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PHystorique- Les Portes du Temps
5 avril 2020

André Tiraqueau (Andreas Tiraquellus), protecteur de Rabelais

Portrait André Tiraqueau - Fontenay le ComteAndré Tiraqueau, naquit à Fontenay le Comte, vers l’an 1480, d’une meilleures familles (1) de cette petite ville si féconde en grands hommes. Il fit ses études de droit à Poitiers quoiqu’il y ait tout lieu de croire que son éducation dans les Lettres ne fut pas négligée, il est pourtant certain que la Langue Grecque n’entra point dans le plan de ses premières études, puisqu’il n’apprit cette Langue que dans un âge avancé.

Il épousa en 1512, Marie Cailler, fille d’Artus Cailler Lieutenant particulier du Siège de Fontenay. Avant de contracter cette alliance, il était déjà pourvu de l’Office de Sénéchal de Fontenay.

Dans le Procès-verbal de l’ancienne Coutume de Poitou, réformée en 1514, on lui donne la qualité de Juge Châtelain. Quelques temps après son mariage, il publia son Traité de Legibus Connubialibus, et de Jure maritali. Il fut reçu du Public avec un applaudissement universel. Tiraqueau avait tout au plus 35 ans lorsque ce grand ouvrage paru en 1515.

Il jouissait d’un crédit si bien acquis à son mérite, qu’il s’érigea en protecteur de François Rabelais, quand celui-ci fut condamné à la prison perpétuelle par le gardien et le chapitre du couvent des cordeliers. En ce temps-là, il ne faisait pas bon rire !

 

 Voici donc Rabelais au cachot (2) pour le reste de ses jours, privé de lumière, réduit au pain et à l'eau. Heureusement, pour l'enlever à la fureur des moines, il avait des amis au dehors.

André Tiraqueau, lieutenant général de Fontenay, parvint, malgré la résistance des moines, à se faire ouvrir le couvent; mais il fallut pour cela presque une émeute Tiraqueau se rendit, au nom du roi, avec les principaux habitants de la ville, aux portes de l'abbaye, qu'il fit ouvrir de force, et Rabelais fut trouvé dans une des oubliettes de la pieuse maison, où il serait mort en peu de temps.

Jamais il n'oublia ce service, et sa reconnaissance était aussi vive après vingt ans qu'elle le fut au moment même où Tiraqueau l'arrachait à son cachot. Il parlait de son libérateur, à la fin de sa vie, comme il en eût parlé au jour de la délivrance; tous les sentiments de ce jour lui reviennent chaque fois qu'il trouve occasion de nommer et d'immortaliser, dans son livre, le bon, le docte, le sage, le tant humain,  tant débonnaire et équitable André Tiraqueau.

Depuis cette époque Rabelais, qui partageait l’universalité des connaissances de ce grand jurisconsulte, se sentit entrainé vers lui par une estime que le temps ne fit qu’accroitre en fortifiant d’amitié, et Tiraqueau, de son côté, malgré la différence d’âge et de condition, s’attacha étroitement à ce cordelier, qui savait le grec et l’hébreu.

 

(La fontaine des Quatre Tias (la fontaine des beaux esprits) de Fontenay-le-Comte, foyer de vie intellectuelle de la Renaissance)

Tiraqueau fut Juge prévôtal à Fontenay le Comte, lieutenant-général du Sénéchal du Poitou dans la même ville, conseiller au Parlement de Bordeaux, nommé par François Ier conseiller au parlement de Paris en 1541, humaniste d'une érudition prodigieuse, possédant des connaissances extrêmement étendues en matière de philosophie, d'histoire et de médecine, Tiraqueau fut l'ami des hommes les plus éminents de son temps.

Il fit partie de ce cénacle de Fontenay le Comte qui fut, d'après Mr. Bréjon, l'un des plus remarquables exemples de décentralisation intellectuelle, un foyer spirituel intense dans une petite ville de province.

 

JUSTICE DE POITOU. L'ancienne sénéchaussée de Poitou <==.... ....==> Fontenay le comte Rue du Pont-aux-Chèvres, Palais des évêques de Maillezais et Maison André Tiraqueau

 


 

Exceptionnellement, des ouvrages seront sortis des réserves de la médiathèque de Fontenay le Comte -

Aujourd'hui, plusieurs milliers de livres anciens, des 16 e jusqu'au 20 e siècle, y sont conservés. C'est un patrimoine majeur pour notre ville humaniste. Eu égard à la fragilité des œuvres, ce fonds n'est pas accessible au public. Ce printemps, nous proposerons 3 rendez-vous bibliophiles (1 par mois) pour approcher quelques éléments de la collection.

