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PHystorique- Les Portes du Temps
5 octobre 2023

La Terreur à Poitiers -La guillotine place du Pilori

Poitiers place du Pilori Exécution_du_général_Berton en 1822

C'est à la séance du 1er septembre 1789 que le Docteur Guillotin fit connaître à la Constituante le procédé de décapitation, auquel son nom est resté depuis attaché dans l'histoire.

Le médecin philanthrope présenta l'invention nouvelle comme un bienfait humanitaire : « Messieurs, avec ma machine, déclara-t-il, en chiquenaudant son jabot, je vous fais sauter la tête d'un coup d'œil, et vous ne souffrez point. »

 A cette époque, on riait beaucoup, souvent à contre-sens. Ceux-là mêmes parmi les députés qui, quatre années plus tard, devaient faire l'expérience personnelle « du coup d'œil » de leur collègue, trouvèrent son humour plaisant, ce jour-là.

La guillotine débute assez inélégamment par la décollation de cinq cadavres de Bicêtre.

Ce n'est que le 25 avril 1792 que tombe, sous le couperet, la tête d'un vivant, celle d'un misérable individu du nom de Pelletier, reconnu coupable de viol (I).

Plusieurs semaines après, à la lumière des torches, dans le décor impressionnant d'une nuit d'été, la guillotine révolutionnaire fait sa première victime en la personne d'un condamné du Tribunal criminel de la Seine : Collenot d'Angremont (2).

Sur les places publiques, on dressait la machine à tuer, dont l'ombre effrayante se profila, par toute la France, jusqu'au lendemain du 9 Thermidor.

Bientôt, la terre abreuvée ne pourra boire tout le sang que la guillotine aura versé.

Il faudra, place Saint-Antoine, construire un aqueduc (3) où quatre hommes seront occupés, au moment des exécutions, à verser, par seaux, le sang humain.

A Poitiers, « les terroristes avaient fait creuser une fosse sous l'échafaud, au pied de l'arbre de la liberté : ses racines, disaient-ils, devaient croître et s'étendre dans le sang des victimes (4). »

Mais, n'anticipons pas.

 Le 6 juin 1792, le ministre Clavière avise le procureur syndic de la Vienne, qu'en exécution de la loi du 25 mars, il a fait construire, par un sieur Schmidt, des machines à décapiter, pour les 83 départements ; « cet artiste » s'est obligé à les fournir à 824 francs, chacune (5).

Bientôt Poitiers doit recevoir l'appareil de justice.

Le temps passe, la machine ne vient pas ; un criminel, depuis quatre semaines, tarde de mourir.

Enfin, elle est arrivée ; le condamné, un assassin d'Usson — Jean Blondet — est exécuté le 22 septembre, et son corps « expédié par la place du Pilori », dit l'acte d'état-civil (6), est inhumé dans le cimetière de Notre-Dame-la-Grande.

La curiosité publique paraît éveillée, à ce point, par l'attrait de cette sinistre nouveauté, que la justice s'inquiète.

Le commissaire national Rampillon avise le Conseil municipal, à la date du 21 que (7), « chargé de faire exécuter demain un jugement de mort, il serait utile de changer l'emplacement actuel destiné aux exécutions par un autre plus vaste ».

Il pense que la place Saint-Nicolas où, jusqu'à ce jour et depuis longtemps, opérait le bourreau, serait trop étroite pour l'affluence considérable qui se pressera, demain, autour de la guillotine.

Dans sa séance du même jour, l'Assemblée municipale décide que désormais les exécutions auront lieu sur la place du Pilori.

La place du Pilori, dont le nom revient si souvent dans l'histoire de la Terreur, se trouvait alors sensiblement dans l'axe de la rue Cloche-Perse.

Embossée à une vieille façade de bois, au coin à droite en descendant de la ville, on voyait « une niche au fond de laquelle il se trouvait une statue de la Sainte Vierge, entourée de bouquets artificiels fanés, et de cierges aussi jaunes que brisés (8). »

 Cet humble monument avait été édifié par les habitants du quartier, en mémoire de la protection miraculeuse dont ils disaient avoir été l'objet.

La Révolution n'épargna pas même cet ex-voto; le Conseil Municipal affirma, cauteleusement, son respect pour la dévotion populaire et déclara que s'il avait décidé de transporter à l'église St-Hilaire la statue de la Vierge, c'est « qu'elle se trouvait dans un mur, près de la porte d'un cabaret » et qu'au lieu de faire « l'objet de la vénération », elle devenait « un motif de scandale ».

Servant, qui cumulait les fonctions d'architecte et de conseiller municipal, fut chargé de faire enlever la grotte dans laquelle la statue était placée. La Madone de nos pères ne sera pas témoin des abominations que se préparent à commettre ceux qui feignent, les bonnes âmes ! de redouter pour elle d'autres scandales.

