Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PHystorique- Les Portes du Temps
17 novembre 2023

1984 Le trésor de La Tourlandry et les émissions monétaires de l’Armée catholique et royale émis à Maulévrier par Stofflet.

Une partie des bons Stofflet et des assignats ARCHIVES CO

En octobre 1984, lors de travaux de réhabilitation du presbytère de La Tourlandry, petite commune du Maine-et-Loire située entre Cholet, Chemillé et Maulévrier, en plein pays de la contre-révolution de 1793, une petite boîte en bois fut découverte dans un mur, à 4 mètres de hauteur ; elle contenait des assignats royaux et des bons de Stofflet de petite et moyenne valeur, dont voici l’inventaire :

1) Une lettre en mauvais état, datée de 1791, adressée au curé de la paroisse.

2) 79 assignats royaux de 5 livres, de dates diverses, signés Corset, en bon état.

3) 2 assignats royaux de 25 livres, de dates diverses, signés James, en mauvais état.

4) 5 bons de 10 sous émis à Maulévrier par Stofflet, la plupart en bon état.

5) 40 bons de 5 livres émis à Maulévrier par Stofflet, la plupart en bon état.

6) 61 bons de 10 livres émis à Maulévrier par Stofflet (dont un bon en série E, n° 2913), la plupart en bon état.

Ces documents nous sont parvenus bien conservés, préservés de l’humidité et de la lumière.

Leur découverte permet d’authentifier les bons de Maulévrier et confirme pleinement la communication que j’avais faite ici même en juillet 1983, en ce qui concerne tant les quantités émises que les séries, les numéros et la couleur du papier.

Je suis allé voir ce trésor l’an dernier et j’avais suggéré au maire de La Tourlandry de faire don au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale d’un bon de 5 livres et d’un de 10 livres.

 Je suis heureux qu’avec l’accord de son conseil municipal il ait accédé à ma demande. Commentant cette découverte, la presse locale supposait que cette cachette avait été utilisée pendant la période des « colonnes infernales » ; or celles-ci sévirent de janvier à mai 1794 (destitution de Turreau en mai), tandis que les bons de Stofflet ne commencèrent à être imprimés qu’en octobre 1794.

Mais la disparition des colonnes infernales ne mit pas fin aux massacres.

Si les destructions n’étaient plus aussi systématiques, elles n’en étaient pas moins impitoyables, et la fin de la Terreur (27 juillet 1794) n’y changea pas grand-chose.

Il faudra attendre encore un an pour qu’un semblant de paix s’établisse avec la signature du pacte de Saint-Florent (mai 1795) entre les représentants de la Convention et Stofflet.

La démonétisation des assignats portant les signes de la royauté le 27 floréal an 111(16 mai 1795) (1) et la mort de Stofflet, le 25 février 1796, feront que tous ces billets n’auront guère de valeur dès 1796.

Ce trésor nous confirme que :

1) Les bons libellés en livres (5, 10, 25, 50 et 100 livres) furent imprimés avec une forme n’imprimant qu’un seul billet à la fois ; il y a peu de différence dans la composition des bons et dans le cadre.

2) Les bons libellés en sous étaient tirés par planches de huit, par groupe de quatre bons de 10 sous et quatre bons de 15 sous disposés pied à pied. Une feuille complète, provenant de la collection Dugast-Matifeux, est actuellement conservée à la Médiathèque de Nantes

(2). Ces bons ont quelques différences entre eux, à cause de la pauvreté de la composition due au manque de matériel, mais tous les bons de 10 sous et de 15 sous émis par Stofflet doivent sortir de la même forme. Ils sont de couleur ivoire, presque toujours en bon état et semblent avoir peu circulé, contrairement aux grosses coupures de 25,50 et 100 livres qui sont rarement en bon état et ont manifestement beaucoup servi. La teinte plus foncée que l’on trouve parfois sur certains bons provient d’une mauvaise conservation ; ils deviennent alors cassants.

 Tous ces bons de Stofflet ont été fabriqués à Maulévrier par Nicolas-Jean Clambart, imprimeur du roi (3). Mais un an avant l’émission de ces bons de Stofflet, ce même personnage avait suivi l’Armée catholique et royale lors de la « virée de Galerne » et continué son métier d’imprimeur à Laval, Fougères et Avranches (4).

Suite à l’arrêté du Conseil militaire assemblé à Laval le 1 er novembre 1793, il devait être le compositeur des « effets royaux remboursables à intérêt à quatre et demi pour cent », plus connus maintenant sous le nom de « bons de Laval », mais appelés à l’époque « bons sur Louis XVII » (5).