(1)   Sainte-Marthe dit Claris parentibus Eloge Lib. Page 50. Les déscendans de Tiraqueau, sont entrés dans les plus grandes maisons de France. Fraçoise Tiraqueau arrière petite- fille d’André premier, épouse de Charles Baudean, Baron de Neuillan, a eu deux filles, dont l’une appellée Suzanne de Baudean, a épousé Philippes de Lanotaut, Duc de Navailles, fils de Philippes de Montaut et de Jaqueline de Gontaut. L’autre nommée Angélique de Baudean épousa le 18 avril 1656, Charles Comte de Foulay fils puiné de René de Froulay Comte de Teffé, et de Marie d’Escoubleau-Sourdis.

(2) Quel était le crime de Rabelais?

Suivant les uns, il avait mêlé au vin des moines certaines drogues et plantés lesquelles rendent l'homme refroidi, maléficié et impotent à génération ; suivant les autres, il aurait imaginé une facétie toute contraire et beaucoup plus grave dans ses conséquences, en se servant des drogues qui excitent, échauffent et habilitent l'homme à l'acte vénérien, pour entraîner la communauté dans les plus honteux désordres.

On trouverait peut-être la preuve de cette assertion dans ce que raconte, au IIIe livre du Pantagruel (chap.XXVII), frère Jean des Entommeures, dans le portrait duquel Rabelais s'est plu à mettre quelques traits de son caractère personnel :

« A la Passion qu'on jouoit à Saint-Maixant, entrant un jour dans le parquet, je veids, par la vertu et occulte propriété d'icelle (certaine énergie contenue en sa braguette), soubdainement touts, tant joueurs que spectateurs, entrer en tentation si terrificque, qu'il n'y eust Ange, Homme, Diable, ni Diablesse, qui ne voulust biscoter. Le portecole (souffleur) abandonna sa copie ; celuy qui jouoit saint Michel descendit par la volerie ; les diables sortirent d'enfer, et y emportoient toutes ces pauvres femmelettes ; mesme Lucifer se deschama. Somme, voyant le desarroy, je deparquay du lieu, à l'exemple de Caton le Censorin, lequel, voyant par sa présence les festes Florales en désordre, désista estre spectateur. »

 Ceux qui voient dans cet épisode érotique l'origine de la condamnation de Rabelais par ses frères du moutier de Fontenay-le-Comte, lui attribuent aussi le méchant tour, dont il a fait honneur au poète Villon dans le livre IV du Pantagruel, et qui causa la mort du sacristain de l'abbaye de Saint-Maixent, pour le punir d'avoir refusé de prêter des ornements d'église aux acteurs du mystère de la Passion.

(L’histoire de l’Abbatiale bénédictine Saint-Maixent de Saint-Maixent- l'École)

Un des panégyristes de Rabelais (Antoine Le Roy, dans ses Elogia Rabeloesina.) assure que ce libertin fui lui-même un objet de scandale, dans une fête de village, où, ayant bu plus que de raison, il enivra les paysans, leur prêcha la débauche, et, par ses chants, ses danses et ses folies, donna l'exemple du libertinage.

Enfin, la tradition la plus constante, qui n'est pas la moins invraisemblable, accuse Rabelais d'avoir commis une éclatante impiété, en s'affublant d'un costume de saint François, et en se plaçant, au lieu de la statue du saint, dans l'église même du couvent, pour faire crier au miracle les bonnes gens qui viendraient s'agenouiller devant lui. On ajoute qu'il poussa l'irrévérence et le sacrilège jusqu'à les asperger avec une eau qui n'était rien moins que bénite.

Si l'on doit croire à cet acte de démence hérétique, il est assez naturel de lui donner pour théâtre l'abbaye de Charroux, voisine du couvent de Fontenay-le-Comte ; car cette abbaye possédait, du temps de Rabelais, une relique fort singulière, qu'on invoquait dans les serments (1) et que les huguenots firent disparaître, lorsqu'ils s'emparèrent de l'abbaye en 1562. ==> Histoire et donations, Concile de Charroux (juin 989)- Urbain II (janvier 1096) - les reliques de Charroux

C'était une grande image de bois sculpté, représentant un homme couvert de lames d'argent ; on la tenait renfermée dans une niche qui ne s'ouvrait qu'un seul jour, tous les sept ans. Ce jour-là, les hommes et les enfants allaient la baiser avec dévotion. Quant aux femmes, elles n'étaient point admises à un tel hommage; elles devaient seulement essayer de participer au bénéfice du baiser, en se battant d'embrasser les gens dont la bouche venait de toucher le digne voeu de Charroux.

