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PHystorique- Les Portes du Temps
19 février 2024

Découverte d'objets gaulois en or faite en 1759 dans l'étang de Nesmy (Roche sur Yon).

NESMY Naismil, Naismilium, Naismul, Naismulium, Nesmy.

Nous allons ici dire un mot des découvertes qui ont été faites à Nesmy, car cette localité fut alors un centre important de la région.

D'ailleurs, Chaillé et Nesmy sont inséparables dans leur histoire qui est commune l'un et l'autre relèveront plus tard du même seigneur.

Deux voies romaines aboutissaient à Nesmy : l'une traversait l'Yon vers Rambourt (Rambortus) et se dirigeait vers la Limouzinière ; l'autre conduisait à l'Océan par la butte Saint-Jean près des Moustiers et par le Bernard; elle porte encore, dans ces deux localités, le nom de Chemin de Nesmy.

Les Gaulois avaient vécu sur le plateau ; les Gallo-Romains se rapprochèrent de l'Yon, et établirent à Rambourt, à 1,500 mètres, leur principal établissement, dont on retrouve les substructions avec tuiles à rebords.

C'est là, ou à la Rousselière, qu'il faut placer la Villa Rassa-Zeta ou Vassalera, dont parle une charte de 1075 que nous signalons plus loin (1).

La population s'était échelonnée le long de la rivière, près de la forêt de la Buffaie, dont parle la même charte sous le nom de Silva Buffeta, et dont les bois de Nesmy sont les derniers vestiges.

Nous avons découvert, au mois de septembre 1899, près de la ferme de la Buffaie, l'emplacement exact d'une nouvelle villa : elle s'élevait, à un coude de l'YON, sur un petit coteau abrupt d'un côté et s'étendant en pente douce de l'autre.

 Aujourd'hui, presque rien ne rappelle la villa d'autrefois : pas une fondation, pas un mur, mais de nombreux débris de tuiles plates à rebords (tegula) et de tuiles à recouvrement (imbrex), des pavés presque cubiques, etc., sont répandus à la surface du champ, sur un petit espace seulement ; chaque nouveau labour ramène à jour d'autres fragments là, s'élevait la villa, dont la façade était probablement tournée vers l'est.

 Ajoutons que le large chemin de la Buffaie et celui non moins spacieux du village voisin, les Balangeries, rappellent fort les voies romaines.

Mais où était l'inséparable balneum des villas romaines ? Aucune trace n'en a été jusqu'ici découverte : peut-être était-il dans les prairies qui, à 200 mètres de là, bordent les rives de l'Yon.

Les Gallo-Romains s'étaient également fixés à Nesmy même. Au pied de la vieille église, on a trouvé les restes d'un cimetière païen et une nécropole chrétienne dont nous parlerons plus loin.

On a trouvé, dans ce cimetière païen, des os brisés, des fragments de tuiles à rebords, un couteau en silex, long de 0m10, et surtout une figurine de tête de cheval.

M. F. Baudry considère cette dernière comme une divinité et une représentation probable de Rudiobus, dieu cheval en bronze que possède le musée d'Orléans.

Dans la commune d'Aubigny, aux Routières, un nom bien gallo-romain encore, on a trouvé des ruines remontant à cette époque.

La formidable position de Saint-Vincent-sur-Graon, où l'on a recueilli également des tuiles à rebords, était occupée par un légendaire castrum ou châtellier, qui dut, sans doute, remplacer un oppidum celtique.

 Rambourt, Rambortus, a fourni des monnaies romaines consulaires, mêlées à d'autres d'Auguste et de Tibère (2).

M. F. Mandin possède un fragment de trompette romaine, long de 20 centimètres, qui a été trouvé dans l'Yon, au sud de Chaillé, près de Rosnay ; ce fragment curieux, auquel il manque seulement le pavillon, est en terre cuite.

Le grand nombre des lieux désignés par des noms d'origine latine prouve encore la densité de la population galloromaine dans notre région.

Marillet, nom d'un ruisseau, est formé de mare, mer, et du diminutif illus ; Màrigny, nom d'un hameau situé naguère sur le bord de la mer, le pré de la Maratte (section B, no 519), et le champ des Marolles, ont la même origine.

La Gâtine (Saint-Florent-des-Bois) et les Gâts (Champ-Saint-Père) paraissent venir de Vastinium, endroit oit l'on a fait le vide, servant jadis à désigner un emplacement défriché au milieu des bois. « Comme ces défrichements ne donnaient souvent qu'une terre médiocre, le nom de Gatinc (et de terrains gâts) a été étendu à des sols maigres et ingrats (3). «

Le Plessis (Saint-Florent), vient de plexus, entrelacement, exploitation rurale.

Les Ardias (Limouzinière), Arduacllln, peut venir du baslatin ardesia, ardoise.

Aubigny, l'ancien Albiniacllln, de Albini ager : le champ, le domaine d'Albinus.

Le Bignon, Balneolllln, vient du latin Balnearium, étang, mare.

Le nom de la Belinière peut venir de Belenaria, de Beleiius, Apollon. La position du hameau vient d'ailleurs appuyer cette opinion : la Belinière se trouve sur un coteau élevé, non loin de Rambourt et de la Buffaie.

Chavagnes. (moulin à eau), Capanna, vient du bas-latin Cabana à même titre que Chavigny (Cabiniacum).

Epinaie (Spinogilum), est formé de Spina, épine, et de ogilum, bois. Toutefois, le Cartulaire de Talmond contient la forme Spineta (4).

Fougeré, Fulgeriacum, est composé de filix, fougère, et de ager, campagne.

Fraigneau se tourne par Fraxinetum, le lieu où croît le frêne, la fresnaie.

La Boissière (Buxetum.), vient de buxus, buis, et de etum, rempli de. Il en est de même pour le Buchenil ou Bacheuil de Nesmy : M. Bitton le traduit par Buxiacum, le bois de buis, et B. Fillon, par Bucogiliim : « Ayant à latiniser la dénomination de Bucheuil, vieux point celtique de la banlieue de Nesmy, qui avait dû s'appeler autrefois Bucogilun, disait Fillon en 1879, le bénédictin, chargé de la rédaction (les actes de Sainte-Croix, vers 1120, écrivit gravement, après mûre réflexion : Busca in oculo, Bûche dans l'œil (no CCLVI), tour de force littéraire, de nature à ravir d'aise les supérieurs et les confrères de celui qui s'en était rendu l'éditeur. »

Citons encore :

Le Clozy (section A, no 3), les Aveneaux (section B, no 15), de avena, le Taudion (section B, no 38), le Ripaud (section P, n° 343), le Courbet (section D, no 116) et le Courtillet (section D, n" 255), etc. Courtet vient de curtis, enclos ; Ripaud, de riparia, rive.

On trouve, dans notre commune et aux alentours, plusieurs élènements appelés mottes et mottées (section A, no 121 ; section B, no 360; section A, no 928 ; puis la Motte-Freslon, etc.).

Ce mot vient du latin mons ; d'ailleurs, toutes ces mottes sont des buttes naturelles ou artificielles ; elles durent porter jadis des tours retranchées ;

Celle de la Motte-Freslon, située sur une grande voie, a été couronnée plus tard par un château-fort dont on voit encore les ruines.

Le nom de Viaillères, hameau de Saint-Florent, vient de vigilare, veiller ; il devait y avoir sur cette butte une vigerie ou viglière.

La commune de Chaillé renferme des tènements dont les noms rappellent le même ordre d'idées : la Citadelle (section A, n° 887), sur un coteau, le Châtelet (section A, n° 553), le Châtelet (section C, n° 699), la Garde (section A, n° 740), tous évoquant des travaux défensifs, situés sur des points élevés.

Les noms de lieux ont souvent conservé le souvenir des industries gallo-romaines : Le pré de la Forge (section B, n° 314), le verger de la Forge (section A, n° 306), et les Ouillères, lieu où l'on fabriquait des ouilles ou marmites en terre, de olla (bas-latin), cruche.

Enfin, de nombreux termes rappellent des travaux qui se trouvaient sur les voies romaines ou à leur proximité.

Citons notamment Champ-Saint-Père, primitivement Campus Sancti Pétri : les camps avaient pour but de protéger la circulation sur les voies.

Les Barres (section A, nos 29 à 32), analogues aux gardes, les croisées de chemins, le village du Gui pour gué, les tènements du Pérou (section D. ne 47), et le ruisseau du Péron (empierrements) rappellent également le souvenir des voies romaines.

 Les dénominations de Rochettes, Rocher, Rocheréault et Caves, sur les bords de l'Yon, se rapportent plutôt à des voies antéromaines que ces lieux devaient jalonner.

Le Champ du Cimetière (section D, n° 346), situé sur une hauteur, pourrait bien rappeler une nécropole gallo-romaine, et le Temple (section B, n° 1218), une construction religieuse.

Nous avons, non loin de Chaillé, et surtout vers Aubigny, des tènements portant le nom de Tonnelles.

 Il y en a huit à Aubigny, Il y en a beaucoup dans la Vendée, ainsi que l'a fait remarquer M. Bitton, et elles sont toujours sur des hauteurs. Ces tonnelles remontent à l'époque gallo-romaine.

Fillon croyait qu'elles étaient des signaux mettant en relation la côte et l'intérieur des terres. Mais leur groupement en certains endroits, par exemple, à Aubigny, combat cette idée ; car, conformément à l'opinion de B. Fillon, elles devraient être échelonnées de distance en distance : or, il n'en est rien. M. Bitton croit avec plus de raison que ce sont des restes de moulins gallo-romains. Chaque chef de maison avait le sien et le faisait mouvoir par un esclave ou par un âne : mola maruzaria.

M. Bitton a également signalé la série de lieux-dits : Lampes, Lanternes, Falots, Petits Feux, Feux, etc, qui s'échelonnent sur l'ancienne côte du Poitou et sont placés à une distance maxima de 15 kilomètres du littoral et à 20 kilomètres les uns des autres.

 Ces lieux doivent être remplacement de tours où les Romains faisaient des signaux de nuit.

Un de ces points existe non loin de Chaillé, au Petit Feu, près de la Tuaudière, commune de Saint-Vincent-sur-Graon, à 70 mètres d'altitude (section B, n-j 543).

 Il se trouvait à environ 15 kilomètres de la mer.

Il se pourrait aussi que la Belle-Etoile, entre Chaillé et Champ-Saint-Père, ait eu son feu de nuit : sa position sur un point élevé d'où l'on découvre un large horizon, non loin de l'ancien heremus ou désert marécageux du Bas-Poitou, son nom même, viennent appuyer cette opinion.

Enfin, la commune de Chaillé elle-même possède aussi un tènement au nom bien significatif : le Champ du Feu (section A, no 59).

Les Pagi.

Après la conquête romaine, la délimitation des pays devint plus précise, et le Poitou se fractionna en pagi.

 Cette division, d'ailleurs, fut des plus naturelles, du moins pour les pagi occidentaux, car elle fut basée sur la division des races.

Dans l'ouest de la région pictone, il y eut quatre pagi, les pagi Teifalgieus, Medalgicus, Ratiatentis et Arbatilicus.

