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PHystorique- Les Portes du Temps
19 avril 2020

Citivas Andecavorum

Plan de Citivas andecavorum du IVe au VIe siècle avec le castrum

(Plan de Citivas andecavorum du IVe au VIe siècle avec le castrum)

Tous les peuples qui furent autrefois subjugués par les Romains recherchent aujourd'hui, jusque dans les entrailles de la terre, les preuves de leur antique esclavage. Tous semblent montrer avec orgueil ces monuments, ces ruines, qui attestent encore le soin que Rome prenait de civiliser les nations vaincues, en introduisant chez elle ses beaux-arts et ses mœurs. Les ponts, les chemins, qu'elle fit construire à grands frais dans les Gaules, avaient le double objet de faciliter la circulation de ses nombreuses légions, et d'ouvrir des communications favorables au commerce de ses nouveaux sujets; les temples, les palais, les thermes, les amphithéâtres, dont on retrouve encore les restes dans les pays qui lui furent soumis, prouvent qu'elle n'épargnait rien pour amuser leurs habitants par des jeux et des fêtes brillantes, afin de les accoutumer plus facilement à son joug.

 

Dans la suite, les Gaules, envahies par des peuples du Nord, devinrent la proie de ces barbares; et bientôt les chefs-d'œuvre des Romains furent, pour la plupart, renversés de fond en comble. C'est dans leurs débris que les nations modernes, remplies de vénération pour les ouvrages de l'antiquité, font tous les jours quelques découvertes, qui occupent utilement les artistes et procurent de douces jouissances aux amateurs des beaux-arts.

Nous avons dit que rien ne prouvait que le principal oppidum des Andes ait existé où nous voyons aujourd'hui la ville d'Angers. César, dans ses Commentaires, parle plusieurs fois des Andes, mais il ne dit rien de leurs oppida. Quelques auteurs ont conclu de ce silence que le nom d'Andes avait été commun à ce qu'ils appellent la ville et la cité. Si le nom du principal oppidum eût été celui de la cité, pourquoi les auteurs latins nommeraient-ils la ville Juliomagus?

Ce nom ne fait-il pas présumer, au contraire, que cette ville a été entièrement bâtie par les Romains, soit par Jules César lui-même, ou, ce qui est plus vraisemblable, par un de ses successeurs, afin de contenir les peuples de l'Armorique.

Le nom de Juliomagus serait seul une preuve de son origine, si, comme quelques savants le prétendent, magus vient d'un mot celtique qui signifie enceinte de ville, de bourg ou de château près d'une rivière. Quoi qu'il en soit, l'enceinte de Juliomagus était formée par un mur solidement construit, dont on voit encore plusieurs restes autour de la cité, depuis le palais épiscopal jusqu'à la porte Toussaint; elle avait, suivant l'usage des Romains et comme le dit Vitruve, quatre portes correspondant aux quatre points cardinaux.

Trois de ces portes existaient encore en 1790; la porte de Fer, la porte Angevine et la porte de la Vieille-Chartre (vieille prison), qu'on nommait anciennement la porte Hugon ; la quatrième se nommait la porte des Champs: elle était située vers le milieu de l'espace compris entre le pont-levis du château et ce qu'on nomme aujourd'hui la porte Toussaint.

C'est auprès de cette dernière porte, qui est moderne, que l'on voit, sans aucun obstacle, une partie du mur d'enceinte bâti par les Romains. Sa longueur est d'environ dix-huit pieds sur seize à dix-sept de hauteur. L'un des bouts de cette portion de mur forme un avancement sur la place à angle droit ; il y avait probablement une tour carrée en ce lieu-là.

Ce mur est bâti avec des pierres dures de trois à quatre pouces d'échantillon, et, a des distances inégales de deux à trois pieds, on voit un double rang de briques. Comme il est possible que ce mur soit bientôt démoli ou caché au public par de nouveaux bâtiments, il est nécessaire de constater aujourd'hui son existence comme un des derniers témoins de l'antiquité de notre ville. Cette première enceinte avait environ six cent vingt toises de circuit.

Lorsqu'en I757 on creusa dans l'église de Saint-Maurice pour faire les fondations du baldaquin du grand autel, on trouva un gros mur, de construction romaine, dont la direction était de l'évêché à la porte de la Vieille-Chartre. C'était une partie de l'ancien mur de la cité, dont nous venons de parler et dont on a trouvé la prolongation en 1815, en bâtissant des maisons qui occupent la place de l'église et du cimetière de Sainte-Croix.

