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PHystorique- Les Portes du Temps
27 juin 2023

14 mai 1458 meurtre d’Hector Rousseau, procureur du roi en la sénéchaussée de Guyenne dans son hôtel du Breuil-Barret

14 mai 1458 meurtre d’Hector Rousseau, procureur du roi en la sénéchaussée de Guyenne dans son hôtel du Breuil-Barret

Nous avons réservé pour être placés ici les développements que comporte l'examen critique d'un attentat particulièrement dramatique et odieux, parmi tant d'autres qui accusent les moeurs déplorables de l'époque.

Neuf lettres de rémission obtenues par les principaux coupables, gentilshommes et magistrats, font connaître le fait brutal, mais altèrent et travestissent singulièrement la vérité en ce qui touche les causes, les circonstances et le but poursuivi 1.

 C'est le récit partial d'hommes qui cherchent à dissimuler le plus possible leur responsabilité et à circonvenir de leur mieux le dispensateur des grâces, afin d'échapper au châtiment. Cette remarque peut s'appliquer en général à presque tous les faits relatés dans les rémissions, comme nous avons eu plus d'une fois déjà l'occasion de le faire observer. Mais dans le cas actuel, il y a un parti pris de mensonge qui dépasse les bornes.

On nous pardonnera d'insister, peut-être trop longuement, sur cette affaire ; le rang des personnages qui y jouèrent un rôle en accroît l'importance, et, d'un autre côté, les exemples nombreux de faits semblables à la même époque lui donnent, ce nous semble, une portée plus générale.

Après avoir opposé le récit des parents de la victime à celui de auteurs des l'attentat, nous examinerons dans toutes leurs complications les poursuites judiciaires qui en furent la conséquence; elles caractérisent assez exactement le type des procès d'alors en matière d'entérinement de rémissions.

L'on y verra aussi combien la plus haute juridiction du royaume restait elle-même impuissante, pour la répression des crimes, devant l'audace de coupables bien protégés et les subterfuges auxquels il leur était permis de recourir.

 

Le dimanche 14 mai 1458, Hector Rousseau fut assailli par une nombreuse troupe armée dans son hôtel du Breuil-Barret et, comme il ne voulait pas se laisser prendre et s'était enfermé dans sa maison, on en fit le siège puis on y mit le feu.

Pour échapper aux flammes, il dut se réfugier sur le toit, où il fut tué d'un trait d'arbalète.

 Si l'on s'en rapportait au seul texte des rémissions, il n'y aurait pas eu en réalité d'autre coupable que la victime elle-même. Les inculpés étaient poursuivis sans aucune raison, n'ayant fait que remplir un devoir ; encore l'avaient-ils accompli avec des ménagements dignes d'éloges.

 Et cependant, singulière contradiction, ils avaient recours à la clémence royale !

D'après leurs dires, le sénéchal de Poitou, dûment informé de plusieurs crimes, rançonnements, excès, voies de fait et autres délits et maléfices commis par Hector Rousseau, l'avait décrété de prise de corps et avait donné mandement à Mathurin Marot, substitut du procureur à Fontenay-le-Comte, de le mettre en état d'arrestation.

 Celui-ci, sachant que ledit Hector était toujours escorté de gens de guerre et prêt à résister par la force aux officiers du roi, qu'il les avait déjà plusieurs fois battus et maltraités, requit quelques gentilshommes du pays, entre autres Mathurin d'Appelvoisin, Jacques Jousseaume, sr de la Geffardière, Jean de Puyguyon, sr du Teil, et Jean Beufmont, autre écuyer, de venir lui prêter main forte pour exécuter sa commission, tous avaient obéi, comme ils y étaient tenus, et quand ils s'étaient présentés au Breuil-Barret, accompagnés de leurs gens, Rousseau, qui les attendait et s'était mis en état de leur opposer une vigoureuse résistance, avait fait tirer sur eux deux coulevrines et des arbalètes.

Néanmoins ils s'étaient bornés à lui faire entendre des paroles conciliantes, cherchant, dans son intérêt, à le persuader de se rendre de bon gré et de se constituer prisonnier, s'engageant à le conduire sain et sauf à Poitiers.

Pendant ces pourparlers, après avoir invité Mathurin d'Appelvoisin à entrer dans sa maison, pour causer plus à l'aise, il avait usé de traîtrise et porté à celui-ci un grand coup d'épée qui lui aurait ouvert la gorge, si l'arme n'avait heureusement dévié en heurtant le bord de sa salade.

Quant à l'incendie, on donnait à entendre qu'il avait été allumé à l'intérieur, soit à dessein, soit par accident : les flammes bleuâtres répandaient une odeur de soufre, ce qui tendait à prouver que le feu avait pris à un amas de poudre à canon, dont l'hôtel du Breuil-Barret était approvisionné.

Réfugié sur le toit, et protégé par une cheminée, Hector Rousseau tirait encore sur les hommes qui entouraient l'hôtel sans aucune mauvaise intention et jetait contre eux des pierres et les tuiles de la couverture.

 Il avait été frappé d'une flèche, dont il était mort (cela n'était pas niable), mais on ne pouvait savoir par qui.

En tout cas, on se trouvait en état de légitime défense et l'homicide était tout ce qu'il y a de plus excusable.

Tel est le résumé de la version contenue dans les différentes requêtes présentées par Mathurin d'Appelvoisin, Jacques Jousseaume et les autres, en vue de se faire délivrer plus facilement leur rémission.

Hector Rousseau, qui appartenait à une famille estimée et bien apparentée, était procureur du roi en la sénéchaussée de Guyenne et placé sous la sauvegarde royale depuis un autre attentat dont il avait été victime six ans auparavant, et qui avait failli déjà lui coûter la vie.

Nous avons parlé avec quelque détail de ce premier crime dans un autre endroit de ce volume (2), et il nous suffira de rappeler ici que son principal auteur, Jean de Beaumanoir, sr de la Héardière, était parent par alliance du sr de la Geffardière.

 Hector avait deux frères, Albert, qualifié écuyer, et Charles, religieux de l'ordre de Saint-Benoît.

Par son second mariage, il était entré dans la famille d'un président au Parlement bien connu, Jean Rabateau.

Aussitôt après le tragique événement, Louise Rabateau, veuve d'Hector, tutrice de sa fille Jeanne, et Albert Rousseau, comme ayant le bail de Marguerite, fille du premier lit du défunt, demandèrent justice tout d'abord aux officiers de la sénéchaussée de Poitou.

 Mais ceux-ci firent preuve d'une grande partialité en faveur des inculpés, parce qu'ils craignaient de déplaire au sénéchal, Louis de Beaumont, sr de la Forêt-sur-Sèvre, qui avait épousé une cousine germaine de Jacques Jousseaume, sr de la Geffardière.

 Un semblant de procédure fut entamé à Poitiers, et dès le premier incident, les plaignants, voyant le peu de bienveillance des juges, relevèrent appel.

Le Parlement de Paris, au premier examen de l'affaire, en retint la connaissance et s'en réserva le jugement.

C'est dans les registres criminels de la cour que nous puisons les renseignements qui vont suivre.

Vingt inculpés, au début du procès, étaient englobés dans les poursuites : Jacques Jousseaume, écuyer, sr de la Geffardière, Mathurin d'Appelvoisin, chevalier, Jean et Jacques de Puyguyon, Jean Beufmont, écuyers, Mathurin Marot, substitut à Fontenay-le-Comte, Nicolas Martin, praticien en cour laie, demeurant à Saint-Pierre-du-Chemin, Jean Chauvin (aliàs Derveau ou Dreveau, dit Chauvin), de Montournais, Maurice Herpin, du Breuil-Barret (3), Jean Lermenier, Mathurin Helyot, dit Ilariau, Guillaume Durant, Jean Auguin, Jean Brisset, Jean Dauras, Guillaume Guérart, sergent, Etienne Bérault, archer, Jean Payron, Marsault Martin et Guillaume Pauvereau.

Avant d'indiquer les phases diverses d'une procédure très compliquée, nous devons tout d'abord présenter, d'après les plaidoiries et les arrêts, un résumé des faits, tels qu'ils furent exposés par les parents de la victime et leur avocat Popaincourt.

Celui-ci, après avoir rappelé l'état-civil d'Hector Rousseau, qui avait trente-cinq ans au moment de l'attentat, l'honorabilité de sa famille, ses deux mariages, les alliances qui en résultaient, ses fonctions de procureur du roi en Guyenne, l'estime, la considération et aussi les biens patrimonaux considérables dont il jouissait, explique l'origine de la haine que lui avaient vouée les deux principaux accusés.

Le lieu sur lequel le défunt avait fait construire ou plutôt réédifier la maison du Breuil-Barret lui appartenait, ainsi que la censive et la justice.

 

Breuil Barret

 Jaloux de garder ses droits et d'améliorer son domaine, il y fit creuser deux étangs, qui coûtèrent d'ailleurs fort cher.

Mathurin d'Appelvoisin, à l'instigation de sa mère, qui se prétendait lésée, fît par deux fois rompre les chaussées des étangs et battre les terrassiers qui y travaillaient.

Dès lors il devint l'ennemi juré de ce voisin peu commode qui, fort de son bon droit, avait porté plainte contre lui à la sénéchaussée de Poitou, puis à la cour, et s'était fait placer sous la sauvegarde du roi.

Le sr de la Geffardière, de son côté, prenant fait et cause pour son cousin Jean de Beaumanoir qui, en réparation de son agression criminelle contre Hector et quoiqu'il eût, lui aussi, obtenu des lettres de rémission, avait été condamné à de grosses amendes et à la prison, cherchait tous les moyens de le venger et avait conclu dans ce but un pacte avec Mathurin d'Appelvoisin. Ils avaient certainement résolu l'un et l'autre, depuis longtemps, la mort d'Hector Rousseau.

L'avocat raconte une première tentative qu'ils firent pour se débarrasser de lui et qui échoua parce qu'ils ne purent l'atteindre.

 Cette fois déjà, accompagnés de « gens armés et embastonnés », ils étaient venus à son hôtel du Breuil-Barret, pour le surprendre. Heureusement il était absent.

Les deux complices durent se contenter de rompre les huis et les fenêtres et d'emporter ce qu'ils purent.

 Puis ils se rendirent à l'hôtel de Pierre Goulart et lui demandèrent où était Hector, jurant et reniant Dieu qu'ils lui « osteroient la vie du corps quelque part que trouver le pourroient ». Goulart leur remontrant que ce serait folie, Jousseaume ajouta qu'il voudrait avoir perdu 2000 écus et que Rousseau fût mort, et que, quoi qu'il advînt, il le ferait périr.

 

 Ayant appris alors qu'Hector allant à Paris devait passer par Parthenay, ils partirent à sa poursuite de toute la vitesse de leurs chevaux, poussèrent jusqu'à Parthenay et là ayant su que le voyageur avait beaucoup d'avance, ils renoncèrent à aler plus loin.

« Il l'a échappé belle ! » dit Jousseaume, et pour se consoler, il battit la femme d'un maréchal, en relations avec Hector, de qui il tenait le renseignement.

 

Hector Rousseau fut averti de cette entreprise ; il sut aussi que le sr de la Geffardière, mettant à profit sa parenté avec le sénéchal de Poitou, avait réussi, par ses démarches et sollicitations, à se faire délivrer un décret de prise de corps contre lui par le juge de Fontenay.

II releva appel à la cour, et comme on venait le signifier à Jousseaume, celui-ci vint s'embusquer dans un bois avec plusieurs de ses gens, en habillement de guerre et tenant à la main une arbalète bandée.

Il ne trouva pas encore l'ennemi qu'il cherchait, mais seulement son frère Charles Rousseau, un de ses serviteurs nommé Nalot et le sergent qui était chargé de porter à sa connaissance l'acte d'appel ; il leur donna la chasse et battit le sergent, ne lui cachant pas que son plus vif désir était qu'Hector mourût de sa main, ce qu'il répétait du reste publiquement.

Dans cette intention il vint plusieurs fois au Teil, distant d'un quart de lieue du Breuil-Barret, et il continuait, malgré l'appel, à circonvenir le sénéchal afin d'en obtenir un nouveau mandat d'amener.

Rousseau, qui était au courant de ces menées, se rendit à Poitiers, où il demeura plusieurs semaines, se montrant chaque jour au Palais et répétant aux officiers de justice que son ennemi, il le savait bien, voulait le faire emprisonner, qu'il prenait les devants et était prêt à répondre à quiconque voudrait se faire partie contre lui.

 Mathurin d'Appelvoisin et Jousseaume chargèrent Puyguyon et un autre de leur faire dire quand Hector retournerait à son hôtel.

Celui-ci en effet, après avoir vainement attendu qu'on le poursuivît judiciairement, se décida à quitter Poitiers et rentra chez lui le samedi veille de la Pentecôte.

 Ses adversaires, immédiatement avertis, arrivèrent le jour même à l'hôtel du Teil, chez les Puyguyon.

Jousseaume, accompagné de dix ou douze hommes armés, y coucha ; le soir il planta contre le mur une chandelle allumée sur laquelle il fit tirer ses arbalétriers, disant qu'elle représentait son ennemi et que celui qui la toucherait aurait dix écus.

 Le lendemain matin, il envoya requérir Mathurin Marot et Appelvoisin de faire toute diligence, et en même temps, sur son ordre, Maurice Herpin alla dire à Rousseau que son père, avec lequel il était en procès, très désireux d'en venir à un arrangement, le viendrait voir dans la journée, et qu'il l'attendît.

Rousseau, crédule, répondit qu'il était très content de cette ouverture et pria le messager de rester à dîner avec lui, invitation que celui-ci déclina, prétextant qu'il en avait accepté une semblable de Guillaume Durant, son beau-frère, et lui avait engagé sa parole.

 Le sr de la Geffardière et sa compagnie demeurèrent au Teil sans bouger, du samedi au dimanche 14, après midi.

Charles Rousseau, le religieux bénédictin, vint sur ces entrefaites dire à son frère qu'il y avait au Teil des gens assemblés contre lui, et en conséquence qu'il s'enfermât dans sa maison ou bien, ce qui serait mieux, qu'il quittât le pays sans perdre de temps.

D'autres avertissements semblables lui vinrent de différents côtés.

Hector se mit à table. Après dîner et comme il disait ses grâces, arriva la bande de Jousseaume, celui-ci en tète, criant : « A mort, à mort ! tuez, tuez ! » et tirant des raillons, par les fenêtres ouvertes.

La femme d'Hector sortit, espérant calmer ces forcenés ; elle se mit à genoux devant Jousseaume, lui requérant merci, faisant appel à son honneur de gentilhomme et lui demandant ce qu'il reprochait à son mari. Mais il lui arracha son chaperon, la déchevela et la traita de ribaude et de p.... Alors elle rentra dans sa maison.

Rousseau vint à une fenêtre, haute de dix à douze pieds et toute treillissée ; il la ferma à cause des traits qui y pleuvaient. Jousseaume, qui l'aperçut, lui cria qu'il aurait son corps et le diable son âme, et qu'il ne fallait que lui pour bourreau. Hector lui déclarant qu'il appelait de cette agression, il repartit que cet appel ne lui servirait de rien.

A ce moment, Louise Rabateau sortit de nouveau et trouva des arbalétriers tout autour de son hôtel. Elle s'agenouilla une seconde fois devant Jousseaume et le pria d'avoir pitié de son mari, lui offrant de bailler caution et de promettre par serment qu'il se rendrait partout ou l'on voudrait le mener.

Le sr de la Geffardière ne lui répondit rien, mais Colas Martin la frappa d'un vouge et la renversa dans un fossé rempli d'épines, où elle fut blessée cruellementau visage et aux mains ; or elle était grosse et quelques jours après elle accoucha d'un enfant mort.

Ensuite Jousseaume envoya Puyguyon et Herpin dire à Appelvoisin et à Marot de se hâter.

Sur les trois heures, le premier arriva à la tête d'une troupe armée et demanda si le ribaud n'était pas pris.

Alors il fit apporter des fagots et des bûches contre la porte de l'hôtel, rompit l'huis et essaya de pénétrer à l'intérieur.

A Hector qui lui demandait ce qu'il voulait, il répondit qu'il avait charge de l'emmener prisonnier ; puis, invité à montrer sa commission, il déclara que ce n'était pas nécessaire.

Après quelques pourparlers plus courtois, il entra seul dans l'hôtel, affirma que la commission existait, qu'elle était entre les mains de Marot, mais qu'on ne l'attendrait pas et qu'il fallait s'en rapporter à lui et obéir.

Hector lui signifia qu'il appelait de cette commission, et Louise le supplia à genoux d'avoir pitié de son mari : « Je ne puis, répondit-il, lui vouloir du bien, après le tort qu'il m'a fait. »

Alors Rousseau et sa femme lui dirent qu'ils remettaient leur sort entre ses mains, ce dont il parut satisfait sur le moment, et même, à la prière qu'ils lui adressèrent de faire partir Jousseaume, il répondit qu'il voulait bien essayer.

A cét instant, croyant les choses en voie d'apaisement, Louise porta dehors du pain et du vin ; mais ce fut une nouvelle occasion d'injures de la part du sr de la Geffardière ; il s'écria qu'il ne goûterait pas au vin de ce « vilain sorcier clerjaut » et ne quitterait la place qu'après avoir accompli sa volonté.

 Appelvoisin rapporta ces propos à Hector et ajouta qu'ils n'étaient pas de nature à faciliter l'accord.

Puis il sortit de nouveau, continuant l'entretien avec Louise Rabateau ; il la conduisit à l'hôtel de la Houssaye, et lui promit encore de faire ses efforts pour arranger l'affaire et d'écrire dans ce but au sénéchal de Poitou, qui se trouvait à cette heure au château de la Forêt-sur-Sèvre.

 Défait il se mit à écrire et fit le semblant de bailler sa lettre au fils de la Houssaye, pour la porter au destinataire. Celui-ci n'alla guère loin, car il était au Breuil-Barret dans la même soirée et fut témoin des événements qui suivirent.

Cependant Jousseaume demeurait inflexible et se montrait de plus en plus insultant.

A une nouvelle tentative que fit Louise pour le fléchir, il lui conseilla d'aller changer sa robe rouge contre une noire, et à la fille aînée d'Hector il dit que si elle voulait rester là, il lui ferait manger du coeur de son père.

Un notable marchand qui passait par le pays osa lui reprocher sa conduite et offrit de donner jusqu'à dix mille écus de caution pour Rousseau, dont il répondrait corps pour corps. « Ya-t'en d'ici, ou il pourrait t'en cuire (4) » lui repartit en jurant La Gefiardière, et il répétait qu'il aurait le corps et le diable l'âme.

 De son côté, Hector criait qu'il ne demandait pas mieux que d'obéir, mais qu'on lui montrât la commission, ajoutant qu'il était appelant et renouvelait son appel.

Sur le soir, Marot arriva avec ses archers.

Appelvoisin s'était désarmé et avait revêtu la robe blanche d'un moine. Jousseaume, qui avait fait apporter des vivres, lui envoyademander s'il viendrait souper avec lui et tiendrait son serment.

Il se rendit à l'invitation, et vint déclarer à Hector qu'il n'y avait rien à faire et que, eût-il cent vies, il n'en réchapperait point et mourrait ce jour-là.

 Leurs compagnons et complices rompirent alors une vieille loge de charpenterie, mirent le bois en un tas, assemblèrent trois ou quatre cents fagots dont Hector avait fait provision et placèrent le tout contre la porte de l'hôtel.

Appelvoisin alla s'armer de nouveau et revint dire à Rousseau qu'il lui rendît sa foi, car il fallait qu'il mourût.

Louise Rabateau avec ses enfants s'en fut à l'église prier pour son mari. Marot dit alors que, puisque le ribaud n'était pas pris, on allait lui faire un beaufeu. Jousseaume, Appelvoisin et Marot se retirèrent un peu en arrière et conférèrent ensemble.

Le premier chargea Nicolas Martin de recommander à Guillaume Julien, proche voisin, d'enlever ses meubles et de faire sortir de la maison ses enfants, parce qu'on se disposait à brûler l'hôtel des Rousseau.