Ce dernier, pays géographique bien homogène, comprenait le petit peuple des Arbatiliates et des Agésinates. Il devint plus tard le pays d'Herbauges.

Chaillé en fit partie.

Les premiers chrétiens et Similiacus.

Les premiers chrétiens vinrent de Poitiers où vivait l'évêque saint Hilaire qui dut posséder près de Similiacus la forteresse de Gravio.

Saint Yon, saint Lienne, saint Vivent, saint Gondicaire, la vierge Cléopatronie descendirent dans cette populeuse vallée de l' Yon et la parcoururent en tous sens, se réfugiant dans les grottes et les coteaux, vivant des fruits des forêts, renversant les idoles, combattant le culte des divinités des eaux et répandant la religion du Christ.

La population qui, avec les Romains, était descendue sur le bord des eaux, remonte sur les plateaux el élève des sànctuaires chrétiens.

Dès le milieu du IVe siècle, peut-être avant, une église est construite à Nesmy et vouée à saint Pierre ; ce ne fut d'abord qu'un simple oratoire.

 Auprès de cette chapelle et au-dessus de la nécropole païenne que nous avons signalée, on a découvert les restes d'un cimetière chrétien, avec un vase à eau bénite, une lampe à godet et à vasque, haute de 0m20 et un fer de lance de 0m12.

 Il y aurait donc à faire, au sujet de Nesmy, une étude des plus intéressantes sur le mouvement et les manifestations du sentiment religieux selon les âges : certains des objets trouvés dans l'étang devaient être consacrés à la religion druidique, au culte des forces naturelles ; les Romains arrivent : les dieux de l'Olympe remplacent Hésus et les autres divinités gauloises ; la population, descendant dans la vallée, adore les eaux, et divinise les animaux ; c'est ainsi qu'à Nesmy nous trouvons un dieu-cheval.

 Avec le christianisme, l'oratoire de Saint-Pierre remplace, sur le plateau, le temple païen.

Saint Yon, Sanctus Œonius, Scindas Yonius, saint légendaire, combattit, dit la légende, avec beaucoup d'ardeur et de foi, le culte des-divinités des eaux qui s'était implanté sur les bords de l'Yon.

« Saint Yon n'était pas évêque ; simple prêtre, il exerça le saint ministère à Castris (Châtre), aujourd'hui Arpajon, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Corbeil (Seine-et-Oise).

Arrêté par ordre du préfet Julien, il fut décapité sur une colline qui porte son nom.

Ses reliques sont religieusement conservées dans l'église de Saint-Clément d'Arpajon et dans celle de Corbeil (5). »

M. Baudry a fourni quelques détails sur la vie de ce saint Yon, illustre disciple de Denys l'Aréopagite qui combattit avec succès, dans les environs de Paris, les pratiques superstitieuses par lesquelles on rendait un culte aux dieux des eaux.

Saint Yon est venu évangéliser les populations de notre vallée.

 Il se serait réfugié dans une grotte creusée au flanc d'une colline, à 1,500 mètres au sud de la Roche-sur-Yon.

 « Cette excavation existait, en effet, dans le coteau de la Saimbrandière ; elle a été comblée, pour éviter le séjour ennuyeux des vagabonds qui venaient y chercher un abri. »

Est-ce en souvenir du saint que le peuple a donné son nom à la petite rivière? Peut-être : nous avons déjà donné une étymologie du mot Yon, d'après Bullet.

La légende dit encore que saint Yon a habité une autre grotte près de Nesmy et enfin celle d'Yon, au pied du coteau de Perrault, à quelques centaines de mètres de Chaillé.

Dans le Pouillé, extrait de Dom Fonteneau (XVIIIe siècle), il est fait mention d'une chapellenie vouée à saint Yon, à la présentation du seigneur de la Raimonde, à Talmond.

D'autre part, une des rues de la Rochelle s'appelle rue SaintYon et il existe à Rouen une chapelle de saint Yon.

Saint Vivent ou Vincent, confesseur (19 janvier), a également évangélisé à Chaillé et aux environs.

Nous extrayons ce qui suit des Légendes des Saints du Diocèse de Luçon, par M. l'abbé H. Boutin :

« I. — Le prêtre Vivent, ayant quitté sa patrie (Samarie ?), vint en Poitou dans la compagnie d'un évêque nommé Benoît, que la cruelle impiété avec laquelle Dacien sévissait contre les chrétiens avait obligé depuis longtemps à se cacher.

Se rendant au pays d'Herbauges, il s'arrêta d'abord à Signorissa (Sigournay, près de Chantonnay, ou, selon M. l'abbé Baudry, la Sigonnière, village près de Mareuil-sur-Lay), et peu après il Similiacus (Chemillé ou Chaillé-sous-les-Ormeaux), dans le dessein de préparer une demeure en cet endroit pour la très noble et très pieuse vierge Cléopatronie qu'il avait convertie à la religion chrétienne.

La sainte jeune fille passa, en effet, toute sa vie dans cette localité, uniquement occupée à servir Dieu par la pratique continuelle de l'oraison et de la charité envers les pauvres. Vivent passait ensuite par Herbauges, quand, dans les environs d'un lieu appelé Vertou, près l'Ile d'Olonne, il fit l'heureuse rencontre de saint Martin, abbé, qui le reçut avec la plus grande bonté.

« II. — Pendant les deux mois environ qu'il passa près de saint Martin, Vivent ressuscita un enfant mort sans baptême et le rendit à sa mère après l'avoir baptisé.

De là le saint prêtre gagna l'île Vertime et y mena quelque temps une vie solitaire dans le fond d'une caverne ; puis, étant allé trouver saint Hilaire, alors revenu de son exil, il obtint du saint pontife la résidence de Gravion, où il rappela à la vie un autre enfant mort des suites d'une morsure de serpent.

Mais le pieux solitaire n'y trouva point la tranquillité qu'il y était venu chercher. La renommée de sa sainteté ne faisait que s'étendre de plus en plus et attirait vers lui tout un concours de peuple : il ne le put supporter. C'est pourquoi, afin de pouvoir vaquer plus librement aux choses de Dieu, il se retira dans l'île d'Olonne ou il chassa les démons des corps de vingt possédés.

« III. — Vivent retourna une dernière fois à Gravion, et saint Gondicaire l'y visita. Il y rendit la santé à un grand nombre de malades, et, après avoir annoncé d'avance le jour de sa mort, accablé d'infirmités toujours croissantes, les membres défaillants et déjà brisés sous le poids des ans, le saint arriva plein de jours au terme d'une heureuse vieillesse.

Il reçut la sainte Eucharistie, et, le front rayonnant, couronné des mérites de cent vingt années passées au service de Dieu, il s'endormit dans le Seigneur, le jour des Ides de janvier (13 janvier).

Son corps, d'abord enterré à Gravion, lieu de son décès, fut transféré, au IXe siècle, par crainte des Normands, au monastère d'Amous, en Bourgogne, qui fut bâti sous son vocable; puis, au commencement du xe siècle, en celui de Vergy, encore aujourd'hui sous son patronage. »

Ce saint n'a pas été oublié, et, sur le théâtre de ses actes, pendant des siècles, le nom de Vincent a été porté de génération en génération.

Ajoutons que c'est dans une grotte, assez proche du château de Gravion, que saint Vincent, dit la légende, termina ses jours « dans la prière et dans les larmes, » selon l'expression du vieux légendaire, et qu'un serviteur dévoué, saint Gondicaire, « qu'il avait laissé à Rome, vint le trouver, sous la conduite d'un ange, pour lui prodiguer les soins dont il avait besoin. »

Nous ne saurions passer ici sous silence le nom de saint Gondicaire, hôte de la vallée du Graon, et dont le souvenir s'est perpétué dans certains noms de lieux.

Dom Chamard, en effet, croit avoir retrouvé la trace de ce fidèle serviteur dans le nom de saint Gré, sous le vocable duquel ont été mis plusieurs lieux et deux fontaines, l'une à Avrillé, l'autre à Champ-Saint-Père.

Naguère encore, on allait processionnellement à cette dernière, le jour de saint Marc.

C'est très probablement, dit Dom Chamard, le même saint qui est honoré au Langon, sous le nom de saint Graut.

Citons encore, sur les bords du Lay, le Terrier de saint Gré.

Dans l'extrait, que nous avons donné tout à l'heure, à propos de saint Vincent, de l'ouvrage de M. Boutin, et qui n'est, d'ailleurs, qu'une traduction de la leçon latine d'un Propre diocésain, nous avons nommé la vierge Cléopatronie.

Nous regrettons le laconisme des lignes précédentes : mais le minutieux chercheur qu'était M. Boutin va nous donner d'intéressants détails sur cette vierge, que le légendaire nous fait voir sereine et mystique, comme les blanches et naïves silhouettes des vitraux moyen-ageux.

Il existe trois légendaires connus contenant les actes de saint Vincent; l'un d'eux, surtout, du Xe siècle, de la Bibliothèque nationale (6), contient de nombreux détails sur la fille spirituelle de saint Vincent.

Cléopatronie était fille de Dacien, un préside païen, riche et puissant, qui persécuta les chrétiens dans notre région.

 « Depuis dix-huit ans, disent les légendaires, elle était possédée du démon, et le malin esprit la tourmentait cruellement. Mais Dieu eut compassion de son âme et la délivra de Satan.

Vivent, conduit vers elle par un ange, s'introduisit sous un déguisement jusque dans sa demeure; il lui prêcha la foi en Jésus-Christ et l'exorcisa par trois fois avec de l'eau bénite, qu'il lui donna ensuite à boire, en disant ces mots : « Je t'exorcise, esprit immonde, et je te commande, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, de sortir du corps de la servante de Dieu Cléopatronie. » Le démon, affirme le naïf texte, obéit. Mais la vierge, ayant été baptisée, ne voulut pas professer sa foi chez son père païen et elle pria Vivent de lui chercher un refuge ; puis elle partit, emportant une partie de ses richesses et de ses bijoux.

Nous donnons maintenant la traduction du manuscrit de la Bibliothèque nationale, toujours d'après M. Boutin (7) :

« La jeune et fervente chrétienne Cléopatronie passa des lors tous les jours de sa vie à servir le Seigneur par ses prières continuelles et ses aumônes. Chaque jour, la noble vierge distribuait une partie de son avoir aux veuves, aux orphelins, aux captifs et aux étrangers.

 « Or, tandis qu'elle s'occupait ainsi d'œuvres pies, elle eut une vision céleste : un ange lui apparut, pendant son sommeil, et lui conseilla d'employer le superflu de son trésor à la fabrication de deux beaux candélabres et d'autres objets nécessaires au culte, qu'elle offrirait au Saint-Père Apostolique, de sa propre main ou de la main d'un fidèle mandataire.

