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PHystorique- Les Portes du Temps
21 décembre 2020

Abbaye des Châteliers Notre-Dame-de-Ré, construite face au pertuis Breton par les moines cisterciens des seigneurs de Mauléon

Abbaye des Châteliers - Notre-Dame-de-Ré, construite face au pertuis Breton par les moines cisterciens des seigneurs de Mauléon

L'histoire fournit bien peu de notions sur l'antiquité de l'île de Ré; on sait seulement que, dans les premiers siècles, elle était couverte de bois et beaucoup plus grande qu'elle ne l'est aujourd'hui. On conçoit aisément que, n'étant alors habitée que par de pauvres pêcheurs (Collibert) qui n'avaient ni les moyens ni l'industrie nécessaires pour se garantir des empiètements de la mer, cette île dût naturellement perdre beaucoup de son étendue.

En 728, Eudes, duc d'Aquitaine, qui porta d'abord ses armes victorieuses jusqu'au nord de la Loire, céda bientôt à la fortune de Charles-Martel ; forcé de lui livrer Chilpéric qu'il tenait comme en tutelle, et sous le nom duquel il espérait dominer en Neustrie, forcé de se retirer au sud de la Vienne, il invoqua les Sarrasins ; allié de l'émir Munuza, il lui donna sa fille; mais cette alliance d'une impiété alors inouïe, ne fit qu'attirer contre Eudes et son gendre, qui voulut se rendre indépendant, les armes d'Abdérame au nom des califes.

Munuza ayant été vaincu, et sa femme, la fille d'Eudes, envoyée au sérail du calife de Damas, l'Aquitain lui-même se sentit impuissant à résister.

Déjà les Sarrazins avaient, par une trouée impétueuse, pénétré son empire du sud au nord, et leurs ravages s'étendaient jusque sur la Saintonge ; opposant un ennemi à un autre, Eudes se joignit à Charles-Martel qui accourait arrêter le torrent, et combattit avec les Français, en 732, dans les champs voisins de Tours, où eut lieu ce terrible choc du Nord contre le Midi.

Mais, délivré des Sarrasins, il n'avait fait que changer d'ennemis ; Charles-Martel ravagea toute la partie méridionale de la Gaule dont il chassait des barbares moins redoutables que lui pour le présent; Eudes, humilié par le besoin même qu'il avait eu de secours, se trouva abaissé devant le chef franc.

Après une vie remplie de vicissitudes, ce prince se retira à l'île de Ré; il transforma le château ou forteresse qu'il avait fait bâtir pour défendre les habitants contre les attaques des pirates qui désolaient les côtes, en une communauté qu'il donna à des moines.

Il fit construire dans le voisinage une église sous l'invocation de la Vierge, et y attribua de grands revenus. Il vécut ainsi dans la retraite jusqu'à l'époque de sa mort, qui arriva en 735.

Postérieurement, l'église de Notre-Dame devint en grande vénération; elle était visitée processionnellement par les personnes dévotieuses du continent, de là vint l'accroissement successif du bourg de Sainte-Marie; mais au IXe siècle, les Normands ayant fait une irruption dans l'île de Ré, ruinèrent entièrement la communauté, l'église et toutes Les habitations du port de Notre-Dame ; le clocher seul subsiste encore avec une petite sacristie voûtée.

Quelque temps après, les habitants qui avaient pris la fuite revinrent et formèrent de nouveaux établissements; ils se créèrent même assez de revenus pour entretenir plusieurs prêtres dont le chef prenait la qualité de prince et de recteur.

En 1730, on a découvert à Sainte-Marie, en creusant les fondements de quelques travaux de soubassement à exécuter à l'église édifiée sur les ruines de l'ancienne, une couronne de cuivre.

Une partie de crâne était fortement attachée à cette couronne; l'on y remarquait en quelques endroits des restes d'une assez belle dorure et des pierres que l'humidité de la terre avait rendues ternes. Les fleurons représentaient des espèces de fleurs de lis, au nombre de quatre et autant de triangles renversés dont les lignes étaient un peu courbes; les pierres, enchâssées sous les fleurons, décoraient le cercle ; la principale était une turquoise qui posait sur le front.

La fondation du monastère de Sainte-Marie, par Eudes, duc d'Aquitaine, et son inhumation dans ce monastère, qui sont constatées par une charte de Charles-le-Chauve, de 855, doivent confirmer l'opinion la mieux établie, que la couronne dont il s'agit était celle de ce duc qu'on avait déposée dans son tombeau comme une marque d'honneur et comme l'auguste attribut de sa souveraineté.

