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PHystorique- Les Portes du Temps
17 mai 2024

LES GUERRES DE VENDÉE A L'EXPOSITION DE NIORT 1897

Une Exposition d'Ethnographie poitevine eût été incomplète, si elle n'avait pas compris une section consacrée aux guerres de la Vendée, l'une des plus extraordinaires et des plus considérables manifestations populaires qui se soient produites à travers les âges.

Pour l'organisation de cette partie rétrospective, la Société d'Ethnographie nationale et d'Art populaire s'est adressée à M. RENÉ VALLETTE, à M. HENRI CLOUZOT et à l'auteur de ce compte rendu.

C'était assumer une lourde charge, je n'ai pas besoin de le cacher, eu égard surtout au peu de temps dont nous disposions, entre le moment où cette décision fut prise et l'époque de l'ouverture de l'Exposition. Pourtant nous fûmes violemment sollicités, Vallette et moi, par la perspective d'une exhibition qui jusqu'ici n'avait point été tentée ; nous nous laissâmes entraîner, et H. Clouzot nous prêta son indispensable concours.

Ni les uns ni les autres, nous n'avons à le regretter, loin de là : malgré des lacunes inévitables dans une organisation trop hâtive, nous pouvons, sans fausse honte, nous déclarer satisfaits, grâce aux précieux concours qui ne nous ont été marchandés par personne. Si, au lieu de trois semaines, nous avions eu seulement trois mois, nous aurions pu faire une Exposition à nulle autre pareille, et toutes les salles réunies de l'établissement Bégué, dans lequel avait lieu cette solennité, eussent à peine suffi pour nous permettre d'étaler au grand jour les souvenirs de la Grand-Guerre. Le résultat obtenu n'est point fait pour décourager, bien au contraire.

Dans un magistral article paru le 3 juin 1896 en tête du Journal, M. André Theuriet a bien voulu appeler notre section le « clou » de l'Exposition. C'est trop dire assurément, et le grand écrivain nous a certes été trop indulgent. Quoi qu'il en soit, l'incomplète nomenclature que voici donnera une idée de ce qui a été fait.

M. ERNEST BRISSON, de Fontenay-le-Comte, a exposé une partie des admirables et précieux autographes, pièces véritablement uniques, de la collection formée par son grand-père, Mercier du Rocher, ancien président du département de la Vendée, qui fut mêlé de très près à toute la lutte.

 Il y a là des signatures authentiques de Cathelineau, Lescure, Henri de La Rochejaquelein, d'Elbée, Bonchamps, Talmond, Stofflet, Rossignol, Westermann, Canclaux, Kléber, Marceau, Hoche, etc., etc.

Pour les amateurs de pièces rarissimes, je donnerai le texte de deux des documents exposés par cet amateur. Le premier est manuscrit et tout entier de la main de Jacques Cathelineau, le premier généralissime de la Vendée, dont on connaît à peine trois ou quatre autographes.

A la Chateignerais 13 mai 1793

Bon pour une culote dix livre à monsieur dargue

CATHELINEAU Commandant

L'autre est un placard imprimé sur un quart de feuille, en grosses italiques, et qui fut affiché dans tous les carrefours et sur les portes des maisons principales de Fontenay-le-Comte, après la prise de cette ville par les Vendéens.

 

AU NOM DE L'ARMÉE CATHOLIQUE

Il est expressément défendu de rien prendre ou piller chez les habitants de cette ville. S'il parvient des plaintes à cet égard, tous ceux qui demeureront chez les personnes dont les déclarations seront justes et fondées, seront responsables des dégâts, vols ou pillage qui auront été commis.

A Fontenay-le-Comte ce 27 mai 1793

STOFFLET, commandant ; DE BERNARD DE MARIGNY ; DUHOUX D'HAUTERIVE ; DEHARGUES; CATHELINEAU ; DESESSARTS ; LESCURE ; DE LA ROCHEJAQUELEIN.

 

 

 

M. Brisson a encore exposé une très belle paire de pistolets à pierre, ornés de cuivres ouvragés. C'étaient ceux dont se servait ordinairement Mercier du Rocher.

A côté, la collection non moins belle et non moins importante de M. ERNEST CESBRON, de Poitiers, toute pleine, elle aussi, de documents historiques du plus haut intérêt, avec, au milieu, un des bons ou assignats créés à Laval le 1er novembre 1793 par les royalistes, revêtu des signatures autographes des chefs vendéens.

