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PHystorique- Les Portes du Temps
25 juillet 2021

La ferme royale de Javarzay (Chef-Boutonne) Les Romains aux Francs - Clotaire Ier de saint Junien à Nouaillé

Legion VIII AUGUSTA - La ferme royale de Javarzay (Chef-Boutonne) Les Romains aux Francs - Clotaire Ier de saint Junien à Nouaillé

Les Romains ont laissé dans nos contrées d'assez nombreux vestiges de leur séjour, sans parler de la voie reliant Poitiers et Saintes qui dans un parcours de deux kilomètres forme la limite entre les communes de Tillou et de Saint-Genard, et les cantons de Chef-Boutonne et de Melle; nous trouvons ces vestiges plus ou moins bien accusés à Tillou, Javarzay, Saint-Martin-d'Entraigues, Bouin, Loubiné et Potonnier.

M. de Longuemar dans ses Recherches archéologiques sur le pays des Pictons (1) parle bien d'une voie gallo-romaine qui partant des dolmens de la Pérote, placés entre Luxé et Fontenilles (Charente), se dirige sur les Dognons de Tusson où elle se bifurque, une des branches se dirigeant sur Brioux, et l'autre vers Melle, la ville aux mines de plomb argentifère qu'elle mettait ainsi en communication directe avec la voie de Poitiers à Bordeaux, mais le tracé de cette voie est tout spéculatif, aucun vestige n'en a été retrouvé sur le terrain.

Cependant sa direction à vol d'oiseau traversait le canton de Chef-Boutonne, peut-être même touchait-il son chef-lieu mais en tout cas passerait à peu de distance de deux villas romaines que nous avons reconnues et dont la découverte a peu de distance de son parcours, tout idéal qu'il soit encore, pourrait faire croire à la réalité de son existence.

L'une est située à Potonnier, hameau, commune de Loubillé, où nous possédons une habitation, l'autre sise à environ 100 mètres du bourg de Loubillé sur le chemin de Chef-Boutonne.

C'est en faisant exécuter quelques travaux dans notre propriété de Potonnier que nous avons découvert les vestiges de la première, elle paraît avoir été d'une certaine importance, ou du moins les substructions que nous avons mises au jour sont assez éloignées, les unes des autres pour faire supposer une étendue considérable (2).

Dans l'intérieur et dans la partie Est de la maison d'habitation, nous avons recueilli des débris de tuiles à rebord, des carreaux en brique rouge, les uns destinés à servir de pavés et les autres, d'une moins grande épaisseur, qui, croyons-nous, devaient servir d'applique et de revêtement des murs d'intérieur.

Près de là, dans la basse-cour, en faisant creuser une fosse B, nous avons rencontré à environ 70 centimètres au-dessous du sol, les assises d'une muraille se dirigeant de a en b (5 m. 23).et de b en c (3 m. 55), la partie encore existante de ce mur, mis ainsi a découvert, pouvait être de 50 centim. de hauteur et était composé de moëllons d'une forte-dimension et échantillonnés avec un certain soin. L'intérieur était revêtu d'un enduit sur lequel nous n'avons remarqué aucunes traces de peinture, mais couvert de capricieux entrelacs tracés au simple trait, et qui était encore assez résistant pour ne se lever que par grandes plaques, l'aire était formée d'un béton d'une assez grande dureté, placé sur une couche de sable; qui elle-même reposait sur le sol naturel, la terre qui remplissait l'excacavation abc n'était pas beaucoup plus noire que celle environnante, mais elle était mélangée de quelques menus débris de charbon., de tuiles à rebord, des clous en fer rongés par la rouille. Il y avait également les fragments de deux ou trois vases en terre commune, etc., puis en dehors du mur dont le parement extérieur, ne nous a paru revêtu d'aucun enduit, au point D, existait un amas assez considérable d'écaillés d'huîtres mêlées à quelques écailles de moules et de ce coquillage connu à la Rochelle sous le nom de palourde, mais ces dernières en petit nombre.