C'est là que vont tomber plus de 30 tètes innocentes. Entre ces murailles dont certaines remontent à l'antiquité romaine, retentiront, comme autrefois dans le cirque, le dernier appel des victimes, le cri aigu, strident, prolongé, épouvantable de Mme du Retail, dont résonnaient encore, 50 ans plus tard, les oreilles qui l'avaient entendu (9).

Ce sol sera détrempé par le sang le plus noble et le plus généreux : celui d'une Françoise du Chilleau ou d'une Marie Chemineau ; les tricoteuses et ceux qui veulent du bonheur y tremperont leurs haillons.

Bonnet rouge en tête, pique à la main, stupre aux lèvres, nos bourgeois Jacobins accourront en liesse sur la place de la Révolution, assister à l'affriolant spectacle d'aristocrates qui « mettent le nez à la petite fenêtre » ou « sifflent à la linotte. »

Et pendant que les ci-devant, les fanatisés et autres « grolles » « éternueront dans le sac » et que leurs têtes, auréolées d'âge ou de jeunesse, rouleront dans « le panier national », on dansera la Carmagnole, on chantera le « Ça ira », en sautant, comme il convient, d'un sabot sur l'autre et en battant frénétiquement des mains à hauteur du visage (10).

De là s'échapperont combien de larmes furtives et silencieuses qui auraient mérité dix fois la mort si les bourreaux les eussent vues couler?

Les exécutions avaient lieu le jour même de la condamnation, au plus tard le lendemain.

Dès la veille, les fers étaient mis à la victime. Quand on entendait les tambours qui partaient de la caserne Ste Catherine pour aller chercher les condamnés à la Visitation, chacun avait l'angoissante pensée que demain arriverait son tour (11).

La populace se précipitait derrière le tombereau, où debout se tenaient les malheureux qu'escortait le lieutenant de maréchaussée de la Salle avec un piquet de la garde nationale, des gendarmes à pied et à cheval (12).

Ici, les victimes seront des vieillards, des adolescents des femmes.

 Les tribunaux révolutionnaires condamneront des animaux, comme le chien de M. de St-Prix. Pour les atteindre par- delà la vie, on guillotinera jusqu'à des morts.

Mais la célèbre et expéditive tueuse opère trop lentement encore.

Voici qu'à Bordeaux, on en imagine une autre ayant trois lunettes et décollant par conséquent trois têtes à la fois.

 La guillotine, toutefois, fait peu de cadavres, relativement au nombre global des victimes de la Révolution : trente mille sur un million, pas davantage (13).

En Vendée, on tue, à Nantes, on noie, on égorge ailleurs, parfois même brûle-t-on vivantes des femmes, dans des fours à pain, comme à Châtillon, où la veuve Pacaud périt dans ce supplice atroce avec ses quatre petits.

A Montourney et aux Epesses « le général Amey fait allumer des fours et lorsqu'ils sont bien chauffés » il «y jette les femmes et les enfants (14). »

Faut-il dire, à moins que ce ne soit pour en appeler à une justice qui n'est plus celle des hommes, que cet Héliogabale mourut entouré d'honneurs et baron de l'Empire ! (15).

Mais revenons à Poitiers. Nous y retrouvons la guillotine, elle arrive de Civray, où une femme, condamnée de droit commun, vient d'être, à son tour, exécutée.

Si ces détails vous intéressent, apprenez que le Mémoire du charpentier, qui fit l'échafaud, s'élève à 307 livres 12 sols et que le bourreau se nomme Pierre Verdier.

Voilà trente années qu'il exerce à Poitiers ses redoutables fonctions.

 A sa potence, il a pendu plus d'un brigand de grands chemins, et bien qu'il soit un honnête homme, au cœur plutôt compatissant il est, sans doute, la terreur de son voisinage, et l'on désigne sous le nom de rue du Bourreau (16), l'impasse ou la venelle qu'il habite.

Autrefois, avant 1770, époque où le droit de havage fut supprimé en Poitou, il prélevait une poignée « de tout ce qui se vendait au marché ».

 

Depuis, la Convention avait fixé ses appointements, comme cinq des autres exécuteurs départementaux, au traitement fixe de 2400 livres ; les bourreaux de Loudun et de Civray — dont l'activité était exclusivement honoraire — émargeaient pour 1000 et 800 francs (17).

C'est avec une sérénité, au moins apparente, que ce fonctionnaire accompli tranche les têtes.

Ne faut-il pas qu'il obéisse, de peur que le couperet s'abatte sur la sienne ?

Pour lui rendre justice, nous devons constater pourtant son émoi à l'exécution de Cuirblanc et Fontmervault, le Vendredi-Saint, 29 mars 1793.

Afin de le décider à accomplir sa fatale besogne, surtout à pareil jour, il ne fallut rien moins que la colère et les menaces de Piorry lui-même (18).