La composition typographique ci-dessous, sans avoir la prétention d'être un fac-similé, donnera cependant une petite idée de cette pièce.

 

M. Cesbron est un collectionneur doublé d'un érudit di primo cartello, qui ne s'aventure jamais à recueillir une pièce douteuse, et dont le cabinet d'autographes et de livres, poitevins surtout, est une des véritables merveilles de la région. Un des joyaux dont il est l'heureux possesseur, est une commission de garde-chasse portant la signature autographe — la seule connue — du célèbre veneur Du Fouilloux.

M. PAUL FRAPPIER a exposé toute une collection de livres relatifs à la Vendée ; ils ont été amoureusement classés par notre ami Clouzot, l'habile inventeur de la plus grande partie de ces richesses. Il y a là tout ce qui a été publié: histoires générales, brochures particulières, mémoires en éditions originales, pamphlets, défenses, drames, comédies, pièces quelconques inspirées par la guerre, rien n'y manque ; c'est à enlever à tout autre collectionneur la pensée de pouvoir jamais approcher d'une telle perfection. A peine si deux ou trois petites plaquettes faisaient défaut, que j'ai été assez heureux d'avoir, comme le Mémoire du républicain Bard, commandant de la brigade de Luçon, et l'Adresse de Bréchard à ses concitoyens ; mais à côté de cela, que de beaux et précieux volumes qui font envie !

M. le marquis D'ELBÉE, arrière-petit-neveu du second généralissime vendéen, a bien voulu exposer le fauteuil sur lequel on plaça son arrière-grand-oncle, couvert de seize blessures, pour le porter devant la commission militaire et de là le fusiller, à Noirmoutier.

Le velours d'Utrecht rouge est déchiré par les balles qui ont troué le dossier, après avoir traversé de part en partie corps du général.

Ce fauteuil faisait partie du mobilier du salon même de la famille Jacobsen, où siégeait la commission militaire. La sœur de Jean-Corneille Jacobsen, Mme veuve Doré du Perron, était restée seule de sa famille à Noirmoutier; elle sauva la maison en se constituant l'hôtesse des représentants et des généraux. C'est elle qui recueillit et conserva ce fauteuil jusqu'au 10 janvier 1816, date de sa mort; il passa ensuite à son frère, maire de Noirmoutier, puis à la veuve de celui-ci.

Au décès de cette dame, en 1840, il devint la propriété d'Armand Jacobsen, curé de Mallièvre (Vendée).

D'après la volonté expresse de ce dernier, le fauteuil, après sa mort, en 1866, fut donné par ses héritiers à M. l'abbé Bréau, curé des Epesses (Vendée); celui-ci l'a offert, en 1882, à M. d'Elbée.

Au-dessus, la célèbre lithographie de Sentex, à la fleur de lis, reproduisant le portrait de d'Elbée par Paulin-Guérin, puis des photographies du projet de monument qui devait être élevé à la mémoire de celui-ci aux environs de Beaupréau, de la médaille de la Vierge qu'il portait, avec une page du livre d'heures de Mme d'Elbée, fusillée, elle aussi, à Noirmoutier, où elle était née, etc.

M. le marquis DE LA ROCHEJAQUELEIN avait mis à la disposition des commissaires de l'Exposition un certain nombre de pièces uniques : le manuscrit original autographe des célèbres Mémoires de sa grand-mère, sur la guerre de Vendée; un très beau portrait de celle-ci, peint d'après nature ; un des mouchoirs à carreaux rouges, en toile fine de Cholet, qu'Henri de La Rochejaquelein avait l'habitude de porter sur sa tête pendant la guerre, comme un insigne du commandement; les deux assiettes en étain sur lesquelles furent gravés, à l'aide d'un clou, les actes de baptême des deux filles jumelles de la marquise et de son premier mari, Lescure. Ces deux enfants naquirent quelques mois après la mort de leur père, au moment où leur mère se cachait à la Bonnelière, ferme de la paroisse de Prinquiau, aux environs de Savenay.

