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PHystorique- Les Portes du Temps
4 octobre 2023

Prisonnier une seconde fois à Tiffauges 4-6 juillet 1793

L'église de Saint-Nicolas de Tiffauges - Prisonnier une seconde fois à Tiffauges 4-6 juillet 1793

Je fus donc conduit à Tiffauges par les hommes qui se rendaient dans cette ville.

Rendu là, on me logea dans une maison particulière alors inhabitée et démeublée. Je ne trouvai dans la chambre où je fus placé, que les murs et le carreau pour tous meubles, mais depuis longtemps je n'en avais pas eu d'autres.

Je restai là trois jours. J'étais enfermé dans cette chambre, une personne était chargée de m'apporter les vivres qui étaient tout simplement du pain et de l'eau.

Mon gardien me disait qu'en payant il m'en fournirait de plus restaurants, mais je n'avais rien, ainsi que je l'ai déjà dit. Dans cette position je me trouvais beaucoup plus mal qu'à Mortagne, où la bienfaisance des habitants me procurait le plus nécessaire.

Je n'avais pas revu Sapinaud depuis le départ de Mortagne ni aucun des hommes avec lesquels j'avais fait le voyage. Je ne savais plus en quelles mains j'étais tombé, mais je pensais bien que cela ne pouvait durer longtemps.

La chambre où j'étais avait une croisée sur la rue. Il ne m'était pas défendu de me tenir à cette croisée. J'y étais souvent tant pour prendre l'air, parce qu'il faisait de grandes chaleurs, que pour voir ce qui se passait.

 La maison qui se trouvait en face, était, occupée par un particulier, qui me parut regarder attentivement de mon côté.

Bientôt je m'aperçus qu'il me faisait des signes, mais je ne parus pas les voir et même je m'éloignai ; je ne savais ce que cela voulait dire et craignais de me compromettre.

Cependant je désirais savoir ce qu'était ce personnage. Lorsque mon gardien reparut, je hasardai quelques questions assez indifférentes, et bientôt j'appris plus que je ne voulais savoir.

Il me dit que ce particulier était un homme très dangereux, un patriote très prononcé, que les persécutions et les menaces de mort depuis plus de trois mois n'avaient pu faire revenir de ses erreurs, il était prisonnier chez lui avec défense sous peine de la vie de sortir ni de parler à personne, enfin il était détesté dans le pays, et sûrement il ferait une mauvaise fin, comme cela devait arriver à tous ceux qui avaient la même opinion, etc.

On pense bien que je n'avais rien à dire dans cette occasion, et je ne répliquai pas un mot, mais je résolus de ne plus paraître à la croisée.

Cet homme, habitant de Tiffauges, devait avoir d'autant plus à souffrir, qu'outre la persécution pour cause d'opinion il était encore exposé à la vengeance des haines personnelles.

Cependant il était toujours dans la chambre en face de celle où j'étais renfermé. Il cherchait à faire des signes, mais je ne voulais rien voir.

Le quatrième jour au matin, je vis qu'il redoublait ses mouvements; il me faisait des signes non équivoques de meurtre et de carnage ; il passait la main autour de son cou d'une manière indiquant qu'on coupait ou qu'on avait coupé des têtes.

Alors je ne pus dissimuler plus longtemps, je voulus être instruit des événements qu'il me retraçait.

J'allai à la croisée et lui dis aussitôt : « Qu'y a-t-il donc de nouveau? que signifient les signes affreux que vous me faites? »

Il me répondit vivement : « Les républicains viennent d'être exterminés à Châtillon, hier ils ont été surpris dans cette ville par les royalistes, et de cette armée forte de 6.000 hommes il ne s'en est pas sauvé 300. Voilà ce que je voulais vous faire savoir. »

Je me retirai aussitôt sans dire une parole de plus, et j'attendis les résultats ; ils ne tardèrent pas.

Deux heures après, on vint me dire de sortir. Un me conduisit sur la place, et là je me retrouvai au milieu du détachement avec lequel j'étais venu de Mortagne, et aussitôt l'ordre du départ fut donné pour y retourner.

J'avais d'abord été inquiet de mon sort lorsqu’on m'avait fait sortir de la chambre où j'étais détenu, je craignais qu'on ne me mit encore plus mal, mais je fus un peu rassuré lorsque je retrouvai une partie des hommes que je connaissais, qui me dirent que j'allais rentrer avec eux à Mortagne.

La victoire remportée la veille à Châtillon était décisive pour le moment et rétablissait d'une manière évidente les avantages des royalistes.

