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PHystorique- Les Portes du Temps
9 juin 2020

Saint Philibert ou la légende de Lucius fondateur de l’église cathédrale de Luçon (Chronique de Maillezais)

Saint Philibert ou la légende de Lucius fondateur de l’église cathédrale de Luçon (Chronique de Maillezais)

 Luçon fondé en expiation d’un crime : Curiositès historiques et archéologiques : Antiquité et genèse de la ville de Luçon.

D'après une antique tradition, la ville de Luçon aurait été fondée, au IVe siècle, par un frère de Constantin-le-Grand et voici, à ce sujet, ce que je trouve dans Les annales d'Aquitaine, faicts et gestes des roys de France et d'Angleterre, et païs de Naples & de Milan  imprimées à Poitiers en 1545 :

« Audit temps, régnoit en Angleterre un Roy, nommé Cloël, qui esdifia Glocestre. Et parce qu'il estoit rebelle aux Romains et ne vouloit estre obeissant à l'empire, l'Empereur Constantius prépara grosse armée pour luv faire la guerre : mais le Roy Cloël s'humilia et fit un traité de paix avec Constantius, par lequel il se rendit tributaire à l'Empire Romain : et cinq semaines ou environ après, alla de vie à trépas. A luy survi- voit une fille nommée Héleine (bien instruite ès-arts libéraux, de belle et élégante forme, et louable prudence) à qui appartenoit le royaume d'Angleterre, et à ceste raison Constantius l'épousa, et eut d'elle trois fils : je n'ay peu sçavoir le nom du premier :

le second fut nommé Lucius, qui estoit le nom de son bisayeul, roy d'Angleterre, comme on peut voir au traité de Joannes Momunetensis, et le tiers fut nommé Constantius : et comme j'ay trouvé par la fondation de l'église cathédrale de Luçon, en Poitou, contenue en une hymne commençant Gaude Luucionum, ledit Lucius occit son frère aisné, à ceste cause fut banny du pays et condamné à demeurer en religion toute sa vie ; et pour ce faire, son père le mit sur mer, en un navire frêté de grandes richesses et reliques, avec plusieurs prestres et dévotes personnes, qui tous se rendirent, par la conduite des vents, ainsi que Dieu voulut, au lieu de présent appelé Luçon, qui est sur la mer, et illec Lucius s'arresta et y fonda une belle Abbaye et Eglise, à l'honneur de Notre-Dame, qu'il nomma de son nom, sçavoir est Luçon : où il vesquit avec ses prestres religieusement : et depuis, a esté érigée en esvêché, comme nous verrons cy-après; desquelles choses nos historiens n'ont rien escrit, mais ont seulement parlé du tiers fils nommé Constantius, qui, depuis, fut Empereur, et appelé Constantin- le- Grand. »

L'hymne Gaude Lucionum, à laquelle fait allusion et que résume ce passage des Annales d'Aquitaine, est parfaitement authentique : elle a été recueillie dans le Manuscrit de D. Fonteneau (t. LXIX, p. 434)-

Elle comprend dix-huit strophes dont j'ai rimé naguère la traduction dans mes Chroniques Luçonnaises, et l'on y trouve tout au long l'histoire ou, si l'on veut, la légende de Lucius, frère de Constantin et fondateur de Luçon.

Douze ans après la publication des Annales d'Aquitaine, le chanoine luçonnais Jean Bounin confirmait la version de Bouchet dans une curieuse plaquette latine imprimée à Fontenay et intitulée :

Antiquitates Urbis et Ecclesiae Lucionensis authoritate probatorum Historicorum, Traditions veterum, ac ejusdem Ecclesiae indubitatâ fide comprobatae, opera et studio M. Joannis Bounin Presbiteri Flocelleriani, dictae Ecclesiae Lucionensis Hebdomadarii, necnon capituli ejusdem Scribae.

— Antiquités de la ville et de l'Eglise de Luçon, établies d'après l'autorité des Historiens éprouvés, la tradition des anciens et la foi non d’outeuse de ladite Eglise, par le travail et les soins de M. Jean Bounin, prêtre de la Flocellière, Hebdomandier de ladite Eglise de Luçon et Secrétaire de son chapitre.

Le pieux auteur de la plaquette si méticuleusement intitulée nous apprend que tous les ans, dans l'église cathédrale de Luçon, à l'issue de la grande messe du dimanche après l'Ascension, on exposait autrefois, sur l'autel, des reliques attribuées à Lucius, et l'on chantait l'hymne Gaude Lucionum en l'honneur du fondateur de la ville.

De l'antique tradition ainsi appuyée il restait un témoin toujours vivant et difficilement récusable : le blason même de la Ville. De temps immémorial, en effet, la petite cité épiscopale a pour armes un poisson : et non point un poisson quelconque, mais un brochet.

 Or le mot brochet, en latin, se dit lucius et ce calembour officiel, authentiquement enregistré depuis des siècles, ma semble mériter d'être pris en considération — comme appoint au témoignage de la vieille hymne Gaude Lucionum sur le rôle du frère de Constantin dans la fondation de Luçon.