 Je ne saurais mieux faire d'ailleurs que de rapporter ce que Mme de La Rochejaquelein elle-même dit à propos de ces assiettes dans ses Mémoires:

« Un prêtre vient baptiser les deux jumelles dans ma chambre ; nous prenons quatre témoins : Ferré, Gouret, Pierre Riallant et Henri Morand. On fait les extraits de baptême sur des assiettes : d'étain, on écrit avec un clou les noms des père et mère ; nous promettons à chaque témoin mille écus de dédommagement pour tous leurs frais, au cas où ils seraient obligés par la suite de chercher à faire légitimer la naissance de ces pauvres enfants ; tout le monde signe sur les assiettes, qu'on enterre. Ces précautions nous rassurèrent sur leur sort, s'il nous arrivait d'être prises. »

Ces assiettes, déterrées après la tourmente, ont été, depuis, précieusement gardées par la famille de La Rochejaquelein. La mieux conservée porte, parfaitement lisible, l'acte de baptême de Louise de Lescure :

Le vingt deux avril mil sept cent

quatre vingt quatorze a été

baptisee, par moi vicaire soussigné

Louise marie laurence dieu donnée, née

du vingt même mois et an que cy dessus dans

la paroisse de prinquiau du légitime mariage de feu

louis marie marquis de lescure et de marie louise

victoire de donnissant son épouse. Ont été parrain

pierre Rouaud soudiacre et marraine laurence

jagu femme de pierre ferré soussignés

et autres qui ont signés avec nous

PIERRE ROUAUD, soudiacre; LORANCE JAGU ;

DURFORT DE DONNISSAN, grande mère ;

JULIEN GOURET; HANRI MORAND;

PIERRE FERRÉ ; PIERRE FERRE;

 P. MOYSAN, vicaire de Cordemais.

La signature de ce dernier est tout entière, à part, dans le bord de l'assiette.

Une vieille charte de Philippe le Bel, datée de 1312, et autorisant Jean, seigneur du Vergier, à fortifier son château du Vergier, près Bressuire, complète fort heureusement cette belle série. On sait, en effet, que le Vergier est la terre patrimoniale des La Rochejaquelein ; cette pièce a donc un intérêt tout particulier dans une Exposition poitevine. J'ai pu personnellement y joindre un très curieux petit portrait au crayon de Lescure, que je crois inédit, et un certain nombre de lithographies représentant Henri de La Rochejaquelein, le tombeau de celui-ci, à Nuaillé, près Cholet (Maine-et-Loire), celui de Louis, son frère, aux Mathes (Vendée), etc., etc.

Mme la comtesse JACQUES DE BOUILLÉ, et son fils le comte DE BOUILLÉ, arrière-petit-fils de Bonchamps, m'ont bien voulu confier les deux pistolets de poche que ce général portait toujours sur lui ; ce sont deux petites pièces de fabrication anglaise, remarquables, dont les canons en bronze peuvent se démonter. Ils figuraient à côté d'une montre en argent, aussi d'origine anglaise, au cadran émaillé et à double boîtier indépendant, portant, gravée, la légende suivante :

Montre

du Général de Bonchamps

offerte par Madame de Bonchamps

à Charles Guillochaux

Meunier à la Renaudière

pour l'avoir sauvée

dans son moulin

Elle fait partie de la collection de l'auteur de ce compte rendu, avec un portrait, également exposé, du même chef vendéen, jeune, dessiné au crayon par le regretté Tom Drake, de Poitiers, d'après une miniature inédite.

M. LEROUX-CESBRON a envoyé un portrait de Lofficial, son arrière-grand-père, pastel fort intéressant et inédit ; l'insigne de Député aux États-Généraux de 1789, du même; le manuscrit autographe original du Journal de Lofficial pendant sa mission en Vendée, mission qui aboutit aux pacifications de 1795; le décret de la Convention envoyant ce représentant dans l'Ouest, avec le laissez-passer qui lui fut délivré par le Comité de Salut public, à ce sujet; une série d'arrêtés des représentants en mission, et des proclamations royalistes ou républicaines. On sait que Lofficial, qui était en 1789 lieutenant-général au bailliage de Vouvant, séant à la Châtaigneraie (Vendée), devint député du Tiers-État de Poitou aux États-Généraux et qu'il fut, en 1792, élu député des Deux-Sèvres à la Convention, où il vota contre la mort de Louis XVI et s'employa vainement à sauver l'infortuné monarque.

Ses efforts furent reconnus par la Restauration, qui lui conféra la croix de Saint-Louis à ce sujet.

