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PHystorique- Les Portes du Temps
30 septembre 2022

9 juin 1242 Frontenay fut pris au bout de quinze jours et rasé par l’armée de Louis IX

9 juin 1242 Frontenay fut pris au bout de quinze jours et rasé par l’armée de Louis IX

La France, au XIIIe siècle, se trouvait, comme la majeure partie de l'Europe, couverte d'immenses forêts, coupées par des champs cultivés, des cités, des bourgs, des manoirs féodaux, et des abbayes ou monastères transformés en forteresses.

Élevés à perte de vue sur la cime des montagnes, même entre les escarpements des rochers, ou situés dans les plaines, au bord des fleuves, les donjons se reconnaissaient de loin à leur triple enceinte crénelée, à l'ancienne tour saxonne, devenue comme l'épée, l'apanage de la noblesse : l'une gardait la terre, l'autre la personne; aussi, chaque gentilhomme aspirait-il à revêtir sa demeure féodale de ces  «  hauberts de pierre », et sollicitait du suzerain «la licence d'embasteller, créneller et machicouler.»

 La plupart des crêtes des montagnes étaient couronnées de ces « maîtresses tours de garde», exhaussées encore ordinairement au moyen d'une colline artificielle.

Cette partie du manoir était la plus importante, la mieux fortifiée: là se trouvaient les puits, les citernes; là se conservaient les trésors, les chartes; c'est là aussi que la garnison se retirait pour se défendre jusqu'à la dernière extrémité, quand le reste des remparts venait à être emporté d'assaut.

Elle servait également de prison d'état ou de guerre, et après les triples et noirs fossés, les murs flanqués de contreforts, les poternes, les herses, les portes de chêne bardées de fer, arrivaient les prisons souterraines, les oubliettes, la hart.

 

Les barons et les communes du moyen âge ne se croyaient réellement à l'abri que dans ces formidables bastions, dont l'ensemble à demi-barbare ne manquait pas de grandeur, et dont la civilisation moderne conçoit difficilement la puissance.

A cette époque, une armée entière pouvait se trouver arrêtée à chaque pas, et il suffisait d'une poignée de braves, retranchés derrière ces remparts massifs, pour retarder la marche des vainqueurs.

Louis en avait déjà fait l'épreuve; aussi adopta-t-il dans cette expédition le système d'abattre et de raser le plus possible de ces manoirs du Xe et du XIe siècle, derniers restes de l'architecture saxonne de Charlemagne, remplacée par celle, moins lourde, plus élégante, du XIIIe siècle, détruite à son tour par le cardinal de Richelieu

La campagne s'ouvrit au printemps, par le siège de Montreuil - Bonnin en Gastine, près Parthenay, pays montueux, coupé de grands bois, de bocages touffus, de ruisseaux et d'étangs.

La cité était défendue par un vieux castel, agrandi par Richard-Coeur-de-Lion, où les comtes de Poitiers, ducs d'Aquitaine, qui y résidaient vers le milieu du XIe siècle, faisaient battre monnaie. On le regardait comme imprenable; mais ébranlé par le bélier d'airain, le roc sur lequel il était bâti ne put résister longtemps; un dernier assaut emporta le donjon, et bientôt des ruines amoncelées en indiquèrent seules la place.

Louis transféra aussitôt son camp devant « la forte tour de Béruges, dite de Guienne, close de bons murs » bien espais, et de gens bien gardée. » Elle élevait ses hardis créneaux couverts de lierre, sur un tertre semblable à une « haulte tombelle », et non loin d'un aqueduc romain.

 

A l'apparition de l'oriflamme, « les pierriers, les béliers, et aultres engins» dressés autour de la tente royale menacèrent Béruges du même sort que Montreuil.

A son tour, elle fit pleuvoir sur les assaillants une grêle de traits; et « le barbican,» ainsi que les machicouliers, lancèrent des blocs énormes; «les mangonnaux turcs » firent voler au loin des éclats de pierre; et des ruisseaux d'huile bouillante, de plomb fondu coulèrent sur les assaillants.

Toutefois, après une défense opiniâtre, la garnison, obligée de se retirer dans la maîtresse tour, se vit bientôt forcée à capituler. Louis la reçut à composition, mais il donna l'ordre de démolir immédiatement le fort si bien défendu.

 En peu d'heures, « les sombres grilles furent » arrachées; les fenêtres à croix, brisées; le pont étroit, suspendu entre deux précipices,coupé.