Dans le XIIe siècle, les moines de Cîteaux bâtirent en l'île de Ré un autre monastère aussi dédié à la Vierge. Il fut détruit durant les guerres de religion, vers l'an 1574 : on en voit encore aujourd'hui des restes que le génie maritime entretient avec soin pour servir d'amers.

Ce monastère fut fondé, en 1178, par Eble de Mauléon qui donna aux religieux de Cîteaux le lieu appelé le Breuil-Chateliers, dont leur abbaye prit également le nom.

Aimeri de Mauléon, son neveu, approuva cette fondation et l'augmenta même ; exemple qui fut suivi par ses successeurs.

 En 1270, Gui, vicomte de Thouars, seigneur de l'île de Ré, confirma et ratifia tous les dons faits à l'abbaye des Chateliers.

L'île de Ré passa avec la Guyenne sous la domination anglaise par suite du divorce qui sépara Louis VII de la reine Aliénor. Cette princesse porta cette riche dot au roi d'Angleterre, déjà vassal du roi de France comme duc de Normandie, et cet état de choses, qui fut un sujet continuel de guerres, dura de 1153 à 1459, époque où, chassés du royaume, les Anglais n'avaient plus en France que la ville de Calais

Les églises de Saint-Martin, d'Ars et de Sainte-Marie ont été reconstruites de leur temps; ils étaient alors catholiques zélés et grands bâtisseurs de monuments religieux.

 

 

 

 

Au temps de Charlemagne et de son fils Louis le Pieux, les monastères avaient pris un grand développement; mais sur la fin du neuvième siècle et dans le dixième, ils faillirent succomber à la barbarie.

 On sait en effet, que les Normands firent leur première apparition sur nos côtes vers 844 et nulle part ils n'éprouvèrent de résistance sérieuse. Les divisions intestines qui déchiraient l'Empire, le défaut de cohésion des populations, l'absence de tout patriotisme national, l'égoïsme et la préoccupation exclusive de l'intérêt personnel chez les grands, la faiblesse des princes, rendirent vains les efforts que tentèrent çà et là les habitants du pays pour repousser les envahisseurs.

Après avoir brûlé le prieuré de l'île d'Aix, ils remontèrent la Charente jusqu'à Saintes qu'ils ravagèrent, puis s'étant répandus dans toute l'Aquitaine ils mirent à sac Angoulême, Limoges, Poitiers, Bordeaux et brûlèrent nombre d'abbayes et de châteaux.

L'année suivante ils incendièrent le monastère de Sainte-Marie de Ré (4), en 867, ils détruisirent l'abbaye de Saint-Jean d'Angély.

Devant ces hordes pillardes et sanguinaires, les moines épouvantés, emportant leurs trésors et leurs reliques s'enfuyaient à la hâte, et allant à travers le pays, de refuge, en refuge, semaient partout la terreur en racontant les atrocités commises par les païens.

 D'autres monastères péchaient par le manque d'ordre et de discipline, la fréquente violation des vœux donnait lieu à de graves désordres. Les désordres n'avaient même pas complètement disparu au XIe siècle puisque nous avons vu les abbayes de Bassac et de Tonnay-Charente, soumises pour cette raison à celle de Saint-Jean d'Angély qui dut elle-même être réformée par Odilon, abbé de Cluny (1), appelé en 1018, par le duc d'Aquitaine pour y rétablir la discipline.

Diverses abbayes se placèrent du reste, d'elles-mêmes sous le gouvernement de Cluny, et furent dirigées par des vice-abbés, subordonnés à celui de Cluny; d'autres furent comme Saint-Jean d'Angély, réformées par Cluny sans tomber cependant sous sa dépendance.

 Le bon ordre, la ferveur, la piété des couvents réformés, relevèrent l'état monastique dans l'opinion générale, amenèrent la restauration des abbayes tombées et en firent ériger de nouvelles.  

Ajoutons que les Normands n'étant pas revenus dans notre pays après 1019, il s'en suivit une sécurité très favorable au développement du monachisme.

Aussi pouvons-nous constater que même avant cette date, mais surtout à partir de ce moment-là, des abbayes assez nombreuses furent fondées en Saintonge et en Aunis, par piété le plus souvent, si nous nous en rapportons aux motifs énoncés dans les chartes et aussi parfois par intérêt, mobile qui ne manque pas d'apparaître dans quelques textes.