« S'étant réveillée là-dessus, elle alla trouver Vivent et lui dit : « Bon père, donnez-moi un conseil. Comment pourrais-je accomplir ce qui m'a été demandé par l'esprit angélique et faire parvenir mes présents à destination, ne connaissant pas les chemins qui conduisent en un pays si éloigné ? »

« — Mettez votre confiance dans le Seigneur, lui dit le prêtre; il vous fournira lui-même les moyens d'exécuter votre dessein. Hâtez-vous de préparer vos présents, et, si vous êtes dans l'impossibilité de les porter vous-même, priez-le de vous envoyer quelqu'un qui se charge de cette mission. »

« Sur ces entrefaites, arriva l'évêque Benoist (8), qui s'était caché pendant longtemps dans la contrée, pour échapper à la cruauté avec laquelle Dacien sévissait contre les chrétiens. Benoist et Vivent, appelés par Cléopatronie, lui dirent alors : « Nous ne pouvons plus demeurer ici sans nous exposer à être trahis et livrés-à nos ennemis; nous allons donc fuir et passer la mer pour aller où le Seigneur nous conduira. »

« A ces mots, la jeune fille tombe à leurs genoux en fondant en larmes ; elle les charge de porter eux-mêmes ou faire parvenir les candélabres à Rome, ce qu'ils firent.

«  Chemin faisant, les deux fugitifs traversèrent Signorissa (Sigournay?) et arrivèrent à Similiacus (Chaillé-les-Ormeaux ?) où ils préparèrent une demeure pour Cléopatronie, qui s'empressa de venir s'y fixer. »

Après avoir vécu en ce lieu clans la pratique des vertus chrétiennes, elle mourut, le 8 mars, jour où les martyrologes célèbrent sa mémoire (9).

« L'existence de la bienheureuse Cléopatronie, ajoute M. Boutin, a été niée par Chastelain, et cela parce que plusieurs circonstances de la légende de saint Vivent, relatives à sa personne, lui paraissaient invraisemblables. Mais, outre que, à ce compte, la critique va jusqu'à l'abîme du scepticisme, nous avons constaté que tous les noms relatés dans la dite légende sont parfaitement authentiques. On doit donc en dire autant de Cleopatronia ou Cléopatrina, comme l'appelle Vincent de Beauvais (10). »

La persécution se fit aussi sentir autour de Chaillé.

 Nous voyons Vivent et Benoist y passer, fuyant la colère de Dacien exaspéré par la disparition de sa fille.

Bien avant, au moment de la persécution de Maximilien en Gaule, à la fin du IIIe siècle, quarante jeunes chrétiens vivaient paisiblement sur les bords de la mer. Dacanius, lieutenant de l'empereur romain, fit exécuter ses ordres et tuer les quarante jeunes gens qui fuyaient vers le château de Gravion (11).

Dom Chamard et M. Loquet ont placé le lieu du supplice à Bessiacum ou Belesbat (Saint-Vincent-sur-Jart? ou Bessay ?)

 M. F. Baudry le place auprès de Saint-Vincent-sur-Graon, et c'est à cause de la proximité de ce bourg de Chaillé que nous mentionnons le fait.

 D'ailleurs, M. Baudry dit : « L'énorme butte ouest, séparée par une vallée du mamelon où est assis le bourg de Saint-Vincent-sur-Graon, s'appelle, de temps immémorial, Martimont (Martyrum Mons). C'est le Montmartre de Saint-Vincent (12). »

Si nous avons un peu insisté sur les détails précédents, c est pour révéler un passé de notre région complètement ignoré, et aussi parce que les actes des premiers chrétiens ont donné naissance à une foule de légendes plus ou moins étranges et merveilleuses que goûte la foi naïve et crédule des campagnards.

Les quelques mots que nous venons de dire au sujet de ces chrétiens légendaires nous font comprendre un peu la vie, les mœurs, l'esprit d'autrefois : l'existence méditative des premiers solitaires, leurs craintes, leur foi, l'ardeur des néophytes, la croyance au surnaturel, à la magie et aux miracles.

Similiacus.

Une dernière question nous reste à étudier pour terminer l'examen de la période gallo-romaine.

Le Similiacus des textes précédemment cités est-il bien Chaillé-sous-les-Ormeaux ?

M. Boutin, dans ses Légendes des Saints, plaçait après Similiacus un point d'interrogation : « Le nom latin de Similiacus, nous écrivait-il le 30 octobre 1899, signifie-t-il Chaillé-les-Ormeaux ? Je l'ai insinué dans mes Légendes des Saints de l'Eglise de Luçon, mais avec un fort point d'interrogation.

C'est uniquement la proximité de cette localité du théâtre ou s'est écoulée la vie de saint Vincent qui a déterminé les hagiographes, entre autres Dom Chamard, à opter pour cette localité. « Le vulgaire, dit-il judicieusement, fait souvent disparaître, dans les noms propres, la syllahe du milieu.

Chaillé peut donc bien venir du latin Similiacus, la lettre s se transformant souvent en ch dans la prononciation des Aquitains. »

Il n'est pas probable qu'il faille le traduire par Chemillé (en Anjou), dont le nom latin reçu est Camiliacum. »

M. Boutin a fait rechercher à Chemillé le souvenir de Cléopatronie : nulle trace, nulle tradition.

Le nom latin de Chemillé étant, d'ailleurs, Camiliacum, il paraît déjà très probable que ce lieu n'est pas l'ancien Similiacus.

Nous croyons que Chaillé a remplacé le Similiacus des légendaires. Il n'y a aucune preuve positive du séjour de la vierge chez nous ; mais l'ensemble de la légende est favorable à notre interprétation, et nous avons, d'ailleurs, recueilli un faisceau de preuves suffisantes pour la justifier :

1° Chaillé est voisin de Saint-Vincent-sur-Graon. — Jusqu'à ces dernières années, on plaçait le château de Gravion (Gravio), donné par saint Hilaire à Saint-Vincent, près de Saint-Benoît-de-Quinçay, dans la Vienne. Mais l'étude de vieux manuscrits a prouvé que Gravion se trouvait non loin de l'Ile-d'Olonne, près du bord de la mer, et à l'entrée d'un grand désert, heremus, qui était le marais bas-poitevin.

Saint-Benoit-de-Quinçay ne convient donc pas ; d'autre part, si les légendaires ne sont pas assez précis pour qu'on puisse déterminer la situation exacte de Gravio, nous pensons, avec Dom Chamard, qu'il « n'est pas douteux que la forteresse de Gravion ne soit Saint-Vincent-sur-Graon »

Ajoutons que ce bourg est construit sur les ruines d'un vieux castel dont il ne reste qu'un souterrain et quelques pans de murs.

Cette forteresse était très étendue ; elle occupait toute la hauteur où se dresse le bourg actuel, et on peut encore en reconnaître l'enceinte principale.

La position de ce lieu, les restes de constructions gallo-romaines qu'on y a trouvés, le village voisin de Graon, le « chemin de Nesmy », tout confirme l'opinion de Dom Chamard.

Or, d'après le légendaire, Similiacus était voisin de Gravio, le théâtre des actes de Vivent; Chaillé l'est de saint Vincent, le Gravio moderne.

2° Chaillé est voisin de Nesmy. — Or, d'après une des anciennes légendes de saint Vivent, ce prêtre aurait déposé, « dans une église dédiée à saint Pierre, les reliques de saint Barthélémy, qu'il avait apportées d'Orient. »

 M Boutin croit que cette église est celle de Saint-Pierre de Nesmy, dont saint Barthélémy est le patron secondaire. D'ailleurs, de temps immémorial, l'autel de saint Barthélémy est le but d'un pèlerinage qui fut, naguère, très fréquenté.

C'est donc, au moins, dans la première moitié du IVe siècle, qu'aurait été édifié le sanctuaire de Nesmy.

 La voie romaine appelée « chemin de Nesmy », le cimetière païen, la nécropole chrétienne, enfin le vocable même d'un autel plaident pour cette cause.

Voilà donc Chaillé sur le théâtre même de l'apostolat de Vivent.

3° Enfin, le nom même de Chaillé justifie cette hypothèse, car il peut venir logiquement du mot Similiacus, comme l'a montré l'érudit Dom Chamard. La syllabe médiane, obéissant à une règle générale, s'est syncopée, et la lettre s, suivant la prononciation du Midi, s'est changée en ch.

En outre, en dehors du petit hameau du Chaillot (Aubigny) et qui semble d'origine celtique, il n'est aucun nom de lieu, dans cette partie de la Vendée, qui puisse venir de Similiacus.

 Il n'y a, entre Similiacus (IVe siècle) et Challiaco (1212), qu'une différence de prononciation et qu'une contraction par syncope.

 

 

 

CHAPITRE III

Périodes Mérovingienne et Carlovingienne

Les invasions.

Les hordes barbares se sont ruées sur notre pays. Les Wisigoths se sont « abattus comme des nuées de sauterelles sur le Bas-Poitou ».

 Les Francs, à leur tour, se l'adjugèrent; puis vinrent les Sarrazins, qui, en 732, après leur défaite dans la plaine de Moussay, pillèrent et dévastèrent tout.

M. N. Jolly, de Luçon, possède dans sa collection une hache d'armes de l'époque de Charles Martel (691 à 711), trouvée dans l'Yon, au Gué-Besson, par un paysan qui s'en servit ensuite pour fendre du bois !

 

La Verrerie-sur-Yon.

C'est à l'époque mérovingienne que se fondèrent en Vendée plusieurs verreries. Nombre de lieux désignés dans les textes latins sous les noms de Yerreriæ, Vitreria, Vitrina, etc., ont été appelés depuis : Verrerie, Voirie, Verrières, Voirières, Verrines, etc. B. Fillon, dans son Art de Terre, indique dans ce groupe la Verrerie-sur-Yon, près de Chaillé ; selon lui, il y aurait eu là, primitivement, un établissement verrier.

Malgré le plaisir que j'aurais de constater chez nous, à une époque aussi lointaine, une fondation de ce genre, je me permets de mettre un point d'interrogation à la suite de cette opinion. C'est que j'ai toujours entendu appeler le village en question Vérie et non Verrerie. Or, il est sur un coteau élevé, surplombant l'Yon : ne serait-ce pas une voirie, une vérie, c'est-à-dire un lieu d'où l'on jouit d'une belle vue ?

D'autre part, certains noms de lieux de même consonnance ont une origine bien différente, comme le fait observer lui-même B. Fillon: Vérie, veria, peut venir de ce qu'on percevait, au moyen âge, un droit de mouture dans les localités qui le portent ; celui de Verrie, verrici, rappelle de simples étables à porcs, à verrats.

 

Sépultures mérovingiennes.

A quelques kilomètres de Chaillé, entre les deux villages de la Salle et de la Fouquetière, on a découvert des sépultures mérovingiennes.

 

Les malheurs du pays après Charlemagne.

Les Normands.

Sous les successeurs de Charlemagne, la région dut souffrir énormément. Féconde, peuplée, parsemée déjà de monastères, largement ouverte sur l'Océan, elle fut pour les Normands une proie facile.

Ces écumeurs des mers, se jouant, dans leurs frêles nacelles, des flots et des tempêtes, après avoir pillé, en 877, le monastère de Saint-Michel-en-l'Herm, remontèrent les vallées du Lay, de l'Yon et du Graon, et, pendant près de quatre-vingts ans, par le fer et la flamme, y répandirent la terreur.