Le roi, avant de chevaucher à la poursuite du comte félon, voulait voir la tour de Béruges égalée au sol.  Aussi, les chefs pressaient-ils vivement l'ouvrage; déjà des pierres énormes, des poutres roulent avec fracas,  quand, disent de naïfs historiens, un cri douloureux retentit dans les airs, traînant des sons plaintifs et suppliants.

Les guerriers, » ébahis, s'arrêtent, tournant leurs regards vers le roi.  Louis devine leur pensée, se souvient de Mellusine, et  répond:

- Amis, plus ne défaictes.»

-Et les fondements de la tour redoutée, ses créneaux menaçants, toujours prêts à s'écrouler, subsistent encore, comme pour attester la tradition populaire.

Poursuivant ses succès, Louis s'empara également de Villiers-en-Plaine, commandé par Gui de Rochefort; de Niort, dont il chassa le neveu de Savary de Mauléon; puis il investit Frontenay, où Geoffroy de Lusignan, bâtard du comte de la Marche, commandait quatre cents chevaliers, soutenus d'une forte garnison.

Une double muraille crénelée, de puissantes tours, permettaient une défense opiniâtre; aussi, le roi, au dire des chroniques contemporaines y marcha avec tel nombre de gens, si grant ost de peuple et à si grant multitude à pied et à cheval, que la terre en estoit couverte.

 En sorte que poitevins et gascons, coupant vignes et arbres à fruits, labourant prés et moissons, brûlant fours, bouchant puits et citernes, empoisonnant sources et fontaines, s'en fuyoient espouvantez à l'approche du vainqueur, ne pensant nullement à l'arrêter.

Durant les apprêts du siège de Frontenay, Henri III, confiant la régence à l'archevêque d'York Gautier de Gray, primat d'Angleterre, s'embarqua à Portsmouth, le 11 mai, avec la reine Aliénor (Éléonore de Provence) et son frère, Richard de Cornouailles, revenu depuis peu de la Palestine sans avoir pu pénétrer dans la ville sainte, ni contempler le Jourdain.

Trois cents bannerets, suivis de leurs hommes d'armes, les accompagnaient, et trente tonnes d'or monnayé, outre une somme considérable prise sur les revenus du domaine privé, faisaient partie des équipages.

Le reste de l'armée devait rejoindre le monarque en Guienne, sous le commandement de son beau-frère, Simon IV de Montfort, comte de Leycester.

La nef royale relâcha à Royan, petit port à l'embouchure de la Gironde.

La comtesse-reine s'y était rendue; s'élançant vers Henri au moment où il mettait pied à terre, « et le baisant moult doulcement:

Biau chier filz, fit-elle, estes de bonne nature, qui venez secourir vostre mère et vos frères, que les filz de la Blanche d'Espaigne veulent malement défouler et tenir soubs leurs pieds.

Henri Plantagenet, aise et joyeux de la revoir, partit avec elle pour le châtel de Pons, à quatre lieues de Saintes, et y publia, en date du 30 mai, des lettres-patentes, pour annoncer « sa déclaration de guerre à Louis IX qui, durant la trêve, s'était emparé de l'héritage de Savary de Mauléon, et sa résolution de ne déposer l'épée qu'après avoir fait restituer la terre envahie, et tous les fruits perçus depuis l'usurpation.»

Henri écrivit encore de Saintes à Hugues, évêque d'Ély, pour l'informer de son heureuse traversée, et justifier aux yeux de l'Angleterre la guerre qu'il allait entreprendre.

Puis il revint à Pons, où le comte de la Marche, à la tête de plusieurs notables barons d'Aquitaine, ne tarda pas à le rejoindre.

 

La seigneurie de Pons appartenait alors à Renaud, de si noble lignage, qu'on le croyait issu des anciens comtes d'Angoulême.

Bâtis sur une haute colline, les remparts de la cité, en formes d'arcades à pic, entouraient d'une massive ceinture le fort donjon, flanqué d'épaisses tours, et que revêtait une seconde enceinte.

Au bas de la montagne hérissée de créneaux, coulaient paisiblement les trois branches de la petite rivière de la Seugne.

Après une courte station chez le sire de Pons, Henri transporta sa cour à Saintes, où l'attendait la comtesse douairière de Béarn, Garsende de Forcalquier-Sabran, devenue d'un si prodigieux embonpoint, qu'elle remplissait une litière à elle seule.