Toutes ces écailles, surtout celles d'huîtres; se sont pour ainsi dire effritées au contact de l'air au bout de quelques jours.

Nous n'avons pu pousser plus loin nos recherches, d'un bout et d'un côté la salle que nous venions de mettre au jour s'engageait sous des murs de clôture, l'un séparant la basse-cour du jardin et près duquel s'élèvent deux noyers âgés de 60 ans environ, et comme autour d'eux se trouvait une-excavation assez profonde, nous pensons que des fouilles y ont déjà été pratiquées et que nos recherches auraient été inutiles.

A l'est le prolongement du mur DB passe au point B sous le mur de clôture qui borde le chemin du moulin de Potonnier à la Rochonnière et, s'engageant sous ce chemin, va sans doute rejoindre au point E les substructions que nous y avons découvertes.

Nous faisions creuser dans ce pré une rigole d'écoulement, lorsqu'à, un peu plus de un mètre de profondeur nous avons mis au jour les rudiments de deux murs courant presque parallèlement et à peine éloignés d'un mètre l'un de l'autre. L'espace qui les séparait était pavé de carreaux en terre cuite blanche ayant 20 cent. de côté et A cent. d'épaisseur. Ces murs qui paraissaient se diriger du sud-est au nord-ouest ne portaient ni à l'intérieur ni à l'extérieur aucune trace d'enduit.

A une petite distance du point où nous sommes, la sol du pré éprouve comme un ressaut qui le rehausse considérablement et se prolonge dans toute la partie qui touche au chemin en descendant vers le gué de l'Osme. Cette surélévation est-elle l'indice de substructions -c'est ce que des fouilles ultérieures pourront faire découvrir.

Potonnier, dont le nom est écrit par les uns Pontonnier et Pautonnier par d'autres, est en effet placé sur le seul point de la contrée où l'on puisse passer à gué, au moment des hautes eaux, le ruisseau de l'Osme qui presque torrentueux pendant les mois d'hiver est à peu près complètement à sec pendant le reste de l'année.

Cette position près d'un passage qui mettait en communication deux contrées autrefois bien distinctes, sur le penchant d'un coteau, dans un milieu réunissant les champs, les prés et les bois, était de nature à tenter quelque riche Gaulois ou Romain qui sera venu y établir une résidence d'été, y fonder une exploitation rurale, à une petite distance de la voie qui lui permettait de voyager avec facilité s'il voulait aller rejoindre les cités voisines.

Ajoutons que ce gué-passage devait avoir d'autant plus d'importance qu'à 3 kilomètres à l'est sur l'autre rive de l'Osme se trouvait, près du bourg de Paizay-Naudouin, un camp romain reconnu en 1844 par M. l'abbé Michon (3).

Le nom de Potonnier, ou ses similaires, se rencontre rarement dans nos contrées, et en examinant la position topographique de ceux que nous avons relevés, nous n'avons pu en déduire aucune conséquence pour sa signification primitive. H n'en est pas de même de la villa du Payré ou Perré qui existait au bas du coteau sur lequel s'élève le bourg de Loubillé, et à sa sortie, en se dirigeant sur Chef-Boutonne, ce nom de Payré que porte tout à la fois et le petit ruisseau qui ne s'épanche que l'hiver et la pièce de terre que l'on voit à droite de la route, est, on le sait, significatif.

Nous n'avons pas à entrer dans de bien grands détails, car le plan que M. Favreau, alors instituteur à Loubillé, qui a surveillé les déblais et a dressé le plan des substructions, donne à peu près toutes les indications nécessaires. Quelques observations seulement (4).

La route qui traverse l'assiette de la villa est en contre-bas de 60 à 70 centimètres des terrains situés à l'est et à l'ouest de 1 à Jet de G à H, mais de K à L c'est elle qui se trouve la plus élevée.