Aussitôt Marot cria au feu ! avant même qu'il fût allumé, puis, feignant d'être malade, il s'en alla au Breuil-Barret.

Le feu, activé par le vent, prit de tous les côtés à la fois et bientôt serra de si près Hector qu'il dut se réfugier sur le toit, criant qu'il se rendait à Jousseaume et lui requérait merci.

Celui-ci lui répondit en ricanant : « Brûle, ribaud, brûle ! »

En même temps on faisait pleuvoir sur le malheureux des pierres et des traits.

Finalement il s'adossa à la maçonnerie d'une cheminée et commença à faire sa prière.

Jousseaume, le voyant en cette posture, le montra à l'un des arbalétriers que Marot avait amenés, nommé Etienne Bérault qui lui tira un raillon par le travers du corps. Il mourut sur le coup.

 Jousseaume fit monter Jean Chauvin sur la maison et lui donna l'ordre de jeter le cadavre en bas, lui promettant sa dépouille. Ainsi fut fait.

Une fois à terre, Chauvin lui ouvrit la bouche à l'aide d'une javeline, afin de s'assurer qu'il était bien mort, puis il lui retira ses vêtements et les suspendit à un bâton, disant que c'était la peau du loup.

Jousseaume fit déchausser sa victime, pour voir, disait-il, « l'eguillette que son cousin Beaumanoir lui avoit baillée », et joignant l'ironie à la cruauté, il eut cette exclamation : « Tu peux te vanter, ribaud, de nous avoir donné du mal ! »

 

Le cadavre resta deux jours sur la place.

Ce fut seulement le troisième jour qu'Albert Rousseau arriva, et le fit ensevelir et enterrer 2.

L'hôtel fut entièrement consumé et les meubles, papiers et biens qu'il renfermait devinrent la proie des flammes.

On ajoute que deux jeunes pèlerins, qui étaient venus de Bretagne le jour même et avaient été retenus à dîner par Hector Rousseau, furent brûlés sous un lit où la frayeur les avait fait se cacher.

Charles Rousseau le religieux, frère du défunt, sauta par une fenêtre au moment de l'incendie.

Les forcenés le rouèrent de coups et l'eussent tué s'il n'eût trouvé le moyen de leur échapper par la fuite. Les deux serviteurs du défunt, Etienne Nalot et Jean Potier, tombèrent dans leurs mains, subirent leurs mauvais traitements, furent liés à la queue des chevaux et menés à Fontenay-le-Comte et de la à Poitiers, où ils restèrent longtemps en prison (6).

Ce récit diffère du tout au tout de celui des lettres de rémission, comme il est facile de s'en assurer en comparant les deux textes. Peut-être, si l'on voulait les discuter phrase par phrase, ce que nous n'avons pas l'intention de faire, trouverait-on que certains points restent obscurs, la question des coulevrines par exemple.

Il n'était pas commun que des engins de guerre de cette sorte se trouvassent dans des maisons particulières. Aussi les inculpés n'auraient certainement pas imaginé d'accuser Rousseau de s'en être servi contre eux, s'il n'en eût possédé au moins une au Breuil-Barret.

L'avocat de ses héritiers eut l'occasion, dans une réplique, de reconnaître qu'en effet il y avait une coulevrine dans l'hôtel d'Hector, mais qu'elle était hors d'usage et provenait de Jean Mourraut, le premier mari de Jeanne Rabateau (7).

 Rousseau aurait essayé de s'en servir pour repousser ou effrayer les assaillants, qu'il n'y aurait pas lieu d'en être autrement surpris; il n'était probablement pas d'un caractère plus endurant que ses adversaires. Mais cela n'excuserait en rien la conduite de ceux-ci.

Dès le 26 mai 1458, le Parlement prescrivit une information sur les lieux et l'emprisonnement des coupables. Guillaume Artault, premier huissier de la cour, commis à l'exécution de ces ordres, parvint à mettre en état d'arrestation, à Poitiers même, Mathurin Marot et Jacques Jousseaume.

Il saisit leurs chevaux et confia les deux prisonniers à la garde d'Hugues de Conzay, lieutenant du sénéchal.

Il se rendit ensuite à Saint-Pierre-du-Chemin, pour prendre Mathurin d'Appelvoisin.

 

Celui-ci l'ayant menacé de sa dague, il se contenta de l'ajourner et revint à Poitiers. Là il réclama en vain ses prisonniers, qu'il était chargé de conduire à Paris; Conzay et le procureur du roi, Jean Barbe, refusèrent de les livrer et, deux jours après, les firent remettre en liberté.

La cour, continuant les procédures, ajourna à plusieurs reprises (8) Mathurin d'Appelvoisin, Jacques Jousseaume et tous les complices dont nous avons relevé les noms ci-dessus. Aucun ne comparut.

Louise Rabateau et Albert Rousseau obtinrent trois défauts contre eux, le 21 novembre 1458, les 1er mars et 4 mai 1459. Plusieurs des inculpés cependant, entre autres Appelvoisin, Jousseaume, Marot et Martin, étaient venus à Paris, afin de faire agir leurs amis et négocier leur rémission ; en attendant, ils s'étaient mis en franchise au couvent des Frères mineurs, comme on l'apprend par un mandement de la cour au sénéchal du Poitou, où il est dit aussi que celle-ci, ayant été consultée et considérant le cas comme irrémissible, avait donné un avis défavorable, ce qui avait décidé les susdits à regagner leur pays.

Ce mandement avait pour objet de faire mettre en vente les biens des coupables, afin de permettre à Albert Rousseau, avec l'argent qui en proviendrait, de continuer les poursuites.

Cependant, le 19 juin suivant, munis enfin de leurs lettres de rémission, Mathurin d'Appelvoisin, le sr de la Geffardière, Jean de Puyguyon, Jean Beufmont, Mathurin Marot, Nicolas Martin et Jean Derveau, dit Chauvin, se présentèrent devant la cour, pour en requérir l'entérinement.

La veuve d'Hector Rousseau et son frère, auxquels s'était joint le procureur général, se déclarèrent opposants à cette requête et demandèrent : 1° l'emprisonnement des impétrants ; 2° un double de leurs lettres, afin de pouvoir les réfuter, ce qui leur fut accordé. Les sept demandeurs furent incarcérés à la Conciergerie jusqu'à nouvel ordre.

A la même audience, se produisit une autre complication : l'évêque de Poitiers fit réclamer les prisonniers, prétendant qu'ils étaient clercs et par suite ses justiciables.

On verra que plus tard Jacques de Puyguyon, fils de Jean et l'un des inculpés, fut rendu, lui, à l'évêque de Paris, qui fit instruire son procès séparément, sa qualité de clerc étant établie.

Quant aux autres, leur prétention n'avait d'autre but que de créer un incident, de compliquer la procédure et d'en retarder la conclusion ; elle fut écartée (9).

Ce même jour encore, 19 juin, Louise Rabateau et Albert Rousseau se firent adjuger le profit d'un nouveau défaut contre Mathurin Hélyot dit Hariau et Jean Lermenier.

Disons tout de suite que ces deux complices subalternes de l'assassinat d'Hector Rousseau furent condamnés comme contumaces, le 10 septembre 1460, à être pendus et étranglés, ou, s'ils ne pouvaient être appréhendés, au bannissement perpétuel et à la confiscation de tous leurs biens, sur lesquels préalablement seraient retenues la valeur et estimation de l'hôtel du Breuil-Barret et des autres biens qui avaient péri dans l'incendie, plus 200 livres de dommages et intérêts au profit des parents de la victime.

Dans cet arrêt dont le préambule et les considérants sont très explicites, on rappelle toutes les procédures antérieures et on précise beaucoup de détails particuliers sur les excès commis contre Hector Rousseau par ses meurtriers, notamment par le sr de la Geffardière, et sur les réparations qu'exigeaient Louise Rabateau et Albert Rousseau (10).

C'est le mardi 17 juillet 1459, à la suite d'une première remise à huitaine, que les parties commencèrent leurs plaidoiries.

Après avoir exposé les faits tels qu'ils ont été relatés ci-dessus et ajouté que les coupables n'avaient obtenu leur rémission qu'à l'aide d'une fausse déclaration, ayant prétendu, contrairement à la vérité, qu'ils avaient donné satisfaction aux parents du défunt, Albert Rousseau et Louise Rabateau firent connaître ce qu'ils demandaient à titre de réparation civile :

-          amende honorable, apposition de trois inscriptions rappelant le crime, l'une sur la porte de l'hôtel d'Appelvoisin, la seconde sur la porte de l'hôtel de la Geffardière et la troisième sur l'emplacement de l'hôtel d'Hector Rousseau ;

 

-          érection sur la place publique du Breuil-Barret d'une croix de pierre avec une inscription semblable ; image taillée, représentant la victime, que les meurtriers, après l'avoir baisée sur la bouche, porteraient eux-mêmes à l'église, où ils feraient célébrer trois messes chantées et cent messes basses, auxquelles ils seraient tenus d'assister et à l'issue desquelles, vêtus de deuil et tenant à la main une torche ardente, ils reconduiraient les parents chez eux et distribueraient aux pauvres du pays une aumône de deux blancs à chacun.

 

Ils entendaient aussi que les coupables fussent condamnés à fonder une chapelle dotée de cent livres de revenu, plus les calices et ornements nécessaires aux cérémonies du culte, dont la collation appartiendrait à l'évêque de Maillezais et la présentation aux plus proches parents d'Hector ; à remettre la maison brûlée en l'état où elle se trouvait avant l'incendie, y compris les meubles, le tout estimé à 3 000 écus ; à payer à la veuve et aux enfants une somme de 12.000 écus et à leur asseoir une rente annuelle de 400 livres, etc.

Le 20 juillet, continuation des plaidoiries. Popaincourt examine l'une après l'autre les lettres de rémission et démontre qu'elles sont subreptices, obreptices et inciviles.

Nous ne le suivrons pas dans le développement de ses arguments, ce qui nous entraînerait trop loin. De façon générale il reproche aux accusés d'avoir tu certains faits et défiguré les autres. En ce qui touche plus particulièrement Mathurin d'Appelvoisin et Jacques Jousseaume, il fait connaître leurs antécédents et leur moralité, que ceux-ci prétendaient au-dessus de toute atteinte, alors que le premier avait rompu les étangs d'Hector et battu les terrassiers, ce qui avait été établi avec toute certitude, et que le second s'était rendu coupable de sévices graves sur la personne de René Chauderier, et avait fait mettre à-mort Jacques Coulon, de la Loge-Fougereuse, sur une fausse accusation de sorcellerie, et détruire aussi sa maison par le feu (11).

Ensuite Champront, avocat de Charles Rousseau et des deux serviteurs d'Hector, fit le récit des graves excès commis contre eux et des coups qu'ils reçurent au moment où ils s'enfuyaient de la maison incendiée.

 Poignant, avocat des inculpés, opposa tout d'abord aux plaignants une fin de non-recevoir, sous prétexte qu'ils avaient cédé leur action à M. Guy Pignard, procureur, et que c'était ce dernier qu'il aurait dû avoir en face de lui.

Néanmoins ce jour-là et le 2 août suivant, après avoir fait un grand éloge de ses clients et parlé des services rendus au roi par Mathurin d'Appelvoisin et le sr de la Geffardière, il développalonguement les raisons qui pouvaient être invoquées en faveur des rémissions obtenues, affirmant que celles-ci contenaient l'exacte vérité, que la commission donnée contre Hector Rousseau était basée sur des motifs sérieux, qu'en aidant à son exécution, comme ils en étaient requis, Appelvoisin, Jousseaume et les autres avaient accompli un devoir, et que la mort de Rousseau et l'incendie de son hôtel n'étaient que des accidents auxquels ils avaient été présents, sans en être responsables, niant tous les faits produits à leur charge par les parents du défunt.

Le récit qu'il leur oppose est la reproduction du contenu des rémissions.

Son plaidoyer occupa encore les audiences des 9 et 16 août, et il le termina en concluant à l'absolution de tous ses clients, à leur mise en liberté immédiate, à l'entérinement pur et simple de leurs lettres de rémission, et à des dommages et intérêts à leur profit.

Le lendemain, le procureur du roi, intervenant, déclara que les rémissions n'auraient jamais été octroyées, si les impétrants avaient avoué la haine qu'ils portaient à Hector, les procès qui étaient pendants entre eux, l'infraction de la sauvegarde royale, leur culpabilité certaine en ce qui touche le crime d'incendie, résultant de ce fait bien constaté et prouvé qu'ils avaient amoncelé des fagots et autres matières combustibles contre la porte de l'hôtel.

 En conséquence, les lettres devaient être tenues pour subreptices et obreptices, et la requête d'entérinement rejetée. Il requit que les témoins, qui avaient été interrogés déjà trois fois sur la façon dont le feu avait été bouté, comparussent devant la cour.

En ce qui concernait les peines encourues par les inculpés, il les demandait sévères : la confiscation de leurs biens, le bannissement à perpétuité, ou au moins à temps, l'amende honorable, une amende profitable double de celle que les parents de la victime requéraient, et la prison jusqu'au parfait paiement.

Dans les répliques prononcées le 20 août, qui reviennent sur des points de détail, nous ne relèverons que l'affirmation de Popaincourt que la commission dont se prévalaient les accusés n'existait pas au moment de l'attentat, et qu'ils l'avaient sollicitée depuis et obtenue frauduleusement pour atténuer le cas.

 Il ajoutait que, de toute façon, il eût été absolument contraire à la raison et aux lois de charger de l'arrestation d'Hector Rousseau des hommes avec lesquels il était en conflit d'intérêts et qui faisaient profession publique de la détester (12).

 

Mathurin d'Appelvoisin et ses complices restaient détenus à la Conciergerie, où ils avaient été enfermés dès le 19 juin, comme on l'a vu, et leurs biens saisis étaient administrés sous la main du roi par des commissaires.

Pendant ce temps, Louis Chabot, seigneur du Petit-Château de Vouvant, prétendant que la connaissance des faits incriminés lui appartenait, parce que l'hôtel où avait été tué Hector Rousseau était situé en son domaine et seigneurie, avait fait ajourner les accusés à comparaître personnellement à son assise du Petit-Château, par cédules affichées à la porte de leurs domiciles respectifs, « soit à la requête d'Albert Rousseau et de Louise Rabateau, disaient ceux-ci (ce qui est peu vraisemblable), soit autrement ».

 Il avait même commencé les procédures et prononcé plusieurs défauts contre eux.

Le 13 septembre 1459, la cour, par mandement adressé au premier huissier ou sergent sur ce requis, fit interdire à Louis Chabot, à ses sénéchal et autres officiers, d'attenter quoi que ce soit au préjudice du procès pendant devant elle, sub cerlis magnis pénis (13).

Deux jours après, le 15 septembre, la chambre criminelle se prononça sur les provisions requises de part et d'autre.

Les prisonniers obtinrent leur élargissement dans la ville de Paris jusqu'au lendemain de la Saint-Martin suivante, à condition de réintégrer ce jour-là la Conciergerie du Palais et de faire élection de domicile à Paris, sous peine d'être déchus ipso facto de l'effet de leur rémission.

Sur leurs biens meubles et immeubles saisis, une provision de 300 livres fut accordée à la veuve et aux héritiers d'Hector, « pour leur vivre et la conduite de leur procès ».

 Recréance provisoire fut faite aux inculpés du restant, avec permission de prélever, aussi pour leur vivre et frais de leur procès, savoir à Appelvoisin et à Jousseaume, chacun 200 livres, et aux cinq autres chacun 40 livres, mais avec interdiction d'aliéner quoi que ce fût de leurs immeubles jusqu'à ce qu'il en fût ordonné autrement. Il était mandé au sénéchal de Poitou ou à son lieutenant de faire exécuter ces décisions (14).

Les choses paraissent être restées en l'état jusqu'au 26 mars 1460. A cette date fut rendu un arrêt interlocutoire, qui marque un point de repère important dans la marche du procès. Nous en donnons la substance.

Entre Louise Rabateau, en son nom et comme tutrice de Jeanne, sa fille mineure, Albert Rousseau, curateur de sa nièce Marguerite, fille du premier lit d'Hector Rousseau, et le procureur général joint avec eux, à cause du meurtre dudit Hector et de l'incendie de son hôtel, demandeurs ; les mêmes requérant les dépens de certains défauts par eux obtenus contre Mathurin d'Appelvoisin, chevalier, Jacques Jousseaume, Jean de Puyguyon, Jean Beufmont, écuyers, Mathurin Marot, Nicolas Martin et Jean Dreveau, dit Chauvin, demandant en outre sur les biens des susnommés une provision de 2000 écus d'or, d'une part, et lesdits Mathurin d'Appelvoisin et ses consorts, appelants de Guillaume Artault, premier huissier du Parlement, et requérant l'entérinement de leurs rémissions, la mise en liberté de leurs personnes et mainlevée de leurs biens séquestrés à cause desdits forfaits, et en outre demandant qu'il soit dit que Louise Rabateau et Albert Rousseau ne doivent avoir nuls dépens à cause desdits défauts et aucune autre provision sur leurs biens, d'autre part; vu par la cour les lettres, titres, exploits, productions, etc.,

 il a été arrêté :

-          1° touchant l'entérinement des rémissions, les excès et l'appel relevé par Hector Rousseau, que les parties sont appointées contraires, qu'en conséquence ils sont admis, de part et d'autre, à établir et à prouver leurs faits et à procéder pour ce, chacun de son côté, à une enquête; qu'ils se communiqueront réciproquement leurs écritures, dûment collationnées, à la Saint-Jean-Baptiste prochaine.

La cour accorde aux parties, pour faire lesdites enquêtes et les lui rapporter, jusqu'au lendemain de la Saint-Martin d'hiver suivante, pour tout terme et délai. Mathurin d'Appelvoisin et les autres viendront en personne répondre aux articles de leurs adversaires per credit vel non crédit ; de même ils devront être présents à la réception des enquêtes.

-          2° Touchant leur appel de l'exploit de Guillaume Artault, il est dit que cet huissier a agi légalement et conformément à sa commission, que lesdits d'Appelvoisin et consorts ont appelé à tort et qu'en conséquence ils paieront l'amende au roi seulement et aussi les dépens de ladite cause d'appel.

En outre, ils sont condamnés aux dépens des défauts visés, chacun pour la part et portion qui peut le toucher, le chiffre desdits dépens réservé à la cour (15).

-          3° En ce qui concerne les provisions requises par les deux parties, Louise Rabateau et Albert Rousseau auront une nouvelle somme de 500 livres sur les biens des défendeurs, pour leur vivre et conduite du procès, savoir 150 livres sur ceux de Mathurin d'Appelvoisin, 150 sur ceux de Jousseaume, sur ceux de Puyguyon, de Marot et de Martin, 50 livres chacun, et sur ceux de Jean Beufmont et de Chauvin, 25 livres chacun.

Recréance sera faite à ceux-ci du restant de leurs biens saisis et ils en pourront jouir jusqu'à nouvel ordre. Puis, à la charge d'élire domicile à Paris et de se représenter à toute réquisition, la cour les élargit partout (16).

Le 29 mars suivant, fut réglé aussi un incident soulevé par Mathurin Marot. Pendant qu'il était détenu à Paris, ses ennemis avaient fait courir le bruit qu'il était destitué de son office de substitut à Fontenay-le-Comte et qu'il allait être remplacé.

Gilles Corbeau, agissant en qualité de sergent du roi, à l'instigation, disait Marot, de Louise Rabateau et d'Albert Rousseau, s'était transporté avec d'autres personnes dans sa maison et en avait enlevé tous ses papiers, registres, sacs, enquêtes, y compris les informations touchant le domaine et la juridiction du roi ; il en avait confié la garde à un habitant de Fontenay, nommé Etienne Besnereau.

 Mandement fut envoyé au sénéchal de faire remettre l'exposant en possession de tous ses papiers et d'empêcher qu'il ne fût désormais troublé dans l'exercice et la jouissance de son office (17).

De leur côté, Louise et Albert s'étaient plaints à la cour de n'avoir pu se faire payer de la somme qui leur avait été accordée à titre de première provision, par arrêt du 15 septembre 1459.