Dès 863, des hordes avaient remonté le Graon et incendié le monastère de SaintVincent.

Les noms mêmes des lieux perpétueront le souvenir de ces malheurs : Nieul-le-Dolent (dolor, douleur) et les Mauffaicts (Malefactis) nous rappellent ces jours d'angoisse.

Le silence des cartulaires de cette époque est une preuve des troubles profonds que causèrent chez nous ces sanglantes invasions.

Les populations épouvantées firent déposer en lieu sûr les reliques de leurs saints, notamment les cendres de saint Vincent.

Puis elles creusèrent des souterrains-refuges : il en existe un à Nesmy, et un autre près de Chaillé, au lieu dit Pé-Doré.

Celui de Nesmy se trouve dans le sous-sol de la nécropole païenne.

Il fut découvert en 1876, lors de la construction du nouveau temple, par des maçons dont les travaux avaient produit un éboulement. Il se compose de tout un système de galeries. L'entrée était très étroite, on ne pouvait y passer qu'en rampant : un seul homme, posté à l'intérieur pouvait donc en défendre facilement l'accès.

 On débouchait ensuite dans une série de couloirs, hauts de 1m40 à 2 mètres, contournant quatre gros blocs de granulite servant de piliers. Des niches en forme d'absidioles plein cintre comme les voûtes elles-mêmes, avec des bancs de pierre, ont été creusées dans les parois des galeries.

M. F. Baudry attribue ce souterrain-refuge au IXe siècle, ou au plus tard, au Xe.

 Les voûtes, en effet, sont en plein cintre et elles ont été taillées avec une simple pointe, et non avec la brette actuelle, qui ne date que du XIIe siècle.

Enfin, on y a recueilli quelques objets qui appartiennent à la période franque : une burette à pâte rougeâtre, sans vernis, au col étranglé et au goulot orné d'une astragale, une écuelle à deux oreillons en terre blanche, une terrine rougeâtre et les débris d'un charnier en pâte blanche.

Ajoutons qu'on y voit des traces de fumée, comme si des torches y avaient brûlé.

Depuis longtemps la tradition populaire avait signalé, sur les bords de l'Yon, en face de Chaillé, l'existence d'un souterrain dans le flanc du coteau de Pé-Doré, et non Pied-Doré, comme on le dit à tort quelquefois en francisant un mot patois que l'on croit barbare (13).

»

Le 22 août 1901, je résolus d'explorer ce souterrain, mais je ne pus y pénétrer par l'entrée connue, obstruée par des éboulements.

Le hasard me fit découvrir, non loin de là, au sein d'une haie épaisse, une autre ouverture, mais si étroite, qu'on eût pu la prendre pour un terrier de renards.

Je m'engageai dans l'étroit boyau, et, après une descente de cinq mètres sur un plan incliné, j'atteignis le fond et je pus examiner la curieuse retraite à la lueur d'une lanterne.

Le souterrain, haut de 2 mètres, large de 1 mètre à 1m50, est taillé en plein cintre dans un schiste granulitisé compact, et s'étend tout droit sur une longueur de 10 à 15 mètres. Puis il s'abaisse en forme d'absidiole, comme s'il allait se terminer, subitement ; mais, à gauche, se trouve une étroite issue, pouvant donner passage à un homme à genoux et conduisant à une autre galerie perpendiculaire, débouchant, d'une part, à l'ouverture obstruée, et se terminant aussi, d'autre part, par une sorte de renfoncement en forme d'absidiole romane.

Le passage étroit qui fait communiquer les deux galeries devait être fermé par une pierre, sans doute, et un homme, armé d'une massue, pouvait briser sans danger la tête de l'imprudent qui se serait engagé dans ce trou.

La galerie où je suis d'abord descendu devait se prolonger au delà du conduit qui m'a livré passage, mais elle a été comblée par un effondrement de la voûte (14).

Une maison a été élevée plus tard sur l'entrée du souterrain ; elle a complètement disparu ; les caves, dit la tradition, communiquaient avec le souterrain.

Cette longue période d'invasions sanglantes laissa la région inculte et sauvage ; après les incendies réitérés, après les destructions et les pillages renouvelés tous les ans, l'agriculture fut abandonnée et des forêts couvrirent le sol, entrecoupées, sur les plateaux, de landes infertiles.

Le Cartulaire de l'abbaye de Talmond fait mention des forêts de Nesmy, de la Buffaie, de la Roche, du Tablier (15) ; et LandeRonde, Lande-Vieille, la Boissière-des-Landes, la Lande, etc., perpétuent le souvenir des terrains nus et stériles que l'on rencontrait alors dans la plus grande partie du pays.

 

CHAPITRE IV

Période du Moyen Age

Rome avait employé des siècles à édifier son colossal empire : un siècle d'invasions barbares a suffi pour renverser le géant aux pieds d'argile.

Mais plus de dix siècles vont être maintenant nécessaires à l'enfantement d'une nouvelle civilisation.

Durant cette longue nuit faiblement étoilée du moyen âge, l'homme a peur ; tout paraît, .à son naïf esprit, mystérieux et fantatisque ; pour lui, la matière s'anime d'une vie étrange - des monstres, des sorciers, des fantômes l'habitent.

 Les lieux ont souvent conservé dans leurs noms les traces de cet état d'âme : B. Fillon ne disait-il pas que chaque nom porte en soi le caractère distinctif de son origine et de sa date ?

Ainsi, nous avons à Chaillé le champ du Mauvais-Sort (section D, n° 608), celui du Buisson-Fou (section C, n0 361) et celui, bien amèrement ironique, de Moque-Sac (section A, 110 610).

 

Persistance des traditions gauloises.

La conquête romaine et le christianisme n'avaient pu faire disparaître complètement les traditions gauloises, et la nouvelle religion a dû même introduire dans son culte quelques pratiques matérielles empruntées au paganisme.

C'est ainsi que les chrétiens ont continué à vénérer certaines sources, comme les Gaulois, leurs ancêtres païens.

 Naguère, la paroisse de Champ-Saint-Père se rendait en procession solennelle, le jour de la Saint-Marc, à la fontaine de Saint-Gré ; on y chantait même la messe de la station dans une petite chapelle, située au pied du monticule, et dont il ne reste plus que des ruines sans importance.

Le culte druidique a d'ailleurs subsisté en Poitou, selon Robert du Dorat, jusqu'au temps de Dagobert.

Les monuments mégalithiques furent longtemps vénérés, et, souvent, la croix, ne pouvant briser le dolmen ou le menhir, s'en servit comme piédestal et détourna vers elle le culte que les populations avaient pour eux.

 Puis, le souvenir du culte druidique s'effaça peu à peu, et les mégalithes, naguère sacrés, ne devinrent plus que de mystérieux objets de terreur qu'on appela : pierres folles, pierres de fée, etc.

Nous avons précédemment rapporté la légende relative aux pierres de la Roussière.

Selon la tradition, il y aurait à la Motte-Freslon, sous le grand escalier, un trésor gardé par des chiens noirs : c'est encore là un dernier reste des légendes gauloises. Les chiens noirs, en effet, apparaissent souvent dans les contes et les souvenirs de la vieille Armor.

Naguère, la fête de Noël était l'occasion de réjouissances populaires fort curieuses.

 Les domestiques de chaque grande ferme et de èhaque manoir se divisaient en deux groupes, l'un symbolisant le Bien, l'autre le Mal.

L'un des groupes apportait au seuil de la maison la grosse bûche de Noël, la « cosse de Nau », ornée de livrées, de rubans ; l'autre groupe défendait l'accès de la porte. Enfin, après une lutte plus ou moins longue, la bûche entrait et était placée dans la cheminée spacieuse, où chacun, depuis le maître jusqu'au dernier valet, venait la bénir avec une branche de buis, en formulant des vœux pour la prospérité de la maison.

Lorsque la cosse était consumée, chacun en prenait un morceau carbonisé et portait sur soi ou déposait sous son oreiller ce précieux carbo de Nau, qui, comme un talisman, devait préserver des mauvais sorts. Il paraît y avoir, dans cette intéressante pratique, comme une vague réminiscence des cérémonies celtiques modifiées par l'idée chrétienne.

Organisation féodale ; les fiefs de la paroisse de Chaillé.

Nous n'insisterons pas sur cette organisation féodale, qui s'est étendue sur le pays comme un immense réseau et d'une façon à peu près uniforme. Nous ne parlerons que des caractères particuliers et locaux qu'elle a revêtus chez nous.

Les paysans ou vilains étaient plus ou moins attachés à la terre ; mais, ainsi que de nombreux actes nous permettent de le constater pour notre région, si le manant n'avait que des droits de propriété et de liberté personnelle fort restreints et souvent violés d'ailleurs par la force brutale, du moins, moyennant certaines redevances ou cens, pouvait-il jouir de quelques droits, parfois même d'une tenure.

C'est qu'en effet le seigneur du fief principal (domimls) avait distribué à ses vassaux, à ses barons, une partie de ses terres.

 Ainsi le prince de Talmond relevait de Poitiers; puis ce vassal, gardant pour lui la terra dominica, distribua le reste, sous le nom de tenures, à des personnes payant redevances.

Les différents actes que nous avons vus nous ont prouvé combien primitivement fut faible la barrière qui séparait nobles et non nobles : c'est ainsi que les tenanciers pouvaient être nobles ou roturiers (16).

Au début de l'ère féodale, ce fut la terre qui fit la noblesse de l'homme, ce fut l'étendue des fiefs et les conditions de tenure qui déterminèrent la hiérarchie sociale, et non pas uniquement la race et le sang, encore moins le mérite et la valeur intellectuelle.

 Dans la classe des vavassores, il y avait bien peu de différence entre les nobles et les non nobles, que nos chartriers désignent sous les noms de milites ignobiles, legitimi viri.

Ainsi, nous voyons, dans un acte de 1534, un Jeannet de la Bretaudiera, dominus, figurer comme administrateur de la fabrique de Nesmy.

Or, cette famille, qui existe encore aujourd'hui, n'a jamais été noble. Bien plus tard, on trouve encore : Maître Jean Graton, sieur de la Péraudière [18 janvier 1640] (17).

La paroisse de Chaillé se trouvait sur la limite des deux justices féodales de Talmond et de Thouars.

La partie septentrionale relevait de Thouars par la châtellenie de Nesmy et le marquisat de la Chaize-le-Vicomte, l'est par la baronnie de Mareuil et la Vieille-Tour, et le sud de Talmond par la baronnie de Brandois et la châtellenie de la Motte-Freslon.

Citons rapidement les principaux fiefs : la Laudière et la Guitardière relevaient de Nesmy-en- Nesmylois ; la Coutancinière, la Domangère, la Jolivetière, la Proustière, l'Inaudière de Saint-Florent et la Merlerie dépendaient de la Chaize-le-Vicomte ; le Furet, de Badiole ; l'Aubonnière, de Mareuil ; la Rivière, de la Gerbaudière ; les Rocheréault, la Baffardière, la Noue, la Perraudière, les Courtesolles et Montorgueil, de la Motte-Freslon ; la Lardière, l'Ogerie, la Jousselinière et la Vergne-Greffault, de Brandois.