M. RENÉ VALLETTE a exposé le carnet du capitaine vendéen Cosset, commandant la paroisse des Essarts en 1793, avec les noms des hommes qu'il avait sous ses ordres ; et l'un des pistolets de René Grégoire, son grand-oncle, major général de la cavalerie de d'Elbée. MM. CUVILLIER et R. VALLETTE ont exposé la très curieuse chapelle d'un prêtre réfractaire du Bocage vendéen :

ornements sacerdotaux, vases sacrés, rien n'y manquait. Sur les murs : des fusils, des sabres, des faux, des piques qui ont fait la Grand-Guerre, et qu'exposaient MM. PUICHAUD, RENÉ VALLETTE, le docteur POIRAULT, BOUCHER père, etc. ; un grand drapeau en soie blanche, aux trois fleurs de lis d'or, était exposé par M. Puichaud ; c'est celui que déployèrent dès 1792 les paysans de Baudry d'Asson et de Delouche dans leur marche contre Bressuire.

La série des eaux-fortes de M. DE ROCHEBRUNE pour l'illustration des Vendéens de M. ÉMILE GRIMAUD, l'éminent poète vendéen, attirait tous les regards ; il y avait encore nombre de portraits de chefs vendéens ou patriotes, venant des collections PAUL FRAPPIER, H. CLOUZOT, ÉMILE GRIMAUD, H. BAGUENIER DESORMEAUX et BAUGIER; la série des Faits héroïques, six lithographies de toute rareté (collection PAUL FRAPPIER) ; le portrait peint à l'huile de Baugier, commandant de la garde nationale niortaise, qui vainquit les Vendéens à Cholet (collection BAUGIER) ; le Forgeron de la Vendée, lithographie en couleurs, et le Porte-Drapeau de la Fédération (collection H. BAGUENIER DESORMAUX), etc., etc.; enfin une collection complète des photographies des soixante-six portraits de paysans vendéens, dessinés à la mine de plomb, d'après nature, par David d'Angers, l'illustre statuaire, pendant le voyage qu'il fit à travers la Vendée militaire en 1824.

Ces photographies sont d'autant plus précieuses, que les portraits n'ont jamais été publiés. Les dessins originaux sont au Musée d'Angers, malheureusement ils sont dans un état déplorable, atteints fortement par l'humidité et condamnés, semble-t-il, si l'on n'y prend garde, à une rapide et définitive destruction.

 On doit, dans ces conditions, être d'autant plus reconnaissant à M. ERNEST GAZEAU d'avoir bien voulu confier à la Société d'Ethnographie nationale, pour l'Exposition, les photographies qu'il en a fait faire uniquement pour lui-même. M. Gazeau, fixé aujourd'hui à Tours, est un Angevin de Saint-Florent-le-Vieil, dont les grands-parents prirent part, eux aussi, à la guerre vendéenne.

Pas plus que les trois La Rochejaquelein et Lescure, Charette n'a été oublié. Son iconographie était représentée par un certain nombre de belles pièces intéressantes. M. ÉMILE GRIMAUD exposait un petit dessin à la mine de plomb, absolument inédit ; Charette y est représenté jusqu'aux épaules, de trois quarts à droite, regardant de face ; sur sa tête, le mouchoir traditionnel aux mouches d'or ; les traits sont tirés et amaigris. Ce dessin est signé Nassau 1796.

Je ne crois pas le portrait d'une ressemblance bien scrupuleuse, mais il n'en est pas moins évident que l'artiste a rendu l'aspect du chef vendéen au moment où il fut ramené prisonnier à Nantes, et fusillé. M. PAUL FRAPPIER expose une superbe gravure anglaise à la manière noire, représentant Charette blessé dans sa prison.

Enfin, moi aussi, j'ai exposé les deux portraits du même, dits « à la Charette » dessinés en buste, au pointillé, un portrait attribué à Demarteau de Liège, et qui n'a rien de ressemblant, je pense; il porte cette légende : Charette dessiné après son arrival (sic) à Nantes le 7, où il était fusillé le 9 germinal; j'ai exposé encore un crayon de Drake, d'après un buste en terre cuite, et une photographie, prétendue unique, du célèbre dessin attribué à Louis Grucy. Charette y est représenté à mi-corps, dirigé vers la droite, la tête presque de profil ; le bras gauche blessé est soutenu par une écharpe, l'œil est vif et clair, malgré la douleur et la fatigue que trahit un notable amaigrissement.

Ce portrait présente un grand caractère de vérité. On y retrouve tous les traits principaux de la figure de Charette : « front haut et fuyant, arcades sourcilières et pommettes saillantes, nez droit, un peu retroussé, lèvres fines et menton fortement relevé ».