 Les commissaires chargés de l'administration de l'hôtel de la Bodinatière et des autres héritages dévolus à Mathurin d'Appelvoisin par suite du décès de son père, avaient réuni en ce lieu tous les fruits et revenus provenant non seulement de cette terre, mais aussi des autres appartenant à celui-ci et mises sous la main du roi.

Quand, pour se conformer à l'ordonnance de la chambre criminelle, ils s'étaient transportés à la Bodinatière, dans l'intention de procéder à la vente de ce qui était nécessaire pour parfaire la somme requise, la mère de Mathurin leur en fit fermer les portes, leur interdit d'y rien prendre, prétendant que ces biens étaient sa propriété à elle, et appela de leur commission, si bien qu'ils n'avaient osé procéder à son exécution et que les exposants restaient frustrés des 100 livres qu'ils avaient droit de prélever sur lesdits biens.

Ils n'avaient rien pu avoir non plus des 20 livres que devait, aux termes du même arrêt, leur payer Jean Beufmont, sous prétexte que celui-ci et ses frères n'avaient pas encore fait le partage de la succession de leurs parents.

Le même jour, 29 mars, en conséquence, la cour manda au sénéchal de tenir la main à l'exécution intégrale de l'arrêt du 15 septembre et aussi de celui du 26 mars suivant, ordonnant une nouvelle provision de 500 livres, nonobstant toutes oppositions et appellations (18).

Louise Rabateau et Albert Rousseau ne devaient pas tarder à se trouver en présence d'obstacles plus sérieux, de difficultés et tracasseries autrement graves, et en butte même à des actes de violence.

A peine remis en liberté et de retour en Poitou, Mathurin d'Appelvoisin et le sieur de la Geffardière, Nicolas Martin et leurs autres complices ne songèrent qu'à se venger des poursuites entreprises contre eux ; à tout instant ils proféraient des menaces et exerçaient des sévices à l'encontre de ceux qui les avaient chargés dans leurs dépositions ou avaient blâmé leur conduite.

Ils comptaient par ces moyens intimider les témoins et empêcher Albert Rousseau de procéder à l'enquête qu'il devait présenter au Parlement et de la terminer en temps utile.

Partout où ils le rencontraient lui-même, ils lui répétaient :

« Tu périras comme ton frère et, toi mort, il n'y aura plus personne pour nous poursuivre ».

Un jour qu'Albert traversait un village, nommé le Busseau, Mathurin d'Appelvoisin, qui s'y trouvait, l'aperçut et, saisissant aussitôt son épée, il jura que s'il pouvait l'atteindre, il le tuerait sur la place, et de fait il l'eûtfrappé, si des gens du pays ne l'eussent empêché d'accomplir son dessein.

Une autre fois, Nicolas Martin avait blessé jusqu'à grande effusion de sang un des serviteurs d'Albert et plusieurs autres personnes qui, dans les informations-faites à la requête de celui-ci, avaient témoigné contre lui, contre Jacques Jousseaume et leurs complices.

Le même Nicolas Martin avait proféré les plus terribles menaces contre plusieurs de ces témoins, et les autres, qui n'avaient pas encore été examinés, il s'efforçait de les suborner par des présents et des promesses, leur faisant jurer de ne pas dire la vérité, quand on les interrogerait.

 

Ne pouvant vivre en sécurité dans le pays, Albert porta plainte de ces agissements, et la cour, le 2 juillet 1460, donna commission à l'enquêteur de la sénéchaussée de Poitou et au premier huissier ou sergent sur ce requis de s'adjoindre un autre sergent et un notaire de cour laie, et de procéder ensemble à une information diligente et secrète sur les coups et blessures, menaces et subornations dénoncés, et de l'envoyer close et scellée à Paris

Mathurin d'Appelvoisin avait imaginé encore un autre moyen d'empêcher Albert Rousseau de poursuivre son enquête ; il l'avait accusé d'avoir fait usage d'un sceau royal falsifié.

C'était un nouveau procès qui pouvait le retenir longtemps hors du pays, car la juridiction en cette matière appartenait au chancelier de France, qui suivait la cour dans ses déplacements. Rousseau dut se rendre prisonnier à Bourges.

L'accusation ne reposant sur aucun fondement, son innocence fut reconnue ; mais il avait perdu plusieurs semaines et dépensé pas mal d'argent.

 Cependant, comme il avait été rendu à la liberté plus tôt que ne l'espéraientses ennemis, on dut recourir à d'autres vexations.

Le terme donné par la chambre criminelle aux parties pour produire leur enquête était proche, et il n'y avait plus de temps à perdre.

Appelvoisin et le sieur de la Geffardière en revinrent aux moyens violents.

Ils avaient réuni un certain nombre de gens malintentionnés, dont faisait partie Jean Bricare, sergent royal à Poitiers, celui qui, sur l'ordre obtenu du sénéchal, avait conduit Albert Rousseau à Bourges, dans le but d'exercer une pression sur les derniers témoins et de les terroriser.

 Ces gens avaient trouvé l'occasion de mettre une fois encore la main sur le frère d'Hector ; ils l'avaient frappé, malgré le sauf-conduit du Parlement, et mené, ainsi blessé et ensanglanté, au château de la Forêt-sur-Sèvre, c'est-à-dire chez Louis de Beaumont, sénéchal de Poitou, l'y avaient mis aux fers et détenu dans une étroite prison, où il était encore le 18 septembre 1460, quand, ces criminels excès venus à la connaissance de la cour, celle-ci enjoignit au sénéchal, à son lieutenant, à Jean Bricare et à toutes les personnes qui avaient participé à ces violences, de faire remettre Albert en liberté, ou du moins de le faire conduire, avec les charges qui pouvaient avoir été relevées et les informations qui pouvaient avoir été faites contre lui, dans les prisons de la Conciergerie du Palais à Paris. Pour le cas où ils refuseraient d'obéir ou chercheraient des échappatoires, ordre était donné aux porteurs du mandement de prendre Albert et de l'ajourner devant la cour, et, en tout état de cause, de procéder à une enquête secrète et diligente sur tous ces faits (20)

. C'est vers cette époque que Louis de Beaumont dut quitter le sénéchalat de Poitou (21) ; peut-être y a-t-il quelque rapport entre son remplacement et l'emprisonnement illégal de Rousseau au château de la Forêt ? On n'oserait l'affirmer. La coïncidence toutefois vaut la peine d'être notée.

Quoi qu'il en soit, Mathurin d'Appelvoisin et Jousseaume avaient atteint leur but.

Quand arriva la Saint-Martin d'hiver, l'enquête que devait produire Albert Rousseau n'était pas parachevée ; celle de ses adversaires n'était pas prête non plus.

Néanmoins, le mardi 18 novembre 1460, les parties comparurent au Parlement, comme elles y étaient tenues.

Poignant prétendit que ses clients avaient été empêchés de faire leur information, parce que Louise Rabateau et Albert Rousseau avaient mis opposition sur leurs biens et revenus, dans le but de leur enlever les moyens d'en user pour faire face aux dépenses obligatoires, et requit un nouveau délai. Popaincourt répondit que, aux termes de l'appointement du 26 mars précédent, ses adversaires devaient être déclarés forclos.

 Pressé d'en finir, Albert Rousseau renoncerait lui-même à poursuivre plus avant son enquête ; d'ailleurs Appel-voisin et les autres avaient tout mis en oeuvre pour la rendre illusoire, tandis qu'au contraire ils avaient eu, eux, tout le temps et toutes les facilités de parfaire la leur ; s'ils ne l'avaient pas fait, c'est qu'ils avaient intérêt à temporiser.

Finalement il déclara ne pas s'opposer à un nouveau délai, à condition qu'il fût court (22).

Malgré tout, la production fut prorogée jusqu'au 15 mai 1461.

Les meurtriers d'Hector Rousseau gagnaient du temps ; c'est ce qu'ils voulaient par-dessus tout, sentant bien que le jugement définitif ne pouvait que leur être contraire.

Le 5 mai 1461, on trouve sur le registre un défaut donné par la cour à Louise Rabateau et au procureur général contre Mathurin Marot et Guillaume Guérart, le sergent qu'il avait amené au Breuil-Barret, le jour du meurtre (23), ce qui indique que la cause était disjointe en ce qui concernait ces deux personnages ; il n'est plus d'ailleurs question d'eux à partir de cette date.

 

 

L'explication, on le verra plus loin, c'est que, à l'insu de sa belle-soeur, Albert Rousseau avait transigé avec Marot et, au moyen d'une composition pécuniaire, avait cessé les poursuites contre lui.

Le 15 mai, les parties se retrouvent donc à la chambre criminelle. Albert Rousseau, croyant cette fois toucher au terme, demande que les enquêtes soient reçues à juger. Mais ses adversaires ont découvert un nouveau moyen dilatoire.

 Quoique, en présence des commissaires chargés des informations, ils aient précédemment déclaré qu'ils renonçaient « à besongner plus avant », ils présentent une requête tendant à obtenir une visite de l'hôtel incendié et la levée d'un plan, parce que, prétendent-ils, ce supplément d'enquête établira péremptoirement que le feu mis du dehors n'aurait pu consumer la maison.

Le débat recommence. Popaincourt dit que la matière est épuisée ; les commissaires ont reçu les dépositions des témoins qui étaient dans la maison et de ceux qui étaient dehors, au moment de l'incendie ; la preuve est faite : le feu a bien été allumé à l'extérieur.

Cependant, que l'on fasse ce que l'on voudra, pourvu que les inculpés soient tenus en prison. Poignant répond que les témoins, ou du moins plusieurs d'entre eux, ont déposé faussement.

Le procureur général qualifie la nouvelle requête de subreptice, obreptice, incivile et déraisonnable, dit qu'il ne doit y être obtempéré, qu'il est suffisamment prouvé que l'appentis a été démoli, le bois en provenant et les fagots disposés en tas contre la maison et que les flammes se propagèrent de l'extérieur à l'intérieur.

Il conclut que les enquêtes sont suffisantes et doivent être admises comme telles.

Faisant droit à ses conclusions, la cour ordonna qu'il fût procédé au jugement sur les enquêtes reçues, que la requête et les plaidoyers auxquels elle venait de donner lieu seraient joints au procès, et que les parties produiraient, dans trois semaines, « les lettres etreprouches de témoins (24) ».

On pouvait alors se croire à la veille de la conclusion de cette interminable affaire. C'était une erreur.

 L'arrêt se fit attendre encore près de deux ans et demi; il devait être prononcé dans des circonstances bien différentes.

La chambre criminelle, ayant reconnu et déclaré que la cause était en état d'être jugée et ayant ajourné sa suprême décision à trois semaines seulement pour les dernières formalités de procédure, comment expliquer sou inertie? Ne devait-elle pas, les parties présentes ou absentes, quitte à mettre en défaut une ou plusieurs fois de plus les manquants, donner enfin la solution si longtemps attendue?

 

Aucun document ne permet de répondre avec certitude à cette question. On ne peut que constater le silence complet des registres criminels, entre le 15 mai 1461 et le 15 mars 1462.

 

Dans l'intervalle étaient survenus la mort de Charles VII et l'avènement de Louis XI, événements importants dans l'ordre politique et de plus favorables sans conteste aux intérêts particuliers de Mathurin d'Appelvoisin, de Jacques Jousseaume et de tous leurs adhérents.

 Au début d'un règne, il y a toujours des grâces à recueillir pour ceux qui disposent de certaines influences.

Les Beaumont étaient très avant dans la faveur du nouveau roi, et les meurtriers d'Hector Rousseau, à côté de ceux-ci, avaient probablement d'autres protecteurs encore à la cour. Néanmoins ils durent attendre près de six mois l'occasion propice, c'est-à-dire le premier voyage de Louis XI dans la région poitevine.

Informés de la prochaine arrivée du roi à Marans et usant d'un stratagème assez fréquemment employé dès avant cette époque, ils s'étaient arrangés de façon à se faire admettre dans les prisons de cette ville, afin de bénéficier de la délivrance et de la grâce plénière que les rois avaient coutume d'octroyer, à l'occasion de leur première entrée dans une ville, aux condamnés ou prévenus qui y étaient incarcérés.

De toute évidence il fallait un ordre supérieur, adressé à la justice locale, pour autoriser un étranger à recourir à un procédé aussi abusif, qui certainement n'était pas à la portée de tout le monde.

Primitivement cette prérogative royale s'exerçait au seul profit des prisonniers ressortissant à la juridiction du lieu ; mais, comme beaucoup d'institutions, elle subit peu à peu des déformations et engendra des abus.

Quand la venue du roi était annoncée comme prochaine, il était devenu d'usage courant que l'on transférât dans les geôles d'une ville voisine les prisonniers du pays, pour faire place à des criminels venus de plus ou moins loin et que de hautes influences voulaient soustraire au châtiment.

Les lettres données par Louis XI à Marans, le 20 janvier 1462 en faveur de Mathurin d'Appelvoisin, Jacques Jousseaume, Jean et Jacques de Puyguyon (26), Jean Beufmont, Nicolas Martin et Jean Derveau, dit Chauvin, étaient, on n'en peut douter, concertées à l'avance.

Elles se rapprochent beaucoup par la forme des lettres de rémission ordinaires, en ce que, comme celles-ci, elles contiennent la relation développée des faits incriminés ; mais elles sont beaucoup plus explicites et péremptoires en ce qui concerne la remise des peines encourues : le procès instruit au Parlement est complètement mis à néant.

D'ailleurs, par le fait même qu'elles étaient octroyées pour la joyeuse entrée du roi à Marans, leur vertu était plus efficace.

Les actes de cette nature étaient considérés comme un motu proprio royal, qui ne pouvait être discuté et dont on ne pouvait combattre l'entérinement et l'exécution.

Aussi, quand elles furent présentées au Parlement, Albert Rousseau et Louise Rabateau demeurèrent seuls, avec leur avocat, pour essayer d'en empêcher l'effet. Le procureur général cessa de faire cause commune avec eux.

La poursuite criminelle était forcément abandonnée ; restait seulement la réparation civile, et même celle-ci devait être réglée avec plus de modération, conséquence naturelle de la grâce plénière.

Ce fut seulement le 6 mai de cette année que Mathurin d'Appelvoisin, Jousseaume, Puyguyon, Beufmont, Martin et Chauvin se présentèrent pour requérir l'entérinement de leurs nouvelles lettres d'abolition.

Simon, au nom du procureur général, déclara qu'en cette matière il en avait toujours vu user ainsi : les prisons ouvertes franchement et les prisonniers aquittés des peines encourues envers la justice.

Par suite, il ne pouvait empêcher l'entérinement des lettres et s'en rapportait à la discrétion de la cour.

Popaincourt cependant tenta encore un effort pour parer ce coup. Il argua que les incidents dépendant de la première instance devaient être préalablement réglés, notamment en ce qui touchait la somme allouée à ses clients à titre de provision sur les biens de Mathurin d'Appelvoisin ; celui-ci avait toujours refusé de rien donner, sous prétexte qu'il n'était que nu-propriétaire de la Bodinatière et autres terres, et que sa mère en avait l'usufruit tant qu'elle vivrait.

Cette question fut en effet réservée et donna lieu à divers actes de procédure indiqués sur les registres, aux 25 et 28 mai.

On retrouve même, le 13 décembre 1462 et le 19 juillet 1463, des défauts accordés à la veuve et au frère d'Hector Rousseau à l'encontre de Mathurin d'Appelvoisin et des autres, tenus pour solidaires (27).

En somme, Albert Rousseau n'était plus aussi pressé d'arriver à la solution définitive, qui ne pouvait être que beaucoup moins avantageuse maintenant aux intérêts qu'il représentait qu'elle ne l'eût été avant les lettres de Marans ; il voulait d'abord être assuré du paiement de tout ce qu'il pouvait légitimement réclamer à ses adversaires, la question d indemnité primant désormais toutes les autres, et pour arriver à ce but, il ne craignait plus d'être responsable, à son tour, des retards.

Enfin, le 10 septembre 1463, la cour rendit son arrêt. On y trouve reproduits la relation du meurtre d'Hector Rousseau et l'incendie de son hôtel, l'indication des principales phases du procès qui s'ensuivit et les dires contraires des parties.

Le dispositif porte que les lettres d'abolition du 20 janvier 1462 seront entérinées ; Mathurin d'Appelvoisin, le sr de la Geffardière, Jean de Puyguyon, Jean Beufmont, Nicolas Martin et Jean Derveau, dit Chauvin, sont condamnés seulement à une réparation civile réglée ainsi qu'il suit : l'hôtel brûlé sera réédifié à leurs coûts et dépens, et remis dans l'état où il était avant l'incendie, y compris les meubles, lettres, papiers terriers et obligations et autres choses qu'il renfermait alors, qu'ils seront tenus de restituer, s'ils existent encore, et, sinon, d'en payer la juste valeur, celle-ci devant être déterminée par la cour après l'estimation qui en sera faite, sous la foi du serment, par Louise Raba-teau et Albert Rousseau.

 De plus, ils acquitteront solidairement une somme de 400 livres qui sera employée en messes et autres oeuvres pies pour le salut et le repos de l'âme d'Hector Rousseau.

Comme amende utile au profit de la veuve, du frère et des enfants de leur victime, Appelvoisin et Jousseaume verseront chacun 1200 livres, Puyguyon et Martin, chacun 200 livres, Beufmont et Chauvin chacun 60 livres, plus 300 livres au profit d'Etienne Nalot et de Jean Potier, les deux serviteurs d'Hector, c'est-à-dire chacun 50 livres, et en outre les dépens du procès, dont la cour se réserve la taxation.

Tous les six ils tiendront prison fermée jusqu'au parfait paiement de ces sommes et complète satisfaction des autres condamnations.

L'arrêt exempte, d'autre part, la veuve et le frère du défunt, aussi longtemps qu'ils vivront, des juridiction, foi et hommage, droits et devoirs seigneuriaux auxquels ils pouvaient être tenus envers lesdits Mathurin d'Appel-voisin, Jacques Jousseaume et consorts (28).

Les coupables s'en tiraient à bon compte.

En revanche, Louise Rabateau et Albert Rousseau étaient tout juste indemnisés des pertes éprouvées dans l'incendie et des frais considérables que leur avait coûtés le procès.

Le désaccord se mit entre la belle-soeur et le beau-frère, quand il s'agit de répartir les sommes qui leur avaient été allouées à titre de dommages et intérêts.

 Mathurin d'Appelvoisin et les autres profitèrent encore de ce dissentiment pour retarder le plus possible les paiements (29).

Nous n'entrerons pas dans les détails (bien qu'il y en ait beaucoup d'intéressants) de ce triste épilogue de la tragédie du Breuii-Barret.

Le procès entre la veuve et le frère d'Hector Rousseau s'envenima de diverses accusations, qu'il serait difficile et fastidieux de contrôler, et dura d'ailleurs fort longtemps.

Louise Rabateau, entre autres choses, reprochait à son beau-frère d'avoir traité, à son insu, d'un accommodement avec Mathurin Marot, dont il avait eu 400 écus, et d'avoir composé de la même façon avec d'autres inculpés, sans jamais lui en faire part ni compter de ces deniers avec elle (30).

Quelques années après (entre le 10 juillet 1466 et le 22 septembre 1472), Louise avait contracté un troisième mariage avec Antoine Augier, écuyer (31).

Le 18 février 1473 n. s., Jeanne, la seconde fille d'Hector Rousseau, devenue majeure, n'avait encore rien reçu pour sa part des amendes et s'en prétendait frustrée par son oncle.

Comme Mathurin d'Appelvoisin et ses consorts n'avaient pas encore versé le montant des dépens taxés à 1037 livres, elle réclamait cette somme et obtenait que les meurtriers de son père fussent contraints à la payer immédiatement, sous peine de saisie et de vente de leurs biens (32).

D'autre part, le 6 juillet 1474, à la requête d'Albert, la cour faisait enjoindre à Louise Rabateau de venir prêter serment et donner son estimation des biens meubles détruits par l'incendie (il y avait de cela seize ans passés !), afin que l'on pût enfin en réclamer le prix à qui de droit, conformément à l'arrêt du 10 septembre 1463 (33).