« Une grande dame la voulut baiser, dit l'Alphabet de l'Auteur françois : il se haussa de quatre ou cinq pieds; ce qui passa pour un miracle, quoique ce ne fût qu'un effet de la fourberie des moines qui avaient attaché une poulie par derrière. » Rabelais ne fut-il pas l'opérateur de ce miracle?

Quoi qu'il en soit, Rabelais quitta le couvent, où il serait mort in carcere duro, sans l'intervention de ses amis.

Rabelais : sa vie et ses ouvrages / P.-L. Jacob, bibliophile

 

 

(1) Livre IV du Pantagruel, ch. VII. Voy. la note de Le Duchat, à propos du serment par le digne voeu de Charroux.

Tes fortes fièvres quartaines ! dit le marchand, lourdaud sot que tu es.

Par le digne voult (vœu) de Charroux, le moindre de ces moutons vaut quatre fois que le meilleur de ceux que jadis les Coraxiens en Tuditanie, contrée d'Espagne, vendaient un talent d'or la pièce.

 Et que penses-tu, ô sot à la grande paye, que valait un talent d'or?

— Benoît monsieur, dit Panurge, vous vous échauffez en votre harnais, à ce que je vois et connais. Bien tenez, voilà votre argent. » -

Nous avons vainement cherché à découvrir quelque lettre ou manuscrit écrit à Fontenay par l'homme qui résume le mieux en lui le génie encyclopédique de la Renaissance.

Nous n'avons pas non plus trouvé trace de sa correspondance avec André Tiraqueau, après qu'il se fut éloigné des bords de la Vendée. La prudence naturelle aux gens de robe, faculté qui se lit sur la figure épicurienne du jurisconsulte, la fit peut-être anéantir, lorsqu'elle eût pu devenir une cause de danger pour son détenteur.

 La destinée aventureuse de Rabelais l'emporta, pendant le cours de sa vie, dans beaucoup d'autres contrées, mais il n'oublia pourtant pas ses amis du Bas-Poitou.

 Les dédicaces de ses premières publications et le peu qu'on possède de ses lettres en font foi. La seule pièce tombée en nos mains, où il soit mentionné, est un acte d'achat, par les Cordeliers, de la moitié d'une auberge, au dos duquel il a apposé sa signature, en qualité de frère mineur, à côté de celle de Lamy et de ses confrères.

Les voici l'une et l'autre d'après l'original :

Signature Rabelais

La date de cet acte, 5 avril 1519, doit être très rapprochée de celle de l'ordination de Rabelais, qu'on place à tort, selon nous, vers 1511. (Par suite d'une erreur typographique, le Magasin pillor. de 1849, p. 316, donne à ce document la date de 1515. )

Tout prouve, au contraire, qu'il était presque enfant en 1507 ou 1508, époque de son arrivée à Fontenay.

Geoffroy d'Estissac, le compagnon de ses études, monta sur le siége épiscopal de Maillezais en 1518, avec dispense d'âge, n'ayant que vingt-trois ans, ce qui reporte sa naissance vers 1495.

Le fils du cabaretier de Chinon dut donc voir le jour vers cette même année, et non en 1483, ainsi que l'ont répété tous ses biographes, sans alléguer aucune preuve à l'appui.

Parmi les moines, au nombre d'une douzaine, qui signèrent avec lui l'acte d'achat de l'auberge, figure Pierre Regnart, auteur d'un petit livre ascétique, à l'usage des Cordeliers de sa maison et des religieuses de Sainte-Claire.

Il est intitulé : L'exercice dit cueur crucifié, et a été imprimé en gothique, à Paris, en la rue neufve Notre-Dame, à l'enseigne de l'Écu de France, sans date; petit in-8° de 24 feuilles non chiffrées, avec fig. sur bois (Le seul exemplaire connu appartient à Mlle Clémentine Fillon ).

Nous avons encore remarqué la signature d'Artus Coultant, dont le nom a pris une forme grotesque sous la plume du vindicatif écrivain. (Pantagruel, liv. iii, chap. xix.)

 

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