Que les aventures de Lucius, telles que nous les a transmises l'hymne populaire, soient rigoureusement conformes à la vérité historique, il serait imprudent de l'affirmer. Mais qu'il n'y ait dans tout cela qu'un conte à dormir debout, comme le prétendent la plupart des auteurs modernes, pour ma part je refuse de l'admettre. Il n’y a jamais de fumée sans feu : ce vieux proverbe a toujours raison et le mieux, en pareil cas, est encore de croire au feu sur le témoignage de la fumée — sauf à ne se prononcer qu'avec réserve sur les proportions de la flamme, lorsque la distance empêche de distinguer le foyer.

Fondation de la Cathédrale par Saint Philibert

Il faut fixer à la même époque la fondation du prieuré de Quinçay sur le territoire de l'évêché de Poitiers. C'est, en effet, pendant les neuf années de son exil à Noirmoutiers que le saint abbé accomplit cette fondation, puisqu'il est dit, dans une relation, qu'à son retour de Jumiéges, après la mort d'Ebroin, il passa par ledit prieuré, déjà florissant (1).

C'est aussi vers le même temps qu'il faut rapporter la fondation du monastère de Notre-Dame-de-Luçon.

Ermentaire et les bollandistes ne parlent de cette fondation qu'en, termes généraux; mais le Gallia Christiana et la Dictionnaire des Abbayes, l'attribuent formellement à saint Philibert.

Elle avait été entreprise par un noble personnage, désigné sous le nom de Lucius, à qui la chronique de Maillezais donne le titre d’Imperialis (2)

Ce Lucius a laissé son nom à la ville de Luçon. Mais s'il a donné le matériel et les premiers soins au monastère, c'est Philibert qui lui a donné l'esprit et la vie religieuse : il en est donc le vrai fondateur.

Le monastère avait tout le pays sous sa dépendance, car Ermentaire ne le désigne que sous le nom de Vicus noster, ce qui indique une grande prospérité depuis sa fondation, puisque le nombre des familles qui avaient construit leurs demeures à l'abri du couvent était déjà assez considérable, moins d'un siècle après la mort du saint, pour former un village dépendant de l'abbaye.

Cette fondation nous donne occasion de constater une autre vertu de notre grand saint : sa tendre dévotion envers la Très-Sainte Vierge.

Le monastère de Luçon, destiné aux vierges chrétiennes, était placé sous le vocable de l'auguste Marie, et son église, devenue cathédrale, jouit encore du même privilège.

Le monastère de Pavilly, également destiné aux femmes, s'appelait aussi : Monasterium Beatæ Marias Virginis.

A Jumiéges, le saint abbé avait fait placer l'image vénérée de Marie au sommet de la principale église de son abbaye, fait extrêmement rare et probablement unique à une pareille époque.

 A Noirmoutiers, Marie était encore la patronne du monastère. Enfin, on peut dire que partout saint Philibert a laissé des preuves de sa piété envers la sainte Vierge. C'est par elle qu'il voulait aller à Dieu et y amener les peuples. Il obtint en même temps un autre résultat infiniment précieux: ce fut de relever la dignité de la femme aux yeux du monde, par ces honneurs rendus à la mère de Dieu.

On voit que les moments de saint Philibert furent admirablement employés pendant son premier séjour au diocèse de Poitiers, puisque, dans l'espace de neuf années, il y fonda quatre monastères pour la sanctification des âmes et les besoins spirituels des peuples.

 La Providence avait assurément ses vues miséricordieuses sur ces contrées, quand elle permit les épreuves du grand Philibert.

Saint Philibert et le pélerinage établi en son honneur au diocèse de Dijon / par l'abbé F. Lacoste,...

La Vendée historique : histoire, littérature / directeur Henri Bourgeois,

 

 

 

 

==> Vita Sancti Filiberti, abbatis la vie de Saint Philibert

==> La chronique de Maillezais

==> Luçon et son Histoire

 

 

 


 

(1) In Herum insulam reversurus primo quidam Quinciacum monasterium venit. (Acta Sanct., t. IV, mensis aug., p. 71.)

(2) La légende s'est exercée sur ce Lucius pour lui faire une généalogie merveilleuse, mais le fond de son histoire est estimé vrai par le jésuite Chilflet. Il s'appuie, pour cela, sur la tradition de l'ancienne église de Luçon, manifestée dans une hymne qui commence par ces mots : Gaude Lucionum.

Quant à la rencontre de saint Philibert avec Lucius, dont parle la légende, elle ne s'explique pas de leurs personnes, puisque trois siècles les séparent, mais de leurs œuvres.

On peut dire, en effet, que saint Philibert a trouvé l'œuvre du monastère de Lucius dans un état fort languissant, et qu'il lui a tellement rendu la vie qu'on peut l'appeler son vrai fondateur.

 

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