Quand on a ouvert cette route en 1840, on a détruit, comme le plan le démontre, les murs qui se trouvant à travers de son tracé gênaient son passage. On a trouvé, nous a-t-on dit,. les restes d'une construction affectant la forme d'un cul de four, des pans de murailles dont les parois étaient recouvertes de peintures et enfin nombre de tuyaux d'étain, ce qui pourrait indiquer, si toutefois ces détails sont exacts, que là étaient les bains de la villa, bien que l'absence des plaques de marbre dont en général ces salles étaient revêtues et pavées nous fasse douter de cette attribution à moins que ce ne fût ceux des esclaves.

A l'est, dans le champ où sont encore enfouis les restes les plus considérables de cet établissement, se trouve, à 36 mètres de la route, un monticule de 45 mètres environ de longueur, sur une hauteur de lm50 d'où on aurait déjà enlevé, dit-on, il y a vingt et vingt-cinq ans une quantité considérable de moëlIons et de pierres de taille, et c'est très probablement là qu'étaient placés les bâtiments les plus importants, les logements du maître et que l'on peut espérer faire des découvertes intéressantes, si l'on y fait exécuter des fouilles; mais en attendant que la terre nous livre les secrets qu'elle garde depuis seize ou dix-sept siècles, examinons ce qui a été mis au jour en 1875 et 1876.

On voit déjà par le développement des constructions, qui font une longueur de 80 mètres environ, et la dimension des salles dont quelques parties furent découvertes à cette époque quelle devait être l'étendue de cet établissement bien que nous ne connaissions qu'à peine l'un des côtés, cette dimension suffit déjà pour faire apprécier son importance. La première A a 12 mètres du nord au sud, celles marquées B et C ont chacune 9 mètres, la salle D, 17 mètres, celle F à 22 mètres et encore reste-t-il 15 mètres à déblayer pour connaître exactement sa longueur.

Tous ces murs qui avaient 50 centimètres d'épaisseur s’élevaient encore à 20 et 25 centimètres de hauteur, les parois de celui marqué a étaient recouverts de peintures rouges et vertes dont les teintes disparurent promptement sous la double atteinte de l'air et de la lumière.

L'aire de la salle D était recouverte d'une couche de béton très dur. Au coin e de cet appartement se trouvait un squelette humain couché en travers sur le mur séparant les salles D et F, comme si, la villa détruite, il eût été frappé et mis à mort en cet endroit à quelque distance de la partie supérieure de son corps dans la salle F, au point r, une certaine quantité de médailles en bronze de l'empereur Constance Chlore, de Constantin, etc.

On a trouvé, en outre, disséminés un peu partout, des fragments de larges et épais carreaux de briques rouges, de tuiles à rebord, de poteries communes, quelques débris d'un moulin à bras, des clous et d'autres objets en fer rongés par la rouille, des bois de cerf apointis, des épingles à cheveux en cuivre et en ivoire, les bases de deux colonnes en pierre, que l'on a trouvées dans la salle F.

Si l'on poursuivait ces fouilles, l'établissement gallo-romain, dont il n'a été mis au jour qu'une bien petite partie, apparaîtrait tout entier on pourrait alors comparer sa distribution .avec celles des monuments du même genre qui existent dans d'autres départements, et peut-être pourrait-on y faire d'utiles et d'intéressantes découvertes,, car les deux débris de colonnes que nous avons recueillis indiquent que cette villa devait avoir été construite avec un certain luxe, avoir appartenu à quelque haut personnage.

Les autres endroits où l'on a trouvé des restes d'habitations romaines sont Javarzay, Tillou et Saint-Martin-d'Entraigues, nous nous contentons de les mentionner ici en raison du peu d'importance des résultats.

 

 

 

CHAPITRE LES FRANCKS.

