuer devant Mauzé (1039).

Mais l'épée ne vide les querelles que jusqu'au moment où le vaincu croit sentir revenir ses forces.

Lorsque Geoffroy Martel en 1061, eut laissé sa puissance et ses terres à Foulque-Réchin et Geoffroy, le Barbu, ses neveux, Guy Geoffroy-Guillaume VII qui régnait alors à Poitiers, en appela de nouveau aux armes :

les deux frères étaient encore unis, et la rencontre de Chef-Boutonne eut le même succès que celle de Jouin, avec laquelle quelques chroniqueurs l'ont confondue, sinon que cette fois Guillaume vaincu, ne fut pas prisonnier.

Aussi l'année suivante, 1062, Réchin ayant déjà mérité son nom (querelleur), le Poitevin profita des discussions des deux frères et reprit Saintes qui ne devait plus être disputée que par des seigneurs plus puissants et plus renommés.

Après ces événements, dont la Saintonge fut le sujet plutôt encore que le théâtre, on ne retrouve plus rien d'intéressant qui lui soit particulier. Elle marche gouvernée par les comtes de Poitiers dont le pouvoir est modifié par les évêques, et c'est là ce qui donne de l'importance, même en dehors de l'Histoire ecclésiastique, à la déposition de l'évêque Boson, par un concile en 1081.

Les barons de Châtel-Aillon paraissent avoir aussi eu une grande influence sur la Saintonge et surtout en Aunis, où était le siège de leur baronnie, et où ils possédaient des terres étendues.

Profitant de la jeunesse de Guillaume IX et des embarras d'une minorité, Ebles de Châtel-Aillon s'était fait concéder une partie de l'île d'Oléron. A l'exemple de leur suzerain, les seigneurs de Châtel-Aillon n'avaient pour l'Eglise que peu de respect.; Ebles la dépouilla ; aussi fut-il excommunié quatre fois, une entre autres par le pape Urbain II 1096, le prédicateur de la Croisade, qui était venu à Saintes.

 Ebles et sa femme Ivette, résistèrent longtemps, et cédèrent enfin. Mais c’est sur leur fils, le pacifique Isambert, que retomba la vengeance de Guillaume X; il était fort alors et il ruina Châtel-Aillon, qui ne s'est pas relevé, et s'empara de La Rochelle, pour qui cet événement devait devenir une source de grandeur (1117).

L'héritière de Guillaume X, Alienor ou Eléonore d'Aquitaine, après avoir porté ses domaines à Louis VII, de France, répudiée par les impolitiques dégoûts de ce roi, les porta bientôt au duc de Normandie et du Maine, héritier de l'Anjou et de la Touraine, et moins de deux ans après, roi d'Angleterre (1153).

Cette haute fortune de l'époux d'Eléonore ne compromettait pas moins que son premier mariage, cette indépendance si chère aux peuples du Sud de la Loire, et les efforts qu'ils firent pour la maintenir leur attirèrent bien des maux.

 Promis en dot au second fils de Henri II, Richard, depuis surnommé Coeur de Lion, (1160), lors delà première convention de son mariage, le comté de Poitou et le duché de Guyenne cherchèrent à se séparer de l'Angleterre et à profiter de ces divisions entre le fils et le père, nées sans doute surtout du caractère de cette race qui prétendait compter le diable parmi ses aïeux et qui justifiait cette fable par sa conduite ; mais puissamment fermentées par l'Aquitaine, personnifiée en quelque sorte dans Bertrand de Born.

Ce Bertrand-de Born, vicomte de Hautefort, troubadour du XIIe siècle, né en Périgord, mort vers 1209, prit une part très active aux querelles intestines qui eurent pour théâtre l'Aquitaine, divisée entre Richard Coeur de Lion et Henry II.

 A la mort de Richard, il se retira dans le monastère de Citeaux. Par ses vers enflammés, il contribua à soulever les Croisés, mais il ne les suivit pas en Palestine et chanta de loin leurs exploits.

 

 Cette haine contre l'Angleterre s'appuya fortement des discussions de Henri et de sa femme, (1174); l'Aquitaine prit parti pour Eléonore, et de vives imprécations s'élevèrent contre les villes que l'intérêt ou la nécessité retenait dans le parti anglais, entre lesquels il faut compter une ville de l'Aunis, La Rochelle, dont la prospérité et l'opulence sont déjà attestées par ces imprécations mêmes.

La réconciliation momentanée du père et des fils retomba sur l'Aquitaine.

 

 Le farouche Richard guerroya contre ses anciens alliés, (1177); la Saintonge prit sa part des maux, de cette guerre et l'un de ces mille combats se livra à Taillebourg, qui se rendit le dernier à Richard, la même année que Pons,(1179), et lorsque la guerre finissait ou plutôt s'arrêtait.

Elle ne fut pas longue à reprendre en effet ; Bertrand de Born sut bien armer Philippe de France contre son ancien ami, devenu roi d'Angleterre et par conséquent son ennemi, et la Saintonge fut le théâtre de cette guerre assez courte heureusement pour elle, mais fatale encore pourtant par ses suites, (1195)

Peu de temps après, Richard ayant été tué au siège de Châlus par la flèche d'un archer, tandis que le Poitou passait sous l'empire de Jean sans Terre, le reste de l'Aquitaine restait sous Eléonore, leur mère, qui cherchait à s'en attacher les cités.

