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PHystorique- Les Portes du Temps
7 avril 2020

Maitre François Rabelais en Olonne

Maitre François Rabelais en Olonne

Le pays d'Olonne étend ses rivages le long de l'Atlantique, dans ce beau pays de Vendée où aima jadis se promener Maître François Rabelais.

Celui-ci était encore moine à Fontenay-le-Comte lorsqu'à la suite de son ami Hilaire Goguet, sénéchal de Talmond, il arriva un beau jour au bord de l'océan, là où s'élève aujourd'hui la cité des Sables-d'Olonne (1). Maitre François paraît avoir séjourné là quelque temps.

 De sa visite, il a retiré de précieuses indications qui émailleront plus tard ses savoureux récits.

Le mot « Olone » apparaît à six reprises chez Rabelais (2). On l'admet généralement comme une forme ancienne du moderne « Les Sables-d'Olonne ». En fait le problème est loin d'être aussi simple. Au XVIe siècle, comme maintenant encore, plusieurs localités se targuaient de posséder ce déterminatif : ce sont d'abord les simples villages d'Olonne-sur-Mer, du Château d'Olonne, de l'Ile d'Olonne et finalement les villes voisines et pour ainsi dire jumelles de La Chaume-d'Olonne et des Sables-d'Olonne.

Dans certains cas, « Olone » semble désigner chez Rabelais le pays lui-même ; ce dernier regardait vers l'océan et, possédant aussi un arrière-pays essentiellement agricole, révèle donc deux visages qui semblent apparaître chez Maitre François.

Tantôt, en effet, c'est le littoral du Pays d'Olonne qui paraît l'idée dominante. Ainsi dans le Gargantua, le géant magnanime adresse un discours aux troupes vaincues de Picrochole et prononce ces mots :

« Souvenir assez vous peut de la mansuétude dont ilz usèrent envers les Bretons à la journée de Saint Aubin du Cormier, et à la démolition de Parthenay. Vous avez entendu et admiré le bon traictement qu'ilz firent ès barbares de Spagnola qui avoient pillé, dépopulé et saccaigé les « fins » maritimes de Olone et Thalmondois. » (3)

Le passage est très clair : Olonne désigne les rivages marins qui s'étendent actuellement du Havre de la Gachère à la Baie de Cayola (4), endroit où précisément commence le Talmondais ou pays de Talmond. Q

uant à ces barbares de Spagnola, outre les allusions à la situation internationale contemporaine (5), il nous a paru significatif d'y relever la première mention de la tradition des origines espagnoles de la ville des Sables (6).

Tantôt enfin, c'est l'intérieur du pays, formé des deux bourgades principales d'Olonne-sur-Mer et de l'Ille-d'Olonne que semble évoquer Maître François. Très ferré en botanique, Rabelais connaissait très bien le chanvre (7) et sa famille s'adonnant à sa culture, il avait pu tout à loisir l'observer (8).

Venu en Olonne, il a vu les plantations de chanvre de la région qui, jouissant du climat le plus doux de la côte Atlantique — ce qui a été prouvé depuis (9) — se développait à merveille :

« La hauteur d'iceluy communément est de cinq à six pieds. Aucunes fois excède la hauteur d'une lance. Savoir est, quand il rencontre terrouir doulx, uligineux, légier, humide sans froidure : comme est Olone, et celuy de Roséa prés Préneste en Sabinie. » (10).

Dans un autre passage assez obscur, il semble également qu'il faut reconnaître l'intérieur du pays :

« Le noble royaume prospérera et triumphera ceste année en tous plaisirs et délices... On n'y vit onques tant de vins, ny plus frians : force rabes en Limousin, force chastagnes en Périgord et Daulphiné, force olives en Languedoc, force sables en Olonne, force poissons en la mer... » (11)

On s'est demandé ce que pouvait bien signifier « force sables en Olonne ».

 Pour nous, il faudrait voir dans ce texte une allusion à une verrerie qui devait exister à l'époque et qui a disparu depuis. Coïncidence troublante, il y a à la sortie d'Olonne-sur-Mer trois champs qui se touchent et qui primitivement ne devaient en faire qu'un.

Ces champs se nomment ainsi : La Grande Verrerie, La Verrerie du Milieu et La Petite Verrerie. On conviendra facilement qu'on ne peut appeler sans raison des coins de terre, même si la surface actuelle ne laisse rien apparaître. Notre opinion n'est malgré tout qu'une hypothèse qu'il faut considérer comme telle (12).