L'architecte nantais Crucy, rapporte le savant iconographe de Charette, M. le marquis de Granges de Surgères était, à la fin du siècle dernier, constructeur pour la marine de l'État, à Nantes ; il assista, en qualité d'expert, avec un sieur Mathurin Peccot, son parent, membre des administrations nantaises, à l'enquête qui fut faite par la police au sujet du moulage de la figure de Charette.

La légende veut que Crucy, qui avait rendu quelques services à Carrier, et s'était ainsi attiré ses bonnes grâces, aurait obtenu du terrible représentant l'autorisation de pénétrer dans les prisons de Nantes, et que, dans une de ses visites, il aurait pu dessiner tout à son aise le portrait du général vendéen. Peu après, ce dessin aurait été gravé sur cuivre. Mais bientôt la famille de l'artiste, ayant craint que la possession de cette planche ne lui fit courir quelques dangers, aurait cherché à défigurer l'image qu'elle présentait, en la raturant, pour ainsi dire, en tous sens, par une série de raies, faites avec un instrument aigu. On ne connaît, en effet, que deux épreuves du portrait qui n'aient pas ces malheureuses barres ; l'une a été tirée, dit le marquis de Surgères, avant que la planche ne fût entièrement gravée ; ce doit être une épreuve d'essai ; elle est conservée à la Bibliothèque Nationale, dans la collection alphabétique des portraits ; l'autre fait partie de la collection de M. de Surgères lui-même.

 

Malheureusement pour la légende, Charette a été emprisonné seulement en 1796, et Carrier avait été guillotiné à la fin de 1794, plus de quinze mois auparavant ; Crucy n'aurait donc pu obtenir du second l'autorisation de portraiturer le premier. Quant aux hachures faites sur le cuivre, il est bien évident qu'elles n'eussent pas suffi à sauvegarder les détenteurs de la planche ; le seul fait de la trouver en leur possession, même détériorée, les eût rendus suspects. Ils l'auraient, dans ce cas, ou détruite, ou complètement effacée, comme le firent à cette époque d'autres graveurs. D'un autre côté, l'auteur auquel j'emprunte tous ces détails déclare qu' « il ne faut pas une grande pratique des gravures pour reconnaître que celle-ci ne peut dater que de l'époque de la Restauration. Elle a dû, ajoute-t-il, être exécutée, en 1820, par un graveur resté inconnu ».

Pour ce qui me concerne, je ne serais pas éloigné de penser que cet inconnu est l'habile graveur Alexis Chataigner, Nantais, comme Crucy, ou, à son défaut - il mourut eu 1817 — sa fille, Mme Dauban, elle-même artiste de mérite. Une note manuscrite de Tom Drake, mise par celui-ci au dos de la photographie en question, indique qu'elle est la reproduction d'un dessin à l'encre de Chine, provenant de M. Dauban lui-même.

En résumé, on doit penser que Crucy, auquel personne ne conteste la paternité du dessin original, le composa à une époque où il avait bien présente à la mémoire la physionomie de Charette, sans doute au moment où il fut appelé par la police à vérifier l'identité du masque du général vendéen, en le confrontant avec le cadavre de celui-ci.

Quant aux hachures qui ont détérioré le cuivre d'une manière si désastreuse, il est à croire qu'elles ont été tout simplement le fait d'enfants entre les mains desquels, paraît-il, on avait abandonné cette planche.

Le dessin de Crucy semble avoir servi de point de départ à toutes les gravures dans lesquelles on a représenté Charette blessé, notamment la belle pièce anglaise à la manière noire exposée par M. Paul Frappier, et celui des deux portraits au pointillé, dits « à la Charette », où le général est représenté le bras en écharpe et un mouchoir sur la tête.

On semble ignorer le possesseur actuel de ce dessin.

M. Louis DE CHARETTE a bien voulu communiquer encore une réduction photographique de l'affiche imprimée relatant le jugement et la condamnation à mort de son grand-oncle.