Nous avons rappelé qu'Odilon, sur la prière du duc d'Aquitaine était venu réformer en 1018, l'abbaye de Saint-Jean d'Angély.

On connaît la tentative unitariste faite à cette époque par la célèbre abbaye bourguignonne qui devint comme le centre d'un vaste État et exerça sur les lettres, sur les arts et sur le gouvernement général de l'Église, une influence considérable.

En un mot, Cluny chercha à réaliser dans le inonde monastique, une centralisation complète, mais il ne réussit pas, parce que dès le XIe siècle, il avait perdu le monopole de l'organisation en congrégation.

De nouveaux foyers monastiques s'étaient créés, propageant, avec des règles un peu différentes, de nouveaux ordres religieux.

L'ordre de Citeaux, constitué en 1098, fournit aussi une carrière très brillante, et, grâce à Saint Bernard, l'influence exercée jadis dans les affaires religieuses par les moines de Cluny passa aux mains de Citeaux.

Aussi ne faut-il pas s'étonner que les abbayes saintongeaises et aunisiennes fondées au XIIe siècle, se rattachent toutes à Citeaux.

 

A la mort d’Isembert II (vers 1152), Eble de Mauléon, issu d’une famille poitevine apparentée aux vicomtes de Thouars, devient seigneur de Ré.

C'est vers 1150 qu'un moine Cistercien, Abbé de l'Etoile en Poitou, connu sous le nom d’Isaac de Stella, vint trouver Elbe de Mauléon, seigneur de Ré, avec Jean, Abbé de Trizay, et d’autres religieux.

 

Le départ d’Isaac de l’abbaye de l'Étoile (Poitiers) pour l’ile de Ré peut être situé avec une relative certitude entre 1167 (année au cours de laquelle il règle un différend avec Hugues de Chauvigny) et 1168.

Jean de Belles-Mains  était monté sur le trône épiscopal en 1162, confirmé par le concile de Tours en 1163, et Vaelisius,  successeur d’Isaac de l’Etoile apparait pour la première fois dans des chartes avant 1169.

La construction de l’abbaye intervient en 1178, le lieu choisi sur un ancien oppidum romain, l’un des points le plus importants de l'Ile de Ré.

 

 

Charte de fondation de l'abbaye Notre-Dame-de-Ré, dite des Châteliers, d'Eble de Mauléon.

 

Au nom de la sainte et divine Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, moi, Jean Eble de Mauléon, fais savoir à tous présents et à venir, que les abbés Isaac de Stella, Jean, abbé de Trizange et autres, étant venus vers moi, me firent connaître leur désir de vivre dans la solitude.

 Pour me rendre à leurs vœux, et après les avoir vus en grande joie, je leur ai donné pour toujours, à eux et à leurs successeurs, pour y construire une abbaye, le lieu appelé le Breuil du Château, avec des bois et des terres en libre possession, autant qu'ils en voulaient et désiraient, tout cela exempt d'inquiétudes, d'exaction et de coaction, sans aucune retenue et servitude de mon domaine.

Par amour de la paix, ils ont résolu de n'avoir au dehors ni grange, ni troupeau. Je leur ai donné, pour leur nourriture et pour leur vêtement, tout ce qui m'appartient quant au pain et au vin de toute la paroisse de Sainte-Marie.

Je leur donne comme seigneur, et avec moi mon neveu Eméric.

Nous leur avons encore donné toutes les vignes que nous savions nous appartenir dans le Fief militaire, — Feodum militum, Villenoue et Sanctam Eulaliam, — le village de la Noue et Sainte-Eulalie, et depuis Sainte-Eulalie jusqu'au port Chauvet, toutes les terres.

Je leur ai donné aussi tous nos légumes de la Saint-Michel.

Je leur ai donné aussi tous les produits de nos chasses de l'île de Ré, autant qu'ils le voudront pour leurs vêtements.

Je leur ai donné, pour veiller à leur tranquillité et à leur bonheur, l'honnête et fidèle Josselin et ses héritiers.

— Eméric y ajoute sa part d'Arnaud Robert, et le grand pré de Sainte-Marie.

Moi, Eblon, j'ai fait ces dons avec Eméric, et ont été témoins Guillaume de Brand ; Guillaume de Saint-Paul ; Bernard Gareama et Josselin, et nous avons fait notre offrande la main sur l'Évangile, et avec grande piété.