 Son fils, Gaston IV, et soixante chevaliers bannerets auxquels le roi d'Angleterre promettait une solde de treize livres sterlings par jour, l'avaient accompagné.

Toutefois, soit que cette promesse n'eût point été tenue, soit que Garsende éprouvât d'autres sujets de mécontentement, elle quitta Saintes pour se rendre au camp de Louis, dont elle se trouvait proche parente, par Marguerite de Provence.

De leur côté, plusieurs barons normands, poitevins ou gascons, vinrent grossir le camp du monarque anglais; le nom de Plantagenet excitait toujours une secrète sympathie chez les châtelains des contrées jadis vassales de cette lignée, et une mutuelle affection se perpétuait, depuis Guillaume-le-Conquérant, entre la Grande-Bretagne et le duché de Normandie.

De vieux bannerets d'Aquitaine se souvenaient encore avec émotion de leur suzeraine Aliénor, de sa cour galante, de leurs joyeux passe-temps; et le peuple, les nombreux marins surtout, n'oubliaient point sa sollicitude pour leurs intérêts.

Des règnes brillants, la renommée de Henri II, de Richard-Cœur-de-Lion, autorisaient les regrets et la reconnaissance.

Instruit des succès toujours croissants de l'armée française, et de l'extrémité à laquelle Frontenay, une des places les plus fortes du comte de la Marche, se trouvait réduite, Henri III, qui voulait gagner du temps afin de rassembler le reste de ses troupes, envoya une ambassade à Louis pour lui demander ses motifs de violer une trêve qui devait durer encore trois ans.

Avec bien plus de fondement, le monarque français pouvait reprocher à son beau-frère la première infraction du traité, et ses démarches récentes, qui équivalaient à une déclaration de guerre.

Son désir de la paix le porta cependant à lui faire répondre par ses députés : Loin de rompre la trêve conclue avec l'Angleterre, je suis prêt à la prolonger... bien plus même, à aviser aux moyens de remplir l'engagement pris par feu le roi Louis VIII, mon père, en abandonnant à Henri III, des fiefs conquis en Poitou comme en Normandie;

» mais ce prince ne doit pas trouver mauvais que je châtie des vassaux félons et rebelles.- Certes, ajouta-t-il, en s'adressant aux chevaliers anglais, il m'est pénible de voir le roi, mon bon cousin et mon beau-frère, se laisser ainsi endoctriner par les comtes de la Marche et de Toulouse! Il ne peut l'ignorer, pourtant; l'un est convaincu de trahison... l'autre, noté d'hérésie... Pourquoi ne pas préférer mon amitié à leurs fausses promesses?..>>

 

Cette profession de foi politique, ces sentiments affectueux manifestés au milieu de rapides conquêtes, produisirent un effet auquel on ne devait guère s'attendre: Henri, mal conseillé, ou jugeant Louis d'après lui-même, n'ajouta point foi à la sincérité de ses paroles; il les attribua à de l'hésitation ou à de la faiblesse, et se crut en mesure de tout braver.

Peu de jours après, apparurent en la tente du roi de France, deux vieux chevaliers de l'ordre du Temple; ils étaient porteurs d'une missive du prince anglais c'était une déclaration de guerre, accompagnée d'un défi formel.

Henri signait en même temps à Bordeaux, avec Raymond VII, un traité d'alliance offensive ou défensive,  fors le pape et l'empereur Frédéric II»; il renouvelait en outre aux gouverneurs de ses cinq ports, l'ordre donné de courir les mers, en faisant main basse sur tous les bâtiments français.

 Louis, poussé à bout, adressa de son côté des messages au duc de Bretagne et aux gardes marins de la Rochelle, de Calais, d'Ouessant, des côtes de Normandie, en leur enjoignant d'user de représailles envers les pirates anglais.

Bientôt la flotte de Henri fut rencontrée, battue, et obligée de fuir à toutes voiles, devant le pavillon aux fleurs de lys.

Confiant dans son droit et son épée, et « prêt à endurer grant bataille», Louis concentra ses forces devant Frontenay, où le bâtard de Lusignan et ses quatre cents chevaliers avaient juré de se défendre jusqu'à la mort. (1)

Les ingénieurs de l'armée firent alors construire des tours en charpente, d'une hauteur colossale, afin de lancer des quartiers de roche dans l'enceinte de la place, et de protéger les échelles destinées à l'assaut prochain.

Louis, en attendant, s'exposait comme un simple homme d'armes; il visitait les postes, les travaux; il encourageait les soldats; son frère Alphonse, ne s'épargnant pas davantage, l'accompagnait ordinairement.