Si donc dans certains cas, Olonne chez Rabelais désigne le Pays d'Olonne, comme parfois aujourd'hui lorsque l'on dit : « Je vais en Olonne », dans d'autres cas, il faut reconnaître dans ce toponyme le port et la ville des Sables-d'Olonne, dissimulés trois fois derrière l'expression « Port d'Olone » :

A) « (La jument) fut amenée par mer en trois carraques et un brigantin, jusques au port de Olone en Thalmondois. » (13).

B) « Ains suivre au plus près le parallèle de ladite Indie et girer autour d'iceluy pôle par occident : de manière que tournoyans sous septentrion l'eussent en pareille élévation, comme il est au port de Olone. » (14)

C) « Cestuy vent, moyennant, irez à droite route, sans terre prendre, si vous voulez jusques au port de Olonne en Talmondois. » (15)

L'expression est très vieille. Elle apparaît à plusieurs reprises dans les chartes des Abbayes de Sainte-Croix de Talmond et de Saint-Jean l'Orbestier : « portum Olone » (1074), « de portu Olone » (1107), « in portu Olone » (1182), « in portu de Olona » (1222).

Il est certain qu'il y avait à l'origine plusieurs petits ports en Olonne ; Les Sables-d'Olonne n'existaient pas, semble-t-il, lorsque les villages de la Bauduère et d'Olonne-sur-Mer avaient leur havre propre ; ce dernier se développa, supplanta ses voisins et finit lui-même par disparaître lorsque Les Sables-d'Olonne apparurent et que se créa un nouveau port, que nous commençons à entrevoir il la fin du XIe siècle :

« de Sabulis » (1095), « Sabulas » (1100), « in Sabulis » (1115), « Les Sables » (1211), « Sabuli supra portum » (1218), « apud Sabulos de portu Olone » (1279), « de Sabulis Olone » (1285)...

Cependant, l'expression « port d'Olonne » resta bien vivante à tel point qu'une charte de 1448 la mentionne encore. Pourtant à cette époque, et à plus forte raison au XVIe siècle, le port des Sables-d'Olonne était un des ports les plus importants de la côte Atlantique (16). Rabelais s'est donc fait lui aussi l'héritier de cet usage.

Maître François est ainsi venu en Olonne. Nous le suivons dans la campagne, il travers les plantations de chanvre, tout près peut-être de la verrerie ; nous l'imaginons flânant sur les quais du port, écoutant parler les marins, notant fidèlement leurs traditions et leurs légendes. Oui, avec lui c'est bien une partie de l'histoire de la Vendée qui revit.

Bernard - M. HENRY.

Cf. Savary : « Dictionnaire Universel du Commerce », 1723-50.

 

 

 

 

André Tiraqueau seigneur de L'Aubier et François Rabelais au Moulin de Bonneuil à Saint-Hilaire-sur-l'Autise <==.... ....==>

 

 

 

 

 


 

(1) H. Clouzot : « Etudes Rabelaisiennes », 190o, p. 70.

(2) Pantagruéline Prognostication, chap. VI :

Gargantua, chap. XVIL ;

Tiers Livre, chap. XLIX ;

Quart Livre, chap. I ;

Cinauiesme Livre, chap. XLVIII.

(3) Gargantua, chap. L.

(4t A. Huetz de Lemos : « Les Sables-d'Olonne », rontenay-ic-comte, , p. 4.

(5) J. Fleury : « Rabelais et ses œuvres », Paris, 1877, t. I, p. 279.

R. Lebèsue : « Mercure de France », CCCXX, p. 646, 1er avril 1954, etc.

(6) Collinet : « Journal », B. OLONA, Chevalier de la Coudraye, « Description médico topographique de la ville des Sables-d'Olonne », B. Olona, n° 36, p. 8.

B.-M. Henrv : « Rabelais et les traditions sablaises », B. Olona, 1967.

(7) J. Plattard : « L'œuvre de Rabelais », Paris, 1910, p. 154-162.

(8) A. Lefranc : « Pantagruélion et chénevraux », Etudes Rabelaisiennes, 190D, p. 403.

(9) M. Samson : « Mémorial de la Météorologie Nationale », 1945, n° 30.

A. Huetz de Lemps, op. cit. p. 5-8.

Cf. Atlas de la France, pl. 12-16.

(10) Tiers Livre, chap. XLIX.

(11) Pantagruéline Pronostication, chap. VI.

(12) B.-M. Henry : « Rabelais et le Pays d'Olonne », Communication au XXIIe Congrès des Sociétés Savantes du Centre-Ouest, 1966.

(13) Gargantua, chap. XVI.

(14) Quart Livre, chap. I.

(15) Cinquième Livre, chap. XLVII.

(16) A. Huetz de Lemps, op. cit., p. 53.

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