Saintes et La Rochelle reçurent la même année leur charte de commune, (1199), mais les événements qui allaient se passer devaient singulièrement changer l'importance relative de ces deux villes.

La ville blanche que battait l'Océan, la ville dont deux pointes faisait un port si sûr, qui offrait un débarquement facile à l'Anglais ou une redoute avancée à la France, devait être pour les deux souverains un poste d'un haut intérêt.

Ils devaient à l'envi, la séduire par leurs faveurs, et lui donner par leurs lettres une espèce d'individualité flatteuse pour l'orgueil, mais payée bien cher par l'impossibilité de rester neutre.

En effet, dès que Philippe, profitant des crimes de Jean-sans-Terre, eut fait rendre l'arrêt de confiscation de toutes ses terres en France (1204) dès que Jean eut assemblé une ligue formidable contre son habile suzerain, c'est à La Rochelle que lui-même vint débarquer, commençant une campagne où il ne fit que fuir et qui fut terminée cette année même par le coup terrible qui, à Bouvines, écrasa les alliés de Jean,(1214).

Cette victoire ne rendit pourtant pas les Français maîtres de la Saintonge ni de l'Aunis ; mais lors de l'avènement de Louis VIII, l'imprudent Jean ayant osé braver ce prince, tandis que sa propre couronne ébranlée par la main de ses barons, tenait mal sur sa tête, le roi des Français s'empara de Saint-Jeand'Angély (1224) et vint assiéger La Rochelle.

 Savary de Mauléon défendait cette ville pour les Anglais, mais trahi par celui même qu'il servait, qui ne lui envoya que des secours insuffisants, ou peut-être dérisoires, il fut forcé de rendre la ville, et bientôt lui-même, ne trouvant qu'ingratitude chez un maître, irrité peut-être qu'il n'eût pas détruit la ville qu'il n'avait pu lui conserver, imita tant de seigneurs aquitains et abandonna l'Angleterre, moins constant que La Rochelle, que l'indignation et la colère contre Henry III rendirent dès lors, et pour toujours française de coeur.

Le reste de la Saintonge devait aussi bientôt adopter au moins momentanément la même patrie.

L'orgueil du comte de la Marche, excité par celui de sa femme, la comtesse reine, la confiance étourdie de Henry III, les insultes faites à Alphonse, comte de Poitiers, et à son frère Louis IX roi de France, produisirent une guerre courte, mais vive.

 On sait quelle brillante valeur montra Louis à cette belle journée de Taillebourg (1241) ; bientôt Saintes fut entre ses mains et cette ville, donnée par le comte de la Marche humilié à Alphonse, reçut garnison française.

Cependant la conscience scrupuleuse de Louis IX, ou peut-être sa politique, remit aux Anglais tout ce qui leur avait appartenu au sud de la Charente, et ainsi une partie de la Saintonge rentra sous leur puissance.

Quant à la partie définitivement française la mort d'Alphonse la plaça plus directement sous la domination du roi de France, son neveu, Philippe III, qui visitant ses nouveaux domaines, vint jusqu'à La Rochelle (1271).

 

 Depuis qu'elle avait changé de roi et qu'elle recevait des Français ces mêmes faveurs par lesquelles les Anglais avaient voulu se l'attacher avant de chercher à ne la livrer que détruite, La Rochelle était l'objet de la haine ou de la crainte de ceux-ci ; aussi lorsque la guerre se ralluma entre Edouard Ier et Philippe IV, les chefs anglais l'insultèrent-ils en même temps qu'ils ravageaient et pillaient l'île de Ré (1292), dévastation qu'expiait une autre partie de l'Aunis, l'île anglaise d'Oléron.

Cette division du pays, qui faisait de ces deux parties les frontières de deux Etats, devait lui attirer bien d'autres maux, lorsque l'épuisement de la race de Philippe IV transmit le trône à une branche collatérale et fournit un prétexte à l'ambition d'Edouard III, (1328).

A peine en effet Philippe VI était-il sur le trône et avait-il reçu l'hommage d'Edouard, que des discussions relatives à ces limites mêmes firent courir aux armes, (1330) ;

on parlementait encore et déjà les Anglais faisaient des préparatifs de guerre : le comte d'Alençon, frère du Roi, les prévint et prit Saintes, dont il rasa les murailles. La guerre n'en suivit pourtant pas ; mais lorsqu'obéissant aux insinuations haineuses de Robert d'Artois et des Flamands, Edouard se fut déclaré roi de France (1335), elle éclata bientôt de toutes parts.

 La Saintonge ne fut pas une des provinces qui en souffrirent beaucoup les premières. Les succès du prince Jean, fils du roi, en portèrent d'abord le théâtre plus au sud. Mais lorsque le grand revers de Crécy (1346), eut forcé Jean de remonter au Nord, le comte de Derby, qui commandait les Anglais en Guienne, profita de cette retraite, et parmi les villes du département de la Charente-Inférieure, Mirambeau, Aunay, Surgères, Benon, furent prises d'assaut ou se rendirent ;

 mais les Anglais échouèrent devant Marans ; ils remontèrent alors dans le Poitou, puis revinrent prendre Taillebourg, dont la garnison massacrée expia les pertes des vainqueurs, et Saint-Jean-d'Angély qui se rendit. L'effroi troublait toute la Saintonge.

