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PHystorique- Les Portes du Temps
15 juin 2022

Juillet 1488 La Guerre folle du siège de Fougères par l'armée du roi de France, commandée par Louis II de la Trémoille

Juillet 1488 La Guerre folle du siège de Fougères par l'armée du roi de France, commandée par Louis II de la Trémoille contre la coalition de duc François II, duc de Bretagne

En août 1483, Charles VIII, âgé de treize ans, succédait à Louis XI sous la tutelle de sa soeur aînée Anne de France, femme de Pierre de Bonrbon-Beaujeu.

Les États-généraux de 1484 ne conférèrent pas à celle-ci le titre officiel de Régente du royaume ; elle n'en prit pas moins toute l'autorité, suivant en cela les dernières volontés du roi leur père.

Malgré le véritable sens politique et la fermeté de Madame de Beaujeu, la coalition des Princes était plus redoutable que jamais au commencement de 1488.

C'est à la cour de François II duc de Bretagne, le plus puissant des révoltés, que se donnaient rendez-vous ceux qui, sous ombre de faire valoir de justes réclamations, complotaient en réalité l'abaissement de la monarchie et la chute de l'autorité royale, représentées par une femme et un enfant de dix-sept ans.

Les desseins des princes ligués étaient alors bien différents.

Outre la revendication du comté d'E lampes, François II avait en vue d'assurer à ses deux filles, Anne et Isabelle, l'héritage du duché de Bretagne convoité par la France, qui se fondait sur les droits acquis des Penthièvre par Louis XL

Louis duc d'Orléans, comme premier prince du sang, prétendait gouverner le royaume. Il projetait de répudier sa femme Jeanne de France, seconde soeur de Charles VIII, et de contracter une nouvelle alliance avec Anne de Bretagne.

 

Le comte de Dunois avait les mêmes intérêts que le duc d'Orléans, son cousin.

 Mars 1487 Charles VIII confisque tous les domaines du comte de Dunois et fit démanteler les fortifications de Parthenay <==

Le prince d'Orange soutenait les prétentions du roi des Romains, Maximilien d'Autriche, qui voulait aussi épouser l'héritière de François II.

Le sire de Lescun, comte de Comminges, dépossédé de son gouvernement de Guyenne, privé de son comté par confiscation, joignait à ses propres griefs des visées secrètes pour faire marier la princesse à son parent le sire d'Albret.

Enfin, le maréchal de Rieux entendait qu'Anne fût unie au fils dîné du vicomte de Rohan et de Marie de Bretagne, pour que le duché ne passât pas en des mains étrangères.

Anne de France et son mari, le sire de Beaujeu, avaient avec le grand amiral, Louis Malet seigneur de Graville, puissance entière dans le conseil royal.

Une armée fut réunie par leurs soins, forte de douze mille hommes, composée de gendarmerie française et de Suisses venus du pays des beaux hommes, comme dit Charles VIII.

Ces troupes, bien équipées et bien approvisionnées, munies d'une puissante artillerie, étaient prêtes à entrer en campagne dès la fin de l'hiver.

Juillet 1488 La Guerre folle du siège de Fougères par l'armée du roi de France, commandée par Louis II de la Trémoille

Le commandement en fut donné à Louis II de La Trémoille.

A défaut d'expérience (il n'avait que vingt-sept ans), le lieutenant général offrait toute garantie de fidélité à la cause royale et un entier dévouement aux volontés de la Régente, qui venait d'aider à son mariage avec Gabrielle de Bourbon, fille du comte de Montpensier.

 Outre le degré de parenté rattachant La Trémoille à son souverain par cette nouvelle alliance, il tenait de la justice royale d'avoir été mis en possession de l'héritage de sa mère, Marguerite d'Amboise, dont tous les biens avaient été confisqués sous le règne précédent.

Les hostilités commencèrent dans les premiers jours de mars.

 

La Bretagne, était perdue pour la France, à cinq places près Vitré, La Guerche, Clisson, Saint-Aubin et Dol, – dont la première avait seule une valeur sérieuse.

C'est à ce moment que Charles VIII ordonna de réunir sur la frontière de Bretagne une armée, dont il donna le commandement à Louis de La Trémoille par lettres patentes du 11 mars 1488.

Les troupes devant se rassembler autour de Pouancé, La Trémoille fut s'installer dans cette place, où il était rendu le 18 mars (1)

La première lettre missive que lui écrit le roi est datée du 13 de ce mois; Charles VIII s'y montre fort inquiet des entreprises de l'armée bretonne; il croit qu'elle va aller mellre le siége devant Dol, et comme cette place n'est guère forte, il est prêt à donner l'ordre de l'évacuer : « Vous savez la compaignie qui est dans Dol (dit-il à La Trémoille), » et nous serions bien desplaisans, si la place n'est tenable, pour le bon vouloir de ceux qui sont dedans, de mettre leur fait en dangier. » (No 1, p. 1).

Il craint surtout de voir un désastre analogue à celui de la prise de Vannes fondre sur Mr de Rohan, sur ses places et sur les troupes françaises qu'on lui a laissées pour les garder.

Du 13 au 31 mars, c'est là la grande préoccupation du roi et de son entourage, et sur cette question il s'établit, entre la cour de France et La Trémoille, une sorte de conflit fort curieux à étudier.

 

III

Rohan étant le seul des barons de Bretagne resté Français, le roi et ses conseillers veulent absolument que La Trémoille aille en poste à son secours.

 C'est Graville qui ouvre le feu le 13 mars : « M. de Rohan (dit-il) est dans Josselin délibéré de tenir, et Chanchou de Navarre (lieutenant de Rohan) et Archambault sont dans la Chairre (la Chèze), pareillement délibérez de tenir : pour conclusion, il est besoin de regarder par quel moyen on leur pourra  (aux Bretons) faire lâcher prinse. » (No 2, p. 2.)

Le lendemain, Mme de Beaujeu reprend : « M. de Rohan est bien » délibéré de tenir la place : par quoy est besoin de faire la plus grant diligence et faire quelque exploit pour les contraindre de lâcher leur prinse. » (No 3, p. 3). Et le même jour, M. de Beaujeu, époux docile, répète la même pote (n° 4).

- Le 15 mars, le roi parle à son tour : « Il y a largement de communes devant noz gens qui sont à la Chaize... Regardez, si nostre cousin de Rohan est assiégé, ce qui se pourra faire. Nous faisons haster nos gens darmes à toute diligence » (no 5, p. 5).

La Trémoille fait la sourde oreille et ne bouge.

 Huit jours après (le 23 mars), il reçoit du roi cette verte semonce :

« Par vostre , lectre vous ne parlez point de ce que vous avez espérance de faire pour monstrer å noz gens de Basse Bretaigne que nous les voulons secourir; car, aux nouvelles qui nous surviennent de toutes parts, nous ne faisons nulle doubte que bientost noz gens qui sont à la Cheize ou à Josselin n'agent beaucoup à faire.

 Et les premières nouvelles que vous estes bien taillez d'en avoir, ce sera qu'il leur en sera prins comme à ceulx de Vannes : car la longueur de leur monstrer signe que l'on les veult secourir sera cause de perdre noz gens et de faire prendre appoinctement à nostre cousin de Rohan », c'est-à-dire de le contraindre à quitter le parti français en s'arrangeant avec le duc de Bretagne; et le roi, dans ce cas, le trouverait excusable, car, dit-il, « n'y a » homme au monde, de si grant cueur soit-il, qui, à lui monstrer si maigrement que lui vueillons donner secours, n'eust bonne raison d'essayer, par toutes façons qu'il pourroit, à sauver son corps et ses biens.

— Pour conclusion, ajoute Charles VIII, nous ne vous escripvons plus de ceste matière ; faictes en ainsi que vous adviserez ; mais nous doubtons encore une foiz d'en recevoir une très grant honte dont vous aurez vostre part, et le dommaige ne nous sera pas petit. » (N° 13, p. 12.)

Graville écrit le même jour à La Trémoille : « Si vous ne faictes quelque chose entre cy et troys jours, je ne faiz nulle double que M. de Rohan ne soit perdu pour le roy, et le surplus de ses gens de par delà en grant dangier. »

Et pour le piquer d'honneur, il dit encore : « Il est besoin que vous en faciez diligence, car s'il mésavient des gens qui sont en Basse Bretaigne, je vous assure que beaucoup de gens en parleront merveilleusement: car tous ceulx qui viennent de Vannes tiennent le secours le plus aisé à faire du monde et sans danger. » (N° 15, p. 15.)

— Plaisante autorité en telle matière que cette garnison de Vannes, laissée en Basse Bretagne par le roi pour y servir de rempart au parti français, qui n'avait pas tenu huit jours contre les Bretons, et qui taxait de lâcheté La Trémoille, parce qu'il ne voulait pas, avec un lambeau d’armée en formation et mal approvisionné, s'enfoncer dans les forêts du Porhoët pour réparer le mal causé par la prise de Vannes !

La Trémoille pouvait bien aisément dédaigner les propos de ces bravaches ; mais résister à la volonté du roi si formellement, on peut dire, si violemment notifiée à son général, il fallait pour cela un vrai courage : il l'eut. Nous n'avons pas et c'est grand dommage — sa réponse à Charles VIII : d'après les lettres de celui-ci, La Trémoille allégua, entre autres choses, qu'on ne savait pas au juste ce qui se passait à Josselin ; que Rohan, selon le bruit public, avait déjà fait sa paix avec le duc de Bretagne ; qu'on ne pouvait trouver de gué pour passer la Vilaine : tous prétextes assez légers, que le roi réfute d'une haute sorte :

— « Au regard de ce que vous dites qu'il n'y a nulz gués sur la rivière de Villayne, tous ceulx qui sont venuz de par deça des gens de nostre cousin de Rohan, dont il est venu trois ou quatre depuis huit ou dix jours, disent touz qu'ilz ont passé au Pont Réant (2) et a un pont qui est auprès  de Rennes.... Mais sur toutes riens (3) nous nous donnons merveilles que vous ne pouez savoir nouvelles de ce qu'il se fait à Josselin, car nous croyons que le bruit qu'ilz font courir que nostre cousin de Rohan a faict son appoinctement, c'est affin que l'on ne face point d'esfort de l'aller secourir. » (Nos 21 et 22, p. 21 et 24; 25 mars 1488.)

Ainsi mis au pied du mur, La Trémoille se décide, le 26 mars, à annoncer qu'il partira le lendemain pour aller à Messac essaier à passer la rivière et aller secourir M. de Rohan ; mais en même temps, parait-il, il prit soin de rejeter d'avance la responsabilité de cette marche sur ceux qui l'y avaient poussé, y compris le roi : et alors, ce qui est bien curieux, celui-ci, voyant commencer une opération qu'il avait si vivement réclamée, mais dont on ne pouvait mesurer les suites, essaie de se soustraire à la responsabilité que son général lui renvoie :

« Il est bien vray (écrit Charles VIII) que nous vous avons tousjours escript que au moins ne pouvyez vous faire que d'aller jusques sur le passaige (de la Vilaine)...  Toutesfoiz, si avez bien regardé noz lectres, nous avons tousjours remis et remectons cette affaire sur vous, car vous estes beaucoup de gens de bien ensemble et qui congnoissez le faict de la  guerre : parquoy vous pouez mieux veoir les choses faisables que » ne vous les saurions deviser de si loing. » (N° 24, p. 26.

Pourtant le roi lui avait dit : Si vous n'allez au secours de M. de Rohan, il nous en viendra une très-grande honte dont vous aurez votre part. –

 C'est bien l'ordre le plus pressant qu'un sujet puisse recevoir. Nous prenons donc ici sur le fait une pratique souvent renouvelée depuis lors dans les rapports du pouvoir politique avec le commandement militaire, le premier donnant au second des conseils qui valent des ordres, puis, si l'opération tourne mal, disant au général : C'est votre faute, votre métier était de savoir que mes conseils ne valaient rien et de ne pas les suivre.

La prudence de La Trémoille sauva tout. Il ne se mit en marche que le 28 mars; ce jour-là, de Saint-Aubin de Pouancé, qui touche Pouancé, il écrivit au roi qu'il avait « mis son armée aux champs ) et comptait aller coucher à Martigné-Ferchaud.

Le lendemain il se rendit à Marcillé-Robert, et s'amusa, le 30, à prendre le château de Marcillé, petite place sans importance, où les Bretons entretenaient une garnison (5 ou 6 gentilshommes et 160 francs-archers) pour surveiller la ville de la Guerche, occupée par les Français. (N° 28, p. 30.) Cette prise ne lui coûta guère, mais l'obligea de s'arrêter un peu. Elle était sans utilité pour le sauvetage de M. de Rohan.

Enfin, il faut bien remarquer que, pour gagner Messac, où il voulait passer la Vilaine, La Trémoille prenait le chemin des écoliers : de Martigné, sa route directe était d'aller droit devant lui vers l'Ouest, par Bain, jusqu'à Messac; en remontant au Nord par Marcillé, il s'en éloignait beaucoup. Aussi est-il permis de croire que le général allongeait ainsi sa marche, pour laisser aux affaires de M. de Rohan le temps d'aboutir à une solution quelconque, qui le dispenserait de se rendre à Josselin et même sur la Vilaine.

Ce calcul ne fut point trompé, le roi lui écrivit le 31 mars : « Tout à ceste heure nous sont venues lectres du sr de la Chasteigneraye, qui est à Clisson pour nous, par lesquelles il nous fait savoir que, samedi au soir (29 mars), y arriva nostre cousin de Rohan et deux de ses frères, le roy d'Ivetot, René Parent, Chanchou Navarre ·, avecques lout leur train et leurs chevaulx et  harnoys, qui sont en nombre 700 chevaulx, et tous les gens de pié qui estoient dedans les places de par delà ; et n'ont pas perdu ung homme.