Clambart soldait à ses frais le personnel qu’il pouvait trouver. Rarement l’expression « solder à ses frais » aura été aussi véridique et... aussi peu onéreuse ; les gens de la Mayenne se plaignaient d’ailleurs du peu de crédibilité de cette monnaie. Leurs descendants ne seraient pas de cet avis, car ces billets sont maintenant beaucoup plus prisés que les assignats.

Je n’ai pas retrouvé de « bon sur Louis XVII » avec intérêt à deux et demi pour cent signalés par Rouillé (6) et, comme lui, je penserais à une confusion des chroniqueurs.

J’ai répertorié :

1) Des bons de 5 livres imprimés sur papier bleuté, parfois sans numéro ni signatures, ou bien avec un seul signataire au lieu des quatre requis.

2) Des bons de 25 livres imprimés sur papier gris à Avranches (7) avec les mêmes disposition et formules, mais avec un cadre et lettres différents, souvent aussi sans numéro ni signatures.

 3) Des bons de 50 livres imprimés sur papier bleuté, avec un cadre à double filet très sobre.

4) Des bons de 100 livres sur papier bleuté qui, vu l’urgence des besoins en numéraire furent probablement émis les premiers et en plus grande quantité. Ils furent imprimés par planches de quatre bons avec de petites différences dans l’agencement des cadres qui permettent de les situer sur ces planches, l’un de ces bons ayant une erreur d’impression « intérêt de », au lieu d’« intérêt à » (8). Puis, en un tournemain, on transformait la forme de 100 livres en une de 5 livres : on retrouve les mêmes différences de cadre sur les planches des deux valeurs, mais l’erreur « intérêt de » a été corrigée sur la planche de 5 livres.

Monsieur Libaud, de l’Association numismatique armoricaine, lui-même possesseur de « bons sur Louis XVII », et moi, avons reconstitué la planche de 100 livres qui devient celle de 5 livres. Il y eut plusieurs tirages du bon de 100 livres : le billet n° 4444 (coll. de la Banque de France) a une différence avec ceux de sa catégorie : en effet, sur les premiers billets, il est toujours écrit 100.1. et sur celui de la Banque de France, 100 l.

 Les bons de 25 livres furent aussi imprimés par planches, et il y a des différences dans le cadre ; quant à ceux de 50 livres, ils doivent également avoir été imprimés par planches, car il y a de petites modifications dans la composition des très rares bons que j’ai pu examiner.

Tous ces bons furent numérotés par la même main, sauf ceux du 3e mille de 100 livres. L’existence des bons de 10 livres demande à être confirmée. Les numéros les plus élevés que nous ayons relevés sont :

- pour les billets de 5 livres : n° 639,

- pour ceux de 25 livres : n° 261,

- pour ceux de 50 livres : n° 1525,

- pour ceux de 100 livres : n° 4444.

Je suppose, comme Rouillé (9), que l’émission fut d’un montant de 900 000 livres au maximum, mais Beauvollier, dans son Compte sommaire rendu au roi Louis XVIII (10), fit monter successivement le montant jusqu’à 2 500 000 livres ; il est vrai qu’il comptait dans ce total les intérêts à quatre et demi pour cent depuis 1793...

Cette forme (et peut-être d’autres) fut emportée par les Vendéens (11) et c’est elle qui tomba aux mains des Républicains à Savenay en décembre 1793.

Le trésor de La Tourlandry nous permet de mieux connaître une partie de ces rares billets de l’Armée catholique et royale, à l’existence aussi éphémère que tragique.

 

 

Société française de numismatique

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/cholet-49300/la-tourlandry-sous-la-pierre-du-presbytere-se-cachait-un-beau-tresor

 

 

 

 


 

(1). J. LAFAURIE, Les assignats et papiers-monnaies émis par l'Etat au XVIIIe siècle, Paris, 1981. p. 13.

(2). A. ROUILLÉ, Assignats et papiers-monnaies. Guerre de Vendée et Chouannerie 1793- 1796, La Roche-sur-Yon, 1891, p. 38, pl. 1.

(3). P. DE LA PERRIÈRE, « Les bons de Maulévrier émis par Stofflet», Cah. Num., n° 73, sept. 1982, p. 159.

(4). Ibid.

(5). H. CHARDON, Les Vendéens dans la Sarthe, I, Le Mans, 1869, p. 165. Déclaration certifiée du 16 brumaire an II (9 novembre 1793).

(6). Op. cit., p. 28.

(7). Ibid

(8). J. LAFAURIE, op. cit., p. 138, n° 169-170.

Publicité
Commentaires
PHystorique- Les Portes du Temps
Publicité
Publicité