 En 1350, lorsque Jean arriva au trône, une trêve, quoique mal observée, ralentissait un peu la guerre. Néanmoins Boucicault, lieutenant général en Guienne, pour le roi de France, reprit le château de Fouras, aidé par les machines que lui fournirent les Rochelais, et ces mêmes bourgeois, la même année, (1351), fournirent des vivres à l'armée de Jean et facilitèrent ainsi la reprise de Saint-Jean-d'Angély.

Enfin, la trêve fut définitivement rompue ; on sait quels malheurs entraîna la défaite de Poitiers (1356) ; on connaît ce honteux traité de Brétigny qui livra de nouveau l'Aunis et la Saintonge française aux Anglais (1360), et la vigoureuse opposition des Rochelais, qui ne cédèrent enfin qu'en protestant qu'Anglais des lèvres, ils restaient Français de coeur (1363).

Le prince de Galles leur étala en vain sa cour chevaleresque et débauchée, avant d'aller en fatiguer Poitiers ; il ne les éblouit pas.

 

L'année suivante, Charles V devint roi et commença, (1364), une ère plus heureuse, sinon pour le peuple, du moins pour l'Etat.

La Saintonge fut le théâtre d'une partie des succès de la France.

 

 N'osant se lever d'elle-même pour se rendre à la France (1371), La Rochelle brava du moins la colère des Anglais, en refusant de se joindre à la flotte du comte de Pembrocke, qu'elle vit battre par la flotte auxiliaire des Espagnols : elle se réjouissait en silence à cette vue, comme en apprenant que Duguesclin, le bon connétable reprenait Saint-Jean-d'Angély et Saintes et tout le pays qui le séparait d'elle.

Quand enfin elle, sut que Yvain de Galles, dont le père avait perdu la principauté de ce nom, qu'Edouard lui avait injustement ôtée avec la vie, débarquant quelques soldats des vaisseaux qui ne perdaient pas son havre de vue, avait été à Soubise vaincre les Anglais à l’instant où ils se croyaient vainqueurs, et prendre le captal de Buch, elle n'y tint plus.

Le château de la place la gênait : un ancien maire Chauldrier, trompa l'Anglais Mancel; la ville fut délivrée, le château pris, et les Rochelais allèrent offrir leur obéissance aux seigneurs, qui, reculant devant les conditions, renvoyèrent les députés à Charles V.

Le roi accepta tout : dès lors le château fut détruit pour ne plus se relever, La Rochelle déclarée, inaliénable pour la France, la monnaie dotée d'un coin royal, les privilèges qui plaçaient haut la ville entre les communes sanctionnées, et Duguesclin vint au milieu de ces bourgeois marchands, si rusés soudards (1371).

Entre ces peuples si voisins, si souvent alliés, la guerre avait la rage des haines personnelles : la défense et la prise de Benon en offrirent des preuves et la hache du connétable de Clisson vengea cruellement le massacre de Taillebourg.

La séparation de la Saintonge et de l'Aunis, qui donna une individualité à ce dernier pays, suivit de près.

 En 1373, quelques historiens assignent une prise de La Rochelle par les Anglais, une reprise subite de cette ville par les Français, contredites par les assertions ou par le silence de la plupart des écrivains.

En 1379, la guerre, momentanément suspendue par une trêve, commença encore avec plus d’acharnement ; Charles V poursuivit avec quelques succès la conquête de la Guienne.

Des vaisseaux anglais étaient venus se montrer sur les rades de La Rochelle, Jean Ier, roi de Castille, aussi étroitement lié avec la France que l'avait été Henri, son père, mit à la voile pour aller les chercher ;

 il les trouva au moment où ils venaient d'effectuer une descente à l'île d'Aix, et, les bloquant de toutes parts, ils les contraignit de se rendre, sans s'exposer au hasard d'un combat, (1383).

Quelques années après, une flotte anglaise, sous le commandement du comte d'Arondel, vint répandre l'alarme sur les côtes de l'Aunis (1388) : 400 hommes environ, s'étant jetés dans des barques remontèrent la Sèvre flans l'intention de surprendre Marans ; mais les habitants avertis à temps se réfugièrent précipitamment dans le château.

Les ennemis après avoir pillé le bourg, regagnèrent leurs vaisseaux et allèrent dans les îles de Ré et d'Oléron, commettre d'autres déprédations.

 

 Le déplorable règne de Charles VI vînt, apporter à la France de nouveaux malheurs ; mais l'alliance de l'Angleterre et de la Bourgogne en plaça le théâtre presque uniquement dans le Nord, la Saintonge n'en reçut qu'un inévitable contre-coup ;

c'est ainsi que toutes les îles de la côte de Saintonge et d'Aunis furent ravagées par les Anglais (1415). Peu de jours avant la mort de ce roi dont les malheurs protègent la mémoire, son fils était à La Rochelle, et peu s'en fallut qu'un accident vulgaire ne compliquât encore la position de la France et n'en ruinât la fortune (1422) ;

 le Dauphin faillit périr dans l’éboulément d'une maison de la rue du Coq; heureusement, il s'en échappa; quelques jours après, il prit le nom de Charles VII, et la France se reconnut en se serrant autour, de ce point de ralliement.

Lorsque les Ecossais appelés par ce monarque 1424, vinrent se joindre à lui contre l'ennemi commun, ils débarquèrent à La Rochelle.