PAUL GUÉRIN.

Paris, le 12 décembre 1906.

 

 

(1). Pour le texte de ces lettres, voiries nos MCCCV1I à MCCCX1II, p. .125 à 165, et le n° MCCCL1II, p. 311-317, et la note de la p. 120, dans laquelle nous annonçons l'intention de contrôler, dans l'Introduction, les assertions invraisemblables qu'elles contiennent.

(2). Ci-dessous, p. 141, note.

(3). Ces neuf premiers sont ceux qui obtinrent les lettres de rémission datées de mai et juin 1459 (pages 125-165).

(4). Du moins, dans le pays, cet homme passait pour avoir tiré le coup mortel, parce que depuis le jour de l'attentat il avait pris la fuite et n'avait pas reparu (X2a 30, fol. 199).

(5). Ce détail est fourni par un acte postérieur (X2a 32, à la date du 23 février 1464).

(6). Voir les reg. X2a 28, à la date du 17 juillet 1459 ; X2a 29, fol. 165 et suiv.; X2a 30, fol. 195 v° et suiv.

(7). Reg. X2a 28, à la date du 20 juillet 1459.

(8). Le premier ajournement avait été fixé au 20 juiljet 1458, mais il dut être reporté au 2t novembre suivant, parce que le Parlement siégeait pour le procès de Jean duc d'Alençon et avait été obligé de se transporter à Montargis d'abord, puis à Vendôme, jusqu'au 10 octobre 1458. (Arch. nat., .X2a 29, fol. 165 et suiv.)

(9). Id„ X!a 29, fol. 66.

(10). L'arrêt contre Hélyot et Lermenier occupe dix pages (Xs* 29, fol. 165 r°, à 169 v°). Les réparations demandées alors étaient bien plus compliquées et les chiffres de dommages plus élevés qu'ils ne le sont dans l'acte du 17 juillet 1459, mentionné dans l'alinéa suivant. Citons aussi la signification et ordre d'exécution de l'arrêt du 10 septembre 1460, portant même date. (M., fol. 248.)

(11). Jousseaume nia avec assurance les deux attentats mentionnés ici. Et cependant nous avons vu dans ce volume même (ci-dessous, p. 137, note! qu'il fut reconnu coupable de la mort illégale de Jacques Coulon et condamné pour ce motif à la confiscation de sa seigneurie et justice de la Loge-Fougereuse, et aune amende au profit du fils de sa victime.

Quant aux sévices contre un Chauderier, nous avons trouvé trace au Parlement d'un procès criminel entre Jean Jousseaume, père de Jacques, et René Chauderier, sr de Nueil, son beau-frère, l'an 1441 (X2a 22, aux dates des 28 et 30 mars, 12 et 20 juin 1441 ; 1er et 12 mars, 19 avril et 6 août 1442; et X2 23, fol. 53, r°et v°, 24 juillet 1441). Peut-être est-il fait allusion ici à des voies de fait dont Jacques Jousseaume aurait usé contre son oncle, à l'occasion de ce procès.

(12). Pour toutes ces plaidoiries, voy. le reg. X2a 28, aux dates indiquées, depuis le 17 juillet jusqu'au 20 août 1459,

(13) . Registre X2a 29, fol. 89 r°.

Louis Chabot, seigneur du Petit Château de Vouvant, de la Grève et Chantemerle.

Marie de Craon (ca 1375-/1420), dame de Jarnac, Montsoreau, Savonnières, Villandry, Moncontour, Marnes, Pressigny, Verneuil et Ferrière, ép. 1er Maurice Mauvinet, et 2e Louis Ier Chabot: postérité Chabot et Rohan-Chabot

(14). fd., fol. 89 v°.

(15). Ils furent fixés à la somme de 152 livres 8 sous parisis, et le 9 juillet suivant, mandement fut adressé au premier huissier ou sergent de contraindre Mathurin d'Appelvoisin, Jousseaume, Jean de Puyguyon, Jean Beufmont, Marot, Martin et Chauvin à la payer à Louise Rabateau et à Albert Rousseau, par prise, vente et exploitation de leurs biens (X2a 29, fol. 222).

(16). Voir registre X2a 29, fol. 102.

(17). Id., fol. 197..

(18). Voir id., fol. 196. Nicolas Martin refusant aussi d'acquitter les 50 livres qu'il avait été condamné à payer par l'arrêt du 26 mars, Albert Rousseau avait dû faire saisir ses chevaux et autres objets qui étaient restés à Paris. Martin s'étant engagé par serment devant la cour à apporter cette somme le 15 juillet suivant, en la maison de Guillaume de La Coussaye. au Breuil-Barret, ou à se constituer prisonnier jusqu'au parfait paiement, obtint mainlevée par arrêt du 10 juin 1460. {Id., fol. 217.)

(19). Registre X2a29, fol. 220 v°.

(20). Registre X2a 29, fol. 248.

(21). Voyez notre volume précédent, p. 378-379, note.

(22). Registre X2a 28, à la date du 18 novembre 1460. Voir aussi le même registre, au 4 août précédent.

(23). X2a 28, à la date.

(24). X 2a 28, à la date du 15 mai 1461.

(25). Ci-dessous, p. 311 à 320; voy. particulièrement la note de la p. 312.

(26). Jacques de Puyguyon avait été rendu comme clerc à l'évêque de Paris. Aussi son nom ne figure pas à côté des autres sur les registres du Parlement.

Cependant, le 15 mars 1462, il présenta à la cour des lettres d'abolition à son nom, datées de Marans, à la suite de quoi il fut appointé que Louise Rabateau et Albert Rousseau bailleraient par écrit une cédule « de ce qu'ils veulent requérir en ceste partie ». (Reg. X2a 32, à la date.)

(27). Voy. le registre X2a 32, aux dates des lo, 23, 28 mai etl3 décembre 1462. 3 et 19 juillet 1463.

(28). Le texte de cet arrêt se trouve sur le reg. X2a 30, fol. 195 v° à 200 v.

(29). Prétextant qu'ils ne pouvaient en prison s'occuper de la reconstruction à laquelle ils avaient été condamnés, Jousseaume et Appelvoisin avaient obtenu leur mise en liberté sous caution, peu de temps après l'arrêt définitif. Néanmoins les travaux n'étaient même pas commencés le 20 juillet 1466, date d'une sommation qui leur fut faite par huissier, à la requête d'Albert Rousseau, d'avoir à procéder sans délai à la réédification de l'hôtel du BreuiiBarret (X2a 34, fol. 216).

(30). Sur ce nouveau procès, voir X2a 32, au 29 novembre 1463 ; 13,16, 23 février et 29 août 1464.

(31). Voy. un acte du 22 septembre 1472, dans le reg. X2a 39.

(32). Reg. X2a 40, fol. 49 v°.

(33). ld. ibid., fol. 79 v°.

 

 

 

Mai 1459- Rémission en faveur de Mathurin d'Appelvoisin, chevalier, compromis dans les événements qui amenèrent le meurtre d'Hector Rousseau et l'incendie de son hôtel (1)

(JJ. 188, n° 87, fol. 41.)

Charles, par la grace de Dieu roy de France.

Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble suplicacion de nostre amé et feal Mathurin d'Appellevoisin (2), chevalier, seigneur dudit lieu d'Appellevoisin contenant que puis certain temps ença, nostre senesclial de Poictou ou son lieutenant, deument informé de plusieurs crimes, rançonnemens, excès, voyes de fait et autres deliz et malefices, commis par maistre Hector Rousseau (3) et autres ses complices, et pour ce que ledit maistre Hector Rousseau estoit continuelement acompaigné de gens de guerre et avoit tousjours procédé et procedoit par force, violence et voye de fait plus que de raison, et resisté par plusieurs foiz de tout son povoir à l'encontre de noz officiers et justice, batu et envillenny nosdiz officiers en faisant et exerçant leursdiz offices, et lequel, à l'ocasion des voyes de fait dont il usoit nosdiz officiers ne le povoient prandre et aprehender, Mathurin Marot, substitut de nostre procureur au lieu de Fontenay le Conte, et Guillaume Guerart, nostre sergent, lesquelz avoient charge de mettre à execucion certaines lettres de commission de nostredit seneschal, pour prandre au corps ledit Rousseau et le mener en noz prisons à Poitiers, firent savoir audit suppliant qu'il voulsist secourir et aider avecques autres à prendre au corps ledit Rousseau et le mener à justice ; lequel supliant en obeissant à justice, ainsi comme faire le devoit, se transporta, le XIIIIe jour de may mil cccc. cinquante huit, au lieu du Brueil Barret, acompaigné d'un varlet et garny seulement d'un harnois de brigandines, d'une salade sur la teste, pour ce que ledit Rousseau estoit nottoirement renommé de grever et envillenner nosdiz officiers et de leur desobeir de tout son povoir, comme dit est, et aussi qu'il estoit tous-jours garny de coulevrines et d'abillemens de guerre ; et lui arrivé audit lieu du Breuil Barret, où il trouva nostre bien amé Jacques Jousseaume, escuier, seigneur de la Gefardère, avec autres, ausquelz avoit esté fait commandement de eulx rendre audit lieu, et cuidant y trouver ledit Mathurin, substitut, et Guerart et autres dessus nommez, qui encores n'estoient arrivez, s'en ala devant l'ostel dudit Rousseau, sans entencion d'aucun mal ou dommage faire à icelui Rousseau.

Et lui dist ledit suppliant qu'il s'en rendist prisonnier à nous et à nosdiz officiers, et que nostre seneschal de Poitou lui avoit donné commandement de le prandre prisonnier et l'avoit illec envoyé pour ce faire, et que il n'auroit de par lui mal ne villennye.

 Lequel Rousseau incontinant renya Dieu qu'il ne feroit riens pour roy ne pour royne, et appela ledit supliant et aussi ledit Jousseaume, qui sont gens nobles, de grant honneur et estat : « Vilains, traitres, ribaulx, ladres», en regnyant tousjours Dieu qu'il le seigneroit de la vaine du col et mengeroit de leurs foies roustiz sur le gril, et dist plusieurs autres grans injures et vilennies ; et de fait injuria aussi fort, en sa presence, ledit Jousseaume.

Et après plusieurs paroles et injures par lui dictes, ledit maistre Hector Rousseau apela ledit supliant à parler à lui, à seurté et fiance, par une fenestre de la maison, et que il lui pardonnast les injures qu'il lui avoit dictes et proferées.

 Lequel supliant, usant de bonne foy et qui ne tendoit à aucun mal lui faire, ala parler à lui, et lui dist ledit Rousseau telles paroles : « Faictes cesser ce traictre, ribault, meseau Jousseaume, filz de putain, engendré d'un ribault cordelier à la basinette ».

A quoy ledit suppliant respondy audit Rousseau que il disoit mal et que ledit Jousseaume estoit prouche parent de plusieurs gens nobles du pais et de grant maison, et mesmes de la femme de nostredit seneschal de Poitou (4).

Mais ledit Rousseau en continuant (5) tousjours ses grosses parolles, lui dist que il ne donnoit de la truande seneschalle ne du truant Jousseaume ung bouton, et encores plus deshonnestement.

 Et après dist ledit Rousseau de rechief audit supliant qu'il se aprouchast de lui et qu'il vouloit parler à lui de secret, et ne vouloit point que ce vilain Jousseaume le oyst.

Lequel supliant, qui ne pensoit en aucun mal engin, s'aproucha à la seurté dudit Rousseau, près de ladicte fenestre où il estoit, cuidant que icelui Rousseau lui voulsist dire aucunes paroles de secret, et ainsi que ledit supliant cuida haulser et lever la teste à parler à lui, ledit Rousseau voult frapper par la gorge ledit suppliant d'une grande espée qu'il avoit, et se n'eust esté le bort de sa salade qui arresta le coup, il eust couppé la gorge audit supliant, et l'eust illec tué et occis de la dicte espée.

Et incontinant ledit supliant, se voyant ainsi injurié, blasmé et trahy par ledit Rousseau, ala au premier huys de la dicte maison et le ouvry ou rompy et entra dedans ; et ainsi qu'il entroit, ledit Rousseau et ses complices qui avoient chargé deux coulevrines au second huysde l'alée de ladicte maison, tirèrent lesdictescoulevrines, dont l'une ne fist que bruyre, et tantost que ledit supliant la sentit et oyt bruire se tira ung acousté, et l'aultre tira tout oultre et passa par l'uys où estoit entré ledit supliant et l'eust tué, se il ne se feust contregardé.

Et sans autre chose faire, s'en ala ledit supliant et se tira dehors de ladicte maison, où il trouva la femme dudit Rousseau, laquelle lui dist qu'il ne prist point à desplaisance ce que lui faisoit son mary.

Et lors ledit supliant lui respondi que il feroit tant que il seroit prins par justice. Après lesquelles injures et vilenies ainsi dictes et faictes audit supliant, et lui parlant à la femme dudit Rousseau, icelui Rousseau requist derechief ledit supliant à mains jointes qu'il alast parler à lui à seurté oudit hostel où il estoit, en disant audit supliant : « Je vous requier pardon de ce que vous ay fait ».

Lequel supliant lui respondi qu'il n'estoit pas homme à qui il deust parler et en qui il deust avoir fiance, attendu qu'il l'avoit cuidé et voulu tuer de ladicte espée en trahison et coupper la gorge, et aussi desdictes coulevrines.

Auquel supliant ledit Rousseau dist ces motz : « Monseigneur, je sçay bien que je suis faulx et traictre de vous avoir fait ce que je vous ay fait. Je vous prye qu'il plaise le me pardonner, et que je parle à vous».

Auquel Rousseau et à sa requeste ala ledit supliant parler; lequel supliant dist audit Rousseau que il lui tint à ceste foiz meilleure foy et seureté que il n'avoit faicte à l'autre foiz, et que il lui conseilloit obéir à justice, et se autrement il le faisoit, il seroit mal conseillé, et que ledit Mathurin Marot, substitut de nostre dit procureur en Poictou, avoit la charge et mandement de le prendre, et si tost qu'il seroit venu, que il seroit prins et mené à justice, et se il le vouloit croire, illemeneroit seurement par devers nostre dit seneschal de Poictou, et lui feroit tout le mieulx qu'il pourroit.

Lequel Rousseau respondi audit supliant, en renyant Dieu par plusieurs foiz, que il aimeroit mieulx mourir cent mil foiz que de soy rendre aux vilains trippiers de Poictiers et de Fontenay, et que s'il estoit en la ville de Poictiers, il donneroit ung coup de dague ou de Cousteau au vilain lieutenant trippier et bougeron (6), et après s'en yroit hors de ladicte ville, et n'en feroit autres nouvelles.

Lequel suppliant, voyant la volenté et obstinacion dudit Rousseau, lui dist que c'estoit mal dit.

Et lors ledit Rousseau lui dist qu'il estoit bien content dont ledit vilain Marot et les autres vilains trippiers de Fontenay venoient, et qu'il vouldroit que le villain trippier Chevredens (7) et autres y feussent, en regnyant tousjours Dieu et sa loy, que il feroit icelui jour le plus grant meurtre que il vit oncques et que il mengeroit de leurs foies roustiz ; en disant oultre audit suppliant que il ne s'en alast point et que il verroit ung beau jeu, en regnyant tousjours Dieu, que il seroit vangé ledit jour de tous ses ennemis.

Auquel Rousseau ledit suppliant dist encores que c'estoit mal fait et mal dit et que il lui conseilloit de soy rendre et faire obéissance à justice.

Et atant se departy ledit supliant dudit Rousseau et s'en ala hors dudit hostel.

Et quant la femme dudit Rousseau vit les rebellions, desobeissances et parolles dessus dictes, que sondit mary faisoit et disoit, vint à l'entrée de l'uis de ladicte maison, pria et requist sondit mary que par Dieu il se rendist en l'obeissance de nous et de noz officiers et que il n'auroit aucun mal.

Lequel Rousseau respondy à sadicte femme telz motz : « Truande, paillarde, oste toi d'ilec et que je ne te voye plus », en renyant tousjours Dieu que autrement il la tueroit ; car aujourd'uy il feroit mourir tous ses ribaulx, meseaulx, ladres, « et me cheviray bien d'eulx comme je me suis chevy d'autres».

Laquelle femme dudit Rousseau, voyant l'obstination de sondit mary et qu'il ne vouloit faire aucune obeissance à justice, s'en ala d'illec avec ledit supliant ou bourg dudit lieu du Breuil Barret, en l'ostel d'un nommé de La Coussaie (8), et parlèrent après ledit suppliant et elle longuement ensemble, et mangèrent et beurent, et tout pour le bien et prouffit dudit Rousseau et d'elle.

Et ce pendant survint oudit hostel ung des serviteurs dudit Jousseaume, fort blecié d'un raillon au travers du braz, auquel ledit supliant et la femme dudit Rousseau, après que ledit raillon fut osté, misdrent en la playe ung lardon et le pensèrent au mieulx qu'ilz peurent.

Et ce fait, ladicte femme dudit Rousseau pria ledit suppliant que il alast à la maison dudit Rousseau, devant laquelle estoit ledit Jacques Jousseaume avecques plusieurs autres, pour garder que plus grant inconvénient n'en advint ; lequel supliant y ala avant vespres, desarmé de sesdictes brigandines et salade, et vestu d'une robe blanche qui estoit au compaignon du prieur dudit lieu du Breuil Barret, de l'ordre de Saint Augustin, de l'abbaye de Saint Ru (9), et parla de rechief audit Rousseau, auquel il dist que c'estoit mal fait d'avoir ainsi blecié ledit homme.

Lequel lui respondi, en renyant encores Dieu, qu'il vouldroit en avoir autant fait à tous les autres illec estans, etatant s'en retourna ledit suppliant à son logeis, cuidant trouver ladicte femme dudit Rousseau, laquelle s'en estoit alée, et à la requeste de la femme de Herbert Rousseau (10), frère dudit Hector, ala ledit su pliant, ainsi desarmé, par plusieurs foiz parler audit maistre Hector Rousseau, pour le cuider faire rendre à justice.

Lequel maistre Hector dist en renyant Dieu qu'il aimoit mieux mourir que se rendre à aucuns de noz officiers. Et tantost après, sans autre chose faire, s'en ala ledit suppliant soupper avecques ledit Jacques Jousseaume.

Et après ledit soupper vindrent et arrivèrent lesdiz Marot et Guerart, nosdiz officiers, audit lieu du Breuil Barret devant ladicte maison dudit Rousseau, après ou environ souleil couchant, et firent commandement audit suppliant qu'il aidast à prendre ledit Rousseau ; lequel suppliant, après lesdiz commandemens faiz, en nous voulant obeir et à nosdiz officiers, s'en ala à sondit logeis et se arma de sesdictes brigandines et salade, et revint devant ledit hostel dudit Rousseau.

Auquel Rousseau il dist que nosdictes gens et officiers estoient ilec presens et que il se rendist à eulx. Lequel supliant ledit Rousseau appela traictre chevalier, meseau, et lui dist plusieurs autres injures et vilennies, et tira et fist tirer plusieurs coulevrines et arbalestes.

Et lors se tira à part ledit supliant avec ledit Jousseaume, bien loing d'environ d'un gect de pierre de ladicte maison, en tirant vers sondit logeis, et aussi s'en ala ledit Marot tout malade ; et depuis ne se aproucha ledit supliant dudit hostel, mais vit tantost après le feu sortir hault par la cheminée qui estoit en ladicte maison dudit Rousseau, et par aucun temps après oyt dire qu'il estoit mort.

Dont il fut dolent, et ne fut aucunement consentent desdiz feu et meurtre.

Et après prindrent nostre dit sergent et autres qui l'acompaignèrent aucuns des malfaicteurs et complices dudit Rousseau, et les menèrent là où bon leur sembla.

Depuis lequel cas ainsi advenu et qu'il vint à la notice et congnoissance de nostredit procureur en Poitou, il a fait faire informacion sur ce, et, ladicte informacion faicte et veue, a fait adjourner ledit supliant et autres à comparoir en personne par devant nostre dit seneschal de Poictou ou son lieutenant à son siège de Poictiers, à certain jour après ensuivant.