Tous deux, au lever du soleil, examinaient les engins commencés depuis quinze jours, quand la guette du donjon de Frontenay reconnaît le comte de Poitiers, tend l'arbalète, ajuste le prince, et le blesse au pied « d'un carrel de fer.» (2)

 

 

Les soldats voient tomber Alphonse entre les bras du roi, ils poussent des cris de fureur; cavaliers et fantassins courent aux armes; les efforts de leurs chefs ne peuvent les arrêter, et dans ce moment « de furie française », la brèche s'ouvre, on s'y bat avec acharnement, et Frontenay, après une défense vive et meurtrière, implore la merci du vainqueur.

Quarante-un chevaliers, quatre-vingts sergents et «aultre menuaille qui, avec eux, estoit à grant foison», tombèrent entre les mains des Français.

L'armée entière demanda alors à grands cris qu'on fit mourir le bâtard de Hugues et ses chevaliers; quelques barons du conseil étaient d'avis de sévir rigoureusement à leur égard: «Sire, disaient-ils, c'est le seul moyen de jeter l'épouvante parmi les partisans du comte de la Marche, vous les verrez tous l'abandon »

Non, s'écria le monarque, le filz n'a peu commestre faulte, obéissant à son père; ni aultres, à  leur sire. N'est oncques acte de clémence, mais de justice; si n'est-ce pour les occire, ains pour les réduire que sommes venus, ajouta-t-il. Nous fault marcher encore.»

Il se contenta donc de renvoyer à Paris, sous bonne escorte, les principaux prisonniers, et fit proclamer la grâce du reste de la garnison. Mais la soldatesque, sans pitié, devint sourde à sa voix magnanime; elle passa tout au fil de l'épée, et en ce jour de frénétique vengeance, les édifices publics, à l'exception des églises, furent incendiés et démolis. (3)

Les fortifications subirent le même sort, et la bannière poitevine, semée de fleurs de lys, « partie au lyon entouré de deux besants d'or», ne flotta plus que sur des décombres.

La malheureuse cité prit alors le nom qu'elle a conservé depuis, de « Frontenay-la-Battue ou l'Abattue. »

 

Louis gémit profondément de ce désastre; on le vit panser de ses propres mains les blessés qu'il était parvenu à soustraire au carnage, et il combla publiquement d'éloges un preux qui, dans le moment de l'assaut, avait reçu à merci son ennemi vaincu.

« Ah! que moins vous priserais, biau sire, lui dit-il, si l'aviez oultrecuidé et feri à oultrance!

 Et les assistants, les pauvres gens mutilés s'écriaient : « Dieu doinct longue vie au bon roy!»

Poursuivant sa marche triomphale, le prince s'empara de Moncontour; de Matha ou Mathar, défendu par une énorme tour carrée servant de citadelle, qu'il fit raser au niveau du sol; de Bonne; de Prahec; il se dirigea ensuite sur Thors, « maison forte d'Ébles » ou Éblin, de Rochefort»; mais la garnison épouvantée accourut, nue et désarmée, lui en livrer humblement les portes.

 

Le roy se parti de sa gent et vint à i chastel que l'en apelle Aucerne (4)

 

Le château de Saint-Assaire, à deux lieues de Saintes, fut pris d'assaut et ruiné de fond en comble; le châtel d'Anterne (ou Ancuène) subit le même sort; et Tonnay-sur-Boutonne se rendit après une intrépide résistance.

Au bruit des victoires répétées de Louis IX, l'effroi se répandit dans les provinces voisines; on voyait partout «  hommes desconfits devenir fort povres de meubles et d'héritages, si rompus, si mal en poinct, qu'ils ne cuidoient s'oser monstrer»! et de toutes parts, arrivèrent sous la tente du roi de France des députations chargées des clefs des villes et des manoirs des environs; le connétable du comte de la Marche vint déposer lui-même, aux pieds du monarque, celles de deux places très-fortifiées, « sises sur haultes roches », Mervant et Vouvent, bâties par Guillaume III dit Fier-à-Bras.

Vouvent, forteresse imposante, près d'une vaste forêt, élevait sa tête sur des rochers à perte de vue, autour desquels les eaux de plusieurs sources se précipitaient en bruyantes cascades: c'était, dit-on, la patrie de Mélusine.