 

et l'on prendrait une haute idée du dévouement de cette ville à la cause de la nationalité qui se formait alors, si l'on en jugeait par Catherine, de La Rochelle, l'une de ces inspirées, imitation ou peut-être parodie de Jeanne d'Arc, dont l'histoire, sans diminuer en rien la sainte gloire de l'héroïne, jette pourtant sur la sienne un jour singulier.

Au milieu des triomphes de Charles VII, les haines des seigneurs n'avaient que trop conservé de force et l'Aunis, comme trop de lieux, comme la cour du roi, les vit incapables de s'oublier pour la cause de la Patrie, se disputer des châteaux et des villes. Ces injustes querelles furent pourtant bientôt terminées (1429).

En 1433, les Anglais acculés en Guienne, inquiétaient encore la Saintonge ; ainsi Mornac, pris par eux, leur fut enlevé par les bourgeois rochelais et le sire de Pons, pendant, à peu près, que le duc d'Orléans, sacrifiant tout pour recouvrer la liberté, faisait au roi d'Angleterre l'impuissante promesse de lui faire donner La Rochelle.

Enfin, dans les derniers efforts de leur rage contre l'unité française qui s'accomplissait, les Anglais, vaincus et repoussés de toutes parts, firent encore contre la Saintonge et l'Aunis des tentatives qui n'aboutirent qu'à ravager l'île de Ré, (1460-1461).

L'année suivante, Louis XI régnait. Son père avait chassé les Anglais avec le secours des seigneurs ; pour achever l'unité de la France, il avait, lui, à vaincre des ennemis non moins redoutables, les auxiliaires de son père. C'est la gloire ou plutôt, car il n'y à pas de gloire pour un tel homme, c'est l'excuse de Louis XI, d'avoir abattu, même en coupant et en brûlant ses têtes, cette hydre des seigneurs qui voulaient voir en France six rois au lieu d'un. Mais pour triompher, il fallut céder souvent. Pour ne pas placer, par le don de la Brie et de la Champagne, le moins malveillant peut-être, mais pourtant le moins redoutable de ses ennemis, son frère, à côté du puissant duc de Bourgogne, Louis fut forcé de donner en apanage à ce frère, la Guienne, y compris la Saintonge et l'Aunis.

En (1469), une entrevue entre eux eut lieu sur un pont jeté sur la Sèvre, au Braud, et la tente où se retirait Charles de Guienne était à Charron ; le lieu où était celle du Roi, est du département voisin.

La barrière qui, le premier jour, séparait les deux frères, fut enlevée le jour suivant, et les détails de cet entretien seraient touchants, si l'on pouvait croire à un abandon vrai du coeur, où figure Louis XI.

Sincère ou non, cette réconciliation fut de peu de durée. Bientôt Tanneguy-Duchâtel, commandant pour Louis, était sur les frontières de la Saintonge et prêt à l'envahir, (1472).

Le roi sollicitait lui-même La Rochelle de trahir le prince auquel il l'avait donné malgré elle, et cette ville n'hésitait à l'écouter que par crainte ; car, quelque pesant que fut son joug, même pour les petits, Louis était l'ennemi des grands seigneurs, et, à ce titre, presque populaire.

La mort de Charles, venue si à propos pour le Roi qu'on l'en a accusé, à coup sûr, sans preuves suffisantes, termina tout, et ses places furent rapidement saisies. Peu de temps après, Louis, visitant la Rochelle, se promit bien de la garder et écrivit, dit-on, en songeant à ce qu'il avait fait : Oh ! la grande folie !

Héritière des seigneurs, la monarchie prétendait bien l'être aussi des droits des communes ; les plus grandes d'entr'elles ne l'entendaient pas ainsi, La Rochelle surtout, qui fut toujours peu prompte à se dessaisir des avantages qu'elle possédait.

 

 De là des luttes entre les communes et les rois, impuissantes de la part des premières, désormais sans auxiliaires : aussi, sans être révoqués, les privilèges s'usaient, et ce fut par des observations suppliantes, non par des menaces que les Rochelais détournèrent le Roi de fonder un port militaire à Brouage, projet repris plus de 150 ans plus tard (1495).

Assez d'années s'écoulèrent sans d'autres événements que ces légers troubles ; mais les droits de la gabelle, appliqués à un pays qui en était exempt et appliqués par un mode pesant, soulevèrent toute la Saintonge et tout l'Aunis ; la Rochelle prit part à cette résistance armée, que dès lors beaucoup de gens appelaient comme tous l'appelleraient aujourd'hui, une sédition.

Elle fut apaisée, et comme La Rochelle eut pu en être le premier appui, elle eu fut la première victime. François Ier vint y faire le roi, y faire plier la fierté communale, qu'il consola ensuite en soupant avec un certain nombre des bourgeois (1542).

Mais, sous Henri II, une nouvelle et plus rude tentative de droits sur les sels souleva toute la Saintonge. Cette sédition fut plus grave que la première ; si La Rochelle s'en abstint, toutes les campagnes saintongeaises y prirent part ; ce fût une véritale Jacquerie qui porta ses armées jusqu'à Bordeaux.