A défaut de traces historiques dans les livres, les ruines de nos anciens monuments, quelque peu apparentes qu'elles soient, attestent que la cité des Andecaves obtint le droit de bourgeoisie romaine, et que Juliomagus fut une ville municipale assez considérable.

 Aussi, comme les principales villes de l'empire, elle dut jouir des droits attachés à ce titre, et comme elles aussi elle eut son capitole, son amphithéâtre, ses thermes et ses temples; mais le christianisme a fait si bonne guerre a ces derniers qu'il n'en reste presqu'aucun vestige.

L'amphithéâtre était place à l'est de la ville, a deux cent cinquante toises hors les murs; on le nommait Groban. Voici la description qu'en a faite Claude Menard au dix-septième siècle; il se proposait sans doute de la placer dans son histoire d'Anjou, qui n'a point été imprimée.

«  En la ville d'Angers, faubourg Bressigné, se trouve une hôtellerie qui a pour enseigne la Côte de Baleine, et près le jardin, dans le milieu d'une vigne, une place ovale ayant de diamètre, en sa longueur trente  toises, ct vingt de largeur, renfermée de cinq ceintures de murailles, hormis l'entrée qui a vingt-trois  pieds d'ouverture vers l'occident.

» Tout ce circuit ne paraît quasi que par les fondements qui sortent du rez-de-chaussée, et par endroits s'élèvent d'un a deux pieds, principalement la ceinture dernière, qui ferme les quatre autres, de laquelle toutefois il ne paraît en la plupart que le fondement, non plus qu'en beaucoup d'ouvrages qui nous restent de l'antiquité.

Le fond de cette place s'abaisse de huit pieds, et est enclos du premier mur maçonné de cailloux, dont la taille est inégale et carrée, montant a huit pieds par endroits, ailleurs plus,  ailleurs moins, et le surplus tombé et abattu.

» La clôture est épaisse de huit pieds par le haut, n'en ayant que quatre rez de terre; mais leur liaison et la maçonnerie est si forte qu'elle se rit du fer et des plus robustes bras des pionniers. Dans l'intervalle de ce mur, qui est de treize pieds, on voit d'autres murailles qui servaient à porter des voûtes et les soutenir, de huit en huit pas, y ayant encore par dehors des fondements d'arcs-boutants tout autour, afin de contretenir mieux le faix de la hauteur de toute cette masse.

» Vers le bout d'en haut qui regarde l'orient, restent les mazures de deux chambres séparées seulement d'un petit chemin pour entrer en dedans par les portes qui s'y voient; leur longueur est de vingt-deux pieds, la largeur de quatorze : l'autre chambre ou cabinet semble s'affaisser d'un bout.

» Ces deux retraites sont portées jusque sur le bord du premier mur, et des deux côtés du premier sont deux pentes sans degrés, mais dont les vestiges paraissent et se vont rendre sur l'ovale du milieu qui fait la place.

De l'autre côté qui regarde le nord, est un autre bâtiment carré, de pierres, lequel a deux caves longues de douze pieds et larges de dix, séparées par un mur de deux pieds d'épaisseur, et dans l'une d'icelles on rencontre dans un coin une porte qui mène dans un autre caveau fort obscur, et d'un côté de l'ovale une ouverture pour y entrer.

Ces caves et caveaux maçonnés de briquetages, le reste de cailloux, où l'on voit quelques restes du vieux bâtiment romain, le surplus du dehors étant d'un autre temps. Dans tout ce circuit du théâtre, nous n'avons point vu d'autres ouvertures pour entrer, ce que nous croyons causé par les ruines des murailles qui auront comblé le fond.

Au moyen d'une corde, nous avons trouvé que les cinq ceintures de muraille faisaient un diamètre de deux cents pieds, et chaque ceinture portait douze pieds de distance de l'une à l'autre . « 

En 1632 on établit près de l'amphithéâtre un courent de filles sous le nom de la Fidélité, ordre de Saint-Benoit. On employa à bâtir ce monastère toutes les pierres qu'on put arracher des ruines de ce monument; mais, comme les frais de démolition excédaient la valeur des matériaux, on abandonna ce travail, et ces restes antiques, renfermés dans l'enclos du couvent, ont existé jusqu'en 1802. A cette époque, on a enfin achevé de les faire disparaître de dessus le sol pour y planter un jardin.

Au mois de mai 1819, en déblayant la rue de la Croix-Hannelou, pour la mettre au niveau du boulevard de la porte Saint-Aubin, on découvrit encore deux murs de fondation qui coupent obliquement cette rue. Je présume, d'après leurs courbes, qu'ils appartenaient aux deux lignes de l'enceinte extérieure. Parmi les décombres qui couvraient ces murs, il se trouvait une grande quantité de tessons et de briques romaines, que tous les curieux attirés par ces fouilles, ont pu voir ainsi que nous.