 Les hommes avec lesquels je marchais, étaient électrisés par ce succès, lequel en effet éloignait pour longtemps les républicains du centre du pays conquis. J'entendis raconter tous les détails de cette affaire sanglante, où une armée entière fut exterminée, mais ce n'est pas ici qu'ils doivent être rapportés.

 

 

GABRIEL-URBAIN DOUAUD DE TIFFAUGES, CHANOINE DE NANTES 1730-1793

La petite ville de Tiffauges, en Vendée, a donné naissance à deux frères Douaud, tous deux prêtres éminents et édifiants (1).

 Nous parlons ici de l’aîné, M. Gabriel-Urbain Douaud. Il fit ses études à Nantes, au collège des Pères de l’Oratoire et s’y lit constamment remarquer par ses succès, son aménité et sa piété. Il resta, sans doute, ensuite quelque temps dans le monde, car il ne fut ordonné prêtre qu'en 1763 par Mgr de la Muzanchère qui le choisit pour son secrétaire et le nomma chanoine de sa cathédrale.

M. Douaud consacrait à l’étude, à la méditation et aux œuvres de charité tout le temps que lui laissaient ses fonctions. La ponctualité fut l’une de ses vertus favorites. « Une heure m’est assignée, disait-il, pour monter à l’autel, à moi d’être fidèle au rendez-vous pour ne pas condamner Jésus-Christ à faire antichambre. Hélas! il n’attend que trop déjà à la porte de tant de cœurs qui lui sont absolument fermés. »

Cette régularité était si connue qu’un vieil horloger du quartier ne trouvait rien de mieux pour recommander sa marchandises à ses clients que de leur dire :

 « Achetez mes pendules en toute confiance, pour elles comme pour M. Douaud il n’y a ni avance ni retard; comme lui elles ne connaissent que l’heure juste et la minute exacte »

 La première de ses occupations favorites était d’aller faire le catéchisme, dans la maison du Bon-Pasteur, aux petites filles recueillies parmi les enfants trouvés. Son ministère y fut béni, et un grand nombre d’âmes lui durent leur persévérance dans le bien.

« Une autre de ses œuvres, dit M. Briand, était de réunir chez lui, surtout pendant l’hiver, le soir, plusieurs jeunes clercs qui, tout en suivant les cours de théologie au séminaire, habitaient la ville, où ils donnaient des leçons pour subvenir aux frais de leur entretien. Admis sous le toit et parfois à la table du vénérable prêtre, ils trouvaient toute facilité pour s’entretenir des choses de Dieu et se conserver dans l’esprit de leur sainte vocation. La fortune personnelle de M. Douaud lui permettait d’exercer largement cette hospitalité. Toute sa vie il eut une prédilection marquée pour les élèves du sanctuaire qui, disait-il avec émotion, portaient sur leurs fronts le sceau de l'élection divine. Avec bonheur, comme un illustre évêque de notre temps, lui aussi aurait aimé à dire : « Ce séminariste, c’est un prêtre en fleur. » MM. les Directeurs du séminaire rendaient témoignage au zèle de M. Douaud pour la formation des clercs, et se plaisaient à l’appeler le directeur extra muros. »

Les réformes révolutionnaires vinrent enlever le pieux chanoine à ses œuvres de zèle, et sa vie édifiante était trop en opposition avec les idées nouvelles pour qu il ne fût pas une des premières victimes de la persécution.

Mis en demeure, comme tous les prêtres, de faire serment à la Constitution civile, il refusa.

Le département arrête que les prêtres non assermentés seront tenus de se retirer dans la maison dite de Saint- Clément (séminaire de Nantes), pour y demeurer. C’était l’emprisonnement déguisé.

Cent-trois prêtres du diocèse de Nantes et quelques-uns de la Vendée furent arrêtés et conduits au séminaire, au mois de juin 1792.

Un arrêté du Directoire portait que les prêtres détenus éliraient entre eux un directeur ou économe.

M. Douaud fut choisi par ses confrères pour remplir ces fonctions pénibles. On lui délivra un sauf- conduit pour pouvoir conférer avec les autorités du département sur les conditions matérielles des prêtres.

L'Etat de dépenses de M. Douaud, qui contenait chaque jour le nombre des prêtres emprisonnés, commence ainsi : « 6 juin 1792, quatre-vingt-seize prêtres à souper, quarante-huit livres de pain, » Le plus grand nombre de ces prêtres devaient quitter la France au mois de septembre, en exécution de la loi de la déportation.