Des châteaux furent pillés, des seigneurs tués, des agents de la gabelle mis en pièces. Montlieu, Montguyon, Pons, Marennes, réunirent leurs hommes, et tous ensemble vinrent à Saintes briser les prisons ; Saint-Jean-d'Angély seul tint bon contre les instances et les menaces des insurgés ; l'armée royale prit le dessus, et pourtant il fallut que le roi modifiât ses ordonnances, et changeât sinon le taux et l'impôt, au moins le mode de perception (1548).

Mais déjà, depuis quelque temps, l'Aunis et la Saintonge étaient agités sourdement par de nouveaux troubles qui devaient leur donner une importance plus grande et plus funeste que jamais.

Depuis plusieurs années, les opinions calvinistes se faisaient des prosélytes dans la Saintonge ; longtemps l'influence du gouverneur Jarnac fit prévaloir les catholiques à la Rochelle ; Saintes fut le chef-lieu de la réforme qui y assembla un synode (1562).

Le protestant La Rochefoucauld échoua dans ses tentatives sur La Rochelle et sur Saint-Jean-d'Angély mais réussit à se rendre maître à Pons.  

Bientôt les partis s'animèrent, catholiques et protestants en vinrent souvent aux mains, et dans les rues mêmes de La Rochelle se disputèrent cette ville (1565).

Les catholiques triomphants affectèrent de voir dans les dissensions religieuses une révolte politique et firent couler plus de sang après, que pendant le combat.

Par suite, Charles IX vint a La Rochelle ; l'esprit communal y dominait encore à une époque où la fierté s'attachait aux faits et non la vanité au langage, où les gens des communes se fussent volontiers reconnus non seulement sujets, mais presque esclaves, pourvu qu'en réalité leurs privilèges restassent intacts, les paroles soumises adressées à François Ier semblaient n'avoir rien changé ; aux yeux de la cour, au contraire, c'avait été un fait décisif.

 L'épée de Montmorency, comme ses paroles, prouva que ces privilèges n'étaient qu'une formule passée de mode et le cheval de Charles IX les foula aux pieds.

Qui dira si cet acte ne fit pas autant de conversions que les prêches les plus éloquents ?

Moins de deux ans après le protestantisme prévalait, et pour tout le temps de la lutte, à La Rochelle, 1567.

Cette lutte était engagée dans toute sa force, et la Saintonge en était un des principaux théâtres.

Enlevée par le catholique Nogeret, reprise par les protestants, Saintes a le spectacle d'une grande revue des forces de ceux-ci, et puis est reprise par les catholiques, pour leur être encore enlevée (1658).

Dandelot passe la Loire, vient donner l'avantage au parti protestant dans la Saintonge, assiéger et prendre Pons vigoureusement défendu.

 

 Cependant Saint- Jean-d'Angély devenu place protestante voit le duc d'Anjou user devant ses murs sa victoire de Moncontour (1569).

Les catholiques prennent Marans, Marennes ; attaquent le château de Rochefort ; s'efforcent de cerner La Rochelle (1570).

C'est une série non interrompue de rencontres journalières, telles qu'elles devaient être dans une guerre civile, une guerre de religion, et lorsque le parti, catholique s'élançait de ses places de refuge, Ozillac, Jonzac, Mortagne, etc., et rencontrait à mi-route les protestants sortis d'Archiac, Montguyon, Mirambeau presque tout incendié avec son château, etc. Brouage aussi, si important par sa position envers La Rochelle, était en quelques mois pris tour à tour par les catholiques et les protestants.

Quelque chose de plus horrible encore se mêlait à ces combats entre frères, des massacres de sang-froid.

En 1572, une paix vint qui sembla amener une réconciliation plus durable que les paix boiteuses qui l'avaient souvent précédée. Elle finit par la Saint-Barthélémy.

La suite de ce grand crime, dont tant de détails sont restés problématiques et que les scélérats mêmes qui le commirent contribuèrent à rendre impuissant, fut le siège de La Rochelle 1573. On sait quelle fut la résistance de la plus juste indignation. Heureux d'un prétexte, le duc d'Anjou conclut un traité tout à l'avantage des réformés réfugiés dans cette ville, que ce serait une erreur d'appeler les Rochelais.

Ceux-ci étaient sans doute en minorité dans les défenseurs de la place. La paix ne fut pas de longue durée. Il y avait méfiance des deux parts.

En 1574, le Jour du mardi-gras fut choisi par les réformés pour une levée de boucliers ; ils s'emparèrent de Pons, Royan, Tonnay-Charente, Talmont, le château de Rochefort. La Rochelle s'insurgea.

Cette année même Charles IX mourut; quelques-uns, des protestants surtout voulurent y voir un nouveau crime de Catherine de Médicis, et la manière indulgente, presque bienveillante dont ceux-ci ont parlé de leur roi, contraste singulièrement avec les idées attachées à son nom. Une des causes de cette singularité, c'est sans doute qu'un roi arrivait, désertant un autre royaume, pour lui succéder, auquel la Saint-Barthélémy n'inspirait ni terreur, ni remords, et qui était loin de la désavouer.

Sous Henri III, la guerre se continua, et la Saintonge, ainsi que l'Aunis, revit des combats quotidiens comme avant le massacre. Les catholiques furent repoussés dans une tentative sur l'île de Ré(1575).

Le duc de Mayenne vint en Saintonge et sa présence fut utile à son parti.

Dans le parti protestant, au contraire, des dissensions se joignirent aux maux de la guerre. L'orgueil bourgeois, si puissant dans la commune rochelaise ne pouvait se concilier avec l'orgueil féodal des Condés.