Et sera la personne de nostredit cousin, avecques les dessus nommez, demain au soir icy devers nous. Nous vous voulons bien advertir de sa venue, affin que, soubz esperance de luy cuider donner encores quelques secours, vous ne tiriez point plus avant que vous n'ayez noz Souysses et noz autres gens qui se vont joindre à vous. » (N° 27, p. 29.)

La Trémoille ne se le fit pas répéter; non-seulement il s'arrêta à Marcillé, mais il regagna de suite ses cantonnements de Pouancé, où il était rentré le 4 avril, comme le prouve une lettre du roi en date du 5, qui porte : « Avons receu vos lettres escrites à Pouencé le 4 jour de ce mois à une heure du matin, par lesquelles nous escripvez que estes retourné à Pouencé, affin d'avoir vivres plus à votre aise, et pour recevoir les Soysses et autres nos gens qui vous vont, et avec ce pour faire les préparatifs de vostre affaire : qui nous semble très bien fait : et incontinent le capitaine du charroy de nostre artillerie venu, nous pourvoyerons au fait dudit charroy, tant des vivres que de l'artillerie. » (N° 32, p. 35, et D. Morice, Hist. de Bret., II, p. ccxLix.)

Ainsi Charles VIII — de son propre aveu — avait prétendu lancer son général au secours de Rohan jusqu'à Josselin, å trente lieues de la frontière, quand il n'avait encore avec lui qu'une faible partie de ses troupes, mal formées, mal préparées, sans vivres, sans artillerie, sans charroi pour établir ses communications : toutes conditions parfaitement propres à amener un échec et à le rendre irréparable. La Trémoille avait donc bien eu raison de résister.

Les deux frères du vicomte de Rohan s'appelaient Pierre et François; Pierre était baron de Pontchâteau et (par sa femme) sire de Quintin. René Parent et Jean Baucher, roi d'Yvetot, étaient deux capitaines français. Chanchou ou Sancho Navarre dont le nom indique l'origine, était le lieutenant de la compagnie d'ordonnance française qui avait pour capitaine le vicomte de Rohan.

J'ai insisté sur cet épisode (complétement inconnu jusqu'ici), parce qu'il manifeste dès l'origine la sûreté du coup d'art militaire de La Trémoille; et surtout parce que, à mon sens, celle courageuse résistance du général fut la première cause du grand succès des armes françaises dans la campagne de 1488.

Si La Trémoille eût cédé aux volontés de la cour el entrepris en de telles conditions cette téméraire chevauchée dans le pays de Vannes, il aurait peut-être dégagé Rohan et battu les Bretons; mais une fois l'opération entamée, il eût été forcé de la poursuivre et de faire dans le centre de la Bretagne une campagne, dont le plus beau résultat ne pouvait être que la reprise de Vannes et de quelques places aux environs.

 L'hiver venant, quand l'armée française serait retournée prendre ses quartiers de l'autre côté de la frontière, on eût laissé dans ces places des corps de troupes qui, sans communication avec la France et cernés de toutes parts par l'ennemi, se seraient vus, aux premiers mois de 1489, en même danger que la garnison de Vannes et celle des places de M. de Rohan au printemps de 1488.

En un mot, La Trémoille eût renouvelé tout simplement la campagne de 1487, avec tout son décousu, ses fautes, sa stérilité finale.

Il avait un plan tout autre, et autrement militaire, fondé sur ce principe stratégique, qu'à la guerre aucun succès n'est sérieux, aucun avantage solide, si l'on ne reste en communication sûre avec sa base d'opération.

 Il voulait, en conséquence, conquérir la Bretagne pied à pied, de proche en proche, en commençant par la zone qui touche la frontière bretonne, et la conquête de celle zone était la tâche assignée par lui à la campagne de 1488.

Avant de dire comment il remplit cette tâche, il convient de satisfaire le lecteur, qui se demande sans doute de quelle façon M. de Rohan et ses troupes, cernés par l'armée et par les communes bretonnes, avaient su se tirer de là sans perdre un seul homme, comme le constate avec tant de satisfaction le roi Charles VIII dans la lettre du 31 mars que je viens de citer.

Il s'en était tirés d'une façon bien simple. Le vicomte de Rohan se voyant assiégé, bloqué dans toutes ses places sans espoir de secours, et souffrant déjà du siège (4), avait fait demander au duc François II de rentrer en grâce près de lui, comme les autres barons, ( offrant (dit le duc) nous servir vers tous et contre tous qui peuvent » vivre et mourir, et de ce nous faire foi et serment. »

 Il avait fait ce serment aux mains du duc, qui lui avait accordé sa grâce et octroyé, en sa considération, aux troupes françaises trouvées dans ses places, la permission de retourner en France vie et bagues sauves, en relâchant toutefois sans rançon tous leurs prisonniers bretons.

Rohan ayant prétendu être obligé de se rendre près du roi pour dégager une parole donnée à ce prince, François II lui avait permis de résider deux mois encore à la cour de France, à la condition qu'il reviendrait au bout de ces deux mois faire service au duc; il s'y était engagé par serment; pour sûreté de ce serment, il avait donné son second fils en otage « pour en faire à nostre volonté (dit le duc)  si nostre cousin ne retourne dans le dit terme et il avait été convenu que, dans ce cas, la vicomtesse de Rohan, qui restait en Bretagne, livrerait à François II toutes les places du vicomte pour y mettre garnison.

 Ce traité, fruit d'une négociation assez longue, avait été conclu le 26 mars (5)

Ce n'est autre chose - on le voit - qu'une véritable capitulation, assez avantageuse pour les troupes françaises dans le danger où elles s'étaient mises, mais au fond assez peu honorable, surtout pour Rohan, qu'elle obligeait à changer de drapeau et à jouer pendant deux mois un rôle équivoque, suspect aux deux partis (6).

 Si Charles VIII l'eût connue le 31 mars, il se serait montré moins satisfait.

Les historiens bretons, de leur côté, ayant jusqu'à présent ignoré la situation critique du vicomte de Rohan après la prise de Vannes, ont méconnu le caractère de ce traité, où ils ont cru voir un retour, purement volontaire et désintéressé, au parti breton.

 

Juillet 1488 La Guerre folle du siège de Fougères par l'armée du roi de France, commandée par Louis II de la Trémoille

IV

Revenons à La Trémoille.

La première opération projetée par lui était le siège de Châteaubriant, qu'il pouvait de Pouancé préparer, presque faire sans déplacement, puisqu'il n'y a que 15 kilomètres entre ces deux villes.

C'est en vue de cette opération que, sous prétexte de secourir M. de Ruhan, il était allé, le 30 mars, prendre et démolir la pelite place de Marcillé, qu'il ne voulait pas avoir à dos pendant le siége pour gêner ses fourrageurs, ses convois de vivres, ou les secours qu'il aurait à demander aux garnisons de la Guerche et de Vitré (7).

Revenu le 4 avril à Pouancé, La Trémoille y resta encore une dizaine de jours pour achever sa préparation et recevoir les nombreuses bandes de gendarmes que le roi lui envoyait, entre autres plus de 5,000 Suisses, c'est-à-dire près de la moitié de son armée, dont ils faisaient certainement la partie la plus solide, car c'était, dit Charles VIII, « les plus beaux hommes qu'il est possible de voir »  (8)

Le siége fut mis devant Châteaubriant le mardi 15 avril, « environ midi » (9)

La garnison se défendit bien, repoussa quatre ou cinq assauts (10)

 Mais telle était la supériorité de l'artillerie française qu'elle domina bientôt la place de toutes paris. Nul secours ne venant du dehors, il fallut capituler. La composition fut honorable : tous les biens et les personnes des habitants furent respectés, la garnison put sortir vie et bagues sauves, à la réserve de huit otages, qui devaient être échangés contre les vingt prisonniers français retenus par les Bretons à la prise de Vannes, le 3 mars précédent.

Cette capitulation est du 23 avril 1488 (11).

Mais où était passée celle armée bretonne qui avait pris Vannes le 3 mars el forcé M. de Rohan à capituler ? Pourquoi n'avait-elle pas essayé de faire lever le siège de Châteaubriant? – Celle question si naturelle n'a de réponse dans aucune de nos histoires; la Correspondance de Charles VIII nous fournit quelques notions, insuffisantes par elles-mêmes pour la résoudre, mais qui, rapprochées d'autres renseignements inédits, nous aideront à trouver la solution.

La Bretagne n'a jamais eu d'armée permanente : tout au plus, à l'époque dont nous nous occupons, un certain nombre de compagnies de l'ordonnance du duc, entretenues par lui à demeure, qui formaient sa garde ou, comme on a dit plus tard en France, sa maison militaire, et dont l'effectif, assez difficile à déterminer, ne devait guère dépasser 2,000 hommes; plus, un millier d'Allemands, provenant d'un corps de 1,500 hommes, envoyé en juillet 1487 au secours de la Bretagne par le roi des Romains.

Le reste de l'armée bretonne se composait de deux éléments : 1° les possesseurs de fiers, nobles, anoblis ou roturiers, qui devaient tous en personne, ou par représentants, le service militaire dans les conditions fixées par le droit féodal et réglées par les ordonnances ducales (12) ; 2° les milices paroissiales, comprenant les francs-archers ou élus des paroisses, institués en 1425, par le duc Jean V, à raison de cing hommes, en moyenne, par chaque paroisse,- et les bons-corps, institués en 1480, qui étaient une levée a des plus forts et propres à porter les armes », faite « parmi les gens du bas estat et non nobles », par mandement ducal, dans les circonstances urgentes, mais dans des conditions moins régulières que celles des francs-archers (13).

- Les milices paroissiales et les milices féodales de la Bretagne étaient distribuées en compagnies sous des capitaines nommés par les lieutenants du duc; mais elles ne se formaient en corps et ne quittaient leurs foyers que sur un ordre spécial; la campagne finie, nobles et roluriers se dispersaient el revenaient chacun à leur domicile retrouver leur famille et reprendre leurs occupations ordinaires.

On comprend quelle devait être l'infériorité de pareilles milices en face des « bandes de gendarmes », formées de soldats qui faisaient exclusivement leur métier de la guerre, qui restaient toujours en corps, toujours soumis aux exercices et à la discipline militaires. Depuis Charles VII et Louis XI, l'armée du roi de France était presque entièrement composée de ces bandes permanentes, soit françaises, soit étrangères.

On comprend aussi que, quand la campagne se prolongeait, il devait souvent être difficile de retenir autour de leurs chefs les milices bretonnes, toujours tentées par la proximité de leurs clochers et de leurs manoirs, et par la facilité avec laquelle les déserteurs pouvaient se soustraire aux recherches. Aussi voyait-on parfois une belle armée, après avoir guerroyé pendant quelques mois, fondre el se dissiper en quelques jours, au moment où on avait le plus besoin d'elle pour assurer les résultats de la campagne.

Ainsi en advint-il, vers la fin de décembre 1487, à l'armée avec laquelle le prince d'Orange assiégeait la Chèze et qui s'évanouit tout à coup, par suite des rigueurs de la saison (14). Avec mille efforts on parvint å en reformer une vers la fin de janvier ou le commencement de février 1488 ; c'est celle armée qui prit Vannes et qui fit capituler le vicomte de Rohan.

On complait beaucoup sur elle, et le duc, voyant la concentration de troupes françaises qui se faisait à Pouancé, voulut renforcer les siennes en appelant le reste des milices bretonnes; laissées en réserve dans leurs foyers.

 Le 18 mars, il envoya aux neuf évêchés (neuf mandements d'injonction et commandement à touz les nobles, ennobliz, subgitz aux armes, francs archiers et esleuz et bons-corps choisiz, de se mettre en armes et se rendre, chascun à son cappitaine, pour aller vers Chasteaubriant à l'ost du duc (15). »

Le lendemain, 19 mars, un des plus fidèles soutiens de la cause bretonne, Olivier de Coëtmen, ancien gouverneur d'Auxerre, écrivait de Redon à un ami : « Mons (le prince d'Orange) s'en va à Renes, et a mandé le Duc ban et arière-ban; et croy que verrez de brieff la plus belle armée qui fut, long lemps a, vue en Bretagne (16) »

Cet espoir fut entièrement déçu; les réserves bretonnes, malgré les ordres du duc, ne bougèrent pas, et l'armée qui venait de faire la campagne de Vannes, découragée par cette inertie, se désagrégea; si bien que, le 6 avril, Graville put écrire à La Trémoille : « Il nous est à ceste heure icy venu nouvelles de Nantes où tous les seigneurs sont : et pour conclusion, nous a mandé un homme que toute leur armée est départie (dispersée), et qu'ilz n'ont ensemble que ce peu de gensdarmes qu'ilz ont et leurs Allemans qui ne sont que qualre à cinq cens, les plus ennuyés et les plus mal contents du monde (17).

Le duc fut obligé de renouveler, avec plus d'insistance, son appel aux armes ; le 7 avril, il expédia l'ordre « à louz capitaines et officiers de justice de ce pays et duché (de Bretagne) de faire crier et bannir publiquement que touz et chascun gens d'armes et de trect, tant d'ordonnance, ban et arrière-ban, se mettent sus en habillement d'armes dedans lundi prochain (14 avril 1488), prêts à véager la part que leur sera mandé (18). »

Mais on ne pouvait plus songer à rassembler l'armée « vers Chasteaubriant ; la concentration des troupes françaises faite à Pouancé était trop avancée et trop redoutable; on parait avoir songé à Lohéac, à Montfort (19); on se décida pour Rennes.