 Presque tous ces fiefs avaient droit de basse justice et leurs tenanciers avaient juridiction et contrainte jusqu'à l'amende de 7 sols 6 deniers.

Le seigneur de l'Aubonnière avait droit de moyenne justice : il connaissait de toutes les causes civiles et pouvait donner tutelles et curatelles, émanciper, etc., et connaître de toutes causes dont l'amende ne dépassait pas 60 sols.

 

Coup d'oeil sur l'Histoire ecclésiastique.

Il paraît probable que Chaillé, le Similiacus des textes anciens, dut posséder de bonne heure un temple chrétien, en raison même de son ancienneté.

En tout cas, nul écrit ne fait mention de l'église de Chaillé avant l'an 1100.

Le Cartulaire de l'abbaye de Sainte-Croix de Talmond contient, en effet, la donation de l'église de Chaillé aux moines de Sainte-Croix, par Engibaud Buzan.

 Cet acte semble montrer que l'église fut primitivement l'oratoire personnel d'un seigneur, qui y avait établi un prêtre séculier.

Nous extrayons de la charte CLXXXIV les lignes qui nous intéressent :

CLXXXIV. — De Junco.

Civca 1100

Temporibus domni Alexandri abbatis,... die videlicet Exaltationis sancte crucis,... ibique in capitulum Engelbaudus Buzanus fecit donum de ecclesia de Challiaco iii manu abbatis quantum ad cum pertinebat, videlicet de decimis, que sui juris erant, que ad ecclesiam pertinebant. Hii autem qui has donationes viderunt sunt hit : Radulfus Garinus, Willelmus Jodoinus, Symon de Asiniaco, Meschinus, Ansterius, Brunus. Inde vero susceperunt abbas cum Rainaldo et prefatis testibus, ivit in ecclesiam, ibique coram altare fecit hoc donum sieut supra (18) ; simul etiam cum eo Ingelbaudus Buzanus de ecclesia de Challiaco ; videntibus : Ascelino Porcarioi Rainulfo filio Engelfridi, Willelmo filio Hugonis.

« Vers 1100, du temps du seigneur abbé Alexandre (19), le jour de l'Exaltation de la Sainte-Croix, dans le chapitre, Engelbaud Buzan fit don de l'église de Chaillé, dans les mains de l'abbé, autant qu'il lui en appartenait, savoir, des dîmes qui étaient de son droit et qui appartenaient à l'église. Ceux qui ont vu ces donations sont : Radulphe Garin, Guillaume Jodoin, Symon d'Aizenay, Meschin, Anstier et Brun. De là tous se rendirent à l'église, et, devant l'autel, Rainaud lit le don comme il a été dit i pareillement avec lui, Engelbaud Buzan fit don de l'église de Chaillé. Les témoins sont : Ascelin Porcher, Rainulphe, fils d'Engelfred, Guillaume, fils d'Hugues. »

Nous ignorons quel était cet Engelbaud Buzan, évidemment miles du Talmondais.

Il est cité maintes fois, de 1093 à 1101, dans le même chartrier, comme témoin de donations : E. Busaens (1093), E. Buzens et Buzans (1095), E. Buzen (1100), E. Buzone (1101). En 1101, Engelbaud disparaît du Cartulaire pour ne reparaître qu'en 1120.

Il est probable qu'il partit avec les nombreux seigneurs du Talmondais qui, en 1101, accompagnèrent Guillaume VIII d'Aquitaine en Terre-Sainte (20).

D'ailleurs, en cette même année 1101, nous voyons Engelbaud de Buzan assister à une donation qu'Aimeri de Bouil, seigneur de Poiroux, fit à Sainte-Croix avant de partir pour Jérusalem (21).

On peut se demander pourquoi le dit Engelbaud enlevait son église aux séculiers pour la donner aux moines de Talmond. M. de la Boutetière, dans son Cartulaire de Sainte- Croix, nous en donne l'explication : « Plus de quarante églises, avec leur administration spirituelle et temporelle,, dit-il, furent arrachées aux mains de grossiers spoliateurs et de prêtres indignes » du clergé séculier par les réguliers de Talmond ; car, à la faveur des troubles qui ont précédé l'époque féodale, des abus et des scandales inouïs s'étaient produits jusque dans les sanctuaires : aussi les évêques de Poitiers favorisèrent-ils le remplacement des séculiers par les moines, du presbytère par le prieuré.

Aux environs de Chaillé, d'autres églises furent également données à Sainte-Croix : Aubigny, circa 1092 ad 1129, les Clouzeaux, en 1096, etc.

 Vers 1060, Ponce, fils d'Ascelin, premier seigneur connu de Nesmy, donne la moitié de l'église de ce lieu et une borderie prope ecclesiam à Sainte-Croix (22) ; vers 1075, son parent Hugues fait don du reste de l'église, d'un bois, d'un pré et d'une pommeraie (23).

Hugues et Ponce étaient parents des sires de Brandois, et c'est de là qu'est venu le lien féodal entre Nesmy et cette baronnie.

Dans le Grand-Gauthier, composé, au début du xivc siècle, par Gauthier de Bruges, évêque de Poitiers (24), on lit, au sujet de Chaillé :

ECCLESIA ET PATITONATUS BISSEXTUS JUUA

De Cayllc Sol. Lib. Est regularium (Abb. de Nielll). XV. XXXV.

O. S. A.

Le patronatus (patron) était le droit de présenter l'ecclésiastique qui devait être pourvu du bénéfice.

 Ce droit, dévolu à celui qui avait doté une église ou une chapellenie, appartenait pour le bénéfice de Chaillé à l'abbé de Nieul-sur-l'Autise.

Les mots Est regularium signifient que l'église de Chaillé dépendait du clergé régulier et qu'elle ne pouvait être confiée « qu'à des sujets sous l'autorité desquels elle se trouvait placée », c'est-à-dire à ceux de l'abbaye de Nieul.

Certains auteurs croient que ces mots indiquaient une dépendance des chanoines de Saint-Augustin : cette interprétation ne modifie rien dans notre cas, les chanoines de Nieul étant des Augustins.

L'un des vitraux de l'église actuelle représente saint Augustin.

Le bissextus devait être un droit dû à l'évêque à chaque année bissextile, et le jura, un droit de décime : Chaillé payait 15 sols de bissextus et 35 livres de jura.

En 1534, Pierre Marchant, archidiacre à Luçon, fit une visite à Chaillé ; le procès-verbal, rédigé par Rochereau, se trouve dans le Manuscrit de Luçon (25) :

De Chailleyo. — Apud prsedictum Sanctum locum de Nesmilio, die et anno prsedictis, accessit dominus Mathurinus Giraudeau, presbyter uicarius ecclesise parochialis qui exhibuit exhibenda.

L'époque de cette visite, qui eut lieu le même jour que celle de Nesmy, se trouve dans le procès-verbal relatif à cette dernière localité :

Die praedictata mardi anno Domini millesimo quingentesimo xxxiij visitata fuit ecclesia parochialis de Sancti Pétri de Nesmilio.

Nous citons ici le passage relatif à Chaillé :

Nomina presbyterum :

Frater Egidius Viger, prior vicarizls;

Frater Mathurinus Langibault, presbyter religiosus ;

Dominus Jacobus Robin;

Dominus Ludovicus Barangier;

Dominus Nycolaus Rivalin;

Dominus Mathurinus Giraudeau, vicarius.

Praesens administrator Nycolaus Galerneau qui exhibuit inventarium mobilier dictæ fabricae.

Praecedens Johes Bille cuy judicatus fuit reddere compotus et reliqua et ducere de quictanciam infra festum Assumptionis Sanctæ Mariae.

Il est encore fait mention de plusieurs autres fabriciens et de Jean Vigier, seigneur de la Lardière, écuyer :

Alius prsecedens Johes Viveron qui exhibuit quictanciam per quam constat……. libras sex solidorum et apud traddidit Johanny Vigier, scutiferus, dominus de la Lardiere, et ideo remissus.

Andreus Dupuys alius prcesens administrator solvet de ex resta suse administrationse et traddidit dicti domini de la Lardiėre qui judicatus asseruit et exhibuit quictanciam.

De Chaillé, Pierre Marchant alla visiter l'église de Sainte-Melaine du Tablier.

Extension des territoires des abbayes aux alentours de Chailtê.

 

 

 

 

Les abbayes des Fontenelles et de Sainte-Croix furent richement dotées par les seigneurs. Raoul Froger et sa fille Flandrine donnèrent aux Fontenelles, sur la paroisse de Saint-Florent, la terre des Bocholas, et, circa 1242 ad 1247, Étienne II, abbé, obtenait de Pierre Cellerier, chevalier de Mareuil, la confirmation de la dite terre (26). Les Fontenelles eurent encore des propriétés à la Merlerie.

Mais c'est pour Sainte-Croix surtout que les seigneurs rivalisèrent de générosité.

Vers 1060, Goscelin, fils de Gislebert, donne à Sainte-Croix, dans le bourg de Nesmy, du terrain pour élever trois maisons et un fournil.

Entre 1058 et 1074, Ponce, fils d'Ascelin, donne à Sainte-Croix, pour l'âme de son père, une borderie iii parrochia S. Vincentii super fluvium Graionem. (Charte VI).

Le Cartulaire contient des actes très curieux au sujet de la Villa Vassalora qui parait être la Rousselière, du bois de la Buffaie et du moulin de Touvron.

Celui-ci se trouve au confluent de l'Yon et du ruisseau appelé le Touvron ou la Touvre.

C'est par suite d'une faute de lecture, dit B. Fillon, que le nom de Touvron a été traduit par M. de la Boutetière par Torterius au lieu de Tolverus.

« Au XVe siècle, on disait Touvre » et cette forme semble avoir prévalu.

Ce ruisseau sort des étangs de Nesmy et suit une vallée peu profonde, appelée la Vaunoire, sans doute à cause des bois épais qui la bordaient naguère et lui donnaient un aspect sombre et sinistre : « Vallis nigrci prope Naimilium, » disait d'ailleurs une charte relative à la seigneurie de la Motte-Freslon, datée du vendredi après Pâques 1273, et qui fit partie de la collection Fillon.

Entre 1058 et 1074, Hugues, parent de Ponce, et fils d'Huvelin, donne à Sainte-Croix six sexterées de terre de la Rousselière.

Vers 1075 (charte XII), le même Hugues ajoute à ce don, avec l'église de Nesmy, douze sexterées de terre sur la rivière de Nesmy (la Touvre), un herbergement, une pommeraie, du terrain dans le cimetière pour faire les maisons des moines, et, dans la forêt de la Buffaie, du bois sec, en quantité suffisante, pour le chauffage des dits moines et celui de leur four.

 Puis il donna encore une sexterée de terre de la Rousselière, avec le consentement d'Adhémar Grafait et de Ponce, fils d'Ascelin, car la dîme du dit fief, consistant en veaux, en agneaux et en laine, était du droit de ces derniers seigneurs.

 De plus en plus généreux, Hugues ajouta le moulin situé sur la rivière de Touvron et une pommeraie que possédait son épouse. Et c'est d'un commun accord que Hugues, son épouse, qui avait précédemment acheté la moitié du dit moulin, et ses fils, Guillaume et Jean, le donnèrent à Sainte-Croix.