Nous n'entendrons plus parler de notre personnage qu'au moment où les détrousseurs rapaces des cadavres s'aviseront de le soupçonner.

Le 30 germinal an II (19), il comparaît devant le Comité de surveillance et déclare qu'il n'a trouvé jusqu'à présent, sur le dernier prêtre guillotiné, qu'un assignat, et un cercle en or « dans le doigt de la Dame du Retail ». Il avait pourtant recueilli le crucifix d'une sainte religieuse dont plus tard il suppliait ingénument le frère, l'abbé Babin, d'accepter l'hommage, en réparation de la mort qu'il avait donnée.

 

En l'an V, Verdier est vieux ; il a la pierre ; la dernière exécution qu'il a faite « l'a beaucoup fatigué; il a souffert pendant trois jours et craint pour une hernie ; aussi se décide t-il à résigner les fonctions qu'il occupait depuis si longtemps.

Un certain Dollé, qui vient de l'Oise, lui succède (20)

Beaucoup plus tard, nous entendrons parler de la guillotine et des bourreaux (21) des secours seront accordés à la famille de Joseph-Martin Béguet, en son vivant exécuteur des arrêts criminels.

Avec le sieur Berthelot, la profession se continue encore dans la famille.

Dans une lettre à la municipalité, ce dernier nous apprend que les bois du petit et du grand échafaud, qui autrefois, étaient enfermés dans la tour de la Grosse Horloge, puis dans les greniers de la Visitation, et dehors, étant devenus inserviables, il a fallu refaire le matériel qui se trouve aujourd'hui dans une grange dont il a la clé.

 Entre temps, on nous dit qu'il manque e un billot avec ses accessoires, un couperet servant à l'exécution d'un parricide, plus un réchaud, une pelle et un soufflet », mais que « les fers à marquer sont en bon état ».

Qu'était devenu Pierre Verdier dans sa retraite ?

Nous avons eu la curiosité de nous le demander (22).

La vie des hommes est faite de contrastes inexplicables et prodigieux. Celui qui, pendant le tiers d'un siècle, étranglait les condamnés ou leur coupait la tête, avait utilisé les leçons d'anatomie de son long commerce avec le corps humain et s'était, avec sa femme et sa fille, établi rebouteur.

 

Jean Baptiste Berton (Breton), général du Premier Empire, conspire à Thouars afin de rétablir l'Empire après la seconde Restauration. La conspiration de Thouars échoue et Breton est exécuté, place du Pilori à Poitiers en 1822.

La place du Pilori, appelée plus tard, place de la Liberté, où un monument (une statue de la Liberté) fut élevé en 1906.

 

La Terreur à Poitiers : d'après des documents inédits ou peu connus / Étienne Salliard ; préface de Fr. Funck-Brentano

 

 

Histoire de la Guillotine <== ... ....==> PROCES DES CONSPIRATEURS DE THOUARS ET DE SAUMUR - Le général Jean-Baptiste Breton dit Berton (1767-1822)

La garnison de Mortagne du boucher de la Vendée (François-Pierre-Joseph Amey) arrive aux Herbiers le 21 Janvier 1794<==

Fortification de Pictavia, Poitiers capitale des Pictons. <==

 


 

 

(1) Chronique de Paris du 26 avril

(2) La guillotine pendant la Révolution, G. LENOTRE, p. 249.

(3) Mémoires d'un détenu, RIOUFFE

(4) Histoire du Terrorisme, p. 53

(5) Arch. dép. L. 216, 1792

(6) Reg. des décès (1792).

(7) Reg. des délib. 21 septembre 1792.

(8) Vieux souvenirs de Poitiers avant 1789, LA LIBORLIÈRE, p. 121.

(9) Manuscrite inédits, DE COURSAC.

(10) Mémoires inédits, Abbé MORELLET, p. 430.

(11) Manuscrits inédits, DE COURSAC.

(12) — (13) Chiffre indiqué par la plupart des auteurs et notamment par Prudhomme cité dans Les Prisons des Sables, par RELLNO.

(14) Rapports de Morel et Carpenty à la Convention (4 germinal an II) cité par BIRÉ, Journal d'un Bourgeois de Paris, T. V., p. 266.

(15) Dictionnaire de la Révolution et de l'Empire, docteur ROBINET.

(16) Arch. dép., S° L. 455. 9 ventôse.

(17) Arch. dép., 216, 1792-1793, an VIII.

(18) Histoire du Terrorisme dans le département de la Vienne, p. 3.

(19) Arch. dép., Se L. 465. Reg. 81.

(20) Arch. dép. L. 216. 1793, an VIII,

(21) Arch. mun. Liasse P. 427.

(22) Notes manuscrites de M. DE COURSAC que nous a fort obligeamment communiquées M. DE ROUX.

 

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