Au milieu de cette avalanche de barbares qui au IVe siècle s'abbatirent sur la Gaule, et lambeaux par lambeaux finirent par l'arracher aux Romains, les Wisigoths furent, avec les Francks et les Burgondes, du petit nombre des peuples germains qui s'y établirent d'une manière permanente et y fondèrent un royaume qui eut quelque durée.

La bataille de Vauclade (Campo Vogladise 507 : Clovis, Alaric, la Bataille de Vouillé – la vallée aux morts) substitua la nation francke à la race gothique qu'elle rejeta au-delà des Pyrénées mais, disons-le pour rester dans la vérité, à part le clergé qui accepta ces nouveaux venus comme des coréligionnaires (5), les Francks, pas plus que les Wisigoths ne furent accueillis par la masse populaire autrement que comme des vainqueurs, et s'il est vrai que les peuples germains, et peut-être n'était-ce de leur part qu'une marque de condescendance méprisante, laissèrent aux populations vaincues leurs lois, leurs institutions, leur langue et leur religion, le sentiment de répulsion que tous indistinctement inspiraient aux Gallo-Romains n'en fut nullement amoindri.

La puissance d'assimilation qui avait été le propre de la civilisation romaine avait été si grande que l'on peut dire que même encore à cette époque (Vie siècle) tout en Gaule était romain, et les populations d'Aquitaine et celles d'entre Loire et Dordogne ne voyaient que des barbares dans ces hommes farouches qui, tout en s'essayant dompter leurs grossiers instincts et à vivre des raffinements de cette société efféminée, avaient parfois de brusques et sanglants retours vers la vie sauvage des forêts de la Germanie (6).

Aussi n'a-t-on trouvé en Poitou que peu ou point de traces du passage des Wisigoths, du séjour des Francks (7), ils ne devaient guères, croyons-nous avec M. Guizot, résider en dehors des villes, si ce n'est dans quelques postes fortifiés (la Mothe-Tuffau peut-être) ou dans quelques rares domaines ruraux (la ferme royale de Javarzay, par exemple), et même ce n'est que bien accidentellement que l'on découvre quelques sépultures comme celles qu'il nous a été donné de fouiller dans le champ du Chiron de l'Ardoise, près de Rouillé, commune de Villemain .(8).

Comment expliquer la présence de ces sépultures dans ce lieu écarté ? Sont-elles la conséquence d'un fait de guerre ? Les fosses y étaient disposées avec trop de symétrie pour que l'on pût s'arrêter à cette pensée. Doit-on y voir le champ des morts d'un poste militaire d'une petite colonie francke établi soit à Rouillé, à Salignac, aux Froux, à Coutures d'Argenson même, bien que ce dernier point soit un peu éloigné?.

Les noms de ces villages placés à une petite distance du champ de l'Ardoise révèlent presque tous une fondation fort ancienne, mais n'ont aucune signification de nature à nous aider à résoudre cette question qui restera sans doute sans réponse. Passons donc.

Javarzay fut une ferme du domaine royal sous la race mérovingienne, Gavarciacum, fiscus regius (9), dit M. Guadet dans sa Liste des palais et des rois de France (10)

Si nous en croyons les usages d'alors, ce domaine avant de tomber dans le lot de l'un des rois chevelus devait être quelque villa dépendant du fisc impérial romain, villa qui elle-même s'était très probablement élevée sur les ruines de quelque tugurium appartenant à un chef gaulois, car, comme le dit M. de la FonteneIIe, « les palais affectés aux rois francks avaient pour la plupart appartenu aux rois wisigoths qui en avaient formé des domaines dans le partage fait avec les Romains et les Gaulois, lors de l'établissement définitif de la race gothique dans les Gaules : de là ces palais avaient passé aux rois mérovingiens et aux ducs d'Aquitaine plus tard ces immenses possessions furent démembrées et données à l'Eglise ou à des vassaux (11). »

On connaît la vie nomade que menaient les rois de la première race, presque toujours en voyage, allant de monastères en monastères, où des appartements étaient réservés pour eux et leur suite, de leurs palais en leurs domaines ruraux; on ne doit donc pas s'étonner de voir à Javarzay en 559 Clotaire Ier,  dont le souvenir se rattache au Poitou d'une manière toute particulière comme ayant été l'époux de la grande reine Radégonde, la sainte patronne des Poitevins, ce fut pendant le séjour que fit ce prince dans notre contrée que se passa le fait suivant.