Auquel jour il s'est comparu avecques les autres adjournez, et fut arresté prisonnier et mis ès prisons de la conciergerie de nostre palais de Poictiers.

Et lui estant ilec prisonnier, maistre Guillaume Artault, premier huissier en nostre court de Parlement, par vertu de certaines lettres obtenues ou nom de Loyse Rabatelle (11), veuve, et autres parens dudit Rousseau, adjourna ledit supliant et lesdiz Jousseaume, Marot, Martin et autres à comparoir en personne en nostredicte court de Parlement (12), à certain jour ensuivant, sur paine de bannissement et de confiscacion de corps et de biens, pour raison dudit cas, pour lequel ilz avoient par avant esté adjournez et estoient arrestez, constituez et detenuz prisonniers à Poitiers, comme dit est. [Pour quoy ne s'est ledit suppliant comparu audit jour] et aussi pour doubte que rigueur de justice leur feust faicte, avant qu'ilz peussent monstrer de leurs justificacions et deffences, et a esté mis en trois deffaulx en nostredicte court, ainsi que on dit, et adjourné sur le prouffit d'iceulx.

Et doubte ledit suppliant, jasçoit ce que par lui ne par son commandement ledit cas n'ait esté fait, et qu'il ne feust alé audit lieu du Breuil Barret en entencion ne volonté aucune de meffaire ne faire meffaire, en corps ne en biens, audit Rousseau, en aucune manière, mais seulement pour secourir, aider et donner secours, confort et aide à noz officiers et à justice, ainsi que mandé lui avoit esté, que l'on voulsist contre lui proceder à rigueur de justice, mesmement, pour ce qu'il est chevalier et de bonne maison, se tint avec grant assemblée de peuple et de gens armez et embastonnez, avant que le commissaire et executeurs des lettres dessusdictes feussent arrivez, et aussi qu'il estoit en la compaignie, quoy que soit près d'ilec, quant ledit cas advint, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties.

En nous humblement requerant que nous, eu regard à ce que dit est, que ledit suppliant, qui est nobles homs et de grant maison, nous a servy ou fait de noz guerres et sert de jour en jour, quant mestier en est, aussi ont fait ses predecesseurs, et s'est toujours bien et notablement gouverné, sans avoir fait, commis et perpetré aucun villain cas, blasme ou reprouche, etc., nous lui vueillons nosdietes grace et misericorde impartir.

Pour quoy nous, les choses dessusdictes considerées, voulans miséricorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant le fait et le cas dessus touché avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tendront nostre Parlement à Paris et à tous noz autres justiciers, etc.

Donné à Razillé près Chinon, ou mois de may l'an de grace mil cccc. cinquante et neuf, et de nostre règne le XXXVIIe.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. A. Rolant. — Contentor. Chaligault.

 

 

(1). Ces lettres de rémission et les sept qui suivent immédiatement ont trait à la même affaire : l'assassinat d'Hector Rousseau et l'incendie de l'hôtel où il demeurait au Breuil-Barret, non loin de Fontenay-le-Comte.

Si l'on s'en tenait à ces lettres, on en pourrait conclure que, la victime étant entrée en rébellion armée contre l'autorité judiciaire et ayant attaqué furieusement, et sans rien vouloir entendre, ceux qui étaient venus, munis d'une commission régulière, pour l'arrêter et lui demander compte de crimes énormes, sa mort était très excusable, puisque le substitut du procureur du roi de Fontenay et les gentilshommes qui lui prêtaient main-forte auraient été en état de légitime défense.

 Même en lisant certaines de ces lettres, notamment celles qui furent octroyées à Mathurin d'Appelvoisin, on se demanderait quel blâme il pouvait bien avoir encouru, son rôle s'étant borné, d'après son récit, à intervenir dans un but de conciliation et à essayer de faire entendre à Hector Rousseau la voix de la raison. On peut donc supposer, d'autre part, que Mathurin d'Appelvoisin et ses compagnons, pour obtenir plus facilement leur rémission, avaient grandement atténué leur responsabilité, comme le cas se présentait fréquemment.

 Avant même qu'ils n'aient eu le temps de se soustraire aux poursuites en se couvrant de la grâce royale, ils avaient été ajournés devant le sénéchal de Poitou, puis au Parlement, et quand ils purent produire devant la cour leurs lettres de rémission, la veuve et les parents d'Hector Rousseau s'opposèrent à leur entérinement.

Toutes les pièces du long procès qui en résulta nous sont fournies par les registres criminels du Parlement. On peut en conséquence contrôler les affirmations contenues dans les lettres que nous publions ici.

Cette affaire dut avoir à l'époque un grand retentissement eu Poitou, tant à cause du drame en lui-même que par le rang des personnages qui y jouèrent un rôle, et, à ce titre, elle mérite d'être soumise aux règles de la critique et examinée contradictoirement. Comme cette étude exige un certain développement et qu'elle dépasserait de beaucoup les bornes d'une simple note, nous nous réservons de la présenter avec quelque détail dans l'introduction qui sera placée en tête du présent volume.

(2). Mathurin d'Appelvoisin, chevalier, seigneur dudit lieu et du Bois-Chapeleau, chef de la branche aînée de cette famille d'antique origine du pays de Gâtine, était fils de Huguet et de Jeanne Payen.

Il était doublement allié aux Jousseaume, sa grand mère maternelle était Marquise Jousseaume, et l'une de ses filles, Jeanne, épousa François Jousseaume, écuyer, sr de Soulandreau.

Mathurin fut un des exécuteurs testamentaires de Jacques de Surgères, sr de la Flocellière, et servit, en qualité d'homme d'armes du seigneur de Bressuire, au ban des nobles du Poitou, en 1467. (Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. I, p. 84.)

Il tenait comme héritier de son grand-père, Guillaume d'Appelvoisin, à hommage de Jean du Fouilloux, écuyer, seigneur du Buignon-Pothereau : 1° Les Charantonnières, sises en la paroisse de Saint-Paul-en-Gâtine ; 2° une borderie de terre désherbergée en la paroisse du Breuil-Barret. (Arch. nat., R1* 204, fol. 40 v°.)

On verra par le procès que son inimitié avec Hector Rousseau provenait de contestations au sujet de propriétés limitrophes. Sa femme, Catherine de La Noue, alors veuve, rendit, l'an 1487, un aveu à Nicole de Bretagne, comtesse de Penthièvre, comme dame de Poiroux. (Coll. Dugast-Matifeux, à la Bibl. de la ville de Nantes, liasse 122.)

(3). Hector Rousseau qui, est qualifié, dans un acte judiciaire de l'an 1452, maître ès arts et bachelier en lois, avait été pourvu de l'office de procureur du roi en la sénéchaussée de Guyenne à Bordeaux, après la seconde conquête du duché.

Nous ne savons à quelle famille il doit être rattaché et s'il appartenait à une branche des Rousseau, seigneurs de la Boissière, dont la noblesse fut confirmée par les commissaires royaux en 1398 et 1408. (Cf. notre t. VII, Arch. hist., t. XXVI, p. 135.)

 Hector Rousseau avait été marié une première fois avec Mathurine de Liniers ou de Linières (on trouve les deux versions), dont il lui restait une fille, Marguerite, encore mineure, et de sa seconde femme, Louise Rabateau, il avait aussi une fille, qui était toute jeune lors de la mort tragique de son père.

Six années auparavant, déjà, Hector avait bien failli succomber sous les coups d'autres ennemis également acharnés à sa perte, dont les principaux d'ailleurs étaient parents ou alliés de ceux qui obtinrent les rémissions de mai 1459.

Jean de Beaumanoir, seigneur de la Héardière, et son fils Jean, François de Sarmonnières, François Bourdin, Mathurin Cailleteau et plusieurs autres firent un jour irruption en armes dans cette même maison du Breuil-Barret où habitait Hector Rousseau ; ils se saisirent de sa personne, le frappèrent, lui percèrent le bras d'une dague, l'entraînèrent dans un petit bois à deux lieues de là, où ils le laissèrent pour mort avec trente-deux blessures pénétrantes, après lui avoir volé sa bourse pleine d'argent, emmené deux de ses chevaux, pillé ses meubles et joyaux. Poursuivis d'abord devant le sénéchal de Poitou, ils se gardèrent bien de comparaître.

Le 19 septembre 1452, Hector obtint contre eux des lettres d'ajournement au Parlement de Paris pour lé 12 décembre suivant, sous peine de bannissement. Le sr de la Héardière et ses complices firent encore défaut.

Le procureur du roi joint à Hector Rousseau demanda une condamnation sévère : le bannissement et la confiscation, la restitution des biens volés, le payement des frais de médecin et autres, l'amende honorable dans la cour de Parlement et devant la porte de l'église du Breuil-Barret, tête et pieds nus, en chemise, une torche de cire ardente de deux livres à la main, des dommages-intérêts de 2.000 livres parisis au profit de la victime, etc.

Dans l'intervalle, les coupables parvinrent à se faire délivrer des lettres de rémission et en requirent l'entérinement. Le Parlement rendit son arrêt définitif, le 28 avril 1453 ; pour réparation civile, Beaumanoir et ses complices furent condamnés à restituer ce qu'ils avaient pris, à dédommager Hector Rousseau de tous les frais, qu'il avait faits à lui payer chacun 400 livres parisis et 100 livres d'amende envers le roi, à tenir prison fermée jusqu'au parfait règlement de ces sommes, et à tous les dépens des différents procès.

La cour déclarait en outre que Rousseau serait désormais placé sous la sauvegarde royale. (Arch. nat., X2a 26, fol. 270.) Cette mesure ne réussit pas à le soustraire à sa destinée tragique : Mathurin d'Appelvoisin, Jacques Jousseaume, Jean de Puyguyon et les autres nommés ci-dessous achevèrent l'oeuvre commencée par leurs parents et amis.

(4). Jeanne Jousseaume, fille de Jean, seigneur de la Forêt-sur-Sèvre et de Commequiers, et de Jeanne de l'Isle-Bouchard, héritière de la Forêt-sur-Sèvre à la mort de son frère Louis, avait épousé, l'an 1440, Louis de Beaumont, chevalier, sr de Vallans, qui fut sénéchal de Poitou du 3 avril 1451 n. s. à la fin de 1460. (Cf. notre précédent volume, p. 378, note.)

(5). Le texte du registre porte fautivement « incontinent », au lieu de « en continuant ».

(6). Mot ayant la môme signification que bougre : homme de moeurs contre nature.

(7). Jean Chevredent, qui était alors procureur du roi en la sénéchaussée de Poitou. Il a été question de ce personnage dans nos deux précédents volumes et son nom reparaîtra encore plusieurs fois dans celui-ci.

(8). Dans la rémission en faveur de Maurice Herpin (ci-dessous, n» MCCCXIII), il est nommé Guillaume de La Coussaye.

Une généalogie de la famille de La Coussaye, originaire de la Gâtine, se trouve dans la nouv. édit. du Dict. des familles du Poitou, t. II, p. 702 et suiv., mais elle ne permet pas de déterminer sûrement lequel de ses membres possédait à cette époque un hôtel au Breuil-Barret. Cette généalogie débute par un Guillaume, sr de la Coudre et Chicheville (paroisse du Beugnon, canton de Coulonges-sur-l'Autize) décédé avant 1461.

(9). Ce prieuré de chanoines réguliers de Saint-Augustin, de la congrégation de Saint-Ruf, paraît différent du prieuré-cure du Breuil-Barret, sur lequel le Pouillé des diocèses de Luçon et de Maillezais publ. par l'abbé Aillery (Fontenay, 1860, in-4°, p; 174) fournit quelques renseignements sommaires.

(10). Ce frère d'Hector Rousseau est plus souvent nommé Albert, particulièrement sur les registres du Parlement. C'est lui qui eut l'administration de la personne et des biens de Marguerite, la fille aînée de son frère, et fit les frais des poursuites contre les meurtriers. Il eut à ce sujet un procès contre sa belle-soeur qui se jugeait lésée, ainsi que sa fille Jeanne, dont elle avait la tutelle, dans la répartition des dommages-intérêts. (Voir un acte d'opposition de celle-ci au Parlement, du mardi 22 septembre 1472, Arch. nat., X2a 39, à la date.)

Le même Albert Rousseau obtint de la cour, le 19 janvier 1475 n. s., un mandement d'information, adressé aux enquêteurs et au clerc de la sénéchaussée de Poitou, contre les frères Guillaume et Jacques Le Maçon, prisonniers à sa requête, qu'il accusait d'avoir commis à son préjudice divers excès non précisés (X,a 40, fol. 220 v°).

(11). La généalogie de la famille Rabateau qui se trouve dans la 1re édit. du Dict. des familles du Poitou est trop incomplète (M. Daniel Lacombe n'y a rien ajouté, dans son étude sur le président Jean Rabateau, L'hôte de Jeanne d'Arc à Poitiers, Paris, Niort, 1895, in-8°), pour que l'on puisse y reconnaître la filiation de Louise Rabateau.

 Elle paraît être la nièce de Jean, président au Parlement, dont il a été question, à plusieurs reprises, dans nos deux derniers volumes. Il avait un frère qui laissa certainement plusieurs enfants, dont au moins une fille, car dans un acte du Parlement du 31 mai 1462 (Arch. nat., X 232, à la date), il est parlé d'une nièce du président.

Jean Rabateau, seigneur de la Rabatelière, lieutenant général au siège de Fontenay-le-Comte, marié à Marie Thibault, devait être le petit-fils et non le fils, comme le dit M. Beauchet-Filleau, de ce frère du président, car Marie Thibault, alors sa veuve depuis peu de temps, réclamait, le 7 novembre 1533, la riche succession de Jean Rideau, sr deBernay à Iteuil. (Arrêt du Parlement de cette date, X1a 1536, fol. 465 v°,481.)

Quoiqu'il en soit, Louise Rabateau, avant de devenir la femme d'Hector Rousseau, avait épousé en premières noces Jean Mouraut, oncle sans doute ou cousin de Jean Mouraut, sr de la Mothe-sur-Croutelle (sur lequel voyez notre vol. précédent, p. 328, note).

Après la mort de son second mari, dont elle avait une fille, nommée Jeanne, elle contracta un troisième mariage avec Antoine Augier, écuyer, comme on le voit par le passage suivant d'un registre de la cour : « Me Jacques Olivier, procureur de Anthoine Augier, escuier, et demoiselle Loyse Rabatelle, sa femme, comme ayant le gouvernement de sa fille, s'oppose à ce que aucun exécutoire de despens ne soit baillé ou delivré à Albert Rousseau, pour certaines causes, etc., 22 septembre 1472. (X2a 39.)

(12).. Mathurin d'Appelvoisin et ses co-accusés avaient été ajournés au Parlement pour le 21 novembre 1458 (X2n 28, à la date). C'est la première mention d'un procès dont il sera question dans l'introduction du présent volume et dont on retrouve encore la trace sur les registres de la cour, le 6 juillet 1474. (X2a 40, fol. 159 v°.)

 

 

 

 

 

Mai 1459- Rémission donnée en faveur de Jacques Jousseaume, écuyer, seigneur de la Geffardière, qui avait pris part au meurtre d'Hector Rousseau et à l'incendie de son hôtel.

(JJ. 188, n° 88, fol. 42.)

Charles, par la grace de Dieu roy de France.

Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de nostre bien amé Jacques Jousseaume (1), escuier, seigneur de la Geffardière et de Laugefaugereuse, contenant que, le samedi XIIIe jour de may cccc. cinquante huit, ledit supliant estant en son hostel de la Geffardière, receut, à heure de souleil couchant ou environ, certaines lettres missives escriptes à Fontenay le Conte, le jour précedent douziesme jour d'iceluy mois, queMathurin Marot, substitut de nostre procureur en Poictou, à ce ordonné et commis de par nous ou siège et ressort dudit Fontenay le Conte, escripvoit audit supliant, contenant que ledit Marot, substitut dessusdit, avoit mandement ou commission de nostre seneschal de Poictou ou de son lieutenant, duquel il envoyoit audit supliant la coppie avecques lesdictes lettres missives, pour prendre au corps Ector Rousseau et ses adherans et complices ;

lequel Rousseau, qui devoit estre le dymenche ensuivant au Brueil Barret, ainsi que ledit Marot avoit entendu, estoit homme malicieux, qui avoit acoustumé de user de rebellions et desobeissances à nous et à noz officiers, et usoit de voyes de fait, et avecques lui tenoit varletz en habillemens de guerre et autrement, sur lesquelz ledit Marot ne povoit, quoy que soit ne osoit entreprandre à faire l'execucion de sadicte commission, obstant lesdictes voyes de fait, dont ilz estoient coustumiers de user, sans avoir aide et secours des nobles et autres gens du païs ; et pour ce prioit et requeroit, de par nous et au moyen et par vertu de certaines autres lettres de commission emanées de nostredit seneschal ou de son lieutenant, ledit supliant qu'il lui pleust se rendre avec ses gens en bon habillement, ledit dymenche XIIIIe jour d'icelui moys de may, audit lieu du Breuil Barret, et illec ou auprès d'icelui lieu atendre ledit Marot, substitut dessusdit, jusques à ce qu'il feust par devers ledit supliant, pour proceder ou fait de ladicte prinse, en la meilleure forme que l'on verroit estre à faire.

Après la recepcion des quelles lettres, ensemble de ladicte coppie desdictes lettres de nostredit seneschal ou de son lieutenant, ainsi par ledit Marot envoyées audit supliant, icelui supliant, qui tousjours a obey et voulu obeyr à son povoir à noz officiers et à justice, et les secourir et donner secours et aide, toutes et quantes foiz que sommé et requis en a esté, considerant que dudit lieu de la Geffardière jusques audit lieu du Breuil Barret y avoit trois grosses lieues ou environ, et doubtoit que, s'il attendoit à partir le lendemain au matin, qui estoit le jour de dymenche, pour y aler, qu'il n'y peust estre si tost ne si matin qu'il croyoit que ledit Marot, substitut, y feust, se habilla et arma de ses brigandines et salade et de son espée et dague seulement, et fist aussi habiller ung nommé Jean Beufmont (2), Mathurin Hariau (3), Jehan Lermener et autres ses gens et serviteurs, jusques au nombre de huit ou neuf arbalestes ou voulges, et monta à cheval et sesdiz gens aussi, et s'en party dudit lieu de la Geffardière, environ souleil couchant, et print son chemin avec sesdiz gens pour tirer droit vers ledit lieu du Bruil Barret, et passa par Saint Pierre du Chemin ; auquel il trouva Colas Martin, qui y fait sa residence, et lequel avoit par plusieurs foiz esté avec ledit supliant en nostre service ou fait de noz guerres.

Auquel Martin ledit supliant dist qu'il se habillast pour aler avec icelui suppliant et sesdiz gens audit lieu du Breuil Barret, pour donner secours et aide à nostre procureur ou son substitut et autres noz officiers, à faire ou faire faire la prinse dudit Rousseau et de sesdiz complices.

 Lequel Martin se habilla de ses brigandines, salade et voulge et se mist en la compaignie dudit suppliant et prindrent le chemin à tirer vers ledit Breuil Barret.

Et quant ilz furent au vilaige du Tail, qui est à ung quart de lieue ou environ dudit Breuil Barret, fut nuyt, et à ceste cause d entourèrent à-souper et au coucher chez Jehan de Puyguion (4), escuier, seigneur dudit vilaige du Tail.

Et le lendemain au matin, qui fut ledit jour de dymenche, ledit supliant et ceulx de sa compaignie furent et atendirent audit lieu du Tail jusques environ midy, attendant ouïr nouvelles que ledit Marot feust arrivé audit lieu du Breuil Barret ; et pour ce que n'en avoient aucunes nouvelles et qu'il doubtoit qu'il se feust transporté sans passer par son logeis, et aussi que rapporté avoit esté audit suppliant que ledit Rousseau, qui avoit esté adverty que on le vouloit prendre et à ceste cause s'en vouloit fouir et sesdiz complices, icelui suppliant avec sesdiz gens ou partie, et aussi ledit Jehan et Jacques de Puiguion, son filz, qui se misdrent en sa compaignie, se transportèrent audit lieu du Breuil Barret, où ilz arrivèrent environ mydi devant la maison en laquelle ledit Rousseau et autres ses complices estoient enfermez et garniz de harnoiz et artillerie, comme de arbalestes, coule-vrines et autres habillemens de guerre, esperans y trouver ledit Marot ; mais n'estoit encores venu.