Dans le mandement relatif au soulday ou fouage de guerre, volé à ce moment par les États assemblés à Nantes, le duc, sous la date du 9 avril, motive cet impot sur ce que « avons (dit-il) mandé touz noz nobles, ennobliz et subgitz aux armes, francs archiers et esleuz et bons-corps de nostre païs, de se preparer et mettre sus en armes, et se rendre montez et armez en nostre ville de Rennes, où faisons presentement assembler nostre ost et armée, prests å véaiger et nous servir en armes, à l'expulsion et resistance de noz ennemis (20). »

Celle fois, on obéit mieux au duc, les contingents bretons se mirent en route vers Rennes et y arrivèrent successivement, mais avec lenteur.

Vers le 20 avril, La Trémoille, qui assiégeait Chateaubriant, eut une fausse alerte : on vint lui dire que l'avant-garde de l'armée bretonne, forte de 4,000 hommes, était à Bain (21) ; le 21, il écrivit au roi qu'il serait probablement attaqué; le roi lui répondit le 23 : « Au regard d'un article où vous mectez que ceulx qui sont à Rennes vous menacent de vous venir veoir et lever, vous entendez bien que en tel cas il ne fault point estre  larron à sa bource, c'est à dire, que si vous aviez beaucoup de voz bons combatans bleciez et aussi que voz gens, tant archiers comme arbalestriers, fussent petitement pourvuz de traict, c'est une chose où vous devez bien prendre garde. » (N° 52, p. 57.)

L'armée bretonne, encore en travail de formation, était à ce moment incapable de faire campagne ; elle sortit de Rennes seulement le 30 avril, par la route de Nantes ; le 3 mai, elle campait au Pont Péan, sur la Seiche, à quatre lieues de Rennes (22) ; elle ne semble point être descendue au Sed au deli de Bain, où elle était encore le 22 mai (23)

On voit pourquoi elle ne put secourir Chateaubriant.

v

Le roi ayant ordonné de démolir les fortifications de cette place, La Trémoille ne voulut pas laisser ses troupes sans défense et fit faire près de la ville, pour les couvrir, un camp fortement retranché; précaution inutile, en apparence, puisque l'armée bretonne qui se formait à Rennes ne semblait guère en état de venir l'attaquer : aussi en fit-on plus d'une raillerie à la cour de France; le roi lui-même s'en méla; le 29 avril il écrivait à son général : « Vous dictes par vostre lectre que vous avez fait ung camp. Je croy que, Dieu mercy, vous n'aurez pas besoing de faire grand fossé entre vous et eux, car il est assez å croyre qu'ilz doyvent avoir plus grant peur de vous que vous ne devez avoir » d'eux. » P: 62, p. 71).

Et le même jour, l'amiral de Graville, enchérissant sur le maitre selon son habitude, disait de son côté à La Trémoille : « Je vous prie que vous n'escrivez plus de ce camp que vous faictes faire, car ceulx qui veulent mal parler en disent des plus mauvaises parolles, et sément que c'est bien au contraire de chercher les ennemys que de se fortifier de dix lieues loing et que c'est le plus grant cueur que l'on puisse donner à ceux de Rennes; et ung disoit hier que le camp que vous aviez commencé estoit plus fort que n'estoit Chasteaubriant, et que c'estoit de  l'invencion de Pierre Loys qui avoit plus de mynymes (24) à la  teste que n'eut jamais Alexandre. » (N° 63, p. 73).

- La Trémoille laissa les beaux-esprits de la cour aiguiser leurs pointes frivoles et acheva son camp. En vrai homme de guerre qu'il était, il savait que le seul moyen de n'être jamais surpris est de toujours se garder comme si toujours on avait l'ennemi devant soi; il voulait inculquer celle habitude à son armée.

Ce soin n'empêchait pas La Trémoille de songer à la suite de ses opérations; le 5 mai, il adressait au roi un plan pour faire le siége de Fougères,

Le roi lui répond le lendemain : « Nous avons trouvé vostre avis très-bon louchant le siége de Fougières, et n'y reste que regarder diligemment la manière de faire et conduire l'execucion quant et quant. » Et il énumère ensuite les bombardes, bombardelles et canons qu'il pourra lui envoyer (N° 71, p. 82 et 83).

Le 8 mai, qui était un jeudi, La Trémoille annonçait à Charles VIII qu'il partirait de Châteaubriant, « samedi ou lundi bien matin », c'est-à-dire le 10 ou le 12, pour marcher vers Fougères (N° 208, p. 232).

Mais la réponse du roi, du 9 mai, ainsi conçue, l'arrêta : « Nous avons receu vos lettres, ensemble le rolle de l'artillerie, pavois à potence et autres choses que pour le siège de Fougères vous sont nécessaires. Et touchant ce que par icelles nous escripvez que partirez demain ou lundi pour y aller, lesdicles provisions ne seroient prestes pour y estre quant et vous; et aussi est premier besoing pourveoir à la place dont nous avez escript, ce que avons  intencion de faire : pour quoy ne sommes point d'avis que parlez encore jusques à ce que aiez de noz nouvelles. » (N° 73, p. 86).

Les mots que nous soulignons dans cette lettre se rapportent indubitablement à Ancenis.

La Trémouille, avant de partir, avait signalé le danger de laisser derrière soi celle place d'où les Bretons maltraitaient la frontière d'Anjou et d'où il leur serait facile, l'armée française une fois montée vers le Nord, de venir réoccuper Châteaubriant, en relevant les brèches ou se couvrant de retranchements provisoires.

Le roi dut accueillir avec empressement l'idée du siège d'Ancenis, car cette ville appartenait au maréchal de Rieux, particulièrement odieux à Charles VIII pour avoir été le premier des barons de Bretagne à quiller le parti français.

Cette place, d'ailleurs, n'était pas très-forte et ce siége n'exigeait pas des préparatifs et des approvisionnements aussi considérables que celui de Fougères.

Aussi ce projet semble-t-il être resté secret entre le roi et La Trémoille.

Le 13 mai, Graville écrivait à ce dernier comme s'il était sur le point de partir pour Fougères (25), et déjà il était prės d'Ancenis, car son avant-garde en occupa les faubourgs dans la nuit du 13 au 14 mai (26).

Cette marche fut fort secrète. L'armée bretonne, encore à Bain, l'ignora; elle s'attendait, au contraire, à voir l'armée française monter vers le Nord.

La Trémoille n'avait donc rien à craindre de ce côté. Mais il redoutait les secours que la place assiégée pouvait recevoir de Nantes par la Loire, d'autant qu'à la première nouvelle de ce siége, le duc de Bretagne avait donné ordre aux juges de Nantes de faire bannir et proclamer à son de trompe et autrement, en tous lieux que verront estre requis, que tous les nobles, ennobliz, francs archiers, esleuz, et autres subgectz aux armes, incontinent après la publication de ce mandement, s'en aillent, montez et armez ainsi qu'ilz sont tenus, aux ost et armée du duc, pour marcher à aller [faire] lever le siége que les François ont mis devant la place d'Ancenis, sous peine pour les défaillants d'être pris au corps, mis en prison, tous leurs biens saisis (27)

La Trémoille s'efforça donc de rassembler des baleaux pour intercepter la navigation de la Loire et bloquer la place par terre et par eau (28). Il parait que Jacques Le Moyne, grand écuyer de Bretagne, guerrier aussi brave que peu chanceux, trouva moyen d'entrer dans Ancenis avec un petit secours (29); mais nul secours ne pouvait enlever aux Français la supériorité formidable qu'ils tiraient de leur artillerie, dont l'historien de Charles VIII, Jaligni, présent å ce siége, parle ainsi :

« On tenoit l'artillerie du roi l'une des bonnes que jamais aucun de ses predecesseurs eût eue; il y avait entre autres des bastons (des pièces d'artillerie) de nouvelle fabrique, en façon de serpentines, qui faisoient des passées incroyables, tellement qu'en moins de quatre jours tous ceux de dedans (Ancenis) furent si battus qu'ils n’avoient plus de defenses où ils s’osassent tenir et ne pouvoient plus rien exploiter ny endommager leurs ennemis.

Se voyant donc ainsi rudement trailez, ils furent contraints de demander à parlementer, ce qui leur fut octroyé, et leur fut accordé qu'ils auroient liberté de s'en aller seurement, à condition que la place et tous les biens dedans demeureroient au bon plaisir et à la discretion du roy.

Cette garnison, pour la plus part, se mit par eaue et s'en alla å Nantes, et suivant la condition susdite, tous les biens de la place furent distribuez aux capitaines et autres de l'armée du roy (30) »

C'est surtout le maréchal de Rieux qu'on voulait atteindre par- là, car on disait « la pluspart de son bon meuble caché dans Ancenis (31) », mais il ne paraît pas (par la Correspondance de Charles VIII) qu'on l'y ait découvert.

Comme à Châteaubriant, La Trémoille retint aussi de la garnison bretonne quelques otages, pour obtenir plus sûrement la restitution des prisonniers français de Vannes, que les Bretons n'avaient pas encore rendus et qui durent l'être, par voie d'échange, vers le 26 mai. (V. n° 212, p. 235.)

La dale de la reddition d'Ancenis, qu'aucun historien ne donne, est fournie par la Correspondance de Charles VIII.

Elle eut lieu le 19 mai, car dès le lendemain, 20 mai, madame de Beaujeu, qui était à Chinon avec le roi, prit la peine de féliciter elle-même le jeune général de la plus gracieuse façon :

« Mon cousin, j'ay ce matin receu voz lectres, et suis d'opinion que le roy vous envoye tousjours à la guerre, car vous y estes très eureux.... Au regard de ce que vous devez faire de la place d'Ancenys, le roy le vous, escript par ceste poste. » (V 85, p. 101-102.)

Toujours par ressentiment contre Rieur, Charles VIII ordonna de démolir toutes les fortifications d'Ancenis :

La place fut toute rasée, dit Jaligni, » les fossez qui estoient laillez dans le roc furent comblez (32) ,. Et alors, comme à Chateaubriant, bien qu'il fut encore plus loin de l'armée bretonne, La Trémoille n'hésita pas à couvrir ses troupes d'un camp retranché (33)

 

Plan Château Fougères

VI

La campagne de La Trémoille en Bretagne est une action complète divisée en trois parties.

La prise de Châteaubriant et celle d'Ancenis (23 avril, 19 mai 1488) représentent le prologue; le siège de Fougères et la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (12-19 et 28 juillet) sont la péripétie, le point culminant du drame; la prise de Dinan et celle de Saint-Malo (7 et 14 aout) en forment l'épilogue; le traité du Verger (21 août), le dénoùment.

Ce n'est pas sans raison que La Trémoille, après avoir débarrassé la frontière d'Anjou des deux places bretonnes qui la dominaient, se donna pour objectif Fougères.

Il voulait s'avancer en Bretagne en gardant avec la France, sa base d'opération, des communications assurées. Entre la zone frontière de la Bretagne et l'intérieur du pays, Rennes et Nantes s'interposaient comme deux grands boulevards, qu'il fallait tourner ou emporter.

 Attaquer l'un ou l'autre, c'était risquer un échec presque certain, le siège de Nantes (en 1487) l'avait prouvé, et La Trémoille était trop prudent pour courir une pareille aventure. Il fallait donc tourner ces deux villes et pénétrer en Bretagne soit par le sud, en passant la Vilaine du côté de Redon et marchant de la vers Vannes, soit par le nord du côté de Dinan, en marchant vers Saint-Brieuc et Guingamp.

La première voie était la plus périlleuse: on avait derrière soi tout à la fois Rennes et Nantes ; les Brelons en s'appuyant, comme ils le faisaient sur ces deux places et en combinant bien leurs mouvements, pouvaient facilement couper la ligne de communication de l'armée française ou la prendre dans un étau quand il lui faudrait regagner la France.

Par l'autre voie au contraire, on n'avait que Rennes derrière soi : de plus, les Français occupaient déjà Saint-Aubin et Dol, deux places trop petites et trop faibles pour avoir par elles-mêmes une valeur sérieuse, mais qui, appuyées sur une troisième plus forte et mieux outillée, comme était Fougères, deviendraient d'une grande ressource.

Solidement établis à Fougères, avec Saint-Aubin pour avant-poste à six lieues de Rennes, les Français pourraient efficacement surveiller cette dernière ville et la tenir en échec; par Dol, leur autre avant-poste, ils en feraient autant à Saint-Malo, et auraient de grandes facilités pour attaquer Dinan : Dinan pris, Rennes et Saint-Malo masqués, ils pourraient s'avancer en Bretagne sans rien craindre pour leurs communications.

Telle était, dans cette campagne, l'importance d'une attaque contre Fougères.

 Sitôt Ancenis pris et démoli, on doit donc s'attendre à voir l'armée française monter vers le nord pour entreprendre cette opération capitale, résolue par Charles VIII, sur la proposition de La Trémoille, quelques jours après la prise de Châteaubriant.

Elle n'en fit rien. Ancenis avait capitulé le 19 mai, Fougères ne fut assiégée que le 12 juillet.

L'intervalle entre ces deux dates est occupé par une série de négociations et de trèves successives, dont le but, la prolongation surtout de la part des Français, se comprend difficilement. Que les Bretons, si malmenés depuis le commencement de la campagne, aient éprouvé le besoin de panser leurs plaies, de rassembler de nouveaux éléments de résistance, rien de plus naturel. L'intérêt des Français était de poursuivre vivement leur fortune, de ne pas laisser respirer leurs adversaires, de les accabler sous la rapidité de leurs succès, de les obliger à subir la paix qu'il plairait au roi de dicter.

Cependant dès le 20 mai, l'amiral de Graville écrit à La Trémoille : Les Bretons demandent une trève de quinze jours, ce que bonnement on ne peut leur refuser » (n° 87, p. 104).