Louis ordonna la démolition de ces manoirs; mais les vieux murs demeurèrent en partie debout: l'esprit de la fée-serpent qui habite, dit la tradition, au milieu de ces nobles débris, vint les protéger.

 

Aussi répète-t-on encore dans la contrée: «Vouvent et Mervant ne vont que d'une pierre par an décroissant. »

 

A la chute de ces derniers boulevards du Poitou, une foule de barons, demeurés neutres jusqu'alors, accoururent se ranger sous l'oriflamme; et l'armée, rapporte un historien, «se trouva semblable au torrent impétueux grossi continuellement des eaux formées par les  ruisseaux voisins. »

Louis reçut en août, au camp près Marillac, des lettres de Geoffroy de Pons, qui s'engageait à lui remettre son château; il lui en parvint également d'Amaury de Rochechouart, qui lui offrait toutes les forces dont il disposait au camp près de Pons.

 Il lui en était déjà arrivé en mai, au camp de Vouvent, de Raoul de Beaumont, sire de Bressuire, qui lui promettait de le servir de sa personne et de ses places envers et contre tous, et de les héberger, eux et leurs chevaux, dans sa châtellenie.»

 

 Toutefois, l'aveugle confiance de Henri III demeurait la même; se croyant certain d'opposer bientôt des forces supérieures en nombre à celles du vainqueur, ce prince se laissait entraîner à son apathie habituelle, moins occupé d'opérations militaires, que de projets de fêtes, et de futiles distractions.

Après avoir séjourné tour à tour à Pons, à Saintes, à Bordeaux, il venait de transférer sa nombreuse cour au château fort de Tonnay, à trois lieues de Saint-Jean d'Angely, presque au confluent de la Charente et de la Boutonne.

Charmé de cette ravissante position, l'indolent monarque n'y rêvait que divertissements, nouveaux banquets, chasse, pêche, cavalcades et galantes réunions.

La plupart des dames châtelaines dont les époux servaient sous les drapeaux de Lusignan, embellissaient de leur présence le riant manoir, « et par les belles soirées d'été n'y oyoit-on parler que de jeux, festins, pas d'armes, bals et lectures de romans en lesquels le prince anglois fortement se délectoit des beaux faicts qui y estoient.»

Ayant octroyé de sa main la ceinture militaire à deux fils du comte de la Marche, ses frères utérins, Henri célébra cette solennité par de nombreux tournois.

L'élite des chevaliers d'Aquitaine et leurs nobles compagnes, qui n'avaient garde de demeurer seules en leurs donjons, se trouvèrent donc à Tonnay.

 Émerveillé du coup d'œil offert par la réunion de tant de beautés méridionales :

« M'estois promis, s'écria le monarque, les saluant courtoisement, soubtenir partout à poincte d'acier, les charmes de dames de mon royaulme; ains l'avouerai ne sçais plus ores que faire de mon  serment. »

Le comte Richard, jeune, aimable, généreux, cher à la noblesse anglaise surtout depuis sa croisade, l'un des plus opulents princes de l'occident, par ses riches mines d'étain et de plomb de Cornouailles, effaçait presque le roi son frère en magnificence et en joyeux devis ».

Entre autres merveilles d'outre-mer, il avait ramené avec lui deux sarrasines à la fleur de l'âge, belles comme des houris, d'une taille souple, svelte, et qui, au moindre signal du comte, posaient leurs pieds flexibles sur quatre globes de métal poli, placés sur la surface d'un marbre glissant. Pirouettant alors sur elles-mêmes, entrelaçant leurs bras arrondis, ployant moelleusement leurs corps, elles jouaient des cymbales, ou faisaient résonner avec une prodigieuse agilité des tablettes de bois dur, semblables aux castagnettes catalanes.

 

On ne pouvait se préparer plus joyeusement à la perte des fiefs du Poitou et de l'Aquitaine. Mais, si Henri s'étourdissait nonchalamment au sein de ces jeux frivoles, la comtesse-reine veillait dans l'ombre.

Au milieu des fêtes saintongeoises, à l'insu, sans doute, du comte de la Marche et de ses enfants, elle soudoie des malfaiteurs, et leur confie un poison violent. Les misérables eurent bientôt pénétré dans le camp de France, et leur crime allait être consommé, si un des serviteurs de Louis ne les eût surpris dans la cuisine, au moment où ils allaient répandre sur les plats une poudre mortelle.

Saisis, interrogés, ils confessent leur mission, dénoncent Isabelle, et la hart se dresse pour leur châtiment.