Savary de Mauléon vint rendre visite aux moines et examina les titres de donation.

 Il consigna dans une autre charte, perdue aujourd'hui, la donation entière de cette abbaye, et, voulant imiter ses prédécesseurs Eblon et Eméric, il fit son offrande la main sur l'Évangile placé sur l'autel, en présence d'Eblon ; d'Eméric ; de Guillaume de Brand ; Guillaume de Saint-Paul ; Théodebald de Montfaucon ; Eméric Joffroi.

La femme du seigneur Eblon, la noble Eustachée, consentit à cette donation, qu'elle fit entre les mains de Jehan, chapelain de Pissot; Guillaume Brunault; Josselin; Oremalk, fille de Rodulphe d'Ixoudun; d'Eméric de Mauléon.

 

 

 

 

Charte d'Eblon et d'Eméric, 1178.

Au nom de la Sainte Trinité, moi Eble de Mauléon et moi Eméric, son neveu, faisons savoir à tous que, lorsque Guicardo, abbé de Pontencacensis, est venu parmi nous dans l'île de Ré, nous avons remis entre ses mains la charte précédente faite en faveur d'Isaac, abbé de Stella, et Jean, abbé de Tours.

Pour agrandir les dépendances de l'abbaye, nous ajoutons la terre du bois qui se trouve au-delà de leurs fossés, jusqu'au vieux chemin qui vient du port Chauvet, auprès de ce qui a été défriché de nos forêts jusqu'à la terre cultivée de Sainte-Eulalie.

Nous leur donnons ensuite par an quatre septiers de grain froment, trois de seigle et trois d'orge.

Tous ces biens seront exempts de toute servitude.

Ont été témoins : Guillaume Jehan ; Simon de Mairemont.

Pierre-Joseph du Château; Bonnet d'Esnandes; Guillaume Robert ; Etienne Radulphe.

Que tous sachent bien que nous avons donné aux religieux de Cîteaux la permission de faire du charbon de brandes partout, pour leur usage seulement. Pour rendre le don stable, moi, Eblon, j'ai apposé mon sceau, et les religieux m'ont payé neuf livres dix sous, à Emery, mon neveu, douze livres dix sols, et à Geoffroy six livres quinze sols.

Que tous présents et à venir sachent encore qu'Eméric a donné toute sa propriété des Marattes, et tout ce que possédait Raoul.

Ce don a été fait entre les mains de l'abbé Étienne, au château des Fontaines, dans la cour d'Éblon, le cinquième jour des ides de février.

Les témoins étaient : Pons, celararius; le chapelain de Ré Bernard; Constantin, chapelain de Saint-Hilaire; Réginand, sonius ; la belle Isaure, épouse d'Éblon ; Raoul de Forge; Gilenus de Vitrec; Girard de Bernand, etc.

Que tous sachent encore que j'ai donné le lieu appelé la Tuilerie, et du bois dans nos forêts pour faire la tuile.

Pour sauver toutes ces choses de l'oubli et de la falsification des temps, je les ai mises sous la sauvegarde de mon écriture.

 

 

Le monachisme en Saintonge et en Aunis : XIe et XIIe siècles : étude administrative et économique / par L. Bruhat

Journal des travaux de la Société française de statistique universelle

 

 

 

 Généalogie des Seigneurs de Mauléon <==.... ....==> Raoul de Mauléon donne sa venaison (droit de chasse sur les animaux sauvages de l’ile de Ré) en 1199 à l'abbaye des Châteliers

==> Jean Belles-Mains, évêque de Poitiers reçoit au château baronnial, Isaac de Stella et Hugues de Chauvigny <==

==> Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU ) <==

 


 

(1)    Le 11 septembre  910, le duc d’Aquitaine et comte d’Auvergne Guillaume Ier dit le Pieux fait don à l’abbé Bernon de terres à Cluny et demande que soit construit un monastère, placé sous la protection du pape uniquement. Après la signature de l’acte de fondation, 12 moines bénédictins s’installent à Cluny.

Doté de reliques des apôtres Pierre et Paul depuis 981, le monastère devient un sanctuaire autonome sous l’abbatiat d’Odilon (994-1049), grâce à un privilège d’exemption accordé par Grégoire V en 998

==> La fondation de l’Abbaye de Cluny ; En 910, le duc d’Aquitaine et comte d’Auvergne Guillaume Ier dit le Pieux

 

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