On sait que les premières années que saint Junien, le fondateur du monastère de Mairé-l'Evescault, passa dans la retraite, s'écoulèrent en grande partie dans les environs de Caunay puis, voyant que le nombre de ses disciples augmentait sans cesse et que son établissement devenait insuffisant pour contenir leur multitude, il commença à élever de nouvelles constructions dans un endroit aujourd'hui désert nommé Chastinlieu (castum locum), placé entre le bourg de la Chapelle-Pouilloux et la maison de Villeblanche (12) et dépendantdu domaine royal.

Un des Ministériales du domaine de Javarzay, voulant sans doute mettre sa responsabilité à couvert, avertit le roi de cette entreprise, et Clotaire ordonna à un nommé Aurélius (le délateur peut-être) d'aller trouver Junien et de le ramener avec lui.

Aurétius se hâta d'obéir et trouva le saint homme dans son oratoire; lorsqu'il eut terminé ses prières, il lui fit part de la mission dont il était chargé. Junien obéit de suite, dit à deux de ses moines de l'accompagner et fut dans sa cellule prendre le bâton qu'il avait toujours à la main dans ses voyages.

Auréitus, aussitôt son retour, alla prévenir Clotaire que le moine Junien attendait ses ordres aux portes de son palais, ce prince le fit introduire près de lui Junien laissant ses compagnons, entra seul dans la salle où se trouvait le roi, ayant toujours son bâton à la main puis selon l'usage des moines, il fut se prosterner aux pieds du trône et pour ce faire il laissa derrière lui son bâton qui resta dressé et droit comme si sa main l'eût toujours tenu.

Clotaire, après lui avoir dit de se relever, commençait à l'entretenir de différents sujets, lorsque levant les yeux il aperçut debout et comme planté dans le pavé de la salle, sans qu'aucune main le soutînt, le bâton que Junien venait d'abandonner. A cette vue son émotion fut grande et il fut frappé d'une telle terreur que ses genoux s'entrechoquaient. Il appela les grands de sa cour, les officiers de sa maison, et la main tendue pour leur faire admirer le prodige, il s'écria cet homme est vraiment un saint (13).

Clotaire, après un long entretien avec saint Junien, le congédia en lui concédant dans l'étendue du domaine royal tout le terrain qui lui paraîtrait nécessaire pour fonder son établissement, et chargea ce même Aurélius de veiller à ce que cet ordre fût exécuté.

Telle est l'origine du monastère de Mairé-l'Evescault qui après la translation des reliques de saint Junien à Nouaillé, descendit au rang de prieuré et de simple église paroissiale.

 La ferme royale de Javarzay, comme tous les domaines du même genre et de la même époque, devait comprendre un grand nombre de manses (14) et nous croyons retrouver deux d'entre eux dans deux fermes de la commune de Chef-Boutonne, le grand et le petit Mas-Bouet  (15).

Deux des villages de nos environs, l'un d'eux tout au moins, doivent également, pensons-nous, leur origine à l'établissement de Javarzay, Mandegaud et le Breuil-Coënaud.

La fondation du premier, si elle n'a pas eu cette cause, nous paraît contemporaine de la période francke.

Ce nom de Mandegaud nous 'avait en effet frappé depuis longtemps par sa tournure étrangère et barbare pénétré de .cette pensée, nous avons cherché dans les collections de chartes et il ne nous fut pas difficile de trouver parmi les signataires de nos documents poitevins du IX ou Xe siècle un certain nombre de noms dont la contexture se rapprochait plus ou moins bien de la dénomination actuelle.