Les catholiques qui avaient enlevé Marans, enlevèrent encore Brouage, après une plus longue et plus honorable résistance.

En 1577, une paix vint suspendre des combats que les deux partis recommencèrent bientôt en s'accusant mutuellement de trahison.

Le siège de Saint-Jean-d'Angély (1580), la prise de Mauzé par les catholiques, menacèrent La Rochelle, sans empêcher les réformés d'y tenir un synode. Les combats continuaient, rendus plus acharnés par la puissance croissante de la Ligue.

Le mariage du prince de Condé avec une demoiselle de la Trimouille donna, non sans peine en 1585, Taillebourg aux protestants ; ils prirent Fouras, et essayèrent de s'emparer de Brouage d'où les catholiques inquiétaient singulièrement les Rochelais.  .

 Ceux-ci avaient alors un chef avec lequel ils sympathisaient mieux qu'avec le hautain Condé, Henri de Navarre, leur bien bon ami (1586).

Il couvrit Marans qui leur était si précieux ; Soubise fut pris par les réformés.

 D'Aubigné, l'historien, allait hardiment s'emparer d'Oléron qu'il prit sans beaucoup de peine et défendit avec de grandes pertes ; quelques jours après, une nouvelle rencontre auprès de Saintes, aux Arènes, donnait aux réformés une victoire rendue plus pénible qu'une défaite par la mort des frères d'Andelot.

 Le catholique Laverdin faisait plus que compenser ces avantages en s'emparant de Marans, malgré Henri (1587).

Celui-ci avec toute sa popularité, n'échappait pas aux trop justes reproches des pasteurs qui, à l'assemblée de La Rochelle, accusaient violemment ses nombreuses et dispendieuses galanteries. Le Béarnais se soumettait à ces semonces avec une humilité gasconne.

Cependant Condé mourait empoisonné à Saint-Jean-d'Angély (1588), et ce crime, dont la femme de ce prince fut tour à tour déclarée juridiquement coupable et innocente, sans que les passions diverses laissent d'autorité à aucun de ces jugements. Ce crime rendit Henri seul chef du parti protestant. Bientôt, il fut le seul appui du roi détrôné, et bientôt le poignard de Jacques Clément le fit roi (1589).

 Les derniers temps de la lutte ne ravagèrent ni la Saintonge ni l'Aunis. Sous le règne de Henri IV ces deux provinces furent calmes et l'Edit de Nantes (1598), y causa des mécontentements, des difficultés de négociations et non pas des troubles sanglants ; en même temps, leur état matériel, l'état de leur sol gagnait beaucoup, et sous la conduite du Hollandais Humfroi Bradley, appelé par Henri IV en 1599, ou commençait le dessèchement des marais qui couvraient une grande partie du pays.

Le commerce trop longtemps suspendu par les guerres intestines, reprit avec une nouvelle activité : Pierre Dugua, seigneur de Mons, gentilhomme saintongeais, ayant proposé au roi d'affermir nos établissements de l'Amérique septentrionale et de donner à la colonie un état de consistance sans qu'il eu coûtât rien à Sa Majesté, Henri le déclara son lieutenant général dans les pays connus sous le nom de la Nouvelle France et lui accorda en même temps le privilège exclusif du trafic des pelleteries (1605). Dugua associa à cette grande entreprise plusieurs négociants de La Rochelle.

Mais en 1610, l'avènement de Louis XIII et la retraite forcée du protestant Sully, vinrent rallumer un feu bien mal éteint. Des intrigants de cour tentèrent d'abord d'exploiter cette mine. Condé mécontent excita les Rochelais, qui l'écoutèrent en effet ; mais ils voulurent être ses auxiliaires, non ses instruments, (1615).

Dans son traité avec ce prince catholique, et pourtant se servant d'un nom populaire dans la reforme et du leurre d'une conversion, La Rochelle tendit évidemment à se faire état indépendant, à se constituer en république.

L'arrestation inattendue de Condé en 1616 fit concevoir des craintes aux Rochelais, et ils s'emparèrent de Rochefort. L'orgueilleux d'Epernon porta ses troupes à Surgères, à Tonnay-Charente ; heurta de toutes manières l'esprit de commune au moins aussi puissant à la Rochelle que l'esprit de la réforme ; le roi eut autant de peine à se faire obéir de son gouverneur que de ces républicains mal déguisés. Enfin pourtant la paix fut rétablie.

En 1621, l'assemblée des protestants à La Rochelle n'en montra pas moins des dispositions tout hostiles. En vain le roi s'empara-t-il de Saint-Jean-d'Angély ; une collision directe avec l'autorité royale n'épouvantait plus.

 On se battit aux portes de La Rochelle; on se battit sur mer ; Guiton, amiral de la flotte rochelaise, attaqua avec avantage la flotte royale, et comme La Rochelle combattait à armes égales, elle prétendait traiter de puissance à puissance.

Ce fut presqu'ainsi qu'elle traita, sinon par les formules, du moins par le fait. La paix fut courte. La guerre, car on ne saurait plus dire la sédition, se ralluma.

La flotte royale fut d'abord battue par Soubise, à la tête des Rochelais : ils combattirent contre des vaisseaux français, anglais, et hollandais réunis : l'île de Ré n'en fut pas moins enlevée par les troupes royales.