 

Vers 1091 (charte XLVII), Rainald, frère du prêtre Pierre, serviteur du seigneur Ascelin, et moine lui-même, donne à sa société la troisième partie de la dime de quatre sexterées de terre, trois parties de cette terre étant à Bouil, et quatre autres à la Rousselière, ad Villam rassalor. Ce don fut fait au temps de l'abbé Datfred.

Les dons qu'avaient faits Hugues ne furent pas reconnus par son fils, Jean, qui eut, à ce sujet, un procès avec Sainte-Croix c'est ce que nous apprend la charte LXVIII, vers 1100, dont nous donnons la traduction.

« Au temps du seigneur abbé Alexandre, Jean de Naismi eut un procès avec le dit abbé pour les biens que son père avait donnés à l'église de Sainte-Croix, car il disait que les moines avaient usurpé des choses qu'Hugues n'avait pas accordées et dont lui-même n'avait pas autorisé la donation.

Mais ensuite, conduit par la pénitence, Jean demanda pardon à l'abbé des injures qu'il avait faites à Sainte-Croix au sujet des aumônes de son père. Il s'engagea à accorder toutes choses selon qu'elles seraient inscrites dans le rôle, et, dans le chapitre, devant les frères et des laïques, l'abbé se fit l'exécuteur des legs du seigneur Hugues.

 Jean autorisa tout ; il ajouta même des biens que son frère n'avait pas donnés, savoir : une quarterée de pré in Sabillas et un denier sur le moulin de Touvron ; puis il plaça le don sur l'autel avec le texte des Évangiles, en se promettant bien d'aimer désormais l'abbaye et d'augmenter les dons de son père plutôt que de les diminuer.

Les témoins de cette chose furent : Raynald, Torin et Raynald dizenier. »

Vers 1100 (charte CXXXVII), toujours au temps de l'abbé Alexandre, Rainulf, fils d'Engelfred, donne à Sainte-Croix omnenz deeimam iinius masure terre qui est in terra S. Pétri Naismiliensis.

Les procès qui avaient eu lieu entre l'abbaye et Jean de Nesmy au sujet des biens donnés par Hugues aux alentours de la rivière de Touvron, c'est-à-dire dans la partie septentrionale de la paroisse de Chaillé, se continuèrent entre le nouvel abbé, Guillaume, et Hugues II de Nesmy, fils de Jean.

 Nous donnons encore, en nous abstenant de tout commentaire, la traduction de la charte CCLVI, vers 1120, écrite d'ailleurs en fort mauvais latin :

« Guillaume, abbé de Sainte-Croix, et Hugues, fils de Jean, ont eu entre eux beaucoup de procès et de contestations propter calumpnias quos Hugo rébus S. Crucis, per cupidilatem pecuniam extorquendi, sepius inferebat.

Mais, un jour, les barons, venus pour juger la cause de Nesmy, firent la paix éternelle entre l'abbé et Hugues.

Celui-ci cessa ses calomnies, et, devant toute la cure, remit le rôle entre les mains de l'abbé et concéda tout à fait le moulin (de Touvron), l'étang qui est sous le bourg de Nesmy, un autre étang qui est dit de Béranger, fils d'Alain, toute sa terre en le bois de Buchenil, in tota terra sua in bosco de Basca in Oculo (bois de Bûche en l'Œil !) plus la bûche que son père avait accordée en aumône avec le bois pour le chauffage des moines.

 Un arrangement eut lieu au sujet des trois mines de la Buffaie, cause de la discorde, et le jugement relatif à cet objet fut rejeté plus loin.

 Concessit etiam ut homines monachorum pro admonitione vicarii sui nunquam aliquo irait nisi cum persona Hugonis et cum licentia monachi. Si autem aliquando vicarius Hugonis in hominibus S. Crucis aliquam sibi partem vicarie pro aliqua causa vellet requiae, Hugo in sua curia, présenté abbate, homines S. Crucis, tanquam silos recte et per justitiam defenderet.

 Pour cette concession et cette confirmation, Hugues a donné à l'abbé quatre livres de charité. Avec l'abbé, étaient présents lés moines Giraud, prepositus, Goscelin, Engelbaud et Pierre, doyen de la Roche et quelques laïques.

 Devant les témoins susnommés, Hugues confirma qu'il rendait aux moines la colline, toujours inculte et déserte, qui domine l'étang. »

Les choses étant ainsi faites, quand le jour fixé pour le jugement relatif aux trois mines de la Buffaie fut venu, Hugues, reconnaissant le don que son père avait fait à l'abbé Guillaume, accourut, demanda pardon, accorda à Sainte-Croix les trois mines et promit de devenir le défenseur fidèle de toutes les choses de l'abbaye.

 

Une autre charte (CCLXXXVI), de 1130, nous apprend que Hugues eut de nouvelles difficultés avec l'abbaye au sujet d'un étang : « Nous voulons faire savoir à tous les hommes, présents et futurs, qu'Arnaud, moine de Sainte-Croix, lorsqu'il habitait la cure de Nesmy, fit avec Hugues, seigneur de ce bourg et de l'étang de Béranger, le pacte suivant que le moine jouirait en paix de l'étang et de toute la pêche. »

 Dans la même charte, il est fait mention de l'Epinaie, situé près de la Rousselière : Spineta domicella III habuit denarios.

 

Dans les chartes du XIIIe siècle, il est encore question des droits de Sainte-Croix sur le bois de la Buffaie ; mais les seigneurs appartenaient à la famille Freslon.

Le 10 avril 1226, Théobald ou Thibaud Freslon (27) rend à l'abbé et au prieur de Nesmy, le chauffage en le bois de la Buffaie, qui devait leur avoir été usurpé. (Charte CCCCLXXXIX, 10 aprilis 1226.)

En 1227, Thibaud Freslon, et sa femme, dame Pétronille, affirment de nouveau, dans la charte CCCCLXXV, la reddition aux moines de leur droit de chauffage sur la Buffaie.

La même année, Agnès, abandonnée par son époux, Guillaume Greffaud, et belle-sœur de Thibaud Freslon, conseillée par des hommes sages, rend, par serment, à l'église de Talmond et au prieuré de Nesmy, les droits que ceux-ci avaient sur le bois de la Buffaie, quod est prope Naimilium. (Charte DII).

Enfin, en 1228 (charte DXXVI), un nouveau seigneur, Charuias de Nesmy, et ses fils, dont l'un était clerc et l'autre laïc, jurent entre les mains du seigneur R. de Pérata, alors abbé de Talmond, que ni eux, ni d'autres n'ont empêché le prieur et les moines de prendre du bois mort in nemore de Buffeta, droit précédemment accordé par Th. Freslon.

 

Juillet 1218 Don du prieuré de Naismilio de Savary de Mauléon.

Que chacun sache, présent et futur, que moi, Savari de Mauléon, seigneur de Thalmont, pour la sécurité de mon âme et de celle de mon père et de ma mère, et de mon oncle seigneur Guillaume de Mauléon, et de tous mes amis et parents décédés, tant de mes ancêtres que de ses successeurs, j'ai donné et accordé à Dieu et à l'église de B. Pierre de Naisme et au prieur et aumônier du même lieu au service de Dieu Pierre Girbert et ses héritiers comme une aumône pure et perpétuelle, libre et exempte de toute exaction et de toute sorte de service, de sorte que pour cette liberté le prieur et l'aumônier de la même église célébreront le service annuel de mon père et de ma mère et de mon oncle nommé aux jours où ils avaient l'habitude de le faire dans d'autres églises de mon pays, et ils célébreront également mon anniversaire après ma mort.

De plus, tous les dimanches après ma mort, mon père, ma mère, mon oncle et moi serons nommés aumôniers dans la même église. Afin que cela soit plus solidement établi, j'ai fait communiquer la présente charte sous la protection de mon sceau à ces témoins, R. alors abbé de Talmont, frère Matheo le prieur de Sidunt G. Sarracense, les chevaliers de Guillaume Gauterius, P. Veillet, P. Girardo, mon sénéchal à cette époque de Talemond, et plusieurs autres.

Cela se fit à Saint Michel d'Herm, au mois de juillet, en l'an de grâce 1218 -

 

Julii 1218  Donum prioratus de Naismilio.

Notum sit omnibus, tam presentibus quam futuris, presentem cartulam inspecturis, quod ego Savaricus de Malo Leone, dominus Thalemundi, pro salute anime mee et animarum patris et matris mei atque patrui mei domini Willelmi de Malo Leone omniumque amicorum et parentum meorum defunctorum tam ex antecessoribus quam successoribus, in puram et perpetuam elemosinam dedi et concessi Deo et ecclesie B. Petri de Naismi atque priori et capellano ibidem Deo servientibus Petrum Girbertum et heredes suos ab omni tallea, bianno, cosduma et omni exactione et omnimodo servitio liberos et immunes ita quod pro libertate ista prior et capellanus ejusdem ecclesie singulis annis celebrabunt annuum servitium patris et matris mee et patrui mei prenominati in diebus quibus illud facere consueverunt in aliis ecclesiis de terra mea anniversarium meum post decessum meum similiter celebrabunt.

Insuper singulis diebus dominicis pater et mater mea et patruus meus et ego post decessum meum erimus in commemoratione prenominati capellani in eadem ecclesia. Ut hoc vero firmius habeatur, presentem cartulam sigilli mei munimine feci communiri testibus hiis R. tunc abbate de Talemundo fratre Matheo priore de Sidunt G. Sarracense, Willelmo Gauterii militibus, P. Veillet, P. Girardo tune temporis senescallo meo Talemundi et aliis pluribus.

Actum fuit hoc apud S. Michaelem de Heremo, mensejulii, anno gratie M°CC°XVIII°.

CCCCXLVI. – Donum B. Marie de Brolio de Villa Nova et de vineis que fuerunt Willelmi Rath.

 

Les anciennes mesures locales et les droits féodaux.

Dans les textes que nous avons cités précédemment, il est fait mention de mesures et de droits féodaux qu'il est bon de définir ou de rappeler.

Les principales mesures de volume, pour les grains, étaient le boisseau, le quartier, la mine, le septier ou sextier et le muid. Pour les liquides, on se servait plus spécialement du muid, du jalon et de la bouteille.

Les mesures de surface étaient nombreuses et variables. Il y avait notamment le journal, l'arpent et la boisselée. La boisselée, qui existe encore, avait des multiples : la quarterée, la minée et la sexterée ou septerée, qui valaient respectivement 4, 8 et 16 boisselées.

Nous avons encore employé deux mots : masure et borderie, qui représentent, en quelque sorte, comme deux types de propriété, deux unités de domaine. L'une et l'autre se composaient de l'habitation du laboureur, de l'étable, du jardin ou verger, du courtil, du fournil, de l'ouche ou pâtis, de l'abrou, de prés, de terres, de bois et de vignes cultivées à complant et bien plus vastes que celles d'aujourd'hui.

 La masure était l'étendue qu'un laboureur pouvait cultiver avec quatre bœufs ; la borderie n'était qu'une demi-masure.