Nous avions pensé tout d'abord à Maingaudus ou Maingodus, en français Maëngot ou Maingot, nom qui se rencontre assez souvent et qui notamment fut porté par plusieurs des vicomtes de Melle.

Mais celui de  Madalgaudus, personnage qui est au nombre des témoins d'une charte de l'an 916 (16), nous a semblé se rapprocher encore davantage de la forme aujourd'hui en usage, forme qui nous paraît être la traduction presque littérale du latin par l'intercalation d'une seule lettre Mandalgaudus, Mandegaud.

Nous avons vu que les rois francs confiaient le gouvernement de leurs domaines à des personnes de leur nation (17), ne peut-on croire qu'un Madalgaudus, un des préposés de la ferme de Javarzay, aurait été le créateur de ce manse ou l'aurait reçu du prince à titre de bénéfice soit viager, soit héréditaire, selon l'époque à laquelle il lui aura été concédé.

Encore et à propos de ce village de Mandegaud, une citation de Tacite (18) :

« Les Germains n'habitent point dans des villes, ils ne peuvent souffrir que leurs habitations se touchent, ils  demeurent séparés et à distance, selon qu'une source, une plaine, un bois les a attirés dans un certain lieu ; ils forment des villages, non pas comme nous, par des édifices liés ensemble et contigus, chacun entoure sa maison d'un espace vide…. »

 Pour qui connaît Mandegaud, n'est-ce pas une description prise sur nature et ce trait de mœurs peut s'appliquer également à une grande partie des bourgs et villages placés à l'est de Chef-Boutonne, tels que Melleran, le Breuil-Coëffault, etc., et bien d'autres s'élevant sur des terrains conquis par l'homme sur les forêts. Leur aspect est encore maintenant ce que la description de Tacite peut représenter à l'imagination, et semblerait indiquer une même et antique origine.

Quant au Breuil-Coëffault, n'aurait-il pas été dans le principe un de ces parcs où l'on enfermait les bêtes fauves dont parle Charlemagne au n° 46 de son intéressant capitulaire de Villis :

« ut lucos nostros, quos vulgus Brogilos vocat, bene custodiant et ad tempus semper emendent et nulla tenus expectent ut necesse sit a novo reaedificare. »

Le Breuil (Brogilus) était clos de haies, ou de murs, et l'on voit que le soigneux empereur recommande à ceux chargés de l'administration de ses domaines de les entretenir avec soin et de faire aux constructions qui en dépendaient, les logements des gardes, les réparations nécessaires telle est du moins l'interprétation donnée à ce passage par M. Guérard (19).

Ce village du Breuil-Coëffaud était en effet environné de bois de tous côtés, on voit encore autour de lui des boquetaux essence chêne et surtout châtaignier qui témoignent que cette contrée n'était autrefois qu'une vaste forêt.

Dans un pays aussi boisé, avec l'amour, disons mieux, avec la passion de la chasse qui dominait les Francks, il eût été bien étonnant que la ferme royale de Javarzay n'eût pas eu son Breuil à une petite distance, et comme le Breuil-Coëffault est la seule localité qui porte, ce nom caractéristique autour de nous, nous croyons pouvoir en conclure que ce village doit son origine aux loges des forestiers royaux.

La ferme ou villa royale de Javarzay, outre sa vaste étendue devait avoir une grande importance puisque, à côté de son exploitation rurale, les rois mérovingiens y avaient établi un atelier monétaire qui n'était peut-être qu'une succursale de celui de Melle, chargée de faire les travaux que ce dernier ne pouvait exécuter.

Mézeray est, croyons-nous, le premier écrivain qui ait signalé ce fait dans sa grande histoire de France, mais c'est Lelewel et, après lui, M. G. Lecointre-Dupont, notre confrère, qui les premiers ont attribué à cet atelier le triens mérovingien Gavarciaco au nom du monétaire Arimund.