Il engage, il est vrai, La Trémoille, avant la trève, à prendre « une meschante place des bords de la Loire », le Loroux-Bolereau qui ça fait dommaige de cent mille escuz en Poitou.

Et le roi ajoute deux jours après : « Pourceque ladite trève n'est pas encore prise, sy vous pouvyez entre cy et là faire quelque esploict å  ces petites places du cousté de Clisson et le clos de Raiz, qui ont tant fait de mal cette année, et les mectre en bon estat incontinent qu'ilz seroient prises, ce ne seroit point perle de temps, mais ung très grand bien pour nostre pays d'Anjou et de Poictou » (no 92, p. 109).

Un tel langage n'est guère pacifique. Sur la trêve elle-même Graville, fidèle écho des pensées de la cour de France, s'exprime ainsi, dans une lettre à La Trémoille du 28 mai :

En tant que vous dictes que ce n'est qu'ung amusement de ceste trève, » c'est la vraye verité, el ne fault point que vous faciez double du contraire » (no 100, p. 117).

Mais qui avait intérêt à cet amusement? Ce ne pouvait être les Français, car Graville ajoute immédiatement : « Et sy vous dy que si vous ne faictes quelque exploict entre cy et troys sepmaines, je croy que vous ne ferez de ceste saison guères grant chose ou quartier de par deça, et ce que je vous escrips n'est point sans cause. » Alors pourquoi faire cette trève?

Cependant elle fut conclue le 1er juin pour quinze jours (34); le 13 ou le 14, elle fut prolongée jusqu'au 20 ou 21 (nos 117, 118, 122, pp. 132, 134, 137), – puis, le 19, jusqu'au 26 (nos 128 et 216, p. 143 et 242) (35), - ensuite jusqu'au 29 (no 138, p. 154), – enfin, le 1er juillet, jusqu'au 6 de ce mois inclusivement (no 140, p. 156).

Sous ces prolongations répétées se cachait sans doute, du côté de la France, un désir ou un dessein que nous ne connaissons pas ; ces retards dans l'action ne pouvaient être motivés par le besoin de compléter la préparation, car, le 23 juin, Graville écrivait à La Trémoille : « Le siége que vous savez (celui de Fougères) est conclud, et en sont tous les appareils prestz, tant gens que artillerie » (no 132, p. 147).

Il y a là une petite énigme diplomatique, dont on finira sans doute par trouver le mot. Provisoirement, je serais porté à croire — sans rien affirmer, bien entendu, - qu'il y aurait lieu de le chercher du côté de l'Angleterre ; le comte de Scales venait d'amener en Bretagne (avant le 25 mai) un petit secours de 7 à 800 archers anglais, dont les Bretons enflaient le chiffre et faisaient grand bruit; le roi Henri VII avait, dès le 27 mai, écrit à Charles VIII pour désavouer cette intervention, mais sa lettre avait un caractère si confidentiel qu'elle est restée inconnue jusqu'à la publication récente de M. le duc de La Trémoille; je soupçonne qu'avant de rouvrir les hostilités, la cour de France désirait, espérait même obtenir du prince anglais un désaveu public et peut-être un ordre formel à Scales de revenir en Angleterre.

Le caractère de celle trêve ne fut pas le même pendant toute sa durée. Jusqu'au 16 juin, elle comporta une cessation absolue d'hostilités et une immobilité complète des belligérants; elle fut de part et d'autre mal observée.

 Ainsi, dans un acte du 6 juin 1488, le conseil de ville de Rennes dit « qu'il a esté fait rapport à Rennes que, à l'occasion d'une destrousse naguéres faicte par les gens du duc nostre couverain seigneur, és fors bourgs de Vitré, sur les Françoys (36), les ditz Françoys ont fait entreprinse de piller ceste nuyt les forsbourgs de Rennes , et le conseil ordonne au capitaine Perrot et sa compaignie, å ung nommé Jacques, capitaine de nombre d’Angloys et sa compaignie, se tenir et faire le guet toute la nuyt ėsditz forsbourgs, affin de iceulx forsbourgs garder et preserver des Françoys (37). »

 Ainsi, encore nous trouvons, dans les registres de la Chancellerie de Bretagne, sous la date du 10 juin, l'extrait d'une ordonnance ducale ou « man» dement s'adressant à Thébaud du Maz, sr de la Rivière, de assembler des bons corps des parroisses d'Amanlys, Janzé, Piré, Chancé,

» Oucé, Saint-Aubin (du Pavail), Louvigné (de Bais) et Molins, en  tel numbre qu'il verra estre requis, pour empescher les François de faire des courses, prinses et pilleries sur lesdictes parroisses (38). »

Du 16 au 30 juin, le régime de la trêve imposa de part et d'autre abstention d'hostilités, étant stipulé « que l'armée du roi ne feroit  nuite course outre la rivière de Vilaine et ne passeroit Vitré ou Marcillé, mais pourra loger et desloger sur les pais que le roi tient en Bretagne et y prendre des vivres, sans passer le chemin qui va de Laval à Vitré » (nos 122 et 216, p. 137 et 242).

Enfin, après le 30 juin, le roi accorda seulement que l'armée de La Trémoille ne mettrait le siège devant aucune place avant le 7 juillet, « et ce temps pendant chascun fera du mieulx qu'il pourra (39)

 

VII

En suite des obligations imposées par les trêves, La Trémoille et son armée ne quittèrent Ancenis que le 17 juin 1488 (no 123, p. 138).

Il arriva le 20 à Martigné-Ferchaud, il y était le 22, le 23, et n'en partit que le 25 (nos 132 et 134, p. 147 et 149), pour aller å Marcillé et de la camper à une lieue et demie seulement au sud de Vitré, au Pont d'Etrelles (40), où il arriva avant le 30 juin et qu'il quitta le 2 juillet pour se rendre, le jour même, à Châtillon en Vendelais, à peu près à moitié chemin entre Vitré et Fougères (41) (nos 140 et 144, p. 155, 156, 159).

Il avait là son camp et son quartier général, mais une partie de son armée était logée derrière lui dans Vitré même, comme le prouve cette curieuse lettre, que le roi lui écrivit d’Angers le 4 juillet :

 « Cher et féal cousin, nostre très cher et très amé consin le comte de Laval (seigneur de Vitré) nous a dit et remonstré qu'il a esté adverty que, au partement de nostre armée pour tirer plus avant, vous estes déliberé de faire mectre le feu aux faulxbourgs de sa ville de Vitré, et aussi que nostre armée fait de grans maulx et foulles à ses subgectz des terres et seigneuries qu'il a par delà; qui est très-mal fait, attendu ce que, par autres noz lectres, vous en avions escript (42)

 A ceste cause et que, pour riens, ne vouldrions souffrir aucun dommaige estre faict à nostredit cousin ne à ses subgectz, ne touchez point ausditz faulxbourgs, et advisez de donner ordre au demourant de ses terres et subgectz en manière qu'il n'ait plus cause de s'en plaindre: car vous savez les services qu'il nous a faitz et fait chascun jour, lesquelz nous voulons bien recongnoistre (43). »

Il est étrange de voir le chef de l'armée française menacer de la sorte un des rares seigneurs bretons restés dans le parti français ; mais, d'après le témoignage de divers documents inédits (qu'il serait trop long de faire connaître ici), le comte de Laval était loin d'être aussi dévoué à la France que le roi semble le dire.

Prochainement allié au duc de Bretagne, il aurait voulu garder la neutralité; s'il avait reçu un peu malgré lui une garnison française dans Vitré, il ne voulait pas laisser cette place servir de point d'appui à des attaques directes contre la Bretagne. Quant aux habitants de la ville et de la baronnie de Vitré, ils ne cachaient point leurs sentiments bretons et avaient joué aux Français plus d'un mauvais tour; sans doute on les soupçonnait d'avoir favorisé la détrousse qui faisait bruit à Rennes le 6 juin; souvent aussi ils se jetaient, pour les piller, sur les terres de la frontière française, non sur le comté de Laval qui était à leur seigneur, mais sur la baronnie de Craon qui appartenait à Louis de La Trémoilles (44): de la le courroux de celui-ci.

Le roi de France avait tant d'intérêt à retenir dans son parti le comte de Laval qu'il passait par dessus tout et gardait vis-à-vis de lui les plus grands ménagements.

Sacrifiant sa vengeance à son devoir, La Trémoille ne songea plus qu'au siège de Fougères.

Il était déjà allé reconnaitre la place (no 151, p. 167), quand le roi, rompant définitivement toute trêve avec les Bretons, lui écrivit le 9 juillet : « Au regard de vostre siége, n'y dissimulez plus, car ce qu'ilz nous ont entretenu de parolles jusques icy n'est que abuz... Faites en tout la diligence possible et nous servez en cet affaire, qui est des plus grans que nous puissions avoir ; et de nostre part ne faictes point de double qu'il n'y sera riens épargné, quelque chose que ce soit. »

En même temps, quoiqu'il eût déjà notablement renforcé son armée, Charles VIII lui annonçait l'envoi d'une nouvelle bande de Suisses (no 155, p. 173).

Trois jours après, La Trémoille posait le siège devant Fougères.

 

VIII

 Cette place passait alors pour une des meilleures de Bretagne, (la plus forte après Nantes », dit Jaligny. Elle vivait sur le souvenir de son dernier siège, celui de 1449, qui avait duré deux mois et imposé au duc de Bretagne, assisté d'une grosse armée, de laborieux efforts pour reprendre la ville sur les Anglais, qui, eus, ne l'avaient eue que par surprise et trahison en pleine paix.

Depuis lors, le duc François II en avait encore accru et modifié les fortifications, en vue des exigences imposées par la force croissante de l'artillerie. Les Bretons étaient donc portés à croire qu'elle arrêterait longtemps les Français et donnerait à leur armée tout loisir de se concentrer, de s'approvisionner et de se bien préparer pour venir attaquer les assiégeants.

Ceux-ci jugeaient des choses autrement, et si Jaligny a trouvé bon d'exagérer, après le succès, la difficulté vaincue, les capitaines de l'armée française n'en prédisaient pas moins, dès le mois de mai 1488, que Fougères serait prise en six jours, en raison de « la fureur de l'artillerie, qui est si merveilleuse, disait l'un d'eux (45), qu'il n'est homme qui ne soit estonné en une petite place comme ceste-là. »

 

Et malheureusement ils voyaient juste. Les choses avaient bien changé depuis 1449, quant à la force respective de l'attaque et de la défense des places : jusque vers 1450, la défense était restée plus forte que l'attaque; après celle date, et surtout après les grands progrès de l'artillerie sous Louis XI et Charles VIII, ce fut tout le contraire.

Les canons en fonte de cuivre n'étaient plus réduits aux boulets de pierre, comme les grossières bombardes des premiers temps; ils lançaient des boulets de fer, bien autrement efficaces, et pour qui c'était un jeu de faire brèche dans les grandes murailles de l'âge féodal, dont on ne pouvait se résoudre à diminuer la hauteur, devenue pour les assiégés une cause de ruine.

Une meilleure fabrication de la poudre avait accru la portée des pièces, et avec le tir parabolique, quand il s'agissait d'une petite ville comme celles que la Trémoille attaquait, l'assiégeant la pouvait couvrir toute de ses feux, fatiguant sans cesse la garnison dans l'intérieur de la place, surtout l'empêchant d'élever, en arrière des murailles, de nouvelles défenses – en bois et terre — qui eussent formé, après la brèche, un obstacle plus résistant et plus efficace.

Or, un auteur de cette époque très-compétent, dit : « Il est impossible d'appeler aujourd'hui place forte un lieu où les troupes qui le défendent ne peuvent se retirer derrière de nouveaux fossés et de nouveaux remparts; telle est la violence de l'artillerie que c'est tomber aujourd'hui dans une erreur funeste que de fonder son salut sur la force d'un mur unique ou d'un seul retranchement.  (46)»

Quand, avec cela, une petite ville se trouvait complétement investie par des forces supérieures, les assiégés voyant ruiner leurs défenses sans pouvoir en élever d'autres, se voyant écrasés eux-mêmes par l'artillerie ennemie, dès qu'ils perdaient espoir de secours, ils perdaient courage, ils se démoralisaient, et ils rendaient la place sous huit jours.

Ainsi étaient naguère tombés Ancenis et Châteaubriant, assiégés par les Français

. Et, en pareille situation, les Français ne faisaient pas mieux : assiégés dans Cannes par les Bretons, ils avaient, eux aussi, tenu huit jours, du 25 février au 3 mars 1488.

C'était la loi commune. Fougères allait la subir.

 

IX

Quand le siége fut mis, le vicomte de Coētmen, capitaine de Fougères, n'était pas dans cette ville, il était dans l'armée que le duc réunissait pour la secourir.

La défense fut dirigée par son lieutenant, Jean de Romillé. La garnison (selon Jaligny) était de 2 à 3,000 hommes.

L'ennemi approchant, elle sortit pour lui disputer le terrain et l'empêcher de poser le siége; mais que pouvait-elle contre l'armée de La Trémoille qui, toujours tenue au complet et même renforcée depuis le commencement de la campagne, devait monter en ce moment à 15,000 hommes ?