On comprend quelle lourde charge incombait au prêtre directeur, d’autant plus que les relations avec les autorités devinrent de plus en plus difficiles et la situation des prisonniers de plus en plus grave et douloureuse.

 De temps à autre, on lit dans l'Etat des dépenses des supplications comme la suivante qui montre bien les soucis cruels de l’économe et le soin qu’il prenait de ses malheureux confrères :

« Presque tous les effets que nous avions dans la ci-devant maison des Carmélites ont été pillés, vous en ôtes instruits ; la plupart de nous sont dénués de tout. Comment garantir des injures de l’air et de la saison qui s’avance, dans une maison exposée à tous les vents, un bon nombre couchés dans des greniers mal couverts et mal fermés, sans feu, sans lumière et sans presque aucun secours?

Ce spectacle vous toucherait, citoyens administrateurs, et vous ne verriez pas sans émotion l’état où sont réduits des vieillards et des infirmes. Il ne tient qu’à vous de nous en tirer. Depuis quinze mois, nous souffrons sans plaintes et sans murmures, ne serait-il pas temps de rompre nos fers? Je supplie les administrateurs du département de recevoir favorablement l’ Etat que j’ai l'honneur de lui présenter, car quelque misérable que soit la vie que nous menons, à raison de la cherté des vivres, il est impossible de satisfaire les fournisseurs et de se procurer l’absolu nécessaire. »

 Le 8 août suivant, M. Douaud, à bout de ressources, implore de nouveau la compassion des administrateurs. Sa requête est enfin admise, et le secours journalier aux prêtres élevé à 1 fr. 25.

 Mais, du même coup, les détenus virent leur situation s'aggraver.

On les transféra à la prison des Petits- Capucins, au nombre de cent-cinq prêtres.

Le séjour y était plus pénible que précédemment, le local plus resserré, et la célébration de la messe impossible et interdite.

Le 20 août, l’Assemblée législative ayant voté l’expulsion du territoire français de tout ecclésiastique non assermenté, les prêtres âgés de soixante ans avaient le droit de demeurer en France : les autres devaient être exilés. M. Douaud ôtait de la première catégorie. Il demanda donc à rester, mais il fut emprisonné avec soixante-quatre autres prêtres au couvent des Carmélites, d’où l’on avait chassé les religieuses.

Tous étaient âgés ou infirmes et, dans cette prison, une infirmerie devenait nécessaire. Ce fut en vain que M. Douaud la réclama. Au reste, tout cela était inutile, le terme fatal approchait.

 Bientôt les détenus apprirent qu’ils allaient être transportés sur le navire la Gloire, en station sur la Loire.

M. Douaud osa réclamer au nom de tous ses confrères. C’était la dernière halte avant la mort : ils l’avaient compris.

Dans cette prison plus douloureuse que toute autre, le chanoine Douaud fit l’édification de tous les détenus par sa douce et calme résignation, par sa délicate charité et les paroles d’encouragement qu’il prodiguait aux compagnons de son martyre.

M. Douaud fut submergé dans un bateau à soupape, avec les prêtres internés sur la Gloire, dans la nuit du 15 au 10 novembre.

Il périt à l’âge de soixante-trois ans, victime de son attachement à la foi et à son devoir sacerdotal (2).

 

 

Le Clergé vendéen victime de la Révolution française, notices biographiques, 1790-1801 , par l'abbé A. Baraud,...

 

 

Prisonniers de la Révolution — Mlle. LA TREMBLAYE à Mortagne sur Sèvre <==

L'église de Saint-Nicolas de Tiffauges <==

Guerre de Vendée : Bataille de Châtillon-sur-Sèvre le 5 juillet 1793 <==

==> Tiffauges Janvier - Février 1794 (Guerres de Vendée).

 

 

 


(1) Le jeune frère du martyr, Louis-Georges Douaud, né le 25 août 1734, suivit d’abord la carrière des armes et devint capitaine de dragons. Etant ensuite entré dans le sacerdoce, il fut vicaire de Saint-Donatien, à Nantes, puis curé de Savenay en mars 1770. Chassé de sa cure par un intrus, en mai 1791, pour avoir refusé le serment, et enfermé à la prison Saint-Clément, en même temps que son frère Gabriel, il fit partie du convoi des prêtres déportés en Espagne en septembre 1792 et embarqués sur le Saint-Géréon. M. Douaud résida à Tuy, en Galicie, rentra en France en 1802 et redevint curé à Savenay, où il est mort en 1833. (Histoire de Savenay, par Ledoux.)

(2) D’après M. Briand. Les Confesseurs de la Foi dans le diocèse de Nantes

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