 Quelle fut l'époque à laquelle on a commencé à y frapper monnaye ? combien de temps fut-il en activité ? Questions que nous devons laisser sans réponse.

« Lorsque Charlemagne eut créé en 778 le royaume d'Aquitaine, nous dit M. de la Fontenelle au début de ses recherches sur les Vigueries (20), il établit pour roi de cette vaste et belle contrée son fils Ludwig, dit depuis le débonnaire.

Un duc fut établi pour toute l'Aquitaine, un comte fut placé en Poitou chargé de rendre la justice, de commander aux troupes, etc., et pour le suppléer dans ses multiples fonctions,  il fut institué des vicarii auxquels l'usage a fait donner le nom de viguiers et au territoire placé sous leur dépendance  le nom de vicaria, viguerie.

Mémoires de la Société de statistique du département des Deux-Sèvres

 

 

 

 

Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU ) <==.... ....==> Abbaye saint Junien de Nouaillé, comparaison avec une vue de l'abbaye de 1699

 

 

 

 

 


 

Cùmque ibidem conaretur construere Cellulam, ubi Deo laudis hostias immo­laret, et antelucanos conventus celebraret, accidit eo tempore jam supradicto gloriosissimo Rege Chlothario Aquitanicas partes ingredi. Cùmque venisset in Regis prœdium nuncupante  Gavarciaco (Javarzay), diffarnatus vir ille apud Regem à servis loci illins, dicentes quod de illius praedio et territorio fisci aliquid ejus Monachi incon­sultè usurpare niterentur et sibi vindicare. Unde commotus Rex jussit sanctissimum Sacerdotem Junianum per quemdam virum magnum, nomine Aurelium, sibi in pa­latio prœsentari.

At ille inluster vir Aurelius paret dictis; pergit cum omni festina­tione ad imperium Regis. Cùmque ventum esset ad locum, in quo vir religiosissi­mus Junianus conunorabatur, reperit eum in Oratorio more solito prostratum terrai, preces Domino fundentern : quem paulùm clum sustinet ut ab oratione eri­geretur, et sibi quod injunctum erat expleret, tan tus in eurn timor repentè inruit, ut nequaquam ei, ut venerat commotus, asperè loqui auderet. Sed cùm peracta oratione ibidem vir venerahilis post tergum conversus, videret stantem Aurelium Regis legatum, ille statirn pronus adoravit beatissimnm Sacerdotem, et quid ejus vellet adventus, supplicibus verbis indicavit, dicens quod Rex sibi eum adstare juberet, et idcirco missus esset ut eurn in conspectu ejus ex hiberet.

Quibus auditis, vene­rabilis Sacerdos et Monachus protinùs se iturum pollicetur , et propter utilitatem totius reipuhliaœ, et salutem animae illius, prompto animo proficisci se velle. Qui conversus in Cellulam, sumptis secum duobus Monachis, virgam manu gestans: nam hoc ei semper eonsuetudinis erat, ut baculum manu ferret, et irnbecillitatem corporis ejus adminiculo sustentaret. Cùmque pergerent pariter, et pedibus iter conficerent, ventum est ad Regis palatium : ubi cùm aliquid morœ facerent propter regalium fasces, et pompam regire celsitudinis, ad fores palatii resedit.

Intereà ductor illius jam prredictus Aurelius ingrediens palatium, Regis auribus ……

Mémoires_de_la_Société_de_[

(1)   Mémoire de la Société des Antiquaire de l’Ouest, année 1862

(2)   Voir planche n°2 le plan de nos fouilles

(3)   Statistique monumentale de la Charente, p 150

(4)   Voir planche n° 2.

 (5) Les Wisigoths professaient l'Arianisme, et le Poitou au contraire suivait la véritable doctrine celle prêchée et défendue avec tant d'éclat et d'énergie par notre grand évêque saint Hilaire. Clovis, on le sait, et une partie de la nation francke avaient été baptisés après la bataille de Tolbiac.