Bourdigné nous apprend que, près de l'amphithéâtre, il y avait aussi un palais bâti par les Romains, et dont il existait encore des ruines de son temps (1529).

On doit regretter que les plans et dessins de ces deux édifices ne soient pas parvenus jusqu'à nous. Le même auteur attribue, mais sans en donner aucune preuve, leur construction a Jules-César. M. Robin en fait honneur à Aurélien , et croit que le surnom de Grohan, commun à l'amphithéâtre et au château, venait de ce que le premier avait été dédié à Apollon Grynée ou Grohanien , divinité à laquelle cet empereur avait une grande dévotion , comme on le voit par le magnifique temple qu'il lui fit bâtir à Rome.

Mais notre savant compatriote Ménage donne une origine bien plus plausible a ce surnom, en le dérivant du celtique growan qui signifie sable ou arène. Les Andes, dit-il, auront appelé leur amphithéâtre Growan, qu'on prononce Grohouan, comme on dit à Nîmes et ailleurs, les arènes, pour désigner l'amphithéâtre.

On sait qu'il a été trouvé à Grohan un grand nombre de médailles; celles dont on a connaissance étaient de Valérien, de Gallien, de Postume et de Victorin; mais rien ne nous apprend à quelle époque l'amphithéâtre et le château ont été élevés.

 

Il y avait près de Groban, du côté de l'orient, au carrefour de Hannelou, un champ nommé dans les titres de l'abbaye de Saint-Aubin. Rogus, le Bûcher.

On présume que c'était en cet endroit que l'on dressait les bûchers sur lesquels on brûlait les corps des gladiateurs morts sur l'arène.

A l'aspect de ces vestiges qui attestent encore la population et la richesse de JuIiomagus, on croit voir les Andes, nouveaux citoyens Romains, s'empressant en foule de courir aux jeux du cirque, pour s'y repaître des spectacles sanglants qui plaisaient tant à leurs maîtres. Ils s'embarrassent dans cette toge si ample qui remplaçait l'étroit vêtement des Gaulois; mais c'est en vain qu'ils cherchent à la relever, a la draper avec grâce. Leur gaucherie devait servir quelque temps à les distinguer de leurs vainqueurs : dans la suite ils n'imitèrent que trop fidèlement leur faste et leurs mœurs dissolues.

Le capitale de Juliomagus était bâti sur un des points les plus élevés de la ville; il en existe encore une assez grande partie qui conserve toujours le nom de Capitole, et dans laquelle sont distribués plusieurs des principaux appartements du palais épiscopal. Il semble que nos ancêtres se soient plu à dérober a la vue cet antique monument; ce n'est que de l'un des angles de la place Neuve, près la rue de l'Aiguillerie, qu'on peut l'apercevoir. Le mur de la façade a six pieds d'épaisseur par le haut; les constructions modernes qui l'enveloppent ne m'ont point permis de mesurer son épaisseur au rez-de-chaussée.

Quelques auteurs ont écrit  que les thermes ou bains publics de Juliomagus étaient dans un endroit qu'on nomme l'Esvière, Aquaria, et que l'eau y était amenée de la fontaine Frote-Penil. Ce qui est certain, c'est qu'il y avait là un aqueduc, comme le prouve un acte de 1078, par lequel Robert le Bourguignon, seigneur de Sablé, consent, en qualité de seigneur de nef, à l'achat fait par les moines du prieuré de l'Esvière de l'aqueduc de l'Esvière.

Au commencement du dix-septième siècle, en creusant à quelques pieds de profondeur dans un champ près la porte Toussaint, à Angers, on trouva plusieurs restes de murs de construction romaine, et le pavé en mosaïque d'une très grande salle. Notre savant historien Claude Ménard, qui était présent à cette fouille, jugea que c'était une salle de bains, et que ces ruines étaient les restes des thermes des Andes. Il sollicita, mais en vain, auprès de l'administration municipale, la prolongation de ces fouilles. Si cette découverte, due au hasard, ne suffit pas pour prouver que les thermes furent en cet endroit, elle atteste du moins l'indifférence, ou, si l'on veut, l'ignorance de ceux qui étaient alors revêtus des charges de maire et d'échevins.

Recherches historiques sur l'Anjou, Volume De Jean François Bodin

 

Panorama juliomagus, Promenade du Bout du Monde au cœur historique d’Angers <==

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