Et incontinent que ledit Rousseau et ses complices virent ledit supliant et ceulx qui estoient lors avec lui devant ladicte maison, tirèrent trait d'arbalestes et coulevrine contre eulx, en disant par celui Rousseau oudit supliant injures et obprobres vilz et deshonnestes à desmesure, et sur ce eurent plusieurs parolles chaleureuses les ungs vers les autres, telement que d'une part et d'autre y eut du trait tiré ; toutes voyes n'y eust riens blecié pour celle heure.

Et après ce dist et desclaira ledit supliant audit Rousseau qu'il n'estoit ilec alé en entencion aucune de lui faire aucun grief ne violence, mais pour secourir justice et par commandement à lui fait, pour secourir et aider à noz officiers qui ilec se devoient rendre pour le prendre et sesdiz complices au corps, et que, s'il se vouloit rendre prisonnier à nous, qu'il n'auroit mal ne desplaisir ; mais, s'il ne le faisoit, ledit Marot venu, metroient peine de l'avoir et sesdiz complices.

Et ce pendant que ledit supliant et autres estoient ainsi devant ladicte maison, où ilz avoient esté l'espace de deux ou trois heures ou environ, en attendant ledit Marot à venir, et gardant que ce pendant ledit Rousseau et sesdiz complices ne se evadassent, arriva environ heure de vespres devant icelle maison Mathurin d'Appellevoisin, chevalier, armé de brigandines et salade, avecques lui ung serviteur armé d'un jacques et salade, et trouva ledit supliant avec sesdiz gens et autres qui y estoient venuz paravant.

 Lequel d'Appellevoisin, incon-tinant qu'il y fut arrivé, exorta gracieusement ledit Rousseau qu'il se rendist à nous prisonnier, et que nostredit seneschal de Poitou les avoit ilec envoyez et donné en commandement de le faire nostre prisonnier.

Lequel Rousseau, oyes lesdietes parolles, renya Dieu, ainsi que paravant l'avoit renyé par plusieurs foiz, que point ne se rendroit ne riens ne feroit, pour le roy ne pour la royne, et appelloit lesdiz supliant et d'Appellevoisin,qui sont nobles, nez et extraitz de noble et ancienne lignée et de grant honneur et estat, villains, traitres, ribaulx, ladres, mangez de loups, en renyant tousjours Dieu qu'il les seingneroit de la vaine du col et mengeroit de leurs foyes roustiz sur le gril.

Et appella ledit Rousseau ledit d'Appellevoisin en seureté, en lui disant telles parolles : « Faictes cesser ce ribault, traitre, meseau Jousseaume, filz de putain, engendré d'un ribault cordelier à la basinette. »

Et se tindrent lesdiz suppliant, d'Appelevoisin et autres, depuis le temps et heure dessusdicte jusques environ souleil couchant, en attendant ledit Marot à venir, devant ladite maison en laquelle ledit Rousseau et sesdiz complices estoient, à ce qu'il ne se evadast, comme dit est.

Et ce pendant icelui Rousseau et sesdiz complices tirèrent contre ledit supliant, d'Appellevoisin et autres qui illec estoient, plusieurs traiz tant de coulevrines que d'arbalestes, en leur disant continuelement injures et vilenies, regnyant et blafemant le nom de Dieu, et frapèrent ledit Nycolas Martin d'un trait par la poitrine et l'eussent tué, s'il n'eust eu brigandines, et aussi blecièrent ung nommé Mathurin Hariau d'un trait par le bras ; pendant lequel conflict ou debat, et en surattendant tousjours la venue dudit Marot, survint illec certain grant nombre de peuple, et pou après, comme environ souleil couchant, ledit Marot, substitut, et Guillaume Guerart, nostre sergent, lesquelz avoient avec-ques eulx les commissions dessus dictes pour prandre au corps ledit Rousseau et ses complices, arrivèrent audit lieu du Breuil Barret, où ilz trouvèrent ledit supliant, d'Appel-levoisin et autres dessus nommez, avec ledit peuple qui s'y estoit assemblé en grant nombre.

Et lesquelz Marot et sergent ainsi arrivez avec leursdictes commissions, et acertenez des voyes de fait, rebellions et desobeissances que ledit Rousseau et sesdiz complices avoient fait, faisoient et s'efforçoient faire, requisdrent et prièrent lesdiz supliant, d'Appelevoisin et autres leurs gens et serviteurs, ausquelz ilz monstrèrent et exibèrent de rechief lesdietes lettres de commission, ilec presens, de donner confort et aide de faire ladite execucion à l'encontre dudit Rousseau et de sesdiz complices.

Et de fait ledit Guerart, sergent, pour faire ladicte execucion, se transporta devant et près de ladicte maison en laquelle ledit Rousseau et sesdiz complices estoient ; auquel Rousseau à haulte voix, en parlant à sa personne, il fist exprès commandement de par nous qu'il lui fist ouverture de ladicte maison pour accomplir le contenu en ladicte commission dudit sergent, en requérant par lui icelui Rousseau qu'il obeist à justice.

Lequel Rousseau dist et respondi audit sergent qu'il ne lui daigneroit faire obeissance, en disant fy de lui et de son commandement.

Et lors icelui sergent dist audit Rousseau qu'il le faisoit et constituoit nostre prisonnier, et nous obeist et à justice.

A quoi ledit Rousseau respondy et dist telles parolles : ( Fy du roy et de laroyne », et que point ne se rendroit prisonnier ne riens ne feroit pour roy ne pour roc, en disant tousjours « fy » et autres parolles très oultrageuses et arrogantes, et que bien en paieroit ledit Guerart, nostre sergent, et qu'il lui souvenist comment il avoit autres foiz gallé (5) les villains de Fontenay.

 Et tira icelui Rousseau, aussi firent sesdiz complices, plusieurs traitz d'arbaleste et coulevrine en telle manière que nul ne s'osoit tenir devant ladicte maison.

Et à ceste cause s'estoient lesdiz Jousseaume, supliant, et d'Appellevoisin ung peu retraiz et eslongnez de la dicte maison, et aussi s'en estoil alé ledit Marot à son logeis, pour ce qu'il s'estoit trouvé mal disposé.

Et incontinent ou pou après le derrenier traictde coulevrine qui fut tiré de ladicte maison où estoit ledit Rousseau, une grant flambe de feu yssy et apparut par le thuau de l'une des cheminées d'icelle maison, de la haulteur de demie lance ou environ, la flambe ynde et perse et sentoit le souffre, et en peu d'eure fut ladicte maison arse et brulée, et ledit Rousseau tué d'un trait d'arbaleste de l'un de ceulx qui estoient devant ladicte maison, ne scet ledit supliant par qui, pour ce que ledit supliant estoit assez loing de ladicte maison et de l'autre cousté d'icelle où estoit ledit Rousseau ; ne aussi ne scet ledit supliant en quelle manière ledit feu se print en ladicte maison, fors que on dit que ceulx de dedens le y misdrent par leur fol et meschant gouvernement, quoy que soit, n'y fut mis par son adveu ne à son sceu, ne par son commandement ne fut fait ledit cas, et n'en sceut riens tant qu'il fut advenu, et s'en retourna avec sesdiz gens et serviteurs à coucher audit lieu du Tail, et d'ilec s'en ala à son hostel de la Geffardière.

Et après ledit cas advenu et pour raison d'icelui, informacion precedent, nostredit procureur en Poitou fist adjourner ledit supliant et lesdiz d'Appelevoisin, Marot, Martin et autres à comparoir en personne par devant nostredit seneschal de Poictou ou son lieutenant à Poictiers, à certain jour, auquel ilz comparurent, et furent arrestez et constituez prisonnier, et eulx estans ilec prisonniers, mais tre Guillaume Artault, premier huissier en nostre court de Parlement, par vertu de certaines lettres obtenues ou nom de Loyse Rabatelle, veuve, et autres parens d'icelui feu Rousseau, adjourna lesdiz supliant, d'Appelevoisin, Marot, Martin et autres à comparoir en personne en nostredicte court de Parlement, à certain jour ensuivant, sur peine de bannissement et de confiscation de corps et de biens, pour raison dudit cas, pour lequel ilz avoient paravant esté adjournez et estoient arrestez, constituez et detenuz prisonniers à Poictiers, comme dit est.

Auquel jour ne s'est ledit suppliant comparu, doubtant que rigueur de justice lui feust faicte, avant qu'il peust monstrer de ses justificacions et deffenses, et pour ce a esté mis en trois deffaulx en nostre dicte court de Parlement, ainsi que on dit, et adjourné sur le prouffit d'iceulx.

Et doubte ledit supliant, jasçoit ce que par lui ne son commandement ledit cas n'ait esté fait, et qu'il ne feust alé audit lieu du Breuil Barret en entencionne voulenté aucune de meffaire ne faire meffaire, en corps ne en biens, audit Rousseau, mais seulement pour aider, secourir et donner secours, confort et aide à noz officiers et à justice, ainsi que mandé lui avoit esté, que l'on voulsist contre lui proceder à rigueur de justice, mesmement pour ce que il, qui est escuier et de bonne maison, se tint avec grant assemblée de peuple et de gens armez et embastonnez, avant que les commissaires et executeurs des lettres dessusdictes feussent arivez, et aussi qu'il estoit en la compagnie, quoy que soit assez près d'ilec, quant ledit cas advint, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties.

En nous humblement requerant que nous, etc., lui veuillons nosdictes grace et misericorde impartir. Pourquoy nous, les choses dessusdictes considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit supliant oudit cas avons quicté, remis et pardonné, etc.

Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans ou qui tendront nostre Parlement à Paris et à tous noz autres justiciers et officiers, etc.

Donné à Razillé près Chinon, ou mois de may l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le XXXVIIe.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.

 

 

(1). Jean Jousseaume, seigneur de la Geffardière, père de Jacques, a été fréquemment mentionné dans nos deux précédents volumes, à l'occasion des procès qu'il eut à soutenir, en qualité de tuteur des enfants de son neveu, Jean Jousseaume, seigneur de la Forêt-sur-Sèvre et de Commequiers, et de Jeanne de l'Isle-Bouchard.

Celle-ci s'étant remariée, très peu de temps après le décès de son premier mari (1430), avec Perceval Chabot, sr de la Turmelière, qui s'était emparé du château de Commequiers, au préjudice des deux mineurs. Il y aurait beaucoup à dire encore sur ces procès, mais cela nous entraînerait trop loin. Nous nous contenterons de fixer la filiation des srs de la Geffardière et leur rattachement à la branche principale de la famille Jousseaume.

Jean, sr de la Geffardière, était le troisième fils de René 1er Jousseaume, qui avait épousé Isabelle de la Forêt, l'héritière de la Forêt-sur-Sèvre et de Commequiers. (Arch. hist. du Poitou, t. XXVI, p. 221, note.)

Il contracta mariage avec Jeanne Chauderier, dame de Rouzay en Aunis, poursuivit le frère de sa femme, René Chauderier, sr de Nueil, au Parlement criminel pour graves excès (Arch. nat., X2* 22, aux dates des 28 et 30 mars, 12 et 20 juin 1441 ; 1er et 12 mars, 19 avril et 6 août 1442 ; X2a 23, fol. 53, au 24 juillet 1441), et était mort avant le 18 mai 1449.

A cette date, Jeanne Chauderier, qui se dit sa veuve, rendit aveu à Richemont, sr de Parthenay, de son hôtel de la Caillière près Fontenay-le-Comte, mouvant de Mervent. (Arch. nat., R1* 204, fol. 49.)

Leur fils Jacques, qui obtint ces lettres de rémission de mai 1459, était, comme on le voit, seigneur, de la Geffardière et de Loge-Fougereuse.

Par arrêt du Parlement du 14 août 1466, il perdit la justice de cette dernière seigneurie, qui fut confisquée au profit du roi, et condamné à 250 livres d'amende, à la requête de Me Pierre Coulon et en réparation de l'exécution de Jacques Coulon, père de ce dernier, Jean Jousseaume, sr de la Geffardière, et son fils Jacques, ayant été convaincus de lui avoir fait subir le dernier supplice à Loge-Fougereuse, sans raison suffisante. (X2a 31, fol. 39, et X2a34, fol. 155 v°.)

Cet arrêt, qui était la confirmation de la sentence du juge de première instance, a été cité déjà dans notre précédent volume (p. 116, note) ; nous le rappelons ici, parce que, dans cette première mention, il n'apparaissait pas que le seigneur de Loge-Fougereuse et le seigneur de la Geffardière étaient un seul et même personnage.

 Le 24 août 1466, par lettres données à la Mothe-d'Egry, Louis XI fit don à Louis de Beaumont, seigneur de la Forêt-sur-Sèvre et de Vallans, ancien sénéchal de Poitou et cousin par sa femme du sr de la Geffardière, de tout le droit de haute, moyenne et basse justice en la terre et seigneurie de Loge-Fougereuse. (Bibl. nat., ms. fr. 21405, p. 162, et JJ. 194, n° 190.) Elles seront publiées dans notre prochain volume.

Jacques Jousseaume épousa Jeanne de La Roche, fille de Guillaume de La Roche, chevalier, seigneur de Vieux-Varèze, et de Marguerite Feydeau.

Le 6 juin 1469, il rendait un aveu, à cause de sa femme, pour le tenement de la Pirouardière, à Charlot d'Orfeuille, écuyer, sr de Foucault.

Il eut quatre fils : Jean, André, François, Joachim, sr de Soulandreau, et une fille, Jeanne, femme de Guillaume Gillier, écuyer, sr de Salles. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, Ire édit., t. II, p.270.) D'après la nouv. édit., c'est François qui fut seigneur de Souandreau, et il épousa Jeanne, fille de Mathurin d'Appelvoisin. (Cf. ci-dessus, p. 126, note.)

(2). Jean Beufmont obtint aussi des lettres de rémission, pour sa participation au meurtre d'Hector Rousseau. (Ci-dessous, n° MCCCXIV.)

(3). Il est nommé Mathurin Herveau dans les lettres en faveur de Jean de Puyguyon ci-dessous.

(4). Voy. quelques pages plus loin, la notice consacrée à ce personnage.

(5). Le même mot est employé dans les lettres pour Colas Martin, cidessous.

 

 

 

Mai 1459 - Rémission accordée à Colas Martin, praticien en cour laie à Saint-Pierre-du-Chemin, qui avait pris part à la même affaire.

(JJ. 188, n» 89, fol. 43 v°.)

Charles, par la grace de Dieu roy de France.

Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Colas Martin, praticien en court laye, demourant ou villaige de Saint Père du Chemin en nostre pais et conté de Poitou, contenant que ledit suppliant estant aux assises royaulx de Nyort, qui ilec furent tenues ou mois d'avril mil cccc. cinquante et huit derrenierement passé, Mathurin Marot, substitut ordonné et commis de par nous de nostre procureur en Poictou au lieu, siège et ressort de Fontenay le Conte, lequel estoit ausdictes assises de Nyort, dist et notiffia audit supliant que, par la deliberacion des gens de nostre conseil en Poictou estans assemblez ausdictes assises royaulx dudit lieu de Fontenay, lesquelles pou de temps avant celles de Nyort avoient esté tenues, et informacion precedent faicte sur les pilleries, roberies, abuz, force et violence, ravissemens de femmes et voyes de fait, port d'armes, rebellions, desobeissances et autres crimes, excez et delitz en moult grant nombre commis et perpetrez par feu Ector Rousseau, qui lors vivoit, et par Jehan Raillon, Guillaume Paluya, Guillaume Artault, ung autre nommé Paulet, ung autre nommé Lescalier et autres aliez et complices dudit Rousseau, nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant avoit donné lettres pour prandre au corps ledit Rousseau et lesdiz complices, et les mener prisonniers en noz prisons à Poictiers, pour ilec ester à droit.

Et dist oultre ledit Marot que il avoit esté et estoit commis pour faire executer lesdictes lettres par le premier sergent et que il avoit entencion de faire faire ladicte execucion, le dymenché XIIIIe jour de may, en requerant ledit supliant de soy y rendre en habillement, pour ce que ledit Rousseau et sesdiz complices avoient esté et estoient rebelles et desobeissans à noz officiers et à justice et usoient de fait.

 Et après ce que ledit suppliant fut retourné desdictes assises de Nyort à son hostel audit lieu de Saint Pierre du Chemin, Jacques Jousseaume, escuyer, seigneur de la Geffardière, le samedy XIII ejour dudit moys, passa devers le soir avec ses gens et serviteurs, armé de brigandines, salade, dague et espée, et sesdictes gens en habillement par ledit lieu de Saint Pierre du Chemin, et parla audit supliant et lui dist qu'il se habillast et alast avec luy au lieu du Breuil Barret, pour donner secours et aide audit Marot, pour prandre ledit Rousseau et ses complices au corps et mener prisonniers à Poictiers, disant iceluy Jousseaume que ledit Marot lui avoit escript et mandé que se y rendist en habillement avec sesdiz gens, ledit jour de dymenche, et lui avoit envoyé le double desdictes lettres, qui données avoient esté pour prandre ledit Rousseau et sesdiz complices.

A quoy ledit supliant respondi et dist que, luy estant ausdictes assises de Nyort, ledit Marot lui avoit semblablement dit et requis de soy rendre en habillement, icelui jour de dymenche, audit lieu du Breuil Barret, et qu'il estoit content de y aller en la compaignie dudit Jousseaume, avec lequel il avoit esté par plusieurs foiz en nostre service ou fait de noz guerres.

Et se habilla ledit suppliant de ses brigandines et salade et print ung voulge en sa main et se mist en la compaignie dudit Jousseaume et prindrent le chemin à tirer vers ledit Breuil Barret.

Et quant ilz furent au vilaige du Tail,……(1) ung nommé Mathurin Hariau d'un traict par le bras, Et pendant icelui temps, presque tout le peuple d'iceluy bourg ou vilaige du Breuil Barret et des vilaiges et pais d'environ, qui savoient que l'en vouloit prandre ledit Rousseau et sesdiz complices pour les mener à justice, se rendit jusques au nombre de deux cens personnes ou environ, les aucuns embastonnez et les autres non, devant ladicte maison en laquelle ledit Rousseau et sesdiz complices estaient [et] tiroient tousjours traictz d'arbaleste et de coulevrine, comme dit est.

 Et environ souleil couchant, ledit Marot, substitut dessus dit, et Guillaume Guerart, nostre sergent (2).

Donné à Razillé près Chinon, ou moys de may l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le XXXVIIme.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.

 

 

(1). La suite du récit est exactement semblable au texte des lettres précédentes, données en faveur de Jacques Jousseaume.

(2). La fin est la reproduction textuelle desdites lettres en faveur de J. Jousseaume.

 

 

Mai 1459 Rémission accordée à Mathurin Marot, substitut du procureur du roi en Poitou au siège de Fontenay-le-Comte, poursuivi comme complice de la mort d'Hector Roussseau.

(JJ. 188, n° 90, fol. 44 v°.)

Charles, par la grace de Dieu roy de France.

Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Mathurin Marot, substitut de nostre procureur en Poictou ou ressort et siège de Fontenay le Conte, contenant que, comme ès assises royaulx tenues audit lieu de Fontenay, ou moys d'avril l'an mil cccc. cinquante huit, par deliberacion de noz officiers illec, eussent esté octroyées lettres par nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, adreçans au premier nostre sergent, pour prandre au corps feu maistre Hector Rousseau et ses complices et les mener prisonniers à Poictiers, pour ilec ester à droit, pour occasion de certaines pilleries, roberies, ravissemens de femmes, voyes de fait contre noz officiers et autres excez, crimes, deliz et malefices, dont icelui Rousseau et sesdiz complices estoient trouvez chargez et coupables, et avecques ce eust esté octroyé par la deliberacion que dessus, pour ce que ledit Rousseau estoit coustumier de user de voyes de fait et desobeissances, lettres de commission audit suppliant pour faire mettre à execucion lesdictes lettres de nostredit seneschal contre ledit Rousseau.