Dans les vitrines, un peu partout, en dehors des objets dont j'ai parlé, je dois signaler encore, sans espérer être complet : La plaque de garde-chasse, en cuivre repoussé, aux armes des Colbert de Maulévrier, que Stofflet continua de porter d'une façon fort apparente, lorsqu'il eut pris la tête du soulèvement. Un des tenons qui servaient à l'attacher étant venu à se briser, le général la confia au fermier de la Fromentinière, en Trémentines (Maine-et-Loire), pour la réparer. C'est là qu'elle fut retrouvée par le dessinateur Tom Drake, qui la remit au marquis de Colbert. Celui-ci, lors de sa mort, survenue en 1859, la légua au même Drake, décédé il y a un an environ (collection H. BAGUENIER DESORMEAUX). —

Des scapulaires vendéens ; un Sacré-Cœur trouvé sur Catherine Joussemet, tante de B. Fillon, fusillée à Nantes ; une plaque de brassard d'un soldat du 14e bataillon de la République, trouvée au Pont-Charon ; un insigne fleurdelisé, en cuivre ; une très curieuse tabatière en corne, avec fleur de lis et ornements de cuivre ; des médailles de Henri et Louis de La Rochejaquelein, de Kléber, de Hoche, etc. (collections E. CESBRON, PAUL FRAPPIER, PIVERT, PUICHAUD, H. BAGUENIER DESORMEAUX).

Une vitrine avait été consacrée spécialement aux papiers-monnaie royalistes et aux bons de réquisition. Le beau et savant travail de M. AUGUSTIN ROUILLÉ y figurait, avec une série complète des bons de Stofflet, une reconnaissance de l'abbé Barbotin, des assignats à face royale, d'autres visés pour le Roi, par le conseil supérieur de Châtillon-sur-Sèvre, un bon de l'armée royale de Bretagne, et une série de ces mêmes bons falsifiés (collections A. ROUILLÉ, PAUL FRAPPIER et H. BAGUENIER DESORMEAUX).

Une autre vitrine encore avait été consacrée aux impressions sorties des presses royalistes de Châtillon-sur-Sèvre et de Maulévrier (collections E. CESBRON, PAUL FRAPPIER, LEROUX-CESBRON et H. BAGUENIER DESORMEAUX) ; une autre enfin contenait des proclamations et placards. Il y avait là de fort belles pièces de toute rareté (collections PAUL FRAPPIER, LEROUX-CESBRON et H. BAGUENIER DESORMEAUX).

Ce détail rapide, et dans lequel j'ai forcément omis, sans le vouloir, bon nombre de pièces intéressantes, démontre surabondamment combien un pareil résultat, obtenu en si peu de temps et après une préparation si hâtive, doit encourager pour l'avenir les amateurs d'histoire et de souvenirs vendéens.

Désormais, après la manifestation si brillante de Niort, tous ceux qui s'occuperont de présenter un ensemble d'objets ayant trait à la période révolutionnaire ou impériale, seront obligés de faire une large part à la Vendée, si mal à propos frappée d'ostracisme jusqu'ici dans ces sortes d'exhibitions.

PLAQUE DE GARDE-CHASSE AUX ARMES DES COLBERT-MAULEVRIER

Portée par STOFFLET, général vendéen

COLLECTION DE M. H. BAGUENIER-DESORMEAUX

 

 

Et ce que j'avance là n'est point une opinion en l'air, née chez les organisateurs de cette section, de la satisfaction vaniteuse d'avoir réussi, grâce au concours dévoué de tous.

Les faits viennent déjà en démontrer la justesse incontestable.

C'est ainsi que, dans son grand travail iconographique tout récent sur la Révolution, publié par la maison Flammarion, M. Armand Dayot, l'éminent éditeur du Napoléon raconté par l'image, a consacré tout un fascicule à la Vendée. Il a reproduit notamment le fauteuil de d'Elbée, dont je parle plus haut.

Henri Baguenier-Désormeaux Historiographe des guerres de Vendée(1861-1929)

Société d'ethnographie nationale et d'art populaire (France). Congrès (1896 ; Niort).

 

 

==> L’insurrection vendéenne 1793 (plan- dates)

==> Drapeau de l’Armée catholique et royale d'Anjou et du Haut-Poitou, compagnie de La Verrie.

==> 1793 Les HÉROÏNES VENDÉENNES, La Mieux-Aimée du roi de la Vendée ( Marie-Adélaïde de La Touche Limousinière)

==> Le 15 Janvier 1794, de Saumur, le général Turreau organise la promenade des colonnes infernales pour détruire la Vendée

==> Qui est Charette de la Contrie (François, Athanase)

==> Victoire de Donnissan Lescure, Marquise de La Rochejaquelein - Fouilles du Château de Mallièvre

 

 

 

(1).  Les Portraits de Charette dessinés et gravés, par le marquis de Granges de Surgères. Paris, Sauton, 41, rue du Bac, 1886, plaquette. in-8° avec le masque du général reproduit pour la première fois, d'après le moulage fait le jour de son exécution. — Cf. notamment pages 17 à 19, 21, 22.

 

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