Les tenures étaient possédées moyennant des conditions très variées et très nombreuses, d'où il est résulté une foule de droits seigneuriaux.

Nous en avons déjà nommé beaucoup au fur et à mesure de nos citations.

Voici les principales redevances que nous avons pu relever à Chaillé ou aux environs : abeillage, abonnement, acquêt, affiage, arage, arban, avenage, aide-rançon, aide de l'host, aide de relief, bail, barrage, bannée, bichenage, bûche (28), cens, champart, cornage, chasse, complant, cuissage ou jambage, dime, foil(ige, guet et garde, herbage, lods et ventes, poule de commande, plume, pâturage, pasquerage, parnage, mutation, prévoté (29), taille, terrage (30), vérolie (31), village, forestage, fornage.

Il y avait quelques droits fort curieux, qui donnaient lieu à des réjouissances au village, notamment la poule de commande et la bûche, que les manants portaient au foyer du seigneur, toute couverte de guirlandes et de fleurs, la veille de Noël. Le droit de cuissage ou de jambage est l'un des droits seigneuriaux les plus bizarres ; il était fréquemment exercé par les seigneurs de la Motte-Freslon.

Quand une noce passait devant le manoir, disent les paysans, le seigneur arrivait et emmenait la mariée qu'il faisait coucher dans son lit. « Et, ajoutent les villageois en riant, quand la mariée lui plaisait, il quittait ses bottes éperonnées ! »

Une partie des redevances féodales ont été payées jusqu'à la Révolution, et même après, parfois.

C'est ainsi que le moulin de Rassouillet payait une rente au seigneur de Normande, près de Mareuil ; celui de la Roussière payait à la Jousselinière ; celui de Rambourt, à la famille de Tinguy, de Nesmy.

Le moulin de Touvron versait 110 francs, puis 100 francs, à la famille de la Claye qui possédait la Barre ; celui du Furet, 150 francs de rente à une famille des Essarts (famille Robin) ; les moulins à vent de Chaillé devaient à Nesmy quatre poulets à Pâques et un gâteau (32).

 

La Guerre de Cent Ans.

Déjà, sous le règne de saint Louis, les Anglais avaient parcouru notre contrée, ainsi que le disent les lignes suivantes, extraites de la Déclaration et Pétition du Prieur de l'abbaye des Fontenelles, en 1790 : « L'église, l'une des plus belles et des plus anciennes du pays, offre une croix imparfaite depuis que les Anglais en abbatirent (sic) la seconde voûte de la nef, lors de leurs incursions, vers 1240. »

En dehors de la reprise du manoir de la Roche-sur-Yon, en 1373, par Olivier de- Clisson, il n'y a, dans la région, aucun fait marquant ponr cette malheureuse période.

Un Maurice Raclet figure parmi les officiers nommés par le roi d'Angleterre, au mois de septembre 1361, avec le titre de lieutenant de Guillaume de Felton, sénéchal de Poitiers ; il possédait plusieurs terres aux environs de Chaillé et avait encore des propriétés à la Joannière et à la Billotière, dans la châtellenie de Belleville, ainsi que le fief de la Crespelière, en la châtellenie de la Garnache.

Lorsque Louis, vicomte de Thouars et prince de Talmond, signa, à Puybelliard, le 21 mai 1351, un accord avec les moines de Mauléon, Maurice Raclet, parent de l'abbé de Talmond, était présent.

Enfin, le 11 août 1364, « maistre Maurice Rasclet » témoigne, avec d'autres, que « ledit vicomte est de bonne vie, de bon gouvernement et de honneste conversacion ».

Dans nos campagnes, le désarroi était général ; le peuple souffrait énormément ; des bandes armées des deux partis terrorisaient les villages ; les seigneurs eux-mêmes profitaient du désordre pour se livrer au pillage.

Ainsi, au mois d'août 1348, voit-on Guillaume Buor, seigneur de la Motte-Freslon, Aimery Charruyau (33), et quelques autres, piller le bourg des Moustiers-Mauffaits.

 Jean l'Archevêque, à la tête d'une troupe de Picards envoyés par le duc de Bourgogne, commit de nombreuses vilenies : en 1417, il mit au pillage le manoir de la Girardière, dans la paroisse du Tablier.

EDMOND BOCQUIER.

 

 

Lettre A M. Jules Quicherat, sur une découverte d'objets gaulois en or faite en 1759 dans l'étang de Nesmy.

Dans un réduit formé de six gros blocs de granit. Les nombreux objets de cette importante trouvaille, tous en or, sont perdus. On ne les connaît que par d'anciennes pièces de procédure découvertes par Benjamin Fillon.

 

Trois pièces de procédure ont révélé à l'auteur la découverte de Nesmy. Le propriétaire du domaine de ce nom voulut agrandir un étang cette opération, commencée sous la direction d'un habitant du bourg, le sieur Laydet, fut interrompue par celui-ci sous divers prétextes.

 Un an après (1760) elle fut reprise, et M. de Nesmy s'aperçut bientôt de l'existence, sur l'un des points de l'étang, d'une sorte de cachette, formée de six gros blocs de granit, dont celui qui servait de recouvrement avait été déplacé. Il fit fouiller et découvrit un petit lingot d'or, du poids de 2 onces 7 gros 13 grains, porfant douze coches parallèles. Cette trouvaille fit du bruit, et le bruit qui s'était vaguement répandu de l'enrichissement subit du sieur Laydet éveilla les soupçons.

Bref, on put constater judiciairement qu'une découverte capitale avait été faite et qu'un détournement avait eu lieu. Une cousine du voleur avait vu le trésor et put donner une liste de ses pièces principales, liste qui figure tout au long dans l'enquête et que M. Benjamin Fillon va étudier, après avoir retenu l'attention du lecteur sur le lieu du gisement, étang environné de bois et de bruyères, et dont le nom même, Nesmy, a dû être quelque chose comme Nemeton ou Nemetum et voulait dire sacré.

Voici l'inventaire en question, suivi des commentaires de M. Fillon nos lecteurs seront heureux de voir avec quelle sagacité et quelle érudition M. Fillon a pu tirer un parti réel du seul document qui reste

N° 1. « Rollets, cochés d'un côté; les plus gros ayant plus de coches que les autres. »

Longtemps, je l'avoue, j'ai vainement, cherché à me rendre compte de l'usage de ces rollets. L'idée m'est enfin venue de diviser, par douze, le poids de 2 onces 7 gros 12 grains, qu'avait celui portant douze coches, découvert sous les yeux de M. de Nesmy par son jardinier. Ce calcul m'a donné 1 gros et 67 grains pour chaque douzième. Partant de là, je n'ai pas tardé à reconnaître que ce dernier poids est précisément celui qu'avaient, une centaine d'années avant la conquête, les statères d'or de l'ouest de la Gaule (34) d'où j'ai conclu que les rollets en question étaient des lingots, employés comme monnaies de compte, ayant la valeur d'autant de statères qu'on y avait fait de coches.

N°2. « Une serpe. »

Qui ne reconnaîtrait, dans cet instrument tranchant, celui qu'employaient les druides pour certains usages religieux, entre autres pour la cueillette du gui de chêne ? Une serpe de bronze, d'un travail très-soigné, et dont la forme est à pou près identique à celle en usage de nos jours, figure dans ma collection. Deux ou trois musées, français et étrangers, en possèdent de semblables. Toutes viennent du nord de l'Italie et datent de nombreux siècles avant l'ère chrétienne. Vous remarqner ez aussi que, sur le bas-relief de l'autel votif gallo-romain, trouvé sous le chœur de l'église cathédrale de Paris, le dieu ESVS se sert d'une serpe ou d'un couperet presque analogue, pour ébrancher un arbre.

N° 3. « Deux couteaux un, large de trois doigts et pignolé; l'autre, plus affilé. »

Je n'ai rencontré aucun similaire de ces objets dans les collections ou dans les recueils de gravures d'armes, d'instruments et d'ustensiles gaulois, bretons, germains ou scandinaves. Je constate seulement que le premier de ces couteaux, par la largeur de sa lame et ses pignolures, devait avoir quelque analogie avec les poignards de bronze, dont le musée de Dublin renferme de nombreux spécimens. Un autre, plus remarquable peut-être encore que ceux de cette grande collection, fait partie de la mienne, et vient également d'Irlande. Sa lame, étamée, est couverte de très-fines gravures. Bien que ces pièces de bronze soient, à coup sûr, d'une date antérieure à celle des couteaux d'or de Nesmy, ceux-ci pouvaient s'en rapprocher comme forme. Une fois les types adoptés dans la fabrication d'une contrée, ils s'y conservent pendant une longue période.

N° 4. « Quantité d'objets, tortillés en rond aux deux bouts et aplatis ait mitan, et d'autres, tordus en rond et noués. »

 C'étaient des ornements de tête et des bracelets, analogues à ceux décrits dans les Matériaux pour l’Histoire de l'homme, année 1873, pl. XXIII, n 6, et 1876, p. 82). Quelques-uns pouvaient avoir le type spiraloide, encore employé, de nos jours, chez les Serbes.

Un très-remarquable spécimen de bracelet d'or, « tordit en rond et noué, » a été trouvé, en 1874, aux environs de Chambord (Loiret-Cher). Son poids est de 85 grammes. Il fait aujourd'hui partie de la collection do ma sœur.

N° 5. « Quartier de lune, tout pignolé, avec crochet à chaque corne. »

Ici, pas de doute possible. Il s'agit bien d'un hausse-col (Voir Matériaux, 1867, p. 334). Un autre a été découvert à Bourneau, commune de la Vendée, en 1833.

N° 6. «Un gros anneau plat et trois bagues. »

Un anneau d'or plat, pesant presque 34 grammes, a été exhumé de terre, en 1862, aux environs de Chinon. Il était sans ornements, sans suture ni soudure, et semblait avoir été exécuté au marteau.

N° 7. « Une passette. »

Sans doute un instrument de sacrifice, percé de trous, du genre de ceux employés par les Romains dans leurs cérémonies religieuses. On appelle, chez nous, passette, un ustensile de cuisine destiné à faire égoûter les purées de farineux.

N° 8. «Un grand tortillon, fait comme une manche, avec un anneau au gros bout.

Brassard ? Conf. Matériaux, 1868, p. 232. V. aussi les Sépultures de Saint-Jean de Belleville (Savoie), décrites par M. le comte Costa de Beauregard, pl. III et V. La collection de M. Barry, de Toulouse, renfermait un de ces brassards, qui répondait exactement à la description ci-dessus.

N°9. « Une grande tasse sans anses, très-pesante, enjolivée de pignolures. »

Je ne pense pas qu'une autre coupe de cette nature ait été signalée. Son poids et sa forme, dont on se fait une idée assez juste, font penser involontairement à certains vases du même métal, enlevés au Palais d'Été de l'empereur de Chine, et qui avaient une destination religieuse.

N° 10. « Une bête sur ses quatre pattes, arec un creux audessous, comme une ferrée. »

C'était une enseigne, ayant probablement la forme d'un sanglier, avec sa douille, telle qu'on en voit figurées sur l'Arc de triomphe de la ville d'Orange.