La garnison fut rudement repoussée derrière ses remparts, où elle se défendit bien. J aligny ajoute « qu'en moins d'un jour toutes les defenses du costé du siége furent ostées aux assiégez (47). »

Cela ne peut s'entendre que des defenses extérieures, bouleyards, bastilles chemins couverts, etc., que l'on établissait en dehors et en avant des murailles. En ce sens même, l'assertion de Jaligny n'est pas exacte, car le 14 juillet, à neuf heures du matin, La Trémoille écrivait à Charles VIII qu'il était « derant les deux boullevars de Sainct Lyénard et de Roger (48), »

GRAVURE-PORTE-ST-LEONARD

c'est-à-dire devant les fortifications avancées qui défendaient deux des portes de Fougères, la porte Saint-Léonard et la porte Roger; et le 15, à neuf heures du soir, écrivant de nouveau au roi, il ne lui annonçait aucun progrès, aucun mouvement de l'armée assiégeante (49), qui, d'après cela, dut rester au moins deux jours devant ces boulevards.

Entre ces deux lettres de La Trémoille il s'était pourtant produit un fait important : la garnison française de Dol, forte d'environ 200 lances (50) – soit 1,200 hommes de guerre avait évacué cette petite place, qui n'était pas sûre, pour joindre l'armée de La Trémoille (no 162, page 183), ce qui permit à celui-ci de compléter l'investissement de Fougères, car avant le 15 juillet, il n'avait pas encore réussi à « clorre son siège » (no 159, p. 178), c'est-à-dire à investir la ville complétement.

C'était là à ses yeux la condition nécessaire d'un prompt succès (51) ; aussi n'hésita-t-il point à prendre la garnison de Dol, malgré les répugnances de Charles VIII, tenté de voir dans l'abandon de cette bicoque une sorte de honte pour ses armes (52)

Au début du siège, les gens de Fougères avaient envoyé aux chefs de l'armée bretonne le capitaine Rogues, qui remplit sa mission sans encombre (53).

La situation devenant plus critique et nul secours ne venant, on dépêcha un second messager, Jacquet Doré; mais celui-ci, on ne le revit pas : quand il voulut rentrer dans Fougères, il sut pris par les Français (54): qui avaient complété leurs lignes d'investissement et achevé de « clorre leur siége. »

La ville était désormais privée de toute communication avec le dehors.

.Le roi ne cessait pas d'ailleurs de renforcer l'armée de siège; jusqu'à la prise de Fougères, ce fut son occupation et sa préoccupation constante, ses lettres du 9 au 18 juillet sont curieuses à cet égard : il envoie d'abord des troupes d'élite et d'armes spéciales, des fantassins suisses (no 155, p. 173), des pionniers, des arbalétriers et des « artilliers » (n° 159, p. 177-178), puis des gens de pied à foison, il en tire jusque d'Auvergne (nos 159, 162, p. 177, 182).

Mais le nombre ne sert de rien s'il n'est soutenu, dirigé par des officiers habiles, et le roi, non content de ceux que comptait déjà son armée, expédie coup sur coup à La Trémoille un Suisse, ingénieur de renom, Sixt Sequelorf, « quel est homme, dit le roi, pour nous faire de grans services en la guerre, mesmement en un siége à faire ponts et autres habiletez et subtillitez, vaillant homme de sa personne » (no 158, p. 176), — Jean Segeuser, autre Suisse, « filz de chevalier et de bonne maison, recommandé spécialement au roi par ceulx de la cité de Berne » (no 161, p. 181), - puis le sr de Baudricourt, gouverneur de Bourgogne, capitaine d'expérience et de renom ; Champerroux, brûlant du désir de faire payer aux Bretons l'échec qu'il avait reçu d'eux à Vannes; el encore le bâtard de Bourbon, le sire de Colombiers, etc., (nos 162 et 165, p. 182 et 186).

 

 

Avec de telles forces, le siége devait marcher vite.

Le 17 juillet, à midi, La Trémoille annonçait à Charles VIII :

« la batterie qu'il avoit faite au portail de Rogier et au pan de mur d'emprès la tour de Montfremery, et aussi l'autre batterie que fait le grand escuyer (Pierre d'Urfé), au boulevard de Saint Liénard, de la tour de l'eschauguette et d'un pan de mur qui est en ce quartier-là (55). » ( la tour de Montfremery est située à l'entrée de la ruelle des Vaux et est longée sur son flanc nord par le boulevard de Rennes.)

 

 

 Ainsi l'armée assiégeante n'était plus devant les boulevards Roger et Saint-Léonard, mais dedans; elle avait emporté les défenses extérieures de la place et s'y était logée, elle battait directement, en quatre endroits, les portes et les murailles de Fougères.

En même temps ses pionniers exécutaient un travail difficile, qui donne grande idée de l'habileté des ingénieurs français : « Au dessus de la ville, dit Jaligny, la petite rivière qui passe par dedans fut détournée et divertie ailleurs, dont ils (les Bretons)  croyoient bien qu'on ne pourroit jamais venir à bout (56). »

La Correspondance de Charles VIII ne mentionne point cette opération, dont on ne saisit pas d'abord l'utilité.

Le château de Fougères s'élève au fond d'un ravin abrupt, où coule, du Nord au Sud, le Nançon.

La ville, qui touche au château par son extrémité Ouest, s'allonge en boyau pour gravir la pente rapide du coteau Est, et se développe ensuite sur le plateau entre les points marqués jadis par la porte Saint-Léonard (au Sud) et la porte Roger (au Nord).

 L'artillerie française attaquait donc la partie haule de la place, qui domine tout le reste, et d'où l'on pouvait battre, non-seulement la basse ville, mais le château, de façon à le rendre intenable. Cette partie de l'enceinte une fois gagnée, il semble que la lutte devait finir forcément, et le détournement du Nançon rester sans objet.

Cependant la position du château de Fougères, nulle contre une attaque d'artillerie, avait un mérite encore très apprécié à la fin du XVe siècle : des réservoirs alimentés par l'eau du Nançon permettaient d'inonder la vallée et de rendre la forteresse inaccessible (57)

Une poignée d'hommes résolus, s'y jetant après la prise de la ville, auraient été garantis contre un assaut par la profondeur de ce lac improvisé, contre l'artillerie par les caves et souterrains du château ; tant qu'ils auraient eu des vivres, ils eussent pu se maintenir, donnant à l'armée bretonne le temps d'arriver, tout au moins retenant longuement autour d'une masure tous les efforts de l'armée française. Il y avait dans la garnison de Fougères des éléments énergiques, des coeurs intrépides, très-capables de tenter celte aventure.

En détournant le Nançon, La Trémoille leur en ota le moyen (58)

Il prit Fougères par composition le samedi 19 juillet 1488. Cette date, très-importante à connaitre et cependant inconnue jusqu' présent, est fixée par une lettre du sire de Beaujeu, du 20 juillet, où il dit à La Trémoille : ( J'ay receu voz lectres et veu ce que avez escript au roi touchant la composicion de Fougières, en quoy vous et les capitaines qui sont par delà vous estes très bien acquictez » (no 167, p. 187).

Il y a une lettre de Graville du même jour et à peu près de même teneur (no 168, p. 188). La composition devait être de la veille, car La Trémoille n'avait pu manquer d'en informer Charles VIII immédiatement, et ses lettres mettaient au plus quatorze heures pour aller à Angers, où était le roi (voir no 159, p. 177).

Cette date est d'ailleurs écrite en toutes lettres dans le compte (inédit) de François Lasne, miseur de Fougères en 1488, où on lit l'article suivant :

«  A ce miseur, lequel mist au boulouvert de Rillé, - dempuix le vignt troiziesme jour de decembre l'an mil quatre cens quatre vigns et sept jucques au dix neuffiesme jour de juillet enssuivant, que la ville de Foulgeres fut rendue au roy, - par chescune nuyt, ung franc archier à faire le guect au long de la nuyt avec ques le guect ordinaire, pour la seurlé et garde de la ville : que  sont deux cens sept nuitz: a poyé ce miseur pour chescune nuyt quinze deniers, vault le tout desdictes nuytz, audict pris, XII I. » XVIII S. ix d.)

La Trémoille accorda à Fougères une « bonne composition » (59): les personnes et les biens furent respectés, la garnison put sortir vie et bagues sauves et aller où elle voudrait.

 Il semble toutefois, comme on le verra plus loin, qu'elle fut retenue quelques jours dans la ville avant de pouvoir profiter de cette faculté.

 

X

Après la prise de Fougères, comme après celle de Châteaubriant, revient cette question : où était et que faisait l'armée bretonne ?

Nous l'avons laissée le 22 mai 1488, c'est-à-dire après la prise d'Ancenis, campée à Bain. Elle occupait aussi, à ce moment, la forêt de Teillay (60), entre la paroisse de Rougé et celle d'Ercé en la Mée.

Quelques jours après, elle reculait vers l'Ouest, sans doute afin de mettre entre elle et l'armée française le cours de la Vilaine: l'archevêque de Bordeaux et le sr de Morvilliers, envoyés par le roi de France vers le duc de Bretagne pour négocier une trêve, écrivaient de Nantes à La Trémoille le 25 mai : « Nous ne vous escrivons rien de ce pour quoy suimes icy venuz, pourceque l'on n'y peut assoir conclusion sans avoir ouy les avis de MM. d'Orléans et de Dunoys, devers lesqueiz ilz envoient aujourd'hui à Lohiac » (Lohéac), où est l'armée du Duc (61).

La trêve on l'a vu fut conclue le 1er juin pour durer jusqu'au 15; elle dut opérer la dispersion presque totale de l'armée bretonne ; milices paroissiales et milices féodales, francs-archers et tenanciers nobles, retenus sous les armes depuis près de deux mois, durent à l'envi profiter de ce petit congé pour aller revoir leurs chaumines et leurs manoirs. Le duc eut beau sonner la cloche du rappel, en fixant au 12 juin une « monstre, ou revue générale « des nobles, ennobliz, tenans fiefs nobles et autres subjectz aux armes de son duché, et mesmes des francs-archiers et esleuz et des bons-corps d'icelui. »

 Cette revue devait se faire sur quatre points assez rapprochés : Ploërmel, Josselin, Malestroit et la Trinité Porhoët. Les hommes d'armes et les miliciens des évêchés de Rennes, de Dol et de Saint-Malo furent convoqués dans la première de ces villes, ceux de Cornouaille et de Léon dans la seconde, dans la troisième Saint-Brieuc et Tréguier, Nantes et Vannes dans la dernière.

 Le duc leur prescrivait formellement de s'y présenter ( montez et armez, entièrement garniz d'habillemens de guerre, prests et deliberez de marcher en avant, pourveuz de vivres pour un moys ou d'argent pour l'achat desdits vivres, s'engageant, s'il les retenait sous les armes au delà de ce terme, à les faire poyer et souldoyer comme les gens de guerre de ses ordonnances . (62)

La trêve ayant été prolongée jusqu'à la fin de juin, toutes ces sommations firent peu d'effet, il y eut à ces montres bien des manquants.

 Aussi, le 20 juin, Charles VIII écrivait à La Trémoille : « On dit que les Bretons font leur assemblée à Redon et à Montfort ; nous croyons qu'ilz ne feront riens davantage que ce qu'ilz ont accoustumé cy devant; toutesfoiz enquérez-vous tousjours de leur commune pour y resister » (no 130, p. 146).

La commune, c'était la levée irrégulière des villes et des campagnes, et il est curieux de voir le roi de France s'en préoccuper plus que de l'armée ducale proprement dite, – sans doute parce-que de celle-ci, à ce moment-là, il ne restait debout que les cadres.

Cependant, la paix ne venant pas comme on l'avait espéré, les mauvais desseins de la France contre la Bretagne s'accusant de plus en plus, on se secoua un peu ; nobles et francs-archers comprirent la nécessité de s'arracher de leurs foyers pour défendre leur pays.

 Tandis que les uns s'éparpillaient dans les garnisons, les autres se dirigeaient vers l'ost du duc. Celui-ci avait convoqué à Nantes les Etats de son duché pour leur exposer les nécessités de la chose publique : ils votèrent un nouvel impôt de guerre de 73 s. 6 d. par feu, recouvrable en deux termes, 1er septembre et ler novembre prochains. Et comme il fallait de l'argent comptant, ils décrétèrent un emprunt forcé de 207,000 livres, réparti entre les neuf diocèses de Bretagne, exigible des nobles comme des roturiers, et dont le clergé devait immédiatement fournir le quart.

 Le duc promulgua ces décisions et il en régla l'exécution par deux ordonnances du 12 juillet 1488, longuement motivées, presque en mêmes termes. Celle de l'emprunt forcé dit : « Comme.... soit ainsi que a present le Roy... ayt fait et face assembler plus grant nombre de  gens de guerre que oncques mais, pour aller mectre le siège devant nostre place et ville de Foulgières ou ailleurs : lequel siége  entendons... à l'ayde de Dieu et de noz bons parens, amys et alliez, et service de noz bons et loiaulx subjectz, lever, et combatre nosdiz adversaires et les expulser et mectre hors nostre  pays. Pour quoy faire ayons fait assembler et mectre sus nostre ost et armée qui å present est aux champs, et sont venuz à nostre secours et ayde pluseurs noz bons parens, amys et alliez, avec grant nombre de gens de guerre des pays subjectz à nosdiz  alliez : pour la soulde et entretenement de tout quoy soyt très necessairement requis avoir presentement grandes sommes de finance... » etc. (63).

L'armée que le duc rassemblait ayant pour objectif la levée du siège de Fougères, sa base d'opération et son principal lieu de réunion fut nécessairement Rennes.

Quant aux gens de guerre envoyés au secours du duc par ses amis et alliés, ce sont les auxiliaires étrangers qui figuraient dans l'armée bretonne.

Il est bon de déterminer combien et qui ils étaient, d'autant que, sur ce point encore, la Correspondance de Charles VIII fournit de curieux renseignements.

 

XI

Il y avait d'abord les 1,500 lansquenets allemands envoyés dès le mois de juillet 1487 par Maximilien d'Autriche, roi des Romains (64), sous les ordres de Baudouin, bâtard de Bourgogne.