Par le moyen de quoy icelui supliant, saichant et adverty que pour lesdictes désobeissances et voyes de fait dont usoit icelui feu Rousseau, et aussi pour plusieurs gens de mauvaise et dissolue vie, qu'il avoit et tenoit en sa compaignie, ne seroit pas à lui possible mettre et faire mettre lesdictes lettres à execucion sans grande aide, bailla lesdictes lettres pour les executer à Guillaume Guerart, nostre sergent, et en ce faisant manda par ses lettres à Jacques Jousseaume, escuier, seigneur de la Gelfardière, que en aide de justice il se trouvast à certain jour lors ensuivant, en certain lieu où ledit Rousseau se tenoit, en bon et suffisant habillement armez pour lui aider à mettre lesdictes lettres à execucion contre ledit Rousseau.

Et ce fait, aucun temps après, iceulx supliant et Guerard, armez d'unes brigandines et d'aucuns autres habillemens de guerre, accompaignez de Jehan Dexmer, sergent de feu nostre cousin Artur, en son vivant duc de Bretaigne, connestable de France derrenier trespassé, embastonné d'une javeline et d'une espée, Estienne Berault (2), serviteur dudit supliant et franc archer, armé d'unes brigandines et tenant ung voulge et une espée, et d'une arbaleste avec du trait, et d'un autre nommé Simon, aussi franc archer, armé d'unes brigandines et tenant ung voulge et une espée, partirent dudit lieu de Fontenay et s'en alèrent audit lieu où ledit Rousseau estoit, où ilz arrivèrent environ souleil couchant, et se transportèrent devant la maison où ledit Rousseau estoit, qui avoit avec lui huit ou dix hommes armez et embastonnez d'armes invasibles et deffendues pour resister à ladicte execucion.

Au devant de laquelle maison, ilz trouvèrent ledit Jousseaume qui les attendoit pour obéir à justice, armé comme mandé lui estoit, et ses gens, aussi avec luy Mathurin de Pelevoisin, chevalier, Nicolas Martin et plusieurs gens du païs en grant nombre, qui s'i estoient renduz ; contre lesquelz ledit Rousseau et ses complices avoient jà tiré plusieurs traictz tant d'arbalestes que de coulevrines, dont ilz avoient blecié plusieurs de ceulx qui estoient devant ladicte maison, comme il fut [r]aporté audit supliant, lequel, pour occasion desdictes rebellions qui luy furent lors dictes et proferées par ceulx qui estoient dedans ladicte maison, pria et requist audit de Pelevoisin, Jousseaume, Nicolas Martin, leurs gens et serviteurs et autres ilec presens, qu'ilz aidassent et donnassent conseil, confort et aide audit Guerart, nostre sergent, executeur desdictes lettres, et atant se deparly d'ilec et s'en ala malade et mal disposé en la maison d'un nommé Colas Ferret, au lieu appellé le Breuil Barret, et luy estant en icelle maison, oyt dire que le feu s'estoit prins en ladicte maison où estoit ledit feu Rousseau et que ledit feu Rousseau avoit esté tué d'un trait d'arbaleste.

 Pour occasion duquel cas, qui fut fait au desceu dudit supliant et lui estant en ladicte maison, nostre procureur oudit païs de Poictou fist adjourner lesdiz suppliant, Jousseaume, Martin et autres à comparoir en personne devant nostredit seneschal de Poictou à Poictiers, à certain jour lors ensuivant.

 Auquel jour ilz comparurent et furent constituez prisonniers ès prisons de la Conciergerie de nostre Palais audit Poictiers ; et eulx estans ilec prisonniers, maistre Guillaume Artault, premier huissier en nostre court de Parlement, par vertu de certaines lettres obtenues ou nom de Loyse Rabatelle, veuve, et autres parens d'icelui Rousseau, adjourna lesdiz supliant, d'Apelevoisin, Jousseaume et Martin et autres à comparoir en personne en nostredicte court de Parlement, à certain jour ensuivant, sur peine de banissement et de confiseacion de corps et de biens, pour raison dudit cas, pour lequel ilz avoient paravant esté adjournez et estoient arrestez, constituez et detenuz prisonniers à Poictiers, comme dit est.

Auquel jour ne s'est ledit suppliant comparu, pour doubte que rigueur de justice lui feust faicte, avant qu'il eust peu monstrer de ses justificacions et deffenses ; et par ce a esté mis en trois deffaulx en nostredicte court, ainsi que on dit, et adjourné sur le prouffit d'iceulx.

Et doubte ledit suppliant que, jasoit ce que par lui ne son commandement ledit cas n'ait esté fait et qu'il ne feust alé audit lieu du Breuil Barret en entencion seulement de executer et faire executer lesdictes lettres de nostredit seneschal, ainsi que par icelles mandé lui estoit, que on veuille au moyen d'iceluy cas et desdiz trois deffaulx, contre lui proceder à rigueur de justice, mesmement pour ce que icelui cas advint en la presence d'aucuns qu'il manda venir à l'aide de justice et qu'il estoit lors près dudit lieu où ledit cas fut commis et perpetré, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties ; en nous humblement requérant que, etc., nous lui veuillons nosdictes grace et misericorde impartir.

Pour quoy nous, les choses dessusdictes considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant le fait et cas dessus touché avons quicté, remis et pardonné, etc., satisfacion faicte à partie civilement tant seulement, se faicte n'est.

 Si donnons en mandement, par cesdictes présentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tendront nostre Parlement à Paris et à tous noz autres justiciers, etc.

Donné à Razillé près Chinon, ou moys de may l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le XXXVIIe.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Contentor. Chaligaut.

 

 

(1). La fin est la reproduction textuelle desdites lettres en faveur de J. Jousseaume.

(2). C'est ce Bérault qui lança le trait d'arbalète dont fut tué Hector Rousseau, suivant plusieurs actes du procès intenté aux meurtriers par la veuve et le frère de la victime.

 

 

 

Mai 1459. Rémission accordée à Jean de Puyguyon, écuyer, seigneur du Teil, pour les mêmes faits que les précédents.

(JJ. 188, n° 93, fol. 46 v°.)

 

Charles, par la grace de Dieu roy de France.

Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Jehan de Puyguyon (1), escuier, seigneur du Teil en Poictou, contenant que, le XIIIIe jour de may mil cccc. cinquante huit, Jacques Jousseaume, aussi escuier, seigneur de la Geflfardière, se transporta en l'ostel dudit supliant ouquel il ne le trouva pas, et pour ce dist aux gens et serviteurs d'iceluy supliant que, quant il seroit venu, ilz le feissent aler au lieu du Breuil Barret, où iceluy Jousseaume aloit, ainsi qu'il disoit, pour aider à prendre par justice au corps maistre Hector Rousseau et ses aliez et complices, et les mener prisonniers en nostre ville de Poictiers, pour ilec ester à droit et recevoir pugnicion de certains excès, crimes et malefices par luy commis et perpetrez, et que là se devoit rendre Mathurin Marot, substitut à Fontenay le Conte pour nostre procureur en Poictou, et autres noz officiers, qui de ce faire avoient commission de nostre seneschal de Poictou.

Et tantost après arriva ledit suppliant en sondit hostel, où il trouva encores ledit Jousseaume, lequel lui dist ce que dessus est dit.

Et incontinent icelui Jousseaume se mist à chemin et six ou sept compaignons, ses gens et serviteurs avec lui, pour aler audit lieu du Breuil Barret, ensemble ledit supliant et plusieurs autres.

Et si tost qu'ilz furent arrivez devant l'ostel dudit maistre Hector, icelui maistre Hector et sesdiz complices tirèrent à l'encontre d'eulx plusieurs traitz d'arbalestes et de coulevrines, et en blecèrent aucuns.

Et tantost après vit venir nostre amé et feal Mathurin d'Appellevoisin, chevalier, et plusieurs autres en sa compaignie, au devant duquel icelui supliant ala, et en y alant, frère Charles Rousseau (2), frère dudit maistre Hector, le suivy tant qu'il peut, et quant il fut près de lui, dist à iceluy supliant telles paroles ou semblables :

« Ha ! vilain, tu mourras ».

 

Auquel ledit supliant deffendit qu'il ne se aprouchast point de luy, en lui deffendant sa personne, dont icelui Charles ne voult riens faire et print trois ou quatre grosses pierres, desquelles il frappa par plusieurs foiz ledit supliant, dont il le bleça très fort.

 Et après que ledit d'Appelevoisin fut ilec arrivé, ledit supliant le vit aler parler audit maistre Hector, et ledit Jousseaume et autres avec eulx.

 Auquel Rousseau ledit d'Appelevoisin dist qu'il avoit ilec esté envoyé pour le prandre et mener par devers nostre seneschal de Poictou ; lequel Rousseau lui respondit qu'il ne lui daigneroit faire obeissance ne aler parler à luy quelque mandement qu'il eust donné.

 Et lors ledit d'Appelevoisin dit derechief audit maistre Hector de se faire nostre prisonnier.

A quoy iceluy Rousseau respondit en tele manière :

« Fy du roy et de ton mandement », et disoit à iceluy d'Appelevoisin telz motz : « Ladre, pren tes cliquettes et t'en va à ta ladrerie », et plusieurs autres grans injures.

Et aussi appela ledit Jousseaune, qui estoit avec ledit d'Apelevoisin : « Vilain cordelier », en disant telles parolles : « Tu n'es pas des Jousseaumes, si non de bastardie, tu es filz du cordelier de la Basinette ».

Pour lesquelles parolles et rebellions dudit Hector, ledit d'Apelevoisin voult entrer dedens ledit hostel dudit Rousseau, lequel Rousseau, pour à ce obvier, gettoit et fesoit getter grosses pierres et aussi tirer plusieurs traictz d'arbaleste et de coulevrines, dont furent bleciez ung nommé Maturin Herveau, Colas Martin et autres, et convint que lesdiz d'Appellevoisin et Jousseaume et ceulx qui estoient avec eulx se reculassent de ladicte maison.

Et puis après, iceluy Hector appela ledit d'Apelevoisin et luy dist qu'il alast parler à luy à seurté, dont ledit d'Apelevoisin fut content et y ala ; et quant il fut près dudit Rousseau, iceluy Rousseau s'efforça de le frapper par la gorge d'une espée qu'il tenoit et l'eust tué, se n'eust esté sa salade qu'il avoit en la teste.

Et après ce ledit d'Appelevoisin dist audit Rousseau qu'il se rendist prisonnier, ce qu'il ne voult faire, et atant s'en revint ledit d'Apelevoisin.

Et environ souleil couché, vit ledit supliant arriver ilec ledit Mathurin Marot, en sa compaignie quatre compaignons, et si tost qu'il y lut arrivé, vint parler ausdiz d'Appelevoisin, Jousseaume, supliant et autres touchant la prinse dudit maistre Hector.

Lesquelz récitèrent audit Marot les rebellions et desobeissances que avoit faictes ledit Rousseau. Et lors iceluy Marot dist aux dessusdiz qu'il convenoit prandre ledit Rousseau et que, pour ce faire, il avoit amené des sergens et autres gens, en les requerant de donner confort et aide ausdiz sergens, et mesmement à Guillaume Guerart, nostre sergent.

Après lesquelles parolles, ledit Marot s'en ala et enmena ses chevaulx ou bourg dudit Breuil Barret, en l'ostel d'un nommé Ferret.

Et après que ledit Marot s'en fut alé, ledit Guillaume, nostre sergent, se aproucba dudit maistre Hector, auquel en parlant, à lui fist commandement à haulte voix de par nous qu'il fist ouverture de sondit hostel et qu'il se voulsist rendre nostre prisonnier, et qu'il avoit mandement de le prandre.

Auquel ledit Hector respondit qu'il ne se rendroit point à lui ne à nous prisonnier, en disant fi du roy, de la royne et de nostredit sergent, et que autresfoiz il avoit bien gouverné le vilain trippier Marot, et qu'il le gouverneroit encores mieulx.

Et après, nostredit sergent dist à iceluy Rousseau qu'il le faisoit nostre prisonnier, en lui faisant tousjours commandement de faire obeissance et de se rendre prisonnier, dont il ne voult riens faire, et dist qu'il aimeroit mieulx vivre et mourir en ladicte maison que se rendre prisonnier, feust à nous ou à autre.

Et cependant vit ledit supliant par les fenestres dudit hostel le feu tout ynde au dedens d'iceluy hostel, qui yssoit par le dessus des cheminées, lequel feu sentoit à souffre et pouldre de canon, en telle manière que on ne povoit ilec durer.

Et tantost après ledit Rousseau, qui estoit sur ledit hostel, fut frappé au travers du corps d'un traiet d'arbaleste.

 Et après ledit cas advenu et par raison d'icelui, informacion precedent, nostredit procureur en Poictou fist adjourner ledit supliant et lesdiz d'Appelevoisin, Marot, Martin et autres à comparoir en personne par devant nostre dit seneschal de Poictou, ou son lieutenant à Poictiers, etc... .

Donné à Razillé, ou moys de may l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le XXXVIIe.

Ainsi signé : Par le roy, en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.

 

(1). Sur un registre d'aveux rendus à Artur comte de Richemont, seigneur de Parthenay, pour les fiefs mouvant de la châtellenie de Mervent, a été transcrit celui de Germain de Vivonne, sr d'Aubigné, à cause de ses seigneurie, forteresse et dépendances de la Châtaigneraie, en date du 16 novembre 1446.

 Parmi les noms de ceux qui tenaient des arrière-fiefs sous l'hommage de ladite seigneurie de la Châtaigneraie, on lit : « Item, Jehan de Puyguyon, seigneur du Puybretonnea (le Puy-Bretonneau, maison noble, commune de Saint-Mesmin, canton de Pouzauges), homme plain pour raison d'une borderie et autres choses assises en la paroisse de Montnoblet (Menomblet). » (Arch. nat., R1 204, fol. 43 v°.)

Dans un autre registre de la même époque, où sont inscrites les redevances dues au sr de Parthenay à cause de sa terre et seigneurie de Secondigny, se trouve cette autre mention : « Jehan de Puiguion, pour une borderie de terre appellée la Golardière, qu'il tient à hommage plein de Saint-Mesmin, xv. sols. » (Id., R1* 190, fol. 241.)

Il s'agit très vraisemblablement dans ces deux textes du Jean de Puyguyon, qualifié dans nos lettres « seigneur du Teil en Poictou ».

C'est le même encore que l'on trouve dans l'enquête faite, en 1439, par Adam Hodon, secrétaire du roi, commissaire en Poitou sur le fait des exempts et autres dudit pays et comté, parmi les nobles de la châtellenie de Pouzauges qui s'étaient soustraits, sans se faire excuser, au service qu'ils devaient au roi dans ses armées, et qui eut à payer pour sa part des amendes quatre livres dix sols. (Bibl. nat., ms. fr. 24160, fol. 37 v°.)

Jean de Puyguyon, écuyer, seigneur du Puy-Bretonneau,était le troisième fils de Guillaume, seigneur de Puyguyon (lequel était, en 1380, sous la tutelle de son oncle, Jean de Puyguyon), et de Jeanne Racodet, fille de Renaud, sr de « la Barbote. »

Il rendit aveu de sa borderie du Puy-Herbert au seigneur de Saint-Mesmin, et obtint du juge de Parthenay, le 5 septembre 1446, une sentence qui déboutait de sa requête Jean de Montfaucon, écuyer, seigneur dudit Saint-Mesmin, lequel prétendait que le métayer du Puy-Bretonneau était sujet au guet et à la garde du château de Saint-Mesmin. (Dict. des familles du Poitou, 1re édition, t. II, p. 568.)

Jacques de Puyguyon, fils de Jean, obtint à son tour des lettres de rémission, le 20 janvier 1462, pour sa participation au meurtre d'Hector Rousseau ; elles sont publiées dans le présent volume, ci-dessous, n°MÇCCLIIl.

 

(2). Charles Rousseau, religieux de l'ordre de Saint-Benoit (on ne dit pas à quelle abbaye ou à quel prieuré il appartenait), était aussi plaignant avec sa belle-soeur, Jeanne Rabateau, et son frère Albert, au procès intenté aux meurtriers d'Hector Rousseau. (Acte du 10 septembre 1463. X* 30, fol. 195 y.)

 

 

 

Mai 1459 - Rémission accordée à Jean Derveau, dit Chauvin, qui avait pris part à la même affaire.

(JJ. J 88, n° 94, fol. 47 v°.)

 

Charles, par la grace de Dieu roy de France.

Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l'umble suplicacion de Jehan Derveau, dit Chauvin, demourant à Monternoys, aagé de quarante cinq ans ou environ, contenant que, le XIIIIe jour de may mil cccc. cinquante huit, il fut au lieu du Breuil Barret, par le commandement de nostre amé Jacques Jousseaume, escuier, seigneur de la Geffardière, lequel lui avoit dit qu'il aloit audit lieu du Breuil Barret et que Matliurin Marot, substitut de nostre procureur en Poictou, lui avoit mandé se y trouver et qu'il avoit commission de prendre maistre Hector Rousseau.

Et après qu'il y fut arrivé, vit devant ladicte maison dudit maistre Hector plusieurs personnes armez et embastonnez, à l'encontre desquelz ledit Rousseau et ceulx qui estoient avec lui en ladicte maison tirèrent d'une coulevrine et plusieurs traictz d'arbalesle et gettèrent pierres à l'encontre de ceulx qui ilec estoient venuz, pour prandre ledit maistre Hector.

Et ledit supliant estant ilec avec les autres, vit ledit Jousseaume parler audit Rousseau par plusieurs foiz, et disoit à iceluy Rousseau qu'il se rendist à nous ou à nostre seneschal de Poictou, et qu'il n'auroit point de mal, et yroit avec luy à Poictiers ou par devers nostredit seneschal. Auquel Jousseaume ledit maistre Hector Rousseau respondit en l'appelant vilain ladre, filz de putain et de cordelier, et disant teles paroles : « Fy du roy et de la royne et dudit seneschal.

Avant que de me rendre, il mourra plus de cinquante hommes devant moi ».

Et après, la femme dudit Rousseau sortit dudit hostel et vint parler audit Jousseaume et luy suplia et requist qu'il lui pleust se de porter et ne courist point sur audit Rousseau, son mary. A laquelle ledit Jousseaume respondit et dist que ledit Rousseau alast parler à luy, et que s'il se vouloit rendre, qu'il n'y auroit point de mal ; et atant s'en retourna ladite femme audit hostel.

Et pou après elle retourna audit Jousseaume, auquel elle dist qu'elle creoit que sondit mary avoit le diable ou corps et qu'il ne se rendroit point pour roy ne pour royne, ne pour ledit seneschal, et que incontinent qu'elle lui avoit parlé de soy rendre, qu'il l'avoit cuidé tuer et regnia Dieu que s'elle lui en parloit jamais, qu'il la tueroit.

 Et lors ledit Jousseaume luy dist qu'elle n'y retournast plus.

 Et tantost après ledit Hector Rousseau vint à la fenestre dudit hostel, qui estoit serrée, et adreça ses parolles audit Jousseaume, en lui disant : « Vilain ladre, es tu ycy venu pour prescher ?» et d'un voulge qu'il tenoit cuida frapper ledit Jousseaume qui s'estoit aprouché de ladicte fenestre, pour lui remonstrer qu'il se rendist.

Et semblablement s'aproucha de ladicte fenestre nostre amé et feal Mathurin d'Appellevoisin, chevalier, et luy pria et requist qu'il se rendist et obeist à justice. Mais ledit Rousseau l'appela vilain ladre, filz de putain, comme il avoit fait ledit Jousseaume, et lui dist fy de lui et qu'il ne mourroit que de ses mains, et les seingneroit de la maistresse vayne du col, et d'une grant espée à deux mains qu'il avoit le frappa contre sa salade, et l'eust iceluy Rousseau [tué] ou fort blecié, comme il cuide, se n'eust esté sa salade.