La guerre continua avec acharnement ; un navire rochelais pressé par quatre navires royaux mit le feu aux poudres et fit sauter ses ennemis avec lui, 1625 : le Vengeur n'a pas plus fait ; heureusement, lui il ne combattait pas des Français. La Rochelle se soumit pourtant encore.

La rupture de l'Angleterre avec la France, les exhortations de ces cruels ennemis et de Buckingham rengagèrent la lutte. La Rochelle, si antipathique à l'Angleterre et à l'aristocratie, se laissa entraîner par le plus fort des grands seigneurs anglais.

Ces prétendus auxiliaires se firent battre à l'île de Ré, dont la défense couvrit de gloire Toiras (1627) ; ils ne secoururent pas, si même ils ne trahirent lâchement, la ville qu'ils avaient excitée. On sait l'issue de l'héroïque résolution des Rochelais et de Guiton, élu maire au milieu du siège, malgré l'opposition d'une partie même des principaux citoyens.

Pendant un instant l'histoire non seulement de la Saintonge et de l'Aunis, mais de la France, se concentra à La Rochelle ; une question s'y vidait dont dépendait le sort de l'Europe et de l'avenir.

Lorsque la digue eut vaincu La Rochelle, la politique de Richelieu ne lui commanda pas la cruauté ; les têtes ne tombèrent point ; c'était assez d'avoir abattu le dernier refuge des privilèges communaux et le dernier appui du protestantisme, comme parti politique.

Le malheur de La Rochelle rejaillit sur ses voisins ; les fortifications de Saintes furent rasées comme les siennes (1628).

La guerre de 1628 a rempli de nombreux volumes, et peut-être elle est encore à étudier. Sans doute, ce grand coup à frapper devait entrer dans la politique de Richelieu, mais il semble qu'il ait été forcé à le porter plus tôt qu'il ne voulait.

Cette guerre est bien plus rochelaise que le siège de 1573, et il serait à la fois difficile et intéressant de distinguer quelle part y prit l'esprit religieux. Quant à l'esprit communal, il était resté bien avant dans les coeurs rochelais longtemps après qu'il n'avait plus de sens partout ailleurs ; le caractère de ce peuple est tenace et peu prompt aux nouveautés. Quoi qu'il en soit de ces questions, c'est ici que finit réellement son histoire.

Celle de la Saintonge aussi, à vrai dire, et les événements mêmes qui se passent sur son sol ne sont plus que clairsemés.

 La translation de l'évêché de Maillezais à La Rochelle achève la séparation des deux parties de l'ancienne Saintonge.

Un autre Condé, plus illustre que son grand-père et son père, mais comme eux hautain et remuant, veut aussi en 1651 entraîner la Saintonge, à la suite de la Guienne, dans sa querelle : il jette les yeux sur La Rochelle pour en faire sa principale place d'armes.

Dudaugnion, qui y faisait peser lourdement son joug de gouverneur, s'attache à Condé pour en faire son marche-pied et non pour lui en servir, et l'empêche de se rendre maître de cette ville, dont il veut garder pour lui la disposition, tandis qu'il se rend roi indépendant dans Brouage.

 Le comte d'Harcourt arrive par Saint-Jean-d'Angély, tandis que Condé arrivait par Tonnay-Charente ; les deux armées se rencontrent et le vainqueur de Rocroy passe la Charente en fugitif plus qu'en général qui se retire ; il n'échappe à une défaite et à la captivité que grâce au manque d'audace de son ennemi, et perd bientôt Pons, Saintes, Taillebourg, dont il s'était emparé quand il n'avait pas d'adversaires en face.

Pendant ce temps les Rochelais non seulement ouvrent leurs portes aux troupes royales, mais aident de leur or et de leur sang à la reprise des tours du port, où Besse commandait, pour Dudaugnion, des soldats étrangers qui le jetèrent sur les lances des assiégeants. Les habitants de la ville se crurent heureux d'éviter à ce prix qu'on saisît une occasion de les rançonner.

Ils n'avaient plus les vieux motifs qui les rendaient si braves ; mais il leur restait du courage de soldats. Ce courage s'émut sans avoir besoin d'être employé, lorsque la flotte d'Espagne, alors ennemie, se montra sur les côtes de l'Aunis.

La flotte française vint combattre avec avantage en face de Brouage (1652).

Dans cette dernière ville, Dudaugnion s'était assez fortifié pour que la cour aimât mieux l'acheter que le vaincre ; il reçut en effet, le bâton de maréchal de F'rance et une somme de cinq cent mille livres.

Louis XIV qui craignait les Rochelais, les jugeait sur leur réputation plus que sur les faits et ce fut pour ce motif qu'il fit élever Rochefort, le port du roi, à côté du port du peuple.

Ils avaient enfin conçu qu'il n'y avait plus place pour eux dans l'histoire politique et ne cherchaient et avec succès, qu'à agrandir la leur dans l'histoire commerciale (1666).

Un grand coup fut porté à cette prospérité par la révocation de l’Edit de Nantes (1685).

 Louis XIV consentit à laisser rendre contre les calvinistes cette loi dont Richelieu et Mazarin avaient constamment rejeté la proposition, cette loi sollicitée sous le prétexte de maintenir une sage police entre les deux religions, mais qui devint le plus fatal instrument de la ruine des protestants et donna naissance au système de persécutions qu'on a suivi contre eux pendant près d'un siècle. Bien des maux torturèrent la Saintonge et l'Aunis, bien du sang y fut cruellement versé, en dépit de l'homme doux et conciliant qui leur fut envoyé, le vertueux et grand Fénelon.