(6) Voici comment M. Guizot (Essais sur l'histoire de France, de l'origine et l’établissement des Francks dans les Gaules) apprécie les conquêtes de Clovis et sa domination effective sur les contrées d'outre-Loire.  Ces conquêtes n'étaient bien souvent que des expéditions. Clovis et ses guerriers s'enfonçaient dans le pays, battaient les rois qui s'opposaient à leur marche, pillaient les campagnes, les villes et revenaient ensuite, mais sans avoir en .aucune façon incorporé à la monarchie française le territoire qu'ils venaient de parcourir. Quelquefois le roi s'y appropriait des domaines et y plaçait quelques guerriers pour les garder et les faire exploiter à son profit quelques chefs imitaient son exemple, ou s'établissaient eux-mêmes dans leurs nouvelles terres. Après leur départ le pays dépeuplé et dévasté rentrait dans une indépendance presque entière. Les expéditions de Clovis au-delà de la Loire contre les rois Wisigoths, offrent surtout ce caractère, ce fut une conquête du genre de celle que je viens de décrire et qui laissa l’aquitaine presque aussi étrangère au peuple et au roi des Francks qu’elle l’était auparavant…. »

(7) Voir Bulletins de la Société de statistique, 3e série, t. ni, p. 46, un intéressant relevé des sépultures franckes dans notre département, dû à notre collègue M. L. Desaivre.

(8) Voir notre Notice sur des sépultures antiques et mérovingiennes, Mémoire de la Société des Antiquaires de l'Ouest, t. xxix). Nous en donnons à l'annexe (n° 2) quelques extraits.

(9) On doit entendre par fiscus, un ensemble de biens-fonds appartenant au même propriétaire et dépendant d'une même administration, constituant ce qu'on pourrait appeler maintenant une terre. (B. Guérard, Polyptique d’Irminon, Prolégomènes, p. 39).

(10) Annuaire de la Société de l'histoire de France, année 1841, p. 141.

(11) Histoires des rois et ducs d'Aquitaine et des comtes de Poitou, par MM. de la Fontenelle et Dufour, t. p. 23.

(12) Notre défunt et regretté confrère, M. Rondier, a écrit une Vie de saint Junien, dans laquelle on lui reproche d'avoir donné une trop grande part à l'imagination, mais nous adoptons son opinion sur ce point, car ce pays de la Chapelle-Pouilloux, dont l'église est sous le vocable de saint Junien, est encore plein de ses souvenirs, et nous ne savons comment on a pu traduire Castrum-Locum par Château-Larcher. Serait-ce parce que Castrum Locum ayant disparu et n'étant plus connu comme lieu habité, on a pris, par à peu près, l'un à défaut de l'autre.

(13) Traduit presque littéralement de la vie de W. Boëce.

(14) Ce mot manse dérivé du latin mansus dont on a fait mas en langue vulgaire, signifiait ordinairement une sorte de ferme ou d'habitation rurale. Des premiers temps de la monarchie jusqu'à la fin de la seconde race au moins, le manse forma la principale base de la propriété rurale. (Guérard, .Polyptique d'Irminon, etc.)

(15) Bouet est le nom de l'un des anciens propriétaires, le mas de Bouet.

 (16) Besly, Comtes du Poitou, p. 224.

(17) Guizot. Essais sur l'histoire de France, Histoire de la civilisation. Guérard, lieu cité.

(18)Mœurs des Germains, 16

(19)Explication du capitulaire de Vilis.- Bibli. De l’école des Chartes, 3,4 et 6 livraisons du 4e vol, année 1853.

(20)Recherches sur les Vigueries et les origines de la féodalité en Poitou. (Voir Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest, année 1838, p. 336). Ce travail malgré les imperfections de détails qui le déparent est encore celui qui réunit le plus grand nombre de documents sur la géographie poitevine aux IX et Xe siècles.

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