N° 11. « Une hache double. »

Dans une découvertè, présentant quelque analogie avec celle de Nesmy, faite aux environs de Rennes, et qui est passée sous les yeux de notre confrère, M. l'intendant-général Charles Robert, il y avait aussi une hache d'or à double tranchant.

N° 12. « Une grande main, coupée au poignet, arec un creux en dessous, et un crochet en retour de chaque côté. »

Encore une enseigne, dont les statères poitevins en électrum, de la dernière période gauloise, nous ont conservé une représentation fidèle. On y distingue même les crochets en retour qu'elle avait, de chaque côté, à sa base. Cette enseigne est placée, comme différent monétaire, sur ces statères, au-dessous du cheval androcéphale du revers.

N° 13. « Une corde tordue avec des boules aux bouts. » Ceinture ?

N° 14. – « Quantité de boudines, toutes pignolées, en façon de fers à chevaux »

Bracelets renflés, dits sangsues ?

N° 15. « Six ou sept grands claviers, dont pas deux pareils. »

Fibules ? Le clavier est, en Vendée, une pièce d'orfèvrerie de forme ronde, avec ardillon ou barre, qui scrt d'attache au velours portant la croix, suspendue au cou des femmes de la campagne.

N°16. « Quantité de petits torsis en bobines. »

Le musée de Saint-Germain possède plusieurs de ces torsis venant d'Alsace. Un autre, de même provenance, fait partie de ma collection. Ce sont de gros fils d'or, d'abord pliés en deux, puis roulés en spirales. Leur poids, comme celui des lingots, décrits au n° 1 est proportionnel. C'étaient, par conséquent, des monnaies de compte des valeurs, utilisables au besoin pour faire des bijoux ou des amulettes.

N° 17. « Une planchette carrée, remplie d'images et d'écritures, avec des chaînes aux quatre coins. »

Quels regrets ne doit pas inspirer la perte de cette précieuse pièce Elle était, à n'en pas douter, un ornement pectoral, du genre de celui que le grand-prêtre des israélites portait, dans les cérémonies d'apparat, sauf la différence des pays et des rites. « Les images et les écritures, » dont la planchette d'or de Nesmy était couverte, nous apporteraient, si elle existait en nature, des révélations du plus haut intérêt.

N° 18. « Un petit bâton en verre ou pierre verde, arec un quartier de lune au bout. »

Je reconnaîtrais dans ce singulier objet un spectre de jade, matière rare qu'on n'avait pas besoin, comme on l'a cru, dit et imprimé, d'aller chercher à l'extrémité de l'Orient, ni même dans les Alpes, pour se la procurer en Bas-Poitou. Je possède, en effet, plusieurs haches de jade, recueillies entre la Loire et le Lay, et des échantillons de cette matière, à l'état brut, viennent du pays de Rais, particulièrement de Préfaille.

Il est bon de rapprocher ce bâton, terminé par « un quartier de lune, » du croissant de grès trouvé d'Ebersberg canton de Zurich. (Matériaux, 1875, p. 249.)

N° 19. « Un cercle plat, large de deux doigts, couvert de ronds engravés et de trous, avec crochet à un bout et une prise à l'autre. »

M. Henri Martin croit reconnaître ici un bandeau, du genre de ceux conservés au musée de Dublin, et recueillis en Irlande.

N° 20. « Une cuillère ronde aMc manche plat et le bout tortillé. »

Une pièce d'argent de même nature a été trouvée, en avril 1853, aux environs de Chatelaillon (Charente-Inférieure). Elle pesait plus de 400 grammes et portait l'inscription : M. CAEP. V. S. sur le manche. Elle paraissait dater du second siècle, et être, par conséquent, d'une époque bien postérieure aux objets dont se composait te trésor de Nesmy mais le type devait être presque identique.

Dans son Mémoire sur l'ancienne configuration du littoral bas-poitevin (Niort, Clouzot, 1876, in-8°), l'abbé Ch. L. Joussemet, ancien curé de l'Ile-d'Yeu, parle, p. 7, d'une autre cuillère d'argent du même genre, provenant aussi d'un sacellim gallo-romain, et découverte à Arthon, dans le pays de Rais.

Pour ce qui est de la cachette où le trésor était enfermé, sa forme est, aussi elle, caractéristique. On eut dit une petite chambre sépulcrale, analogue à celle des dolmens, qui avait évidemment servi de modèle. Ce devait être un type consacré.

Je n'ai pas besoin d'insister davantage, mon cher Quicherat, sur l'importance de cette magnifique trouvaille, composée, ainsi que vous le voyez, de pièces ayant servi à des usages différents, et, plus certainement encore, d'âges divers. Les unes avaient une destination religieuse quelques autres se rattachaient à la vie politique et guerrière de la peuplade à laquelle appartenait ce trésor.

Les enseignes sacrées, les Immobiles, qui ne sortaient que dans les dangers nationaux extrêmes, reposaient à côté des insignes du sacerdoce. Le surplus était formé d'ex-voto d'offrandes, de dépouilles de vaincus.

Pour ce qui était des lingots et des bobines en fils d'or, décrits sous les numéros 1 et 16, ce devait être une sorte de réserve en cas de besoin

Il est à remarquer aussi qu'aucune arme proprement dite ne se trouvait là car je ne considère pas comme telle la hache d'or à deux tranchants, qui était plutôt un emblème de puissance. Abordons maintenant la question de la date du dépôt des objets dans leur cachette.

M. Benjamin Fillon explique ensuite pourquoi il est persuadé que ce trésor fut celui d'un petit peuple, celui des Arbatiliates dont l'autonomie avait été détruite par les Pictons avant la conquête romaine. Il aurait été enfoui au moment de ces malheurs, gardé dans le sanctuaire mystérieux, en prévision d'éventualités favorables à un affranchissement, toujours rêvé et jamais accompli.

Ce secret se serait perdu plus tard, par suite de la mort de ceux qui étaient chargés de le conserver.

Matériaux pour l'histoire primitive et naturelle de l'homme : revue mensuelle illustrée dirigée par M. Émile Cartailhac avec le concours de MM. P. Cazalis de Fondouce et Chantre

 

 

 

 

Gaule - Cartes Voies Romaines <==

L’existence d’une ville portant le nom d’Herbauges, d’Herbadilla, d’Herbadille est-elle constatée ? <==

La voie romaine de Limonum (Poitiers) à Cœsarodunum, la bataille de Charles Martel 732<==

Les trois pagi de Mauges, Tiffauges, Herbauge - Délimitation du Pays des Mauges avant le XIe Siècle (carte)<==

1218 Charte de Savary de Mauléon, prince et seigneur de Talmont, avant de partir en croisade  <==

Verrerie dans la forêt de la Roche-sur-Yon. Charte du roi René d’Anjou, du 9 novembre 1456 <==

Ce fut dans un conseil de guerre, tenu à Nesmy le 23, que Charette fit décider l’attaque de Saint-Cyr, défendu par deux cents hommes de la 157e demi-brigade. <==

 

 

 

 


(1) Cartulaire de l'abbaye de Sainte-Croix de Talmoud, charte XII.

(2). B. Fillon.

(3). M. Peifier : Légende territoriale de la France.

(4). Cartulaire de Sainte-Croix, charte CCLXXXVI, circa 1130,

(5). M. l'abbé Rousseau, aumônier du Lycée : Saint Lienne et son prieuré.

(6). F. Int. 13762.

(7). Le texte en a été copie par Dom Chamard à la Bibliothèque nationale.

(8). Saint Benoist, le chorévêque qui mourut à Aizenay.

(9). Bolland, Act. S. S. t. 1er, Martii, p. 757.

(10). Dom Chamard, Hist. eccles. du Poitou, p. 397.

(11). Un enfant, saint Domnin d'Avrillé, faisait partie des 40 jeunes gens.

(12). M. F. Baudry : Revue du Ban-Poitou, 7, année, n° 2 et 3.

(13). Voir la période celtique, au mot puech, puiq.

(14). Voir le compte rendu de l'exploration de ce souterrain dans le Petit Poitevin, n° du 28 août 1901 : Le souterrain de Pé-Doré, par E. Bocquier.

(15). « Constanlinus Bérihot donauit S. Cruci unam borderiam terre in silva Tabulata- » (Cartulaire de Talmond, charte XVII : De Talmlato, vers 1078),

(16). Coutume du Poitou, art. XCIX.

(17). Registres municipaux d'Aubigny.

(18). Il s'agit ici d'un Rainaud, surnommé Meschin, fils de Gollred, qui lit don à l'abbaye de Sainte-Croix de l'église Saint-Martin de la Jonchére, on même temps qu'Engibaud Buzan faisait don de celle de Chaillé.

(19). L'abbé Alexandre (de 1092 environ à 1113 au plus tard), « homme d'un zèle fervent et éclairé, » se distingua par sa ferme et habile administration.

(20). «  Anno 1101, dux Aquitanie Guillelmus cum multis aliis Hierosolymam perrexit. » (Chron. Gauf. de Vosias).

(21). Dans la commune, il y a un champ dit de Buzenet (section D, n° 705)

(22). Charte VII. — De Naismulio.

(23). Charte XII. — De Naismilio.

(24). Mort en 1302.

(25). Ce manuscrit, qui contient les procès-verbaux des visites diocésaines faites, en 1533-34, par Pierre Marchant, se trouve aux Archives de la Bibliothèque publique de Luçon.

(26). En 1790, le fief des Bocholas relevait encore des Fontenelles qui y percevaient un droit de terrage de 3 livres.

(27). Théobaldus Freluns, Thalemundensis miles. Thibaud Freslon était seigneur de Champ-Saint-Père, près duquel se trouve d'ailleurs la Motte-Freslon. (Charte du Monastère de Notre-Dame de Luçon, 1225.)

(28). Droit de bûche de Talmond sur le bois de la Buflaie.

(29). Droits des seigneurs haut-justiciers de Nesmy d'établir dans leurs seigneuries un prévost fermier pour recevoir les acquêts, coutumes, péages et autres redevances perçues sur les marchandises et denrées.

(30). Terragium vel gerbagium, droit de gerbe perçu sur le fief Bocholas.

(31). Droit perçu sur les meuniers.

(32). Renseignements communiqués par M. H, Arrivé, de Chaillé.

(33) Aimery Charruyau ; c'est ce forban qui avait doté un autel de l'église de Champ-Saint-Père : « Capellania in ecclesia de Campo Sancti Pétri ad altare B. Blaisii, fundala per Aymericum Charruya, valetum, valem 10 lib. », dit le Pouillé latin tiré du Livre Rouge, Copia Libri rubei. Nous avons déjà mentionné Charruias de Nesmy (1228),

(34). Les statères, frappés chez les Pictons durant la dernière période de l'indépendance gauloise, sont en electrum, mélange d'or et de cuivre, ceux contemporains de la conquête ne contiennent même plua qu'une faible portion d'or, ce qui indique un appauvrissement, occasionné par les guerres intestines et l'invasion étrangère. Cent années auparavant ils étaient d'or assez pur.

 

 

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