Les grandes chroniques de Saint-Denis rapportent que, quand la comtesse-reine sceust que sa maulvaiseté estoist descouverte, de dueil elle se cuida précipiter, et frapper en sa poitrine d'ung coutel qu'elle portoist touiours sur elle. »

Ses femmes la dérobérent à sa propre fureur..... .

« puis, quand elle vist qu'elle ne povoit faire à sa volonté, elle desrompist sa guimple et ses cheveulx, et ainsi, fust longuement malade de despit et de desplaisance, et despuis, n'eust le sens rassis. »

Louis rappela alors auprès de sa personne le corps des sergents d'armes, disséminés en diverses parties de ses troupes. Institués par son aïeul pour repousser les poignards « du Vieux de la Montagne, ils devaient veiller aux sombres projets de la vieille Jézabel de la plaine. »

Cet événement se passa, dit-on, peu après la prise de Saint-Assaire.

Le roi de France se trouvait arrêté au bord d'un marais profond qui l'empêchait de marcher droit à Saintes, où ses éclaireurs pensaient que Henri, Richard et Lusignan étaient renfermés.

Il ordonna d'abord d'y jeter un pont pour le passage de ses soldats; mais, d'après l'avis du conseil de guerre, il alla prendre position devant Taillebourg, où Geoffroy de Rancon tenait, disait-on, faiblement pour les Anglais;

ce mouvement rendait plus facile l'attaque de la ville de Saintes, principal boulevard des ennemis.

 

Histoire de Saint Louis: roi de France De Louis François marquis de Villeneuve-Trans

 

Fontenay le Comte – Terrasse du parc Baron - Panoramique du Temps - Alphonse de Poitiers maître du Poitou <==.... .... ==> Il y a 780 ans, Saint-Louis, roi de France livrait Bataille à Taillebourg et Saintes (juillet 1242)

==> Les Fortifications de Frontenay l’Abattu relevées au XVe siècle et duché-pairie de Rohan-Rohan.

 

 

 

 

 


 

 

(1)   Le roy de France vit que son ost estoit grant et bel, et que genz li venoient chascun jour de toutes pars en aide.

Si s'en ala à i chastel que l'en apelle Fontenai, enclos de II paire de murs, et si estoit avironné de hautes tours grosses et deffensables et bien garnies. Il fist avironner le chastel et assaillir de toutes pars; mais cil dedenz se deffendirent forment et furent de si grant prouece que les François ne leur porent mal fere ne de riens empirier.

Quant le roy vit la force du chastel et la prouece des genz, si fist drecier une tour de fust contremont, si haute que cil qui furent dedenz virent toute la contenance des genz du chastel et commencierent à lancier et à geter dedenz et traire à euls, si qu'il en ocistrent assez.

Quant cil du chastel virent que cil de la tour les grevoient si forment, si se resvertuerent et geterent feu gregois, si que il embraserent et enflamberent toute la tour.

 

(2)   Cil qui dedenz estoient s'enfouirent pour le péril où il estoient, et commencierent François à reculer. En ce hustin et en cel assaut, avint que 1 aubalestier à tour trait i quarrel et feri le conte de Poitiers el pié et le navra forment.

Quant le roy vit le cop, il en fu forment corrouciez; si fist tantost l'assaut reconmencier plus fort que devant. Lors alerent à l'assaut chevaliers et sergenz et assaillirent de toutes pars et bouterent le feu en la porte : les autres montèrent sus les murs à eschieles, les autres montèrent à cordes; si ne porent cil du chastel endurer; si fu le chastel pris et tuit cil qui dedenz estoient.

(3)   Le filz au conte de la Marche fu pris, qui estoit bastard, et XLI chevaliers et iv vins sergenz, et pluseurs autres dont il y avoit assez. Grant partie des prisonniers envoia le roy à Paris et les autres en prisons diversses parmi son reanme, et puis fist abatre toute la forterece du chastel et les murs trebuschier jusques en terre.

 

4. Dans le texte latin de G. de Nangis, cette localité est appelée : Aucerrium; dans le texte français : Aucerne, avec la variante Aucuerre.

Son emplacement n'est pas déterminé. M. Bémont (op. cit., p. 299, note 1) dit : « Les identifications proposées : Saint-Acre, Saint-Affaire, Saint-Asserre, Saint-Césaire, sont inacceptables.

L'endroit devrait être cherché sur la Charente entre Taillebourg et Saintes. »

 

 

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