Et incontinent après, ledit d'Appelevoisin ala à la porte dudit hostel pour entrer dedens, et quant ledit Rousseau sentit ladite porte estre x'ompue, requist audit d'Apelevoisin qu'il alast parler à luy à seurté.

 Lequel y ala et y demoura ung grant quart d'eure ou environ, et ne scet ledit supliant qu'ilz dirent ensemble ne que ledit d'Appelevoisin fist, mais tantost après qu'il fut sorty, oyt qu'il dist audit Rousseau qu'il se gardast bien et qu'il ne sauroit tant faire qu'il ne feust prins prisonnier, avant que l'en parlist d'ilec, puisqu'il ne se vouloit rendre. Lequel maistre Hector dist audit d'Appelevoisin teles parolles ou semblables : « Fy du roy, de la royne, du seneschal, de la seneschalle et des vilains tripiers de Poitiers et de Fontenay », et que autresfois il les avoit bien gouvernez et que si feroit il encores, et ne les craingnoit riens, et feussent ilz plus qu'ilz n'estoient.

Et cependant les portes dudit hostel furent fermées, en manière qu'on n'y povoit entrer.

Et ce fait, Guillaume Guerart, nostre sergent, qui illec estoit arrivé, fist commandement de par nous et nostredit seneschal audit Rousseau, qu'il se rendist, et qu'il avoit commission de le faix-e prandre et faire nostre prisonnier.

Auquel maistre Hector dist fy de luy et de son commandement, en regniant Dieu, qu'il avoit autresfoiz chauffé les vilains de Fontenay et que si feroit il encores.

Et commancèrent luy et ceulx de sa compaignie à tirer d'arbalestes et geter pierres, en regniant Diexx qxx'il tuex-oit tous ceulx qui estoient devant ladicte maison et les feroit mourir.

Et pour ce fist npstx-edit ser-gent commandement ausdiz Jousseaume, d'Appelevoisin et autres qui ilec estoient qu'ilz se meissent en ordonnance en tour ledit hostel, afin que ledit Rousseau feust prins et garder qu'il ne saillist.

Et environ souleil couchant, vit ledit supliant le feu qui sailloit par une des cheminées dudit hostel et sentoit fort comme à souffre et à pouldre de canon.

 Et quant on aperceut le feu, chacun cria audit maistre Hector qu'il se rendist et qu'il estoit en grant dangier de se brûler oudit hostel. Et quant le feu fut fort prins, ledit supliant vit iceluy Rousseau s'en yssir par dessus ledit hostel, tenant une grant espée, et ceulx qui estoient avec luy dedens ledit hostel, jusques au nombre de huit ou neuf, s'en'partirent et se rendirent, ce que ne voult faire ledit Rouseau, mais regnia Dieu que jamais il ne se rendroit et gettoit des thieulles de ladicte maison à ceulx qui estoient devant ladicte maison.

Et tantost après vit ledit maistre Hector Rousseau frappé d'un trait d'arbaleste, dont il cheut sur ladicte maison, en disant : « Ha ! tu m'as tué ! » et ne parla plus que ledit supliant oyst, dont il fut bien esbay.

Et après monta ung homme sur ladicte maison pour descendre ledit Rousseau qui jà estoit mort. Et lors ung chacun se departy. A l'occasion duquel cas et pour raison d'icelui, informacion precedent, nostredit procureur en Poictou fist adjourner ledit supliant et lesdiz d'Apelevoisin, Marot, Martin et autres à comparoir par devant nostredit seneschal de Poitou ou son lieutenant à Poictiers, etc... (1)

Donné à Razillé près Chinon, ou mois de may l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le XXXVIIe.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.

 

 

 

(1). La fin comme aux lettres précédentes en faveur de Mathurin Marot, p. 149 ci-dessus.

 

 

Juin 1459 - Rémission en faveur de Maurice Herpin, du Breuil-Barret, poursuivi comme complice du meurtre d'Hector Rousseau.

(JJ. 188, n° 118, fol. 57.)

 

Charles, par la grace de Dieu roy de France.

Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Morice Herpin, de la parroisse du Brueil Barret, contenant que le... (1) jour de may l'an mil cccc. cinquante huit, ledit suppliant estant audit lieu s'en ala à la messe et, après qu'il l'eut oye et qu'elle fut dicte, s'en sortit hors de l'eglise et trouva maistre Hector Rousseau, lequel estoit avecques la femme Guillaume Jarroueeau (2), seigneur de La Vau, lequel maistre Hector demanda audit suppliant où estoit Mathurin Herpin, son père, et icelluy suppliant luy respondi qu'il n'en savoit riens.

Et dist oultre audit Rousseau ledit suppliant que ledit Mathurin, son père, avoit oy dire qu'il avoit ung mandement pour le prendre, et lors ledit Rousseau dist audit suppliant qu'il fist venir ledit Mathurin, son père, parler à luy, à heure de vespres, ou que, s'il n'y venoit, il luy feroit despendre quatre foiz plus qu'il n'avoit vaillant, et convya icelluy Rousseau ledit suppliant à disner avec luy, mais il n'y voult aler et luy dist qu'il devoit disner avec son frère en la ville.

Et après disner, pour ce que le seigneur d'Appellevoisin avant avoit dit audit suppliant qu'il luy sceust à dire où estoit Jacques Jousseaume et que, luy estant en ladicte eglise, avoit oy dire que ledit Jacques Jousseaume estoit au Teil en ladicte paroisse du Brueil Barret, s'en ala audit lieu du Teil où il trouva ledit Jousseaume, lequel luy demanda où estoit ledit seigneur d'Appellevoisin, et ledit suppliant luy dist qu'il cuidoit qu'il fust à son hostel à la Guerinère, et icelluy Jousseaume dist audit suppliant qu'il alast dire audit d'Appellevoisin que, comment que ce fust, qu'il se rendist audit lieu du Brueil Barret, et que Mathurin Marot, nostre procureur ou substitut de nostre procureur à Fontenay le Conte, se y devoit rendre ; lequel suppliant ala devers ledit seigneur d'Appellevoisin et luy dist que icelluy Jacques Jousseaume luy mandoit qu'il se rendist à luy audit lieu du Brueil Barret et que là ilz devoient trouver ledit Mathurin Marot ; lequel d'Appellevoisin dist audit suppliant qu'il se rendist audit lieu du Brueil Barret et alast tousjours devant, ce que ledit suppliant fist en l'ostel de Jehan Aubert.

 Et peu après arriva ilec ledit d'Appellevoisin, et trouva ledit suppliant auquel il bailla son cheval et se fist oster ses esperons, et dist audit suppliant qu'il mist son cheval en l'estable d'un nommé Guillaume de la Coussaye (3), ce qu'il fist ; et après qu'il le y eut mis, ala dire audit d'Appellevoisin qu'il avoit mis sondit cheval en ladite estable ; et icelluy d'Appellevoisin luy dist qu'il alast querir une espaule de mouton en l'ostel dudit Guillaume de la Coussaye, laquelle ledit suppliant ala quérir et l'aporta audit d'Appellevoisin et deux pains blancs qu'il print en l'ostel de Perrette Gadète.

Après lesquelles choses, icelluy suppliant ala vers ledit lieu du Brueil Barret et vit venir ledit Marot et ung nommé Guillaume Guerart, nostre sergent ; lequel Guerart dist de par nous audit suppliant qu'il gardast son cheval, lequel suppliant print ledit cheval dudit Guerart et le mist en l'estable de Huguet Goulart (4), et après s'en sortit de ladicte estable ; et quant il fut hors d'icelle, oy dire que le feu estoit en la maison dudit Rousseau.

Et lors s'en ala icelluy suppliant vers la maison dudit Rousseau, à un gect de pierre près ou environ, et oyt dire que icelluy maistre Hector Rousseau estoit mort, et vit les gens dudit Rousseau qui sortoient par dessus ladicte maison pour double du feu ; et ala ledit suppliant veoir ledit maistre Hector Rousseau tout mort, qui avoit ung traict parmy le corps.

Après lequel cas advenu et pour occasion d'icelluy, ledit suppliant a esté adjourné par Jehan Corbeau, nostre sergent, à comparoir en personne en nostre court de Parlement, par deux ou trois foiz, sur peine de bannissement, de confiscation de corps et de biens ; et doubtant que rigueur de justice luy fust faicte, avant qu'il peust monstrer de ses justificacions et deffences, n'est aucunement audit jour ou jours comparu, et a esté mis en deux ou en trois defaulx en nostredicte court, si comme l'en dit.

El doubte icelluy suppliant, jaçoit ce que par luy ledit cas n'ait esté fait, que on vueille contre luy procéder à rigueur de justice, se noz grace et misericorde ne luy estoieut sur ce imparties, humblement requerant que, etc., nous luy vueillonssur ce impartir nosdites grâce et miséricorde.

Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc.

Si donnons en mandement, par ces presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tendront nostre Parlement à Paris, et à tous noz autres justiciers, etc.

 

Donné à Razillé, ou mois de juing l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le XXXVIIe.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. J. Du Ban.

 

 

(1). Blanc au registre.

(2). « Guillaume Jarroceau et Pierre Jarroceau, son filz, eulx disans nobles, composez à xv. livres, pour non avoir suy les armes par aucun temps passé », lit-on dans l'enquête faite en 1439 par Adam Hodon, secrétaire du roi, commissaire en Poitou pour la recherche de ceux qui s'étaient exemptés sans motif, soit du service militaire, soit du payement des tailles. (Bibl. nat., ms. fr. 24160, fol. 34 v°.)

Ils sont inscrits parmi les personnes taxées dans la châtellenie de Mortagne-sur-Sèvre. Voici une autre mention qui se rapporte avec plus de certitude au personnage nommé dans ces lettres de rémission : « Guillaume Jarrouceau, homme plain à cause d'un fief appellé le Chardonnoys, assis en la parroisse de Bruil Barret, sous l'hommage d'Appelle-voisin, lieu et herbergement en la parroisse de Saint Pol en Gastine », novembre 1446. (Arch. nat., R1* 204, fol 23.)

Cette famille noble était d'ailleurs originaire de cette région, du moins elle y était possessionnée dès le milieu du XIVe siècle.

Un Jean Jarrousseau rendit aveu, en octobre 1368, pour la prairie de Saint-Médard-des-Prés, mouvant de Fontenay-le-Comte. (Id., P. 1145, fol. 44 v°.)

 Citons encore un accord passé, le 13 mars 1419 n. s., entre Jean Jarrouceau, fils de Pierre, neveu et héritier de Guillaume Jarroueeau, d'une part, et Catherine Rocher, veuve dudit Guillaume, alors remariée à Philippe Boscher.

La contestation portait sur la jouissance de l'hébergement de la Thibaudière, avec étangs, garennes, prés, etc., sis en la paroisse d' « Aubepère ». Guillaume Jarrouceau par son testament avait exprimé la volonté que sa veuve le tint et exploitât, tant qu'elle vivrait, et Jean Jarrouceau ne voulait pas lui en reconnaître le droit. (Id,., Xle 117, vol. 209, n° 69.)

(3). Guillaume de la Coussaye, dont il est question déjà dans les lettres de rémission en faveur de Mathurin d'Appelvoisin (ci-dessus, p. 132).

(4). Dans les plaidoiries au Parlement, le 17 juillet 1459, on dit « l'hotel de messire Pierre Goulart et son fils ». On sait, d'autre part, qu'une branche au moins de cette famille nombreuse était établie près de Fontenay-le-Comte et dans la région voisine. Le 17 mai 1420, un Simon Goulart rendait aveu à Charles dauphin, comte de Poitou, pour le fief du Martrois en la paroisse de Saint-Médard-des-Prés. (Arch. nat., P. 1145, fol. 45.)

 

 

 

Juin 1459. Rémission octroyée à Jean Beufmont, écuyer, poursuivi comme complice du meurtre d'Hector Rousseau.

(JJ. 188, n° 119, fol. 57 v°.)

 

Charles, par la grace de Dieu roy de France.

Savoir faisons nous avoir receue l'umble supplicacion de nostre amé Jehan Beufmont (1) escuier, demourant à la Geffardière, aagé de XXX. ans ou environ, contenant que, ou mois de may mil cccc. cinquante huit et un jour de samedi devers le soir, nostre amé Jaques Jousseaume, escuier, seigneur dudit lieu de la Geffardière, son maistre, lui dist que Mathurin Marot, substitut à Fontenay le Conte de nostre procureur de Poictou, lui avoit fait savoir qu'il serendist le lendemain, jour de dimenche, avecques ses gens au Brueil Barret, pour aider à prandre maistre Hector Rousseau et que de ce il l'avoit prié et requis ; et dist audit suppliant qu il se mist à point pour aler avecques lui.

Et devers le soir, lesdiz seigneur de la Geffardière et suppliant montèrent à cheval et s'en alèrent à l'ostel de Colas Martin, lequel s'en ala avecques eulx.

Et après s'en alèrent tous ensemble à coucher au Tail, en l'ostel de Jehan de Puyguyon, seigneur dudit lieu, ouquel ilz demourèrent jusques au dimenche ensuivant, qui fut le dimenche devant la feste de la Penthecouste oudit an mil CCCC. LVIII.

 Et après ledit de la Geffardière, Jehan Lermener et Jehan de Puyguion et ledit suppliant montèrent à cheval et s'en alèrent à Brueil Barret, cuidans y trouver ledit Marot, lequel avoit escript audit seigneur de la Geffardière qu'il se y rendis avecques ses gens en habillement de guerre, pour mettre à execucion certaines lettres de commission de nostre seneschal de Poictou à l'encontre de maistre Hector Rousseau, le prandre au corps et ses complices et les mener en prison en nostre conciergerie de nostre palais de Poictiers, pour ilec ester à droit et recevoir pugnicion des cas, crimes et malefices, commis et perpetrez par ledit Rousseau et sesdiz complices.

Après lesquelz s'en alèrent à pié Jaques de Puyguion, Colas Martin, Maturin Ayreau, Jehan Derveau, dit Chauvin, et plusieurs autres.

Et quant ilz furent arrivez audit lieu du Brueil Barret, ledit maistre Hector et deux autres compaignons tenans arbalestes bandées alèrent à l'encontre de ceulx qui estoient venuzà cheval et tirèrent deux ou trois trectz contre eulx ; et quant il vit ceulx de pié, il se retira avecques sesdiz complices en sondit hostel.

Et après que lesdiz compaignons qui estoient là venuz furent tous armez, ledit de la Geffardière dist audit Rousseau qu'il n'estoit nul mestier de soy deffendre de lui, car il n'estoit ilec venu sinon pour secourir ledit Maturin Marot, quant il seroit venu pour mettre ung mandement de justice à execueion, qu'il avoit à executer contre ledit Rousseau, et qu'il feroit bien de faire obeissance à justice.

Lequel Rousseau respondit qu'il ne feroit pour roy ne pour royne riens, en appellant ledit de la Geffardière villain ladre et en renyant Dieu qu'il le feroit morir de male mort, lui et tous les autres qui estoient ilec venuz avecques lui.

Et lors ledit de la Geffardière, voyant la grant fureur dudit Rousseau, qui tousjours faisoit guerre, en tirant traietz d'arbalestes et gectant pierres, envoya loger ses chevaulx au bourg dudit Brueil Barret, et demoura devant ladicte maison dudit Rousseau, lui et les autres, en attendant ledit MaturinMarot.

Et ce pendant survint ilec nostre amé et feal Mathelin d'Appellevoisin, chevalier, avec ung varlet, lequel d'Appellevoisin dist audit Rousseau qu'il estoit ilec venu, de par nostre seneschal de Poictou, pour le faire nostre prisonnier.

Auquel ledit Rousseau respondit, en lui disant : « A ! es tu venu, villain traistre, chevalier ladre », en renyant Dieu qu'il le feroit mourir.

Et aussi dist audit seigneur de la Geffardière en l'appellant filz du cordelier de la Basinete, et disant fy du roy, de la royne, du seneschal et de sa femme ; et dist plusieurs autres injures.

Et ilec lesdiz d'Appellevoisin et de la Geffardière attendirent jusques environ souleil couchant que ledit Mathurin Marot arriva, en sa compaignie Guillaume Guerart, nostre sergent, et trois autres hommes armez.

Lequel Guerart, incontinent qu'il fut arrivé, monstra ung mandement, et par vertu d'icellui fist commandement audit Rousseau de se rendre nostre prisonnier.

Lequel Rousseau, en persévérant tousjours en sa malice, menasses, rebellions et désobéissances, dist à nostre dit sergent telles parolles : « Fi de toi et de ton mandement, du roy et de là royne», en renyant Dieu qu'il le tueroit et tous les autres villains trippiers de Fontenay.

Et aussi dist audit Marot, en jurant la char Dieu, qu'il le feroit mourir, ensemble tous les villains qui ilec estoient devant lui, et dist plusieurs autres injures.

Et lors nostredit sergent lui dist qu'il le faisoit nostre prisonnier, et fist commandement à tous ceulx qui ilec estoient de le secourir et aider à prandre ledit Rousseau.

Et pour ce qu'il n'osa entrer en ladicte maison par les portes, il monta par dessus la maison d'un bon homme, qui estoit près et joignant d'icelle dudit Rousseau, et ceulx qui là estoient se misdrent à l'entour de ladicte maison dudit Rousseau.

Lequel Rousseau et ses complices qui estoient dedans ladicte maison, jusques au nombre de neuf ou dix personnes, tiroient traictz d'arbalestes, de coulevrines et gectoient grosses pierres à l'encontre de ceulx qui estoient devant eulx.

Et quant ilz eurent tiré le derrenier coup de leur coulevrine, ledit suppliant vit tantost après sortir par l'une des cheminées de ladicte maison une flembe de feu toute ynde, qui sailloit bien hault, puant très fort à souffre et gresse ; et incontinent vit le feu en ladicte maison, maiz neantmoins ledit Rousseau et sesdiz complices qui estoient dedans se deffendant tousjours, et après ledit Rousseau dessus ladicte maison, au droit d'une cheminée, tenant une grant espée et renyant Dieu qu'il en tueroit.

Et tantost après le vit cheoir sur ladicte maison, aumoien d'un traict d'arbaleste dont il fut feru à la poictrine, dont il ala tantost après de vie à tres-pas.

Après lequel cas advenu et pour raison d'icellui, nostre procureur en Poictou, informacion precedant, fist adjourner, etc.... (2)

Donné à Razillé, ou mois de juing l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le XXXVIIme.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Clialigaut.

 

 

 

(1). Le Dict. des familles du Poitou a recueilli les noms de quatre membres seulement de cette famille noble de la Gâtine, deux du XIVe siècle et deux du xve : Miles Beufmont, écuyer, sr de la Courvaisière, et sa fille Louise, mariée le 16 janvier 1430, à Pouzauges, avec Nicolas Tortreau, sr de la Tortrelière. (Nouv. édit., t. I, p. 516.) Nous n'avons nous-même qu'une mention à y ajouter, celle de Guillaume Beufmont, qui, assigné à la Cour des Aides (ou, pour mieux dire, devant les généraux sur le fait des aides), en compagnie des héritiers de feu Ameil Franchaut, collecteur des aides en la paroisse de Verruye, par Henri Blandin, notaire et secrétaire du roi, depuis élu en Poitou, agissant en qualité d'ancien receveur de l'aide de 108.000 livres imposée par le roi, l'an 1425, en Poitou, se laissa condamner par défaut, le 14 décembre 1442. (Arch. nat., Z1a 13, fol. 119.)

(2). La fin de ces lettres est de même teneur que celles dont bénéficia Jacques Jousseaume (ci-dessus, n° MCCCVIII, p. 143).

 

Jean Rabateau de Fontenay le Comte, président au Parlement de Poitiers et Paris (Les juges de Jeanne d’Arc à Poitiers) <==

==>Le 10 avril 1470, Louis XI accorde à Jean d'Appelvoisin la permission de fortifier son château de Thiors

LISTE DES BAILLIS ET DES SÉNÉCHAUX. LISTE DES GRANDS SÉNÉCHAUX DU POITOU.  <==

 

==> Sur la Terre de nos ancêtres du Poitou - Aquitania (LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DU POITOU ) <==

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