Depuis un an qu'ils guerroyaient en Bretagne, ils étaient réduits de près d'un tiers. Le duc en avait quelques-uns près de sa personne; dans l'armée de Rennes, selon Alain Bouchart, ils n'étaient pas plus de 800.

Le secours amené d'Espagne par le sire d'Albret était plus nombreux. Un curieux type ce d'Albret, toujours mécontent et guerroyant avec une petite armée de Gascons et de Basco-Navarrais, au moyen de laquelle il prétendait échanger son petit domaine, ses landes grillées de Gascogne, contre le beau duché de Bretagne.

Dès le mois de mai 1487, il s'était mis en marche pour venir joindre en Bretagne les autres mécontents de France, mais assiégé dans Nontron (30 mai 1487) par le lieutenant du gouverneur de Guienne (65), il fut forcé de congédier sa troupe, de jurer fidélité au roi et de rentrer chez lui. Il y resta quelques mois sans bouger.

En novembre et décembre, les mécontents français lui dépêchèrent de Bretagne message sur message pour lui promettre s'il amenait à leurs secours une bonne troupe la main de l'héritière de Bretagne. Elle avait moins d'onze ans, lui près de cinquante ; il était veuf, ventru, couperosé, chargé d'enfants. Il mordit de suite à cet appas.

 En janvier 1488, il se mit de nouveau en marche vers la Loire, les troupes royales de nouveau lui barrèrent le passage ; celte fois il leur échappa, mais fut obligé de rebrousser chemin.

Au mois de mars, il se jeta dans la Navarre, où il resit sa petite armée, puis alla solliciter le roi de Castille d'envoyer aussi des troupes au duc de Bretagne (66). Il eut quelque peine à l'y décider; le 12 avril 1488, Charles VIII écrivit à La Trémoille : « Le roy de Castille a respondu au sr d'Albret, qui estoit allé devers lui pour lui demander des gens, qu'il ne prendra point picques à nous pour lui ni pour ses aliez » (no 41, p. 45).

Sauf cela, il était prêt à partir pour la Bretagne avec ses propres troupes; Graville crut devoir en prévenir, le 16 avril, le général français : « Tenez vous tout sûr que, du premier vent d'aval, vous aurez Monsr  d'Albrel sans nulle faulle » (n° 46, p. 49.)

Le vent d'aval tarda de souffler, d'Albret eut le temps de décider le roi de Castille à envoyer un secours au duc de Bretagne : le bruit courait en France, le 29 avril, que c'était un corps de mille hommes, déjà débarqué (n° 62, p. 72).

Sur ce dernier point on se trompait: d’Albret, peu avant le 15 mai, était encore à Saint-Sébastien (no 82, p. 99). Il prit la mer et arriva en Bretagne quelques jours après. Le 21 mai, le duc de Bretagne donnait « commission pour faire envoier des vivres » au seigneur d'Albret la part où il est » (67), - et l'archevêque de Bordeaux, qui était à Nantes pour conclure la trêve, écrivait, le 25 mai, à La Trémoille : « L'on dit icy pour vray que Monst d’Albrel est à Quimper- Corentin » (n° 96, p. 113).

Selon Bouchart, il amenait avec lui un secours de 4,000 hommes ; les lettres de rémission, données par le roi de France à d'Albret en 1491, réduisent, sur le témoignage de ce dernier, ce chiffre à 3,000, qui est le bon.

Dans ce nombre figuraient les mille hommes du roi de Castille, commandés par messire Mosen Gralla, grand-maitre d'hôtel de ce prince (68). D’Albret possédait en outre · une compagnie de cent lances c'est-à-dire 600 hommes, commandée par deux lieutenants, Saint-Cirq et Forçays, et qui servait dans l'armée française : dès que son capitaine fut en Bretagne, celle compagnie presque entière et ses deux lieutenants vinrent le rejoindre, passant comme lui au service du duc (69). On peut donc estimer à 3,500 hommes le renfort fourni par d'Albret à l'armée bretonne.

Enfin, celte armée comprenait un corps d'auxiliaires anglais, dont il reste à dire un mot.

L'intérêt de l'Angleterre était si naturellement opposé à la conquête de la Bretagne par la France, que dès le commencement de cette guerre (avant juin 1487) le duc François Il réclama avec confiance le secours du roi Henri VII

. Mais ce prince, sortant d'une guerre civile dont les passions n'étaient point encore apaisées, avait goût au repos, et il aimait trop l'argent pour aimer la guerre. Il crut, ou du moins il voulut croire la Bretagne capable de résister å la France par ses propres forces; il se laissa prendre volontairement à la feinte modération de Mme de Beaujeu ; au lieu de donner secours au duc, il offrit sa médiation, qui fut refusée.

Le Parlement anglais ne pouvait être dupe, il décréta, le 9 novembre 1487, la guerre contre la France et vota des subsides par la faire. Le roi perçut les subsides et ajourna la guerre.

 Après la prise de Châteaubriant et d'Ancenis, François II lui ayant de nouveau représenté l'urgent besoin qu'il avait d'être secouru, Henri VII éconduisit les ambassadeurs bretons, et conclut même avec le roi de France une trêve qui devait durer du 24 juillet 1488 au 17 janvier 1490.

Mais la nation réprouvait hautement la politique obtuse de son roi : rebutés par celui-ci, les ambassadeurs bretons s'adressèrent aux seigneurs anglais ; l'un des plus considérables, sir Edouard de Woodville (70), comte de Scales, gouverneur de l'ile de Wight et oncle de la reine, répondit de suite à cet appel.

Malgré les défenses de Henri VII, il vint, avec un corps de bonnes troupes débarquer à Saint-Malo, dans le même temps que d'Albret å Quimper, c'est-à-dire du 20 au 25 mai 1488 (71).

Quel était le chiffre de ce secours ? Le roi Henri VII, en écrivant le 27 mai à Charles VIII pour désavouer cette entreprise, met ce chiffre, par politique, au plus bas, c'est-à-dire å 400 hommes. Celui de 700, donné par divers chroniqueurs, entre autres par Jaligny est préférable : la Correspondance de Charles VIII le prouve.

On y trouve une lettre du 31 mai, où Graville raconte à La Trémoille que le corps de Scales étant allé de Saint-Malo prendre gîte à Dinan, le vicomte d'Aunay, capitaine de la garnison française de Dol, lui dressa, le 29 mai, une embuscade. Il alla avant jour se cacher à quelque distance de Dinan avec 120 chevaux, puis en envoya 30 autres courir jusqu'aux portes de la ville.

 Les Anglais, sortant sur eux en grand nombre et se débandant à leur poursuite, tombèrent en plein dans le traquenard, si bien tendu que les Français en auraient fait prisonniers 114 et coulé plus de 240 pour morts sur la place (72).  Tel est le récit du vicomte d’Aunay, reproduit par Graville.

Il sent un peu l'exagération ; mettons qu'il soit resté là seulement 200 Anglais : comme, au rapport de Bouchart et des autres chroniqueurs contemporains, Scales en avait encore 300 au moins avec lui à la bataille de Saint-Aubin du Cormier, il faut bien qu'il en ait eu plus de 400 quand il débarqua à Saint-Malo, ce qui tend à confirmer le chiffre donné par Jaligny.

Huit jours après cette mésaventure (le 5 juin), les Anglais en furent dédommagés par la cordiale et plantureuse réception que leur fit la ville de Rennes.

Deux « buces (73) » de vin claret furent « effoncées » en leur honneur dans la rue Haute, deux pipes de vin blanc au placis du Bout de Cohue. Là les soldats anglais, que l'on promenait triomphalement par les rues, s'arrêtèrent, burent et mangèrent, pendant qu'une troupe de musiciens leur sonnait des aubades et qu’un « jeune garçon » les amusait de ses tours de souplesse. Puis, dans le logis ducal de la Garderobe (74), un grand banquet fut offert par la ville de Rennes à Scales et à tous les chefs anglais. On y mangea, entre autres choses, un veau et demi, deux moutons et demi, trois chevreaux, deux lièvres, vingt-huit lapereaux, huit oisons, trente-six poulets, vingt-huit pigeons, etc. On y but une pipe de vin blanc, une pipe de vin claret, sept estamaux d'hypocras (75)

Une telle réception était bien faite pour allécher les estomacs britanniques et amener des recrues au comte de Scales, mais Henri VII s'y opposa si fort qu'il ne lui en vint aucune.

L'armée qui soutint la cause bretonne à Saint-Aubin du Cormier complait -- d'après Bouchart (76), contemporain et témoin, – 8,000 hommes de pied, 400 hommes d’armes ou autrement 400 lances fournies, ce qui donnait 2,400 combattants; 800 Allemands, 300 Anglais : somme 11,500 ; et en outre, « ung bon nombre d'artillerie ». Si l'on ajoute aux Allemands et aux Anglais les 1,000 Espagnols du roi de Castille, les 2,500 Gascons et Navarrais de d'Albret, on voit que dans cette armée l'élément national complait pour environ 7,000 hommes, l'élément étranger pour 4,600. Ce dernier y était donc moins fort qu'on ne l'a dit, moins fort même que dans l'armée de Charles VIII, où, selon les historiens de la Suisse (76), il y avait 8,000 Suisses sur 15,000 hommes.

 

XII

L'armée française avait sur celle de Bretagne un avantage plus précieux que la supériorité du nombre, je veux dire la cohésion, la discipline, et surtout l'unité du commandement.

Dans le camp breton il y avait deux influences, deux directions trop souvent en lutte : le maréchal de Rieux, le duc d'Orléans.

La venue de d'Albret, ses prétentions à la main d'Anne de Bretagne, aigrirent encore cette rivalité. Le maréchal appuyait d'Albret; le duc d'Orléans, qui peut-être songeait à la princesse pour lui-même, soutenait ostensiblement la candidature matrimoniale de Maximilien, roi des Romains, de concert avec le prince d'Orange, neveu du duc François II.

Ces divisions éclataient parfois si vivement que Charles VIII disait le 15 juillet : « L'on nous a escript de plusieurs lieux que les Bretons ne peuvent faire assemblée de gens et qu'ilz sont en grant division et très mal presız d'assiéger ne de combattre » (no 159, p. 178).

Il y avait bien dans ces renseignements un peu d'exagération; ces divisions trop réelles n'avaient pas produit tous leurs effets.

 La concentration de l'armée bretonne s'opérait à Rennes d'une façon assez satisfaisante, et le jour même où le roi traçait ces lignes, une division de cette armée, probablement sous les ordres du duc d'Orléans, enlevait aux Français le château de Combour, poste avancé de Dol, el menaçait cette dernière ville, que la garnison française évacua de suite, en toute hâle, sans prendre le temps de brûler ni même de désemparer la place, comme le roi l'avait prescrit (V. Corresp. de Charles VIII, nos 162 et 163, p. 182, 183, 184).

Le duc d'Orléans alla jusqu'à Dinan (77), où le maréchal de Rieux était aussi le 20 juillet (78), apparemment pour rallier des troupes de Basse-Bretagne.

 La levée du siège de Fougères étant le but essentiel de l'armée bretonne, on s'étonnerait de voir ses chefs tourner le dos, pour ainsi dire, à leur objectif en un pareil moment, si l'on ne savait leur confiance, beaucoup trop grande, dans la force de cette place et dans la durée de sa résistance. On prenait tout son temps pour se préparer, afin de la mieux secourir.

Cependant on se décida à s'en rapprocher.

Le 23 juillet, les divers corps de l'armée bretonne campaient sur les trois paroisses d'Aubigné, du petit Saint-Aubin (aujourd'hui Saint-Aubin d'Aubigné) et d'Andouillé.

S'ils prenaient un tel détour au lieu de suivre la route directe de Rennes à Fougères, c'est que cette route leur était fermée par la place de Saint-Aubin du Cormier, alors aux mains des Français (79)

Enfin, ce qui semble incroyable et ce qui est certain, attesté par tous les documents contemporains, c'est que la prise de Fougères, qui avait eu lieu le 19 juillet, resta jusqu'au 26 ignorée de l'armée bretonne, campée à huit lieues de cette place.

On la sut à Paris deux jours plus tôt. Pour expliquer ce fait étrange (80), il faut admettre que La Trémoille, après avoir pris la ville, en prolongea le blocus pendant huit jours, espérant sans doute avoir plus facilement raison des Bretons, s'ils arrivaient pour faire lever le siège quand il était déjà maître de la place.

La montre ou revue générale de l'armée bretonne eut lieu à Andouillé le 24 juillet. C'est là aussi qu'il convient de placer, plutôt qu'à Rennes, la délibération sur le plan de campagne rapportée par d'Argentré (81), qui en parle d'ailleurs sans citer aucune autorité et d'après une tradition un peu incertaine.

Le maréchal de Rieux se serait opposé à ce qu'on livrât aux Français une bataille rangée, qui perdue pouvait tout perdre ; il voulait qu'on se bornât à harceler l'ennemi, à le fatiguer et l'attaquer partout en détail de façon à entraver sa marche, mais en se refusant toujours à une action générale. Les autres chefs, plus jeunes, plus ardents et moins expérimentés, opinèrent pour une bataille, disant qu'on devait tout risquer pour sauver Fougères. Cet avis l'emporta.

Pendant ce temps, La Trémoille, qui tenait Fougères, faisait part au roi du plan de campagne concerté entre lui et les capitaines de son armée.