Celui-ci exigea et obtint du moins que les dragons en sortissent. Les peines portées contre les fugitifs n'arrêtèrent pas les zélés sectateurs de la religion réformée ; à la faveur de cent déguisements qu'inventait leur courage ingénieux, ils abandonnèrent leur terre natale pour aller chercher une autre patrie dans les pays étrangers. La Rochelle se ressentit particulièrement de cette triste émigration ; elle perdit en deux années plus de trois mille de ses habitants.

La guerre fit moins de mal. La flotte Anglo-Hollandaise menaça l'île de Ré et la pointe des Minimes ; on s'arma. Gassion, Tourville, un belliqueux évêque, excitèrent les milices rochelaises, moins décidées que les combattants de 1628. L'ennemi eut peur pourtant ; il lança de loin quelques bombes et se retira, (1695).

Plus de décision et d'ardeur guerrière, animait les Rochelais lorsque les Anglais eu 1757, violant les traités, pillant leurs navires, avant toute déclaration de guerre, ayant canonné l'île d'Aix, osèrent descendre à Fouras.

Ceux-ci purent reconnaître la vieille haine de la commune aux coups que la colère de la ville commerçante porta à ces voleurs de mer.

Les habitants de la nouvelle ville de Rochefort furent dignes de les seconder.

La prospérité commerciale produisit dans tout l'Aunis et la Saintonge ce bien-être, ce repos qui favorisa une haute culture de l'esprit.

Le mouvement littéraire du XVIIIe siècle y fut bientôt suivi.

En 1790, l'Aunis et la Saintonge devinrent un seul département dont le chef-lieu fut Saintes.

L'histoire du département de la Charente-Inférieure, pendant la Révolution, fut celle de toute la France, il fut un des moins malheureux, un de ceux qui vit le moins d'horreurs. Sa proximité de la Vendée n'eut pas pour lui de grandes conséquences.

Les troupes inexercées que le département y envoya ne pouvaient pas tenir contre le fanatisme des Vendéens, puisé aux mêmes sources où les vieux Rochelais puisaient le leur.

La position du département lui donna par le passage de nombreux régiments de l'importance en administration, non en histoire.

Sous le premier Empire, il fut loin du théâtre des guerres.

Seulement, il eut le spectacle d'un grand désastre maritime, l'incendie de la flotte française commandée par l'amiral Lallemand (1809).

Ce malheureux événement fut un nouvel échec pour le commerce de La Rochelle, parce que les Anglais, pouvant plus facilement garder la station de l'île d'Aix, répartirent leurs vaisseaux de manière à interdire l'entrée du port à tous les navires.

Le commerce trouva alors dans l'armement des corsaires une source de richesses qu'il ne pouvait plus chercher dans les expéditions lointaines. En 1810, le siège de la Préfecture fut transporté à La Rochelle.

Cependant le commerce souffrait de la prolongation de la guerre ; aussi la paix de 1814 fut reçue avec enthousiasme ; les Anglais posèrent le pied sur la terre rochelaise, qui, en dépit de tous les poètes du monde, ne s'entr'ouvrit pas pour les engloutir, ni eux, ni leurs adulateurs.

Les Rochelais oublièrent leur vieille haine, lorsqu'elle eût été le mieux placée.

Il faut tâcher de croire à un délire endémique pour ne pas envelopper les peuples et soi dans un dégoût qui soulève le coeur.

Le département vit pourtant la dernière scène de ce grand drame politique ; il retentit des derniers cris d'enthousiasme qu'inspira à des masses cet homme que sa grande infortune allait élever au-dessus du petit nombre d'hommes que son génie avait laissé ses égaux.

    Napoléon quitta Rochefort pour aller se livrer à ces lâches ennemis, que la honte du traitement qu'ils lui firent subir, souille à jamais dans l'histoire (1815).

En 1821, une des conspirations ourdies ou supposées, si nombreuses sous la Restauration, porte le nom de La Rochelle, celle des quatre sergents qui moururent bravement sur l'échafaud.

Depuis, l'histoire du département de la Charente-Inférieure se confond avec celle de la France.

Il n'est pas dans notre cadre d'entrer dans l'Histoire des luttes politiques contemporaines, ni de les apprécier.

 

De l'Île d'Oléron à Mortagne-sur-Gironde : histoire de Royan et de ses environs, précédée de l'histoire générale de la Saintonge (moeurs, coutumes, langage, religion, etc., etc.) / Gaston Noblet

 

 

 

 


 

 

(1)   La véritable étymologie du nom d'Aunis n'est pas bien connue ; les savants n'ont rien négligé pour en découvrir l'origine, mats tous les efforts de leur curiosité se sont réduits à des conjectures frivoles.

La moins dénuée de fondement est que vers le Ve siècle, les Alains ayant été battus par Childéric, vinrent se réfugier dans l'Aquitaine dont les Wisigoths occupaient alors une grande partie. Ces fugitifs auront donné leur nom à leur nouvelle demeure appelée Pagus Alanensis et dans la suite Alniensis, d'où Alnisium, Aunisium.

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