Il n'avait « que de trois places l'une à prendre par siége, assavoir, Rennes, Dinan et Saint-Malo; il trouvoit Dinan le plus aisé des trois, pour le fournissement des vivres qui pouvoient venir de Normandie par Dol. » Il ajoutait « que la puissance, c'est-à-dire l'armée des Bretons, était au petit Saint-Aubin et à Aubigné, sur le chemin de Fougères à Dinan, et que tous ses capitaines étaient d'avis d'aller voir comme ils étoient fortifiés, étant sûrs qu'on leur feroit tout au moins laisser leur logis honteusement (82). »

Ainsi, l'heure décisive approchait, de part et d'autre on brûlait d'en venir aux mains. Mais le champ de bataille ne devait pas être celui qu'avait choisi La Trémoille.

 

La prise de Châteaubriant suivie de celles d'Ancenis et de Fougères, la victoire de Saint-Aubin du Cormier, les capitulations de Dinan et de Saint-Malo avaient complètement anéanti le parti des rebelles.

Le duc d'Orléans et le prince d'Orange prisonniers, François II mourant de chagrin du traité qu'il avait été contraint de signer le 21 août 1488, et par lequel la Bretagne perdait ses meilleures places fortes, tels étaient les importants résultats qui contribuèrent à l'événement heureux de la réunion de la Bretagne à la France, par le mariage de la princesse Anne avec Charles VIII, le 6 décembre 1491.

 

Juillet 1488 La Guerre folle du siège de Fougères par l'armée du roi de France, commandée par Louis II de la Trémoille contre la coalition de duc François II, duc de Bretagne

 

Liste des Gouverneurs ou Capitaines, et des Lieutenants du château de Fougères, d'après M. Maupillé.

GOUVERNEURS OU CAPITAINES

1437 Pierre Le Porc, sr de l'Archapt.

1430 Pierre de Dreux, sr de Châteauneuf.

1434 Jehan de Raguenel, vte de la Bellière, sire de Malestroit, qui par lettres datées du 25 février 1456, se démit en faveur de Michel de Parthenay, moyennant 200 écus neufs et douze vingt livres (240 I.) monnaie. Ce dernier était capitaine de St-Aubin et avait été remplacé dans cette charge par son gendre Georges le Bouteiller, en 1452. Il mourut en 1490. 1456 Michel de Parthenay, qui se démit en 1457 (dom Mor., pr. III 1711).

1467 François de Tournemine, seigneur de la Hunaudaie.

1474 Gilles de la Clartière (11 était fils d'Amice de Tournemine) (Ibid. 1715).

1478 Bertrand du Parc.

1482 Charles du Parc, seigneur de la Motte, chambellan du duc.

1487 le vicomte de Coëtmen, sire de Tonquédec, encore en charge en juin 1488.

1488 Arthur de Porcon, nommé par lettres patentes de la duchesse Anne du 15 avril 1488 (cette date paraît fausse).

1491 Pierre d'Aux, bailli de la Montagne, lieutenant de M. de la Trémoille.

1496 Estienne de Launay (comptes de Saint-Sulpice).

1498 Jacques Guibé, s' du Chesnay.

1501 François Hamon, grand amiral de Bretagne.

15.. Vincent de Launay, sr de la Chesnelais, mort en 1518.

1524 René de Montejean.

1527 Bertrand de Plesguen, sr du Plessis au Chat.

1552 Jehan Menard, sr de la Menardière.

1561 Charles de la Menardière, Seigneur de Montaigu.

1562 M. de Beaucé, sr de Montfromery.

1562 Germain d'Anthenaise, sr de la Tannière.

1566 Léon de la Haie Saint-Hilaire. Lettres de provision du 12 juin 1566.

1576 François des Nos, Sr de la Tannière.

1585 Renaud de la Marsellière.

1587 François Le Felle, sr de Guébriant et de la Blanchardays.

1589 le marquis de la Rochegiffard, sous Mercœur.

1589 Jean Le Majoer, sr de la Villeserin, capitaine des gardes du duc de Mercœur.

1590 le marquis de la Chesnais Vaulouet, gouverneur de la ville, sous son autorité de septembre 1589 à 1590.

1591 le marquis de Bellisle.

1593 Marin Allard, sr du Bignon, sous Mercœur.

1598 M. de Blérancourt.

1615 Thomas de Guémadeuc, décapité à Paris, le 19 septembre 1616.

1616 M. de Modesne.

1622 M. de Laage.

1627 le maréchal de Themines.

1628 M. de Pontpignan.

1631 le marquis du Boisblot.

1646 Jean de Rollée, srdu Boislouet (une autre liste place après M. du. Boisblot, le marquis de Mortemart Vivonne).

1649 le marquis Henri de Se vigne, sr de Montmoron.

1651 le maréchal de Schombert. Après la mort du marquis de Sévigné, il avait obtenu du roi le gouvernement du château, pour en conserver le bénéfice aux enfants du marquis il s'obligea d'en fournir la démission au sr d'Aurouer, moyennant 52.000 (1).

1652 Charles de Grimes de Gamaches, comte d'Aurouer ou d'Auroy.

1658 le comte Christophe de la Haie Saint-Hilaire. Les frais de sa réception s'élevèrent à 105 l (M. Le Beschu, miseur), il mourut en 1666.

1666 le comte Bernard de Beaumont, mort en 1679.

1679 le marquis de la Roche d'Orange.

1682 le marquis de la Chesnelaye, mort à Mauçon, inhumé à Landivy. La communauté fit célébrer cent messes à son intention, 1694.

1695 M. de la Berange-Lescaut, mort en 1705.

1705 le cte de Longrus, mort en 1711.

1711 le cte de Marnays du Dauphiné, vendit son gouvernement avec l'agrément du roi, au marquis de la Chesnelais, en 1721.

1721 le marquis de la Chesnelais-Romilley, mort en 1765.

1767 le duc de Coigny.

 

LIEUTENANTS

1420 Olivier Le deux.

1461 Olivier de Tréal.

1470 Pierre de Raguenel, sr de la Barbotays.

1472 Jehan du Houx.

1473 Jehan de la Clartière, Jehan Guyheneuc.

 1481 Barnabé Giffart, mort en 1482.

1482 Antoine du Moulin Blot.

1483 M. de la Chesnelais.

1484 Jehan de Romillé, sr d'Ardenne.

1491 Etienne de Launay, s' de Launay.

1502 Etienne de Channé, sr de la Cocherie.

1525 Thomas du Chatellier, s'' de Villavran.

1547 Jacques-Michel le Jeune, sr de la Tendrais.

1550 Julien du Cartier, sr' de Lisle.

1562 Jehan de la Belinaie.

1574 Charles de Cervon.

1575 Michel Le Limonnier, sr de la Marche.

1589 M. de Gréai.

1598 M. de la Vrillière.

1616 M. de la Fayolle, exempt des gardes.

1617–M. de Launay.

1617 M. de Léotaud.

1622 Guillaume Le Petit, sr de la Rivière.

1627 Henri de Botherel, sr de Malhère.

1645 le marquis de Sévigné.

1662 Guillaume Le Petit, sr de la Rivière.

1666 Jacques de Scelles, sr de Criqueville.

1670 Etienne Logerot, sr de la Houssaye, nomme la grosse cloche de Saint-Léonard avec Me de la Villegontier, le 9 novembre 1672.

1676 Nicolas d'Orange, sr des Roches.

1730 François de Bertault, sr de Pontpierre.

1780 Jacques-Louis-Henri, chevalier de Caud, époux de Lucile de Châteaubriant.

 

 

 

Porte Notre-Dame, également appelée Porte Saint Sulpice ou du Chesnay, est l’unique porte conservée de l’enceinte urbaine de Fougères qui en a compté quatre jusqu’à la fin de l’Ancien-Régime, les Porte Roger, Saint Léonard et de Rillé ayant tour ç tour été détruites en 1770, 1774 et 1775.

Située au sud-est du château, à proximité du quartier Saint-Sulpice, elle met en communication Ville-basse et Ville-Close.

L’actuelle Porte Notre-Dame a été érigée à compter de 1477 à l’emplacement d’anciens moulins. Logée entre la Tour de Pléguen (XIVe siècle) et la Tour de la Trémouille (XVe siècle), la Porte Notre-Dame est percée dans un mur en grand appareil. Il s’agit d’une entrée double, alliant porte charretière plein-cintre et porte Piétonne, ce dernier petit portillon, à linteau droit, étant situé à gauche de l’ouverture principale.

 

 

 

Louis de La Trémoille et la guerre de Bretagne en 1488, d'après des documents nouveaux et inédits par Arthur de La Borderie

Comptes-rendus, procès-verbaux, mémoires... / Association bretonne, Archéologie, Agriculture

 

 

 

En 1471, François II, dernier duc de Bretagne, épouse Marguerite de Foix dans la chapelle Saint-Antoine, château de Clisson <==.... ....==> Louis II de la Tremouille - Gabrielle de Bourbon-Montpensier ; Charles de la Trémoïlle - Louise de Coëtivy

 

 

 


Jean de Baudricourt grand officier royal et maréchal de France de la fin du Moyen Âge, gouverneur de Bourgogne (1481-1499)
 Il est le fils de Robert de Baudricourt capitaine de Vaucouleurs en 1415 et fidèle serviteur du roi Charles VII connu pour avoir fourni une escorte à Jeanne d'Arc afin qu'elle se rende à Chinon pour rencontrer le souverain. et d'Arléarde de Chambley (sœur de la première femme de Louis de Beauvau, Marguerite de Chambley).

 

(1) Graville lui écrit le 19 du Plessis-du-Parc ou Plessis-lès-Tours : « J'ay ce malin receu les lectres que vous m'avez escriptes de Pouancé, par lesquelles vous meclez que vous estes arrivé par delà et avez trouvé M de Charluz et tous les autres cappitaines, ausquelz vous avez dit ce que le roy vous avoit ordonné. » (Corresp. de Charles VIII, no 6).

Son arrivée devait dater du 18, puisque Graville en recevait la nouvelle, près Tours, le 19 au matin

(2) La Correspondance de Charles VIII a imprimé Pont Reaut et à la table générale »

le Pontreau, prés Guichen, Ille-et-Vilaine. »  Ce lieu est bien en la commune de Guichen, mais l'orthographe véritable est Pont-Réant.

(3) Sur toutes choses.

(4) Il était même abandonné d'une partie de ses gens, comme le prouve l'extrait suivant du Reg. de la Chancellerie de Bret. de 1487-1488, s. 129 R:- « Congé et saufconduyt à François de la Tousche, serviteur du sire de Rohan, et à ceuls de sa compaignie jucques au nombre de 12 personnes, et autant de chevaulx ou aullres monteures, de venir devers le duc le servir en armes contre les Françoys dedans doze jours prochains. Daté le XIII' jour de Mars. »

(5) Voir le texte de ce traité dans D. Morice, Preuves, III, 571 à 574.

(6) Il est certain que Rohan, même après être sorti de Bretagne, continua à leurrer de fausses assurances le duc François II, qui, le 8 avril 1488, lui fit don de 14 prisonniers français de la compagnie du capitaine René Parent (D. Morice, Preuves III, 580): ce qu'il n'eût certainement pas fait s'il eût douté de la sincérité du retour de Rohan au parti breton. En même temps, ce dernier donnait au roi des preuves bien plus décisives de son dévouement persistant à la cause française, car Charles VIII écrivait, le 19 avril, à La Trémoille: – En tant que touche les gens de noz cousins de Rohan et de Quintin, les aucuns se sont venuz armer en ceste ville (à Tours); mais depuis deux ou troys jours, Chanche de Navarre, que nostre cousin de Rohan a commis son lieutenant, est parti d'icy pour les vous mener; et aujourd'huy en parlerons à noz cousins de Rohan et de Quiptin, et ne faisons point de double qu'ilz ne leur facent faire toute diligence. » (No 48, p. 52). Mais ce n'est pas le lieu d'étudier le caractère de ce Rohan, « une rare figure de traître. » L'honneur de cette vieille race fut soutenu par son fils ainé, François de Rohan, qui resta toujours fidèle à la Bretagne et se fit tuer pour elle à Saint-Aubin du Cormier.

(7) V. Corresp. de Charles VIII, n° 28, p. 31. '

(8) Corresp. de Charles VIII, no 26, 29, 36, 43 (29 mars, 2, 9 et 13 avril 1488), pp. 28, 32, 40, 46-47; voir aussi no 40, p. 43. D'aprés Jaligni, l'armée de La Trémoille montait à 12,000 hommes.

(9) Ibid. n° 46, p. 49; et D. Morice, Preuves, III, 585, lettre du duc d'Orléans aux habitants de Tréguier.

(10) V. Érection de la vicomté de Loyaux donnée à Gilles de Condest, s' de la Morteraye (l'un des défenseurs de Châteaubriant), dans le Bulletin de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. VI, p. 302. – V. aussi Alain Bouchart.

(11) D. Morice. Preuves, IJI, 586.

(12) Voir entre autres, pour le règne du duc François II, celles de 1466 et 1471, dans D. Morice, Pr. III, 140 et 227.

(13) V. D. Morice, Pr. III, 333.

(14) Cette histoire a été contée par d'Argentré, d'après un mandement du duc François JI, du 27 décembre 1487, publié depuis dans D. Morice, Preuves, III, 565-567.

(15) Reg. de la chanc. de Brel., de 1487-1488, f. 132 ro.

(16) Bibl. nat. Mss fr. 15540, p. 125.

(17) Corresp. de Charles VIII, n° 33, p. 38.

(18) Reg. de la chanc. Brel., de 1487-88, f. 151, vo.

(19) Ibid., s. 148, vo, 151 vo.

(20) Ibid., f. 155 vo.

(21) Corresp. de Charles VIII, no 62, p. 71.

(22) D. Morice, Preuves, III, 586-587. Vivres fournis au camp du duc par les habitants de Guingamp.

(23) Corresp. de Charles VIII, n. 92, p. 109.

(24) Pierre Loys, s' de Valten, était un maitre d'hôtel du roi, qui avait été chargé de conduire les bandes suisses à l'armée de La Trémoille. Mynymes semble l'opposé et la parodie de marimes. Alexandre, grand capitaine, avait en tête des marimes de guerre : Pierre Lovs, petit capitaine, n'avait que des minimes, c'est-à-dire de trèspetites idées et de très-médiocres inventions.

(25) Corresp. de Charles VIII, p. 79, p. 94-95.

(26) Le jeudi 15 mai, Charles VIII écrit à La Trémoille : « Cher et seal cousin, nous avons recea voz lectres escriptes bier (14 mai) à 5 heures du soir aux fausbourgs d'Ancenys, contenant que vostre avant garde estoit, la nuyt paravant (la nuit du 13 au 14) arrivée dedens lesditz fansbourg et de voz gens avoient visité le foussé, et le loat de ladicte arrivée de ladicte avant garde avoit esté faicte sans perdre homme. » (Ibid., n. 80, p. 96.)

(27) Reg. de la chanc. de Bret. de 1487-1488, s. 181, r'.

(28) Corresp. de Charles VIII, 1" 80, 82, 210, p. 97, 99, 234.

(29) Ibid., n° 80, p. 97.

(30) Hist. de Charles VIII, édit. Godefroy, in-fol., p. 49.

(31) Corresp. de Charles VIII, no 90, p. 107.

(32)  Hist. de Charles VIII, édit. Godefroy , in-f', p. 49.

(33)  Le roi, qui était venu à Angers dès la fin de mai, ayant voula conférer avec La Trémoille, l'amiral de Graville écrivit à celui-ci, le 8 juin : « Le Roi vous escript une lectre que, incontinent que les ambasadeurs seront passez, vous en viengnez devers lui; et me semble que vous devez donner bon ordre en vostre camp, et y laisser ung bon personnage ou deux, à qui vous recommandez tout. » (Corresp. de Charles VIII, n. 115, p. 130.)

(34) D. Morice, Preuves de l'Histoire de Bretagne, L. III, col. 587-589.

(35) V. aussi Reg. de la Chancellerie de Bretagne, de 1487-1488, 1. 203 ro.

(36) Vitré était occupé par une garnison française. Délrousse est synonyme de défaite, échec, surprise.

(37) Arch. de la ville de Rennes, liasse 4.

(38)Reg. de la Chanc. de Bret. de 1487-1488.

(39) Correspondance de Charles VIII, no 140, p. 156. Tous ces détails sur le régime des trêves et sur leur prolongation après le 26 juin étaient inconnus avant la public cation de la Correspondance de Charles VIII.

(40) M. le duc de La Trémoille imprime • Port de Tresle », tout en plaçant (dans sa table des noms de lieux et de personnes) celle localité en la cne d'Etrelles, où elle se trouve effectivement. Mais le véritable nom de ce village est Pont d'Etrelles, et il est ainsi nommé parce qu'il touche le pont sur lequel la route de Vitré à la Guerche franchit une petite rivière formant le rameau méridional de la Vilaine.

(41) A 3 lieues au nord de Vitré et à 4 lieues environ au sud de Fougères.

(42)        Le 20 juin 1488, dans la Corresp. de Charles VIII, no 129, p. 144.

(43)        Corresp. de Charles VIII, no 148, p. 164, 165.

(44) Voir Corresp. de Charles VIII, no 119, p. 135, lettre de Graville à La Trémoille du 14 juin 1488.

(45) Pierre d'Urfé, grand écuyer de France, voir la Corresp. de Charles VIII, n. 79, p. 95. »

(46) Machiavel, l'Art de la Guerre, livre VII, trad. franç. du Pantheon lilter. 1. I p. 393; et Discours sur Tile Live, livre II, ch. XVII, ibid., p. 517.

(47)Hist. de Charles VIII de Godefroy, édit. 1684, p. 51.

(48) Corresp. de Charles VIII, no 159, p. 177.

(49) Cela résulte de la Corresp. de Charles VIII, no 162, p. 182 (lettre du 16 juillet). - Le roi, qui a toujours soin de relever les succès de son général et de l'en féliciter, qui d'ailleurs répond ici à sa lettre chapitre par chapitre, De dit pas un mot du progrès des assiégeants devant Fougères; il y a plutôt lieu de croire que La Trémoille s'était montré, dans sa lettre du 15, quelque peu inquiet de l'énergique résistance des assièges, car le roi ne parle que de renforts à lui envoyer, en armes et en hommes.

(50) V. Corr. de Charles VIII, n° 71, p. 82.

(51) Ibid., n° 150, p. 166.

(52) Ibid., no 153, 155, 162, pp. 169-170, 172, 183.

(53) Dans le compte inėdil de François Lasne, receveur et miseur de la communauté de ville de Fougères en 1488, on lit cet article : « Au cappilaine Rogues, lequel fut envoyé durant le siège devers l'armée pour porter lectres de par les cappitaines à Mons' le duc d'Orléans et à Mons' le prince (d'Orange), luy a poyé ce miseur un escu d'or, pour ce xxxv S. " Je dois la communication de ce compte à mon excellent ami M. Léon Maupillé.

(54) « A Jaquet Doré, lequel fut envoyé, de par les s. et officiers de Foulgéres, devers l'armée, pour leur faire savoir des nouvelles que le siège estoyt devant Foulgères et demender du secours et que bastoint fort la ville, luy a poyé ce miseur (François Lasne), pour son deffroy la somme de xl s. Jeban Cochet, contrerolle des deniers de la reparacion de la ville de Foulgères, certistie que led. Jaquet Doré, en s'en retournant de l'armée du Duc, fut prins à prinsonnier des Franczoys, et après fist ajourner ce miseur davant le provost des mareschauls aud. lieu de Foulgères, el lui demendoit grant somme d'argent pour sa renczon, et fut appointé entr'elx à la somme de doze livres monnoie, quelle somme ce miseur a poyée aud. Jaquet Doré, et l'en quicta, ainsi que apert par relacion et quictance signée de mon signe manuel cy mis le 12 jour d'aougst l'an 1488. (Signé au bas de la page) J. Cochet. » Compte inédit de François Lasne, miseur de Fougères en 1488. Cet article suit immédiatement celui qui concerne le capitaine Rogues

(55) Corresp. de Charles VIII, no 164, p. 185, et D. Morice, Hist. de Bret., t. II, P. CCL.

(56) Hist. de Charles VIII, par Godefroy, édit. 1684, p. 51.

(57). Pour compléter la défense de la place (du château de Fougères), on avait ménagé trois grands réservoirs, qui étaient entretenus par les eaux du Nançon et qui en rendaient les approches très-difficiles.

Les deux premiers de ce réservoirs étaient désignés sous le nom d'étang de la Couarde. » Le troisième était « l'étang de Rouillard, immédiatement au- dessous du château... Pour inonder les approches du château, il suffisait de fermer les écluses qui donnaient passage à la rivière, et bientôt tous les abords présentaient l'aspect d'un lac assez profond pour qu'il fût très-dangereux de le franchir. » – L. Maupillé, Notice historique sur Fougères, 1846, p. 136-137, cf. p. 82.

(58)        M. Maupillé, si compétent sur tout ce qui touche l'histoire de Fougères, semble mettre en doute ce travail de détournement du Nançon (Nolice hist. sur Fougères, p. 106, note). Cependant une erreur de ce genre ne serait guère concevable chez Jaligny, contemporain, secrétaire du sire de Beaujeu, informé directement par les capitaines de l'armée française, peut-être présent au siège. Son témoignage signifie au moins que les ingénieurs français prirent des mesures propres à rendre impossible l'inondation de la vallée par les eaux de la rivière.

(59) C'est le mot d'Alain Bouchart, le seul chroniqueur qui parle des conditions de la capitulation de Fougères.

(60) Le 22 mai 1488, ordre du conseil des bourgeois de Rennes aux miseurs de cette ville de « poier et bailler 40 s. monnoie à Henri de Trelan, quel envoyons presentement » (disent les bourgeois) à Bain et à Teillay pour savoir des nouvelles de l'ost et des • courses des Franczoys. » (Arch. de Rennes, Annexes aux comptes des miseurs).

(61) Corresp. de Charles VII, n° 96, p. 113. C'est à cette retraite des Bretons derrière la Vilaine que Graville fait allusion, quand il dit à La Trémoille le 31 mai : « En tant que touche vos voisins quilz sont de lå l'eaue, ilz ont fait que sage de mectre la rivière entre vous et eulx, car c'est le plus sceur » (no 106, p. 122).

(62) Mandement ducal du 3 juin, inséré au Reg. de la Chancellerie de Bretagne de 1487-88, f. 191 ro. – Les gens de guerre des ordonnances du duc étaient les compagnies permanentes entretenues à ses frais. Ils furent convoqués à Montfort pour les montres du 12 juin.

(63) Reg. de la Chanc. de Bret. de 1487-88, f. 221 re. L'ordonnance ou mandement da fouage de 73 s. 6 d. est au même registre, f. 219 vo.

(64) V. Choir de documents sur le règne de la duchesse Anne, no LXIII, dans le Bulletin de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. VI, p. 336.

(65) Voir à ce sujet les lettres du roi Charles VIII publiées par M. Marchegay dans la Revue des Provinces de l'Ouest, 1" année (1853-54), 2. partie, p. 188-197, et spécialement p. 190 et 195. Ces lettres prouvent que la capitulation de d'Albret à Nortron eut lieu du 31 mai au 3 juin 1487. Jaligny la place pendant le siège de Nantes, qui ne commença que le 19 juin (Godefroy, Hist. de Charles VIII, éd. 1684, p. 36-37); il se trompe donc d'une vingtaine de jours.

(66) Lettres de rémission pour le sire d'Albret, du mois de mars 1491 (Archives Nationales).

(67) Reg. de la Chanc. de Bret. de. 1487-88, f. 183 ro. Jaligny dit que d'Albret s'embarqua vers Fontarabie mais il le fait venir en Bretagne en février 1488, c'est-à-dire trois mois trop tôt. V. Godefroy, Hist. de Charles VIII, édit. 1684, p. 45-46.

(68) D’Argentré, Hist. de Brel, édit. 1618, livre XIII, ch. 45.

(69)        Dans les lettres de rémission de 1491, on lit: « Le roy de Castille, pour aider et favoriser postre cousin d'Elbret en icelui mariage (son mariage prétendu avec Anne de Bretagne), envoya avec luy ung nombre de gens de guerre oudit pays de Brelaigne au secours du feu duc Françoys, et passa icelui d'Elbret par mer å lout troys mil hommes de guerre ou environ. Et lui arrivé ésditz pays de Bretaigne, en intencion et esperance dudit mariage,... icelui d'Elbret fit tant que les cent lances dont il avoit eu charge de par nous, habandonnèrent nostre service et prindrent le party du duc Françoys. » – Jaligny se trompe donc (p. 46), en portant à 50 hommes d'armes seulement la compagnie de d'Albret.

(70) La copie de la lettre de Henri VII à Charles VIII en date du 27 mai 1488, porte Wideville » (Corresp. de Charles VIII, no 213, p. 238); mais Bacon dans son Hist. de Henri VII suit l'autre orthographe, qui est préférable. (V. D. Morice, Hist, de Brel., II, p. 177.) C'est de cette double source que nous tirons le récit de cette affaire.

(71) Le 25 mai, l'archevêque de Bordeaux écrit de Nantes à La Trémoille : « Des nouvelles de ce quartier, l'on dit icy pour vray que M. d'Albret est à Quimpercorentin et M. de Squales à Saint-Malo. » (Corresp. de Charles VIII, n° 96, p. 113.)

(72) Ibid. No 106, p. 122.

(73) Barriques. La pipe contenait 2 buces.

(74) Il occupait à peu près l'emplacement que couvre aujourd'hui, rue Saint-Yves, l'hôtel de M. le comte de Palys.

(75) Un estamal tenait t pot 1/2. La dépense totale de cette réception fut de 239 livres (environ 7,000 fr. aujourd'hui), dont 135 livres (environ 4,000 fr.) pour le banquet. Arch. de Rennes, liasse 41, « Les mises pour la venue de M. de Scalles. »

Là où d'Argentré et Bouchart s'accordent, je cite toujours ce dernier de préférence, parce qu'il était contemporain bien placé pour connaitre les événements et que d'Argentré ne fait, en ce cas-là, que reproduire son témoignage, qui seul est original.

(76) V. Jean de Muller, t. V, chap. III, p. 78, et Zurlauben, Histoire militaire des Suisses au service de la France, t. IV, p. 61.

(77) Alain Bouchart.

(78). Ensuit aucunes mises faictes par Laurens Pares, l'un des miseurs de Rennes. Le 20 jour de juillet, l'an 1488, à Patry Lefebvre, pour porter des lectres de ceste ville à Mons" le maréchal qui estoit à Dinan, 20 s. » (Arch. de Rennes, Annexes des comptes des miseurs).

(79) Le Diclionnaire de Bretagne d'Ogée, nouv. édit., à l'article Saint-Aubin du Cormier, prétend qu'il n'existait pas alors de route directe de Rennes à Fougères par Saint-Aubin; c'est une erreur complète. On trouve même cette route mentionnée dans des actes du XI siècle sous le nom de grand chemin Rennais, publica via Redonensis.

(80) Ce fait si curieux avait échappé jusqu'à présent à tous les historiens, parce qu'on ignorait la date précise de la reddition de Fougères, que nous avons fixée ci-dessus, p. 40.

(81) Hist. de Bret., 1. XIII, chap. 43.

(82) V. Corresp. de Charles VIII, n. 172, p. 192. Nous résumons, en nous servant des termes